COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 18/02385 – N° Portalis DBVP-V-B7C-ENHG
Jugement du 13 Décembre 2017
Tribunal de Commerce d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 17/004916
ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2023
APPELANTE :
SARL CABINET GLACIS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Thierry BOISNARD substitué par Me Sophie BEUCHER de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 13700807
INTIME :
Monsieur [Z] [F]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Patrice HUGEL de la SELARL PATRICE HUGEL AVOCAT, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 170010
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 02 Mai 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, conseillère
M. BENMIMOUNE, conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 12 septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société Cabinet Glacis exerce une activité d’architecture d’intérieur.
M. [F] qui exploite un fonds de commerce de produits pharmaceutiques a souhaité entreprendre d’importants travaux de rénovation de son local de 160 m² situé, [Adresse 2], à [Localité 4] (35).
Selon contrat de mission de marché privé du 29 mars 2016, M. [F] a confié, pour le local précité, une mission de maîtrise d’oeuvre à la SARL Cabinet Glacis, portant sur ‘la conception, la mise en design, l’agencement, l’aménagement et le suivi de travaux jusqu’à réception’ de l’officine, avec l’objet suivant : ‘esquisse, avant projet sommaire, avant projet détaillé, projet de conception générale, dossier de consultation des entreprises, assistance aux marchés de travaux, direction de l’exécution des contrats de travaux, assistance aux opérations de réceptions des travaux, réception et décompte des travaux, réception des travaux exécutés.’
L’article 7 ‘honoraires’de ce contrat prévoyait, s’agissant du mode de rémunération, ‘une base fixe’, une ‘mission globale sans option sur le RDC 158 701,97 euros HT soit 190 442,36 euros TTC’, somme que la SARL Cabinet Glacis prétend correspondre au montant de ses honoraires, et une ‘TVA 20%’, ainsi qu’une option : ‘espace étage structurel + escalier 800 euros HT/86 m² = 68 800 euros HT soit 82 560 euros TTC’.
Le budget des travaux était ainsi contractuellement fixé à 227 501,97 euros (273 002,36 euros TTC), avec règlement de 30% au démarrage de mission, de 50% au milieu du chantier, et de 20% à la réception, réserves levées.
Une durée de travaux de huit semaines était contractuellement planifiée, en vertu de l’article 6 dudit contrat.
Les parties se sont accordées sur un report de la date de réception des travaux au 15 septembre 2016.
Suivant procès-verbal de réception de travaux du 15 septembre 2016, le maître d’ouvrage a déclaré que la réception était prononcée avec les réserves suivantes : ‘tablettes local prépa R + 1, rehaussement bureau RDC à 1m, changement des îlots de 15cm à 20cm entre les étagères, RDC bien fixe les 2 tiroirs’, ‘manque de lumière au dessus de la zone clientèle’, ‘un cache était prévu sur la vitrine du local orthopédie’, ‘écrasement au niveau des IPN’, ‘la porte vers le studio ne ferme plus’, ‘manque plaquo au niveau porte du studio’, ‘manque connexion pour les écrans TV en front office’. Les parties convenaient que les travaux nécessités par les réserves seraient exécutés dans un délai d’un mois à compter du 15 septembre 2016.
La SARL Cabinet Glacis s’est prévalue de ce que M. [F] restait lui devoir une somme de 4 598,36 euros sur le montant global des travaux et de ce que, le 12 mai 2016, en cours de travaux, suivant devis qu’elle lui avait soumis et accepté, M. [F] avait commandé à la société Attitud un élévateur, la prestation comprenant la main d’oeuvre pour étude, préparation et installation, et étant facturée le 4 juillet 2016 pour un montant de 15 260,66 euros HT (16100 euros TTC) ; de ce qu’elle a fait l’avance de cette facture, et de ce que le matériel en question a été installé et réceptionné sans réserve, selon procès-verbal de réception du 10 septembre 2016 ; de ce que M. [F] ne lui a pas remboursé le montant de cette facture en dépit de ses demandes.
De son côté, début janvier 2017, M. [F] a constaté que toutes les réserves sus-mentionnées n’avaient pas été levées et s’est prévalu de l’existence de malfaçons et de désordres sur les deux niveaux de sa pharmacie.
Le 23 mars 2017, la société Cabinet Glacis a fait assigner M. [F] devant le tribunal de commerce d’Angers en paiement des deux sommes précitées, après l’avoir vainement mis en demeure par lettre recommandée de son conseil du 3 février 2017.
En cours de procédure, M. [F] a pris attache auprès de M. [B] [T], économiste de la construction, qui a établi, le 12 avril 2017, en suite d’une réunion en la seule présence de M. [F], un rapport de constatations au terme duquel il a conclu à une réalisation des travaux ‘au mépris des règles de l’art’, à l’absence de respect de normes ou de référentiels techniques, au fait que ce manquement grave entraînait des ‘situations inquiétantes’ pour M. [F] (‘absence d’isolation thermique’ allant obligatoirement engendrer ‘une surconsommation de chauffage et d’électricité ainsi qu’une gêne pour la clientèle et son personnel’, ‘absence d’isolation phonique, en particulier dans le bureau de confidentialité’ le mettant en difficulté avec ses clients, ‘absence et non respect des normes handicapés, sur certaines zones’, allant entraîner le ‘déclassement de l’établissement’).
Toujours en cours de procédure, et parallèlement, selon ordonnance du 25 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de commerce d’Angers, saisi par M. [F] selon assignation en référé du 2 juin 2017 délivrée à la SARL Cabinet Glacis, a ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. [G] [H].
En l’état de ses dernières écritures, au fond, devant le tribunal, alors que les opérations d’expertise judiciaire ordonnées ont commencé ultérieurement, la SARL Cabinet Glacis lui a demandé de :
– la dire et juger recevable et bien fondée en son action,
– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [F] à lui régler la somme de 16 100 euros TTC à titre de remboursement de la facture Attitud,
– condamner M. [F] à lui régler la somme de 4 602,18 euros TTC au titre du solde des factures outre les intérêts au taux conventionnel.
