COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 05 JUILLET 2023
N° 2023/ 312
N° RG 22/02246
N° Portalis DBVB-V-B7G-BI3SH
[G] [C] épouse [D]
[E] [D]
C/
S.A.S. ISOWATT
S.A. COFIDIS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Katia VILLEVIEILLE
Me Martine DESOMBRE
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de FREJUS en date du 13 Janvier 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 1119000859.
APPELANTS
Madame [G] [C] épouse [D]
née le 06 Mars 1959 à [Localité 4] (BELGIQUE), demeurant [Adresse 2]
Monsieur [E] [D]
né le 29 Mai 1957 à [Localité 5] (SERBIE), demeurant [Adresse 2]
représentés par Me Katia VILLEVIEILLE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Paul GUEDJ, membre de la SCP COHEN GUEDJ – MONTERO – DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
S.A.S. ISOWATT
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Martine DESOMBRE, membre de la SCP MARTINE DESOMBRE & JULIEN DESOMBRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et plaidant par Me Morgane LUSSIANA, avocat au barreau de LYON
S.A. COFIDIS
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 6]
représentée par Me Joseph MAGNAN, membre de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2023.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Le 11 septembre 2017, les époux [E] [D] et [G] [C] ont conclu avec la société ISOWATT un contrat portant sur la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques sur la toiture de leur maison située aux [Localité 3], destinés à une production d’électricité en vue d’une autoconsommation et d’une revente du surplus à EDF, moyennant le prix de 34.500 euros TTC entièrement financé par un crédit affecté souscrit auprès de la société COFIDIS.
Le 28 septembre 2017, les clients ont signé une attestation de livraison et d’installation, une attestation de mise en service contenant demande de financement, et une autorisation de prélèvement sur leur compte bancaire.
Cependant les époux [D] se sont plaints de dysfonctionnements de l’installation dès le 26 octobre 2017, et un protocole transactionnel a été conclu le 9 novembre 2017, aux termes duquel la société ISOWATT s’est engagée à fournir et installer gratuitement 10 panneaux supplémentaires, en contrepartie de l’ordre de déblocage des fonds donné au prêteur et de la renonciation à tout recours de la part des clients.
Cette nouvelle prestation a été réalisée par le vendeur le 23 février 2028, mais les époux [D] ont continué à se plaindre par la suite de nouveaux désordres. Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 mars 2018, ils ont entendu dénoncer le protocole susdit.
Le 17 avril 2018, la société ISOWATT a procédé au remplacement d’un onduleur dans le cadre de la garantie.
Le 9 juillet 2018, les époux [D] ont requis un huissier de justice afin de procéder à toutes constatations utiles.
Par actes d’huissier délivrés les 29 juillet et 8 août 2019, ils ont assigné les sociétés ISOWATT et COFIDIS à comparaître devant le tribunal d’instance de Fréjus afin d’entendre principalement :
– prononcer la résolution du protocole d’accord transactionnel en raison de son exécution défectueuse par le vendeur,
– prononcer la nullité du contrat de vente en raison des irrégularités du bon de commande et des manoeuvres dolosives employées par la société ISOWATT, ou à défaut sa résolution,
– prononcer par voie de conséquence l’annulation ou la résolution du contrat de crédit affecté,
– ordonner la remise des lieux en leur état antérieur, et notamment la remise en état de la toiture endommagée lors de la pose des panneaux,
– priver la société de crédit de sa créance en restitution du capital emprunté, et la condamner en revanche à leur rembourser l’ensemble des prélèvements opérés sur leur compte.
Suivant ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2019, ils ont obtenu la suspension de l’exécution du contrat de crédit dans l’attente de l’issue de la procédure, en application de l’article L 312-55 du code de la consommation.
Les défendeurs ont opposé une fin de non recevoir tirée de la transaction, et conclu subsidiairement au rejet de l’ensemble des prétentions adverses.
Aux termes d’un jugement rendu le 13 janvier 2022 la juridiction saisie, devenue le tribunal de proximité de Fréjus, a considéré d’une part que les termes du protocole transactionnel n’avaient pas été respectés par la société ISOWATT de sorte que celui-ci ne pouvait être opposé aux demandeurs, mais a débouté au fond les époux [D] de l’ensemble de leurs prétentions et les a condamnés à reprendre l’exécution du contrat de prêt.