En défense, M. [F] a sollicité, à titre liminaire, le prononcé d’un sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport de l’expertise judiciaire ; à titre principal, le rejet pur et simple de l’ensemble des demandes, fins et prétentions adverses ; à titre reconventionnel, qu’il soit fait sommation à la demanderesse d’avoir à communiquer ses conditions particulières et générales d’assurance responsabilité civile décennale sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir.
Par jugement du 13 décembre 2017, avant que l’expert judiciaire n’ait déposé son rapport définitif, le tribunal de commerce d’Angers a :
– dit irrecevable le cabinet Glacis et non fondé en son action,
– ordonné le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire,
– rejeté toutes autres demandes des parties, fins et prétentions,
– réservé les dépens et dit qu’il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’état de la procédure.
M. [H], qui a organisé deux réunions d’expertise les 18 septembre 2017 et 28 mai 2018, a déposé son rapport définitif le 25 juillet 2018.
Aux termes de son rapport, l’expert judiciaire a constaté au début de ses opérations l’existence de plusieurs désordres relatifs à la ‘porte du logement’ (coinçant à l’ouverture et à la fermeture), aux ‘peintures et rampants’ (rampant à repeindre, rampe à refixer), à une ‘absence d’isolation thermique sur les murs’, à un ‘manque d’étanchéité à l’air’ (concernant la pose de la porte et du rideau, nécessité de caissonner le rideau métallique au dessus de la porte), à ‘l’accès aux personnes à mobilité réduite’ (accès de la rue avec nécessité d’adapter le trottoir pour une pente acceptable, accès aux WC), à l »aménagement’ (meubles présentant des défauts), à l »insonorisation du bureau de confidentialité’, et à divers points (‘zone sombre espace client’, ‘horizontalité du sol’, ‘tâches d’humidité au plafond’, ‘éclairage sous rampants’).
S’agissant de l’importance des désordres, de leur date d’apparition, de la cause des désordres, M. [H] a conclu que : ‘les défauts constatés sont liés à la conception ou à la réalisation des travaux et datent de l’origine’.
Il a constaté que les travaux réalisés en cours d’expertise, début 2018, ‘ont réglé l’essentiel des problèmes.’
L’expert judiciaire a détaillé les travaux restant à accomplir, en précisant que ‘les finitions actuellement nécessaires… seront prises en charge par Glacis : re-plaquage du coin du comptoir et changement de la poignée des WC’, que ‘pour ce qui concerne la pose nécessaire de radiateurs dans la zone de préparation, il n’a pas été déterminé de manière claire pourquoi ceux-ci ont été supprimés du CCTP ; que Glacis a proposé de les installer gratuitement si un accord était trouvé’ ; que ‘pour ce qui concerne l’élévateur, et à la lumière des documents fournis par Attitud, la pharmacie a passé commande et la facture est adressée à la pharmacie… cette prestation semble donc en dehors du marché du cabinet Glacis de la même manière que le robot et la porte d’entrée.’
S’agissant des comptes entre les parties, l’expert judiciaire a conclu que ‘compte tenu de l’avancement des travaux explicités dans le CCTP, et mis à part la poignée des WC et le coin du comptoir, les travaux peuvent être considérés comme terminés’, et qu’il restait trois points à débattre, à savoir :
– ‘insonorisation zone de confidentialité : faute de spécifications particulières de la part de la pharmacie, l’expert considère que l’insonorisation est acceptable en admettant toutefois que le WC étant mitoyen du bureau, les bruits parasites peuvent éventuellement être perçus par un patient qui reçoit un soin dans le bureau. L’amélioration de l’insonorisation entre les WC et le bureau pourra faire l’objet d’un renforcement dans le cadre d’une proposition de Glacis à la pharmacie’;
– ‘chauffage de l’arrière boutique : la fourniture des radiateurs n’est pas indiquée dans le CCTP dernière version. Le doublage du mur de l’arrière boutique n’a pas fait l’objet de modification dans le cadre de la rénovation. L’expert ne dispose pas d’élément factuel lui permettant d’indiquer au tribunal si cela est le fruit d’un oubli de Glacis ou d’une demande de la pharmacie [F]. Afin de mettre un terme au désaccord sur ce point, Glacis s’est engagé à faire le nécessaire pour installer gratuitement deux radiateurs électriques dans la zone froide en contrepartie du paiement du solde de 4 902 euros…’ ;
– ‘paiement du monte-charge : après réception des documents fournis par Attitud…, il apparaît que le devis et la réception ont été signés par la pharmacie [F]. La facture est adressée à la pharmacie [F]. Le paiement a été réalisé par Glacis’;
L’expert judiciaire a ajouté qu’il peut admettre ‘que des mises au point sur des fournitures spécifiques (meubles) soient inévitables mais la réaction de Glacis et de ses contractants pour corriger les défauts a été lente. La pharmacie [F] revendique donc un préjudice lié au temps perdu (… )L’expert valide un préjudice possible pour le temps perdu de 2.151 euros TTC.’
Il a, en définitive, suggéré le compte suivant entre les parties :
– ‘la pharmacie [F] rembourse le montant de l’élévateur de 16.100 euros TTC avancé par le cabinet Glacis,
– la pharmacie [F] verse le reste à payer de 4.902 euros,
– Glacis change la poignée de porte des WC (100 euros) et refait l’angle du comptoir (garantie fournisseur estimée à 200 euros)’,
– ‘le tribunal statuera sur : – le préjudice de la pharmacie [F] (temps perdu estimé à 2.151 euros), – la fourniture et la pose des deux radiateurs électriques par Glacis (500 euros).’
Par déclaration du 28 novembre 2018 (procédure d’appel enrôlée sous le n°RG 18/02385), la société Cabinet Glacis a interjeté appel du jugement du 13 décembre 2017 du tribunal de commerce d’Angers, en ce qu’il l’a dit irrecevable et non fondé en son action, et en ce qu’il a rejeté toutes autres demandes des parties, fins et prétentions ; intimant M. [F].
Selon ordonnance du 21 février 2019, le magistrat chargé de la mise en état de la cour d’appel d’Angers a ordonné une médiation, désignant le Centre Anjou Maine Médiation et Arbitrage Maison de l’Avocat (CAMMA) à cet effet.
Par lettre déposée le 9 avril 2019, le mandataire désigné par le CAMMA a informé la cour que la médiation n’avait pas abouti.
Parallèlement à cette procédure d’appel, l’affaire devant le tribunal de commerce d’Angers a été plaidée à l’audience publique du 11 décembre 2019.
En l’état de ses dernières conclusions devant le tribunal, la société Cabinet Glacis a demandé à ladite juridiction de :
– condamner M. [F] à lui régler la somme de 16 100 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance de la facture à titre de remboursement de la facture Attitud,
– condamner M. [F] à lui régler la somme de 4 602,18 euros TTC au titre du solde des factures outre les intérêts au taux conventionnel à compter de la date d’échéance,
– débouter M. [F] de ses demandes, fins et conclusions,
En réplique, M. [F] a entendu voir juger la SARL Cabinet Glacis irrecevable et, subsidiairement, mal-fondée en toutes ses demandes fins et conclusions ; et en conséquence, la débouter de l’ensemble de ses demandes. A titre reconventionnel, il a demandé que soit ordonné avant dire droit, à la SARL Cabinet Glacis, de produire, sous astreinte de 50 euros par jour courant à compter du jugement à intervenir, ses conditions particulières et générales d’assurances responsabilité civile décennale et civile souscrites au titre du chantier ouvert au sein de sa pharmacie, de condamner la SARL Cabinet Glacis à la somme de 27 300 euros au titre du préjudice certain tiré du défaut de souscription d’une assurance décennale en qualité d’entreprise générale, de la condamner à lui payer la somme de 6 505 euros tirée du temps perdu par ses soins afin de satisfaire aux reprises des réserves émises lors de la réception de l’ouvrage, de la condamner, sur le fondement de la responsabilité décennale, et subsidiairement contractuelle, aux frais de reprise de l’ouvrage et correspondant aux sommes suivantes : à titre principal sur les préjudices, 5 000 euros HT au titre de l’insonorisation du bureau à parfaire, 7 000 euros HT au titre de la reprise du désordre d’isolation thermique de l’arrière boutique, 57 793 euros au titre de la perte d’exploitation consécutive aux quatre semaines de fermeture de la pharmacie afin d’opérer la reprise des désordres ; à titre subsidiaire sur les préjudices, 5 000 euros HT au titre de l’insonorisation du bureau à parfaire, 1 410,15 euros au titre de la reprise du désordre d’isolation thermique de l’arrière-boutique par la mise en oeuvre de deux chauffages, 57 793 euros euros au titre de la perte d’exploitation consécutive aux quatre semaines de fermeture de la pharmacie afin d’opérer la reprise des désordres : pour mémoire. En tout état de cause, il a entendu voir condamner la société Cabinet Glacis à prendre à sa charge le surcoût de consommation de chauffage supporté par M. [F] en raison du désordre tiré du défaut d’isolation thermique, l’ensemble pour une somme de 10 000 euros souverainement apprécié par le tribunal, ainsi qu’à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise qu’il a avancés pour la somme de 4.463,40 euros et ceux de M. [B] [T], expert amiable et préalable pour une somme de 2.514 euros.
Par jugement du 11 mars 2020, le tribunal de commerce d’Angers a :
– dit que la société Glacis est recevable et bien fondée en son action à l’encontre de M. [F],
– dit que seront retenues en priorité les conclusions de l’expert judiciaire M. [H] qui a procédé à une expertise contradictoire,
– condamné M. [F] à payer à la société Glacis la somme de 16 100 euros TTC avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date d’échéance de la facture à titre de remboursement de la facture Attitud,
– condamné M. [F] à payer au cabinet Glacis la somme de 4 602,18 euros au titre des factures outre les intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance,
– débouté M. [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamné M. [F] à payer à la société Glacis la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [F] aux entiers dépens, y compris les frais de greffe,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 3 juin 2020 (procédure d’appel enrôlée sous le n°RG 20/00653), M. [F] a relevé appel de ce dernier jugement en ce qu’il a dit que la société Glacis est recevable et bien fondée en son action à son encontre, dit que seront retenues en priorité les conclusions de l’expert judiciaire M. [G] [H] qui a procédé à une expertise contradictoire, l’a condamné à payer à la société Glacis la somme de 16 100 euros TTC avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date d’échéance de la facture à titre de remboursement de la facture Attitud, l’a condamné à payer au cabinet Glacis la somme de 4 602,18 euros au titre des factures outre les intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance, l’a débouté de toutes ses demandes, fins et conclusions, l’a condamné à payer à la société Glacis la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, l’a condamné aux entiers dépens, y compris les frais de greffe, a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ; intimant la SARL Cabinet Glacis.
Les parties ont conclu dans le cadre de cette deuxième procédure d’appel n°RG 20/00653.
Par ordonnance du 29 octobre 2020, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel d’Angers a ordonné la jonction des procédures n° RG 20/000653 et 18/02385 sous le n°18/02385.
La société Cabinet Glacis et M. [F] ont conclu depuis.
Une ordonnance du 24 octobre 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Cabinet Glacis demande à la cour de :
– dire et juger M. [F] mal fondé en son appel,
– le débouter de ses demandes, fins et prétentions,
– la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes,
en conséquence,
vu les articles anciens 1134 et 1147 du code civil,
– condamner M. [F] à lui régler la somme de 16 100 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance de la facture à titre de remboursement de la facture Attitud,
– condamner M. [F] à lui régler la somme de 4 602,18 euros TTC au titre du solde des factures outre les intérêts au taux conventionnel à compter de la date d’échéance,
– condamner M. [F] à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter M. [F] de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner M. [F] à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et demandes abusives,
– condamner M. [F] aux entiers dépens lesquels seront recouvrés suivant les modalités de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [F] demande à la cour de :
vu les articles 122, 450, 45, 480, 481 et 564 du code de procédure civile,
vu les articles 1351, 1367 et 1370 du code civil,
vu l’article 9 de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,
vu les articles 1779 et suivants du code civil sinon les articles 1142 et suivants du code civil, dans leur version applicable à l’espèce,
– dire et juger nul, et subsidiairement mal fondé, le jugement du 13 mars 2020 en ce qu’il a dit et jugé recevables et bien fondées les demandes de la société Glacis,
– dire et juger mal fondé le jugement du 13 mars 2020 en ce qu’il a jugé infondées les demandes reconventionnelles qu’il a formulées,
en conséquence,
– infirmer le jugement du 13 mars 2020 en l’ensemble de ses dispositions faisant grief,
et en conséquence, statuant de nouveau,
– débouter la société Glacis de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– dire et juger irrecevable car nouvelle en cause d’appel la demande de la société Glacis visant à obtenir sa condamnation à la somme de 10 000 euros au titre de sa prétendue résistance abusive,
– condamner, au fondement de sa responsabilité décennale, et subsidiairement contractuelle, la société Glacis aux frais de reprise de l’ouvrage et correspondant aux sommes suivantes :
à titre principal sur les préjudices,
* 5 000 euros HT au titre de l’insonorisation du bureau à parfaire,
* 7 000 euros HT au titre de la reprise du désordre d’isolation thermique de l’arrière boutique,
* 57 793 euros au titre de la perte d’exploitation consécutive aux 4 semaines de fermeture de la pharmacie afin d’opérer la reprise des désordres ;
à titre subsidiaire sur les préjudices,
* 5 000 euros HT au titre de l’insonorisation du bureau à parfaire,
* 1 410,15 euros au titre de la reprise du désordre d’isolation thermique de l’arrière-boutique par la mise en oeuvre de deux chauffages,
* 57 793 euros euros au titre de la perte d’exploitation consécutive aux 4 semaines de fermeture de la pharmacie afin d’opérer la reprise des désordres : pour mémoire,
– condamner la société Glacis à supporter le surcoût de consommation de chauffage qu’il a supporté en raison du désordre tiré du défaut d’isolation thermique, l’ensemble pour une somme de 10 000 euros souverainement apprécié par la présente juridiction,
– condamner la société Glacis à lui payer la somme de 6 505 euros tirée du temps perdu par ses soins afin de satisfaire aux reprises des réserves émises lors de la réception de l’ouvrage,
– condamner la société Glacis à la somme de 27 300 euros au titre du préjudice certain tiré du défaut de souscription d’une assurance décennale en qualité d’entreprise générale,
– ordonner que l’ensemble des sommes objet des condamnations à venir porteront intérêt au taux légal à compter du 10 septembre 2019, date de leur première présentation devant justice, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la société Glacis à lui payer la somme de 27 000 euros au titre des frais irrépétibles improprement exposés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Glacis aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire qu’il a avancés pour la somme de 4 463,40 euros et ceux de M. [T], expert amiable et préalable pour une somme totale de 2 514 euros.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
– le 17 mars 2021 pour la société Cabinet Glacis,
– le 10 février 2022 pour M. [F].
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de la société Cabinet Glacis de réformation du jugement du 13 décembre 2017 et sur la demande de M. [F] en nullité du jugement du 13 mars 2020
Le jugement du 13 décembre 2017, constatant qu’une expertise avait été ordonnée, a prononcé un sursis à statuer sur les prétentions de la société Cabinet Glacis à la demande de M. [F], ce qui n’est pas critiqué.
Il a déclaré irrecevables les demandes de la société Cabinet Glacis, ce que le tribunal a rectifié par son second jugement en indiquant que c’était une erreur manifeste.
La société Cabinet Glacis sollicite l’infirmation de ce premier jugement dont elle a relevé appel et demande à la cour de déclarer recevables ses demandes.
M. [F] demande à la cour d’annuler le second jugement en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de la société Cabinet Glacis comme procédant d’un excès de pouvoir des premiers juges qui n’avaient plus le pouvoir de statuer sur ce chef dont ils étaient dessaisis par l’effet du premier jugement, lequel avait autorité de la chose jugée.
La société Cabinet Glacis s’oppose à la demande d’annulation du second jugement en l’absence de cause de nullité telle que prévue à l’article 458 du code de procédure civile, en rappelant la règle selon laquelle il n’y a pas de nullité sans texte, et dès lors que par l’effet de la jonction des deux instances d’appel, il appartient désormais à la cour de statuer sur la recevabilité et sur le bien fondé des prétentions, de sorte que le moyen invoqué n’aurait guère de portée.
Sur ce dernier point, M. [F] réplique que la jonction d’instances ne crée pas une procédure unique, ce dont il déduit qu’il serait inexacte de retenir que la jonction a eu pour effet de régulariser la nullité du jugement du 13 mars 2020.
C’est à tort que le tribunal a déclaré, dans son premier jugement, que les demandes de la société Cabinet Glacis étaient irrecevables alors qu’il ordonnait avant dire droit une expertise et prononçait précisément un sursis à statuer sur ces demandes en attendant le résultat de l’expertise.
Le jugement du 13 décembre 2017 sera infirmé de ce chef et, statuant à nouveau, les demandes présentées en première instance par la société Cabinet Glacis seront déclarées recevables.
Le jugement du 13 mars 2020 ne pouvait pas, sans violer l’autorité de la chose jugée attachée au précédent jugement du 13 décembre 2017, statuer à nouveau sur la recevabilité des mêmes demandes déclarées précédemment irrecevables même s’il s’agissait de rectifier une erreur matérielle l’affectant, alors qu’il avait été frappé d’appel.
Toutefois, la méconnaissance de l’autorité de la chose jugée attachée à une précédente décision ne constitue pas un excès de pouvoir. Elle ne conduit pas à l’annulation du jugement.
Et la demande de réformation du jugement du 13 mars 2020 sur ce seul moyen est sans intérêt du fait de ce que, par l’effet dévolutif des appels interjetés, la cour est saisie de l’entier litige et se doit de statuer sur l’ensemble des demandes.
Sur la demande de condamnation de M. [F] à payer au cabinet Glacis la somme de 4 602,18 euros au titre du solde des factures
En premier lieu, il sera relevé que les parties s’accordent pour dire que la société Cabinet Glacis s’est comportée non pas seulement comme maître d’oeuvre mais également comme entreprise générale ayant, elle-même fait exécuter les travaux par diverses entreprises.
Le prix convenu entre les parties inclut donc le prix des travaux et les honoraires de maîtrise d’oeuvre fixés à 12 590 euros HT.
Il n’est pas contesté que la somme réclamée qui reste due sur le prix fixé au contrat n’a pas été payée par M. [F].
M. [F], pour s’opposer au paiement du solde de ce prix, dont le tribunal a déjà déduit le coût de la poignée de porte et de la réfection du coin du comptoir, seuls éléments réservés qui n’avaient pas été repris, invoque l’exception d’inexécution tenant au retard dans la levée des réserves émises à réception, laquelle n’est finalement intervenue qu’en décembre 2017 à la suite de l’intervention de l’expert judiciaire alors que la société Cabinet glacis s’était engagée à les lever dans le mois de la réception des travaux du 15 septembre 2016.
La société Cabinet Glacis déclare, sans en justifier, que M. [F] aurait refusé l’intervention des artisans et conteste que M. [F] ait pu subir un préjudice découlant du retard dans l’exécution des travaux.
Il sera rappelé qu’ont fait l’objet des réserves, les travaux suivants : ‘tablettes local prépa R + 1, rehaussement bureau RDC à 1m, changement des îlots de 15cm à 20cm entre les étagères, RDC bien fixe les 2 tiroirs’, ‘manque de lumière au dessus de la zone clientèle’, ‘un cache était prévu sur la vitrine du local orthopédie’, ‘écrasement au niveau des IPN’, ‘la porte vers le studio ne ferme plus’, ‘manque plaquo au niveau porte du studio’, ‘manque connexion pour les écrans TV en front office’.
L’expert a, notamment, constaté que les tablettes des présentoirs étaient affectées de défauts dans leur fixation, trop courte, les faisant basculer très facilement si on appuie légèrement sur le bord, que cette instabilité est dommageable pour l’image de la pharmacie et peut entraîner des blessures, en particulier sur des enfants, que les roulettes des meubles de l’espace client sont fixées sur une partie rapportée de la structure qui se désolidarise et que la réaction de la société Cabinet Glacis pour y remédier avait été lente.
M. [F] produit aux débats des photographies montrant des produits éparpillés à terre à la suite de la chute de certaines étagères.
Le retard de plus d’un an mis par la société Cabinet Glacis pour effectuer les travaux ayant fait l’objet de réserves a causé à M. [F] un préjudice de jouissance d’un montant qui est équivalent à la somme qu’il reste devoir.
C’est donc à juste titre que M. [F] fait valoir que la retenue pratiquée par lui doit venir en compensation du préjudice qu’il a supporté au titre du retard constaté dans la reprise des désordres réservés à réception.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de condamnation de M. [F] à payer à la société Glacis la somme de 16 100 euros TTC avec intérêts de retard au taux légal à compter de la date d’échéance de la facture à titre de remboursement de la facture Attitud :
Il est produit une facture établie par la société Attitud portant sur la fourniture et l’installation d’un monte-charge au prix de 16 100 euros TTC.
Il est établi par le cachet et la signature de M. [F] sur le devis présenté par la société Attitud qu’il a accepté ce devis. En outre, il n’a émis aucune protestation ni réserve après l’installation de cet équipement.
Il est constant que la société Cabinet Glacis a payé la facture de la société Attitud entre les mains de celle-ci.
La société Cabinet Glacis expose qu’elle a fait cette avance pour rendre service à M. [F] afin de ne pas lui faire prendre de retard dans les travaux pendant son absence pour congé dans la mesure où l’installation ne pouvait avoir lieu qu’une fois le matériel payé, ce qui ressortiraient des conditions de vente.
Pour obtenir le remboursement de cette facture dont elle a fait l’avance, elle invoque la subrogation conventionnelle prévue à l’article 1250 du code civil, qu’ont retenue les premiers juges, et, subsidiairement, la gestion d’affaires prévue à l’article 1375 du code civil.
Elle estime que la résistance de M. [F] à lui rembourser l’avance faite dans son intérêt est abusive en soulignant qu’il bénéficie du monte-charge depuis 2016 et qu’il lui donne toute satisfaction.
M. [F] s’oppose à cette demande en soutenant qu’aucun des deux fondements invoqués par la société Cabinet Glacis ne peut la justifier. Il souligne que la fourniture du matériel n’était conditionnée qu’au paiement d’un acompte de 30 % à la commande et non pas à la totalité du prix, ajoutant que les conditions générales de vente prévoient que l’installation est facturée dès réception des travaux. Il en déduit que, d’évidence, la société Cabinet Glacis a réglé la facture de la société Attitud en étant persuadée que cette prestation était incluse dans le marché, ce qui ressort des esquisses qu’elle lui avait adressées dès l’origine. Il soutient que la société Cabinet Glacis ne peut se prévaloir de la gestion d’affaire qui suppose que le gérant a accompli pour le compte du maître un ou des actes utiles sans y être lui-même ni légalement ni contractuellement tenu, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Il affirme que si elle a réglé la prestation c’est parce qu’elle y était personnellement tenue, ce qu’elle aurait admis en reconnaissant que ses honoraires ont été fixés pour une mission globale intégrant le prix des prestataires et des artisans. Il observe d’ailleurs que la réclamation de la société Cabinet Glacis à ce titre n’a été faite qu’ensuite des récriminations qu’il a présentées sur la qualité et la réalité des prestations promises.
M. [F] fait valoir à juste titre que les conditions de la subrogation conventionnelle prévue au premier alinéa de l’article 1250 du code civil tenant à ce que la subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement ne sont pas réunies. En effet, la société Attitud n’a pas subrogé la société Cabinet Glacis dans ses droits au moment du paiement qu’elle a reçu d’elle.
En revanche, il ne résulte d’aucun document que cet équipement aurait été prévu dans le marché de travaux, ce qui ne peut résulter du seul fait qu’il apparaisse sur une esquisse. Les affirmations de M. [F] selon lesquelles il aurait été inclus dans le prix du marché sont dénuées de justification. Il sera donc retenu que la société Cabinet Glacis n’était pas tenue contractuellement d’en payer le prix.
Le devis accepté de la société Atitud fait apparaître que la commande de l’élévateur était subordonnée au paiement d’un acompte de 30 % et que le solde du prix était payable à la livraison. Les conditions de vente figurant au dos de la facture indiquent que l’installation sera facturée dès réception des travaux et que le paiement est exigible immédiatement.
Aux termes du 1er alinéa de l’article 1372 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, lorsque volontairement on gère l’affaire d’autrui, soit que le propriétaire connaisse la gestion, soit qu’il l’ignore, celui qui gère contracte l’engagement tacite de continuer la gestion qu’il a commencée, et de l’achever jusqu’à ce que le propriétaire soit en état d’y pourvoir lui-même ; il doit se charger également de toutes les dépendances de cette même affaire.
Aux termes de l’article 1375, ancien du code civil, le maître d’oeuvre dont l’affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l’indemniser de tous les engagements personnels qu’il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites.
Ainsi, en prenant l’initiative, en raison de l’absence pour congé de M. [F], de demander la livraison de l’élévateur choisi par ce dernier, pour éviter un retard dans l’avancement des travaux et permettre à la pharmacie d’être opérationnelle une fois les travaux d’aménagement terminés, l’élévateur étant un élément nécessaire au bon fonctionnement de l’officine équipée d’un robot à l’étage, et en payant à sa place le prix exigible de cet équipement une fois livré et installé, et dont elle n’avait pas à s’acquitter personnellement, la société Cabinet Glacis a géré les affaires de M. [F] non seulement dans l’intérêt de celui-ci mais à la satisfaction de ce dernier qui, en prenant possession de cet élévateur qu’il utilise depuis des années, a ratifié l’acte de gestion de la société Cabinet Glacis.
Le jugement du 13 mars 2020 sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes reconventionnelles de M. [F]
La société Cabinet Glacis rappelant que les défauts de conformité contractuels apparents sont couverts par la réception sans réserves, fait valoir que les désordres invoqués par M. [F] étaient apparents tant en ce qui concerne le défaut allégué d’insonorisation du bureau qu’un défaut d’isolation thermique de l’arrière boutique. Elle en tire comme conséquence que M. [F] n’est plus recevable à invoquer ces désordres compte tenu de la réception du chantier étant précisé que les réserves ont également été levées dans la cadre de l’expertise judiciaire.
M. [F] conteste la qualification de défauts apparents pour ces deux désordres qui se révèlent à l’usage et seulement en hiver pour le défaut d’isolation thermique affectant l’arrière-boutique.
Il précise engager la responsabilité de la société Cabinet Glacis sur le fondement de la garantie décennale et, subsidiairement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs en rappelant que les dommages affectant un ouvrage et n’atteignant pas la solidité de celui-ci ou ne le rendant pas impropre à sa destination sont des dommages intermédiaires qui relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun des entrepreneurs et que le non-respect des règles de l’art, les défauts de conformité et le manquement à une obligation de conseil constituent à cet égard des fautes susceptibles d’engager la responsabilité contractuelle des entrepreneurs.
* sur la demande au titre de l’insonorisation du bureau de confidentialité
M. [F] indique que ce défaut n’a fait l’objet que d’une reprise partielle au cours des opérations d’expertise, l’isolation phonique n’ayant été renforcée qu’au plafond alors qu’il aurait fallu la revoir intégralement comme retenu par M. [T] qui a préconisé les travaux suivants : isolation dans les cloisons de distribution, mise en place d’une porte de distribution à frappe à âme pleine avec joint et seuil et encagement du bureau de confidentialité et de la porte d’entrée.
L’expert judiciaire a, d’abord, constaté que le contrat ne comporte pas de spécifications particulières sur ce point.
Il est néanmoins admis par les parties que ce bureau était destiné à des entretiens confidentiels avec les clients.
L’isolation doit donc être conforme à la destination de la pièce.
L’expert, après avoir réalisé des mesures dans le bureau avec un sonomètre et ayant obtenu comme résultat 45 db, considère que l’insonorisation est acceptable en admettant toutefois que le WC étant mitoyen du bureau, les bruits parasites peuvent éventuellement être perçus par un patient qui reçoit un soin dans le bureau.
Il ne résulte pas de ces constatations de l’expert que les conversations tenues dans ce bureau de confidentialité pourraient être entendues à l’extérieur de ce bureau, soit dans le couloir soit dans les toilettes, ce qui ne ressort pas davantage du rapport de M. [T] dont les conclusions ne reposent sur aucune mesure ni sur aucune norme.
Il n’est donc pas démontré que la réalisation de l’ouvrage ne serait pas conforme aux stipulations contractuelles après l’exécution des corrections apportées en cours d’expertise, ni encore moins que l’insonorisation du bureau rendrait l’immeuble impropre à sa destination.
La demande est rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
* sur la demande au titre de la reprise de l’absence d’isolation thermique de l’arrière boutique
Il est constant que le doublage du mur extérieur Nord n’a pas été effectué lors de travaux, aucune isolation n’a été ajoutée derrière et que l’aérotherme qui chauffe la zone publique de la pharmacie ne permet pas de chauffer l’arrière de la boutique qui est séparée par une cloison et dans laquelle n’existe aucun chauffage.
Ni l’isolation de ce mur ni la fourniture des radiateurs ne sont indiquées dans le CCTP dernière version.
La preuve n’est pas rapportée que le coût de l’isolation ou de la pose des radiateurs serait compris dans le prix.
Il sera donc retenu que ce poste ne fait pas partie du marché.
Si la société Cabinet Glacis prétend que l’isolation de l’arrière-boutique n’a pas été prévue et ne fait pas partie du marché à la demande de M. [F] qui devait en faire son affaire personnelle pour des raisons économiques, ce qui expliquerait que ce poste a été retiré au CCTP définitif, elle n’en rapporte pas la preuve.
M. [T] indique dans son rapport que l’absence d’isolation thermique est contraire à la ‘réglementation de 2012″, de même que l’expert judiciaire relève que l’ajout d’isolation serait nécessaire pour répondre aux normes thermiques et que ce manque d’isolation conduit nécessairement à une consommation plus importante d’électricité (chauffage et climatisation).
L’absence de prévision d’un chauffage constitue un manquement de la société Cabinet Glacis à sa mission de conception, de même que le non respect des normes thermiques, ce qui engage sa responsabilité contractuelle.
Et même à supposer que les parties aient prévu d’exclure ce poste des travaux, il appartenait alors à la société Cabinet Glacis dans l’exercice du devoir de conseil qui pesait sur elle tant en sa qualité de maître d’oeuvre qu »en celle d’entreprise générale chargée de la rénovation intérieure des locaux comprenant, selon le CCTP, la dépose des cloisons, des travaux de plâtrerie et d’isolation, de revêtement mural et de chauffage, de chiffrer le coût de l’isolation de ce mur extérieur et dans le cas où M. [F] aurait refusé d’engager ces travaux, de lui indiquer les conséquences de cette décision tant sur le surcoût qu’entraînerait l’exécution de ces travaux s’ils n’étaient pas réalisés en même temps que la rénovation générale des locaux que sur le surcoût de consommation électrique qui serait nécessaire pour chauffer l’arrière boutique avec des radiateurs électriques, afin qu’il puisse prendre une telle décision de façon éclairée, de sorte qu’en s’étant abstenue de prodiguer ces conseils, la société Cabinet Glacis a, à tout le moins, engagé sa responsabilité contractuelle.
Ainsi, quel que soit le fondement de sa responsabilité, la société Cabinet Glacis doit réparation à M. [F] du préjudice qui résulte pour lui de l’absence d’isolation thermique du mur extérieur arrière.
Pour remédier à ce défaut, l’expert préconise la pose de deux radiants en expliquant que s’il est dommage qu’il n’y a pas d’isolation du mur, l’ajout d’isolant dans la configuration actuelle entraînerait :
– des coûts relativement importants de main d’oeuvre,
– des travaux salissants (perçage des plaques de plâtre, soufflage d’isolant, rebouchage, ponçage et retouches de peinture),
– une diminution du froid ressenti mais pas une température agréable en hiver.
M. [F] fait valoir que la solution préconisée par l’expert ne remédie pas à l’absence d’isolation et l’adjonction de deux radiants sur un mur insuffisamment isolé générera des déperditions d’énergie conséquentes outre un coût totalement prohibitif et constant à la charge et au préjudice de la seule pharmacie. Il réclame la somme de 7 000 euros HT tel que l’a chiffrée M. [T], qui correspond au prix d’exécution desdits travaux, bien qu’aucun détail ni aucune autre justification ne soient produits au soutien de cette demande. Subsidiairement, il demande une indemnisation à hauteur du coût de deux radiateurs.
Mais ces travaux d’isolation thermique du mur et la fourniture de deux radiants n’ayant pas été compris dans le prix convenu et n’ayant pas été intégrés dans le marché, M. [F] n’est en droit que de demander réparation du préjudice qui découle de cette omission, à savoir les désagréments qu’entraînerait l’exécution des travaux d’isolation et le surcoût de consommation électrique qui serait nécessaire pour chauffer l’arrière boutique avec des radiateurs électriques, et non pas le prix en lui-même des travaux.
Il n’est sollicité aucune somme au titre du premier poste de préjudice.
Au titre du surcoût de consommation de chauffage supporté en raison du désordre tiré du défaut d’isolation thermique, M. [F] demande de condamner la société Glacis à l’indemniser du surcoût de consommation de chauffage lié à l’absence d’isolation thermique, à hauteur de 10 000 euros.
Il expose que ses factures d’électricité auraient dû diminuer compte tenu des améliorations faites par ailleurs.
La société Cabinet Glacis fait justement observer que les factures produites ne permettent pas d’établir qu’il existerait une surconsommation d’électricité liée à l’absence de chauffage de l’arrière boutique ni même dans quelle proportion.
Les premiers juges seront approuvés en ce qu’ils ont écarté cette demande étant relevé que l’expert n’a pas retenu l’existence d’un tel préjudice.
* Sur la demande au titre de la perte d’exploitation consécutive à quatre semaines de fermeture de la pharmacie afin d’opérer la reprise des désordres
M. [F] sollicite la somme de 57 793 euros à ce titre, correspondant selon lui à sa perte de marge sur chiffre d’affaires.
Il n’est pas démontré que les travaux d’isolation thermique de l’arrière boutique devraient entraîner la fermeture de la pharmacie ni encore moins que cette fermeture ne pourrait avoir lieu en dehors de la période de fermeture annuelle pour congés.
Et il n’est justifié d’aucune fermeture de la pharmacie pour l’exécution des travaux de reprise des désordres ayant fait l’objet des réserves.
La demande est rejetée.
* Sur la demande au titre d’indemnisation du temps perdu par ses soins afin de satisfaire aux reprises des réserves émises lors de la réception de l’ouvrage
M. [F] demande de condamner la société Glacis à lui payer la somme de 6 505 euros selon un décompte qu’il a lui-même établi.
L’expert a justement évalué la réparation de ce poste de préjudice à la somme de 2 151 euros.
* Sur la demande au titre de l’absence d’assurance décennale
M. [F], partant de ce que la société Cabinet Glacis est intervenue en qualité d’entreprise générale et non en sa seule qualité de maîtrise d’oeuvre, prétend qu’elle n’a pas justifié avoir souscrit une assurance responsabilité civile décennale pour l’activité d’entreprise générale.
Il fait valoir que le défaut de souscription d’une assurance engage la responsabilité de son auteur et constitue un préjudice certain et immédiatement réparable en ce qu’il prive le maître de l’ouvrage de la sécurité procurée par l’assurance en prévision de sinistres que le préjudice indemnisable réside alors, non dans la survenance d’un événement aléatoire, mais dans la non couverture d’assurance des événements aléatoires susceptibles de se produire pendant la période de garantie.
La société Cabinet Glacis produit une attestation de la société certifiant qu’elle est titulaire d’un contrat d’assurance la garantissant à concurrence des montants indiqués, pour sa responsabilité civile dont décennale du fait de ses missions dont l’objet principal est :
1- l’architecture d’intérieur, l’aménagement, la décoration (travaux correspondant pouvant ou non comporter la modification des éléments de structure ou de couverture de l’ouvrage) pour des chantiers dont le coût total est inférieur à 5 000 000 euros H.T (…).
2- la maîtrise d’oeuvre comportant extension ou création de m² (…).
Elle estime que la demande présentée par M. [F] est fantaisiste dès lors qu’elle justifie être assurée, que tous les artisans à qui elle a sous-traité les travaux sont assurés au titre de la garantie décennale, qu’aucune déclaration de sinistre n’a été faite ni aucune réclamation auprès de l’assureur et que le quantum de la demande ne correspond à rien.
Mais il ressort de cette attestation d’assurance que la société Cabinet Glacis, qui a entrepris la réalisation de l’ouvrage de la conception à son exécution, n’est pas couverte pour toutes les activités qu’elle a exercées auprès de M. [F], les travaux exécutés ne rentrant pas tous dans la catégorie d’architecture d’intérieur, aménagement et décoration ou maîtrise d’oeuvre, s’agissant des travaux de démolition, plomberie, électricité, plâtrerie, peinture, etc… relevant d’une entreprise générale.
Il s’ensuit que M. [F] est bien fondé à demander la condamnation de la société Cabinet Glacis à l’indemniser à hauteur de 10 % du prix total du marché souscrit et correspondant au coût de la prime d’assurance que cette dernière aurait dû payer pour couvrir tout risque décennal encouru dans le délai de la garantie, soit la somme de 27 300 euros et ce même si aucune déclaration de sinistre n’a été faite et peu important que les sous-traitants aient pu être assurés au titre de leur responsabilité décennale.
Sur le point de départ des intérêts
Les sommes allouées à M. [F] porteront intérêt au taux légal à compter du 10 septembre 2019, date de leur première présentation devant justice, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, à compter de la date de cette demande, soit le 3 septembre 2020.
Sur la demande de la société Glacis visant à obtenir la condamnation de M. [F] au titre de sa prétendue résistance abusive
La société Cabinet Glacis estime que la résistance de M. [F] tant à lui rembourser l’avance faite dans son intérêt pour la livraison et l’installation de l’élévateur que dans le paiement du solde du prix est abusive.
Cette prétention, si elle est recevable en application des dispositions de l’article 566 selon lequel les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, en ce qu’elle est liée à position adoptée par la partie adverse également en appel, n’est pas fondée au vu de la solution apportée au litige.
Sur les demandes accessoires
La société Cabinet Glacis est la partie majoritairement perdante.
Les dépens de première instance et d’appel seront partagés entre les parties à raison de 3/4 à la charge de la société Cabinet Glacis et d’un quart à la charge de M. [F], sauf le coût de l’expertise judiciaire qui sera intégralement supporté par la société Cabinet Glacis au regard des divers manquements de sa part relevés dans l’exécution des travaux.
Les frais d’expertise extrajudiciaire n’entrent pas dans les dépens mais peuvent être pris en compte dans l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera alloué à M. [F] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
La demande de la société Cabinet Glacis au même titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement du 13 décembre 2017 en ce qu’il ce déclare irrecevables les demandes présentées en première instance par la société Cabinet Glacis ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare recevables les demandes présentées en première instance par la société Cabinet Glacis.
Infirme le jugement du 13 mars 2020 en ce qu’il a :
– condamné M. [F] à payer au cabinet Glacis la somme de 4 602,18 euros au titre des factures outre les intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance,
– débouté M. [F] de sa demande au titre de l’indemnisation du temps perdu par ses soins afin de satisfaire aux reprises des réserves émises lors de la réception de l’ouvrage,
– condamné M. [F] à payer à la société Glacis la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [F] aux entiers dépens.
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :
– déboute la société Cabinet Glacis de sa demande au titre du solde du prix du marché.
– condamne la société Cabinet Glacis à payer à M. [F] la somme de 2 151 euros à titre d’indemnisation du temps perdu par ses soins afin de satisfaire aux reprises des réserves émises lors de la réception de l’ouvrage.
– condamne la société Cabinet Glacis à payer à M. [F] la somme de 27 300 euros à titre d’indemnisation du préjudice découlant de l’absence d’assurance de responsabilité décennale couvrant toutes les activités exercées sur le chantier de M. [F].
– dit que les sommes allouées à M. [F] porteront intérêt au taux légal à compter du 10 septembre 2019, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, à compter du 3 septembre 2020.
– déclare recevable mais rejette la demande de la société Cabinet Glacis en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.
– condamne la société Cabinet Glacis à payer à M. [F] la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– rejette la demande de la société Cabinet Glacis au même titre.
– condamne la société