Les époux [D] ont interjeté appel de cette décision par déclaration adressée le 15 février 2022 au greffe de la cour.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions récapitulatives notifiées le 11 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet de leurs moyens, les époux [D] font principalement valoir :
– que le protocole d’accord transactionnel prévoyait la pose de panneaux supplémentaires dans un délai de 30 jours, soit avant le 9 décembre 2017, alors que celle-ci n’est intervenue que le 23 février 2018 et que l’installation a continué à dysfonctionner par la suite,
– que le bon de commande n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public du code de la consommation, en ce qu’il ne précise pas suffisamment les caractéristiques essentielles de l’installation, le prix unitaire de chaque élément, le coût de la main d’oeuvre ainsi que les délais de livraison et de mise en service, et que le bordereau de rétractation n’est pas aisément détachable,
– que leur consentement a été obtenu par suite de manoeuvres dolosives, sur la foi d’un document annexé au contrat leur garantissant une production d’électricité qui n’a jamais pu être atteinte,
– qu’en définitive l’investissement réalisé ne présente pour eux aucun intérêt économique et s’avère au contraire désavantageux,
– que l’installation ne fonctionne toujours pas de manière satisfaisante, dès lors que le système de commande domotique n’a pas été paramétré et s’avère inutilisable,
– et que leur toiture a été endommagée lors de la pose des panneaux.
Ils soutiennent d’autre part que la société COFIDIS a commis une faute en débloquant le montant du prêt sans s’assurer de l’exécution complète des prestations du vendeur, de sorte qu’elle doit être privée de sa créance en restitution du capital.
Ils demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
– de prononcer la résolution judiciaire du protocole d’accord transactionnel,
– au principal, de prononcer la nullité du contrat de vente, et par suite celle du contrat de crédit, de condamner la société COFIDIS à leur restituer la somme de 5.168,20 euros au titre des prélèvements opérés sur leur compte, et d’ordonner sous astreinte à la société ISOWATT de procéder à la dépose de l’installation à ses frais ainsi qu’à la remise en état de la toiture endommagée,
– à titre subsidiaire, de condamner la société ISOWATT à les relever et garantir de toutes sommes dues en exécution du contrat de crédit, et de lui ordonner sous astreinte de faire fonctionner le système domotique SOLAR EDGE permettant la régulation du chauffage,
– à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société ISOWATT à leur payer la somme de 46.497,18 euros à titre de dommages-intérêts, correspondant au coût total du crédit, ou à défaut celle de 49.414 euros au titre de la perte de production d’électricité contractuellement garantie,
– en tout état de cause, de condamner la société ISOWATT à leur payer la somme de 11.500 euros au titre du coût de remplacement des tuiles cassées,
– et de condamner enfin solidairement les intimés aux entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 4 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la société ISOWATT demande principalement à la cour de réformer le jugement entrepris et de déclarer irrecevable l’action des époux [D] en raison de la transaction conclue le 9 novembre 2017, considérant que les obligations qu’elle avait souscrites dans cet acte ont été honorées, quand bien même leur réalisation a été légèrement différée.
À défaut, elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté au fond l’ensemble des prétentions des acquéreurs, faisant valoir à cette fin :
– que le bon de commande est parfaitement conforme aux exigences du code de la consommation, et qu’en toute hypothèse l’exécution du contrat a couvert les irrégularités éventuelles,
– que le document intitulé ‘tarif ISOWATT au 1er décembre 2016″ ne faisait pas partie du contrat, et ne matérialisait aucune garantie de rendement, l’article 10 des conditions générales de vente stipulant expressément le contraire,
– que l’installation a été effectivement raccordée et mise en service le 30 novembre 2017, date à compter de laquelle les clients ont pu commencer à produire leur électricité,
– qu’elle est ensuite intervenue au titre du service après-vente, et que l’installation fonctionne désormais normalement, aucune preuve de la défaillance du système domotique n’étant rapportée,
– que les dommages subis par la toiture sont uniquement imputables à sa vétusté,
– que les acquéreurs ne sont pas recevables à rechercher sa garantie au titre des obligations du contrat de crédit, et que la demande similaire formée par le prêteur sur le fondement de l’article L 312-56 du code de la consommation doit être rejetée en l’absence de commission d’une faute.
Elle réclame accessoirement paiement d’une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 3.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
Par conclusions notifiées le 12 juillet 2022, auxquelles il est également renvoyé, la société COFIDIS sollicite principalement la confirmation du jugement déféré par adoption de ses motifs.
Subsidiairement, pour le cas où la cour viendrait à annuler les contrats ou à prononcer leur résolution, elle poursuit la condamnation des époux [D] à lui restituer le capital emprunté, soit 34.500 euros, déduction faite des prélèvements déjà effectués, faisant valoir qu’aucune faute ne peut lui être imputée dans le cadre de l’exécution du prêt, et qu’en toute hypothèse les appelants ne démontrent pas l’existence d’un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice invoqué.
À titre infiniment subsidiaire, pour le cas où cette demande serait rejetée, elle entend alors être garantie par la société ISOWATT en application de l’article 6 de la convention-cadre qui les lie, ou à défaut sur un fondement délictuel, ou encore sur celui de l’enrichissement sans cause, à concurrence de la totalité du coût du crédit, soit 46.497,18 euros, ou a minima du capital emprunté.
En tout état de cause, elle réclame paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 avril 2023.
DISCUSSION
Sur la demande de résolution du protocole d’accord transactionnel :
Suivant l’exposé préalable contenu dans le protocole, les époux [D] demandaient à la société ISOWATT un ‘geste commercial’ pour compenser principalement le fait que le rendement de l’installation ne correspondait pas à celui qu’ils attendaient, et accessoirement en raison d’un défaut esthétique du fait d’un défaut d’alignement des panneaux.
La société ISOWATT s’est ainsi engagée à installer gratuitement 10 panneaux photovoltaïques supplémentaires, sous réserve que ses clients donnent leur accord à COFIDIS pour le déblocage du crédit. Il était stipulé que l’installation du matériel devrait être programmée sous 30 jours. En contrepartie les époux [D] renonçaient irrévocablement à toute action contre le vendeur.
Au soutien de leur demande en résolution, les appelants font valoir que la pose des panneaux supplémentaires n’est intervenue que le 23 février 2018, soit au delà du délai imparti, et que l’installation a continué à dysfonctionner par la suite.
Il convient toutefois de relever que :
– la date du protocole est celle apposée par la société ISOWATT lors de sa transmission aux clients, lesquels n’ont pas daté en revanche leur acceptation, de sorte que la computation du délai d’exécution des travaux est incertaine,
– Monsieur [E] [D] a confirmé par écrit le rendez-vous pris le 30 janvier 2018 avec un technicien en vue de l’installation des 10 panneaux programmée le 23 février suivant,
– et Madame [G] [D] a signé sans réserve le 23 février 2018 un bon d’accord de fin de travaux.
Il apparaît ainsi que les acquéreurs ont accepté l’exécution de la prestation promise par le vendeur malgré un léger différé, de sorte qu’ils ne peuvent désormais invoquer ce retard pour poursuivre la résolution judiciaire de la transaction. En outre, une telle inexécution ne présente pas une gravité suffisante au sens de l’article 1224 du code civil.
D’autre part, si les dysfonctionnements ayant affecté l’installation postérieurement au 23 février 2018 peuvent fonder une nouvelle réclamation, ils ne constituent pas en revanche un motif de résolution du protocole.
Sur les effets attachés à la transaction :
Le premier de ces effets consiste dans une confirmation du contrat au sens de l’article 1181 du code civil, de sorte que les époux [D] ne sont plus recevables à invoquer les nullités relatives pouvant éventuellement l’affecter, non plus que l’existence de manoeuvres dolosives.
Le second, découlant de l’article 2052 du même code, fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet, seule étant désormais recevable une réclamation fondée sur des faits postérieurs.
Il résulte des pièces produites aux débats que le 6 mars 2018 les époux [D] se sont plaints par écrit du défaut de fonctionnement des nouveaux panneaux, à la suite de quoi la société ISOWATT a dépêché le 22 mars un technicien qui a préconisé le remplacement de l’onduleur dans le cadre de la garantie, cette intervention ayant été effectuée le 17 avril 2018 suivant bon d’accord de fin de travaux. Cette panne momentanée ne justifie pas cependant à elle seule de faire droit aux demandes formulées par les appelants.
Le procès-verbal de constat dressé le 9 juillet 2018 par Maître [Y] [K], huissier de justice, ne démontre pas en revanche que l’installation aurait continué à dysfonctionner par la suite, le relevé du compteur SOLAR EDGE faisant au contraire apparaître une production totale d’électricité de 23,4 Mwh au 22 août 2019, et aucune défaillance du système domotique n’est davantage établie.
Il apparaît enfin que, selon les propos des requérants retranscrits par l’huissier, les dommages à la toiture décrits dans ce même constat préexistaient à l’installation du 23 février 2018, de sorte qu’ils doivent être réputés inclus dans l’objet de la transaction.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Rejette la demande aux fins de résolution du protocole d’accord transactionnel,
Déclare irrecevables les demandes des époux [D] fondées sur des actes ou des faits antérieurs à la transaction, et rejette celles fondées sur des faits postérieurs,
Condamne les époux [D] à reprendre l’exécution du contrat de crédit,
Déboute la société ISOWATT de sa demande en dommages-intérêts,
Condamne les époux [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT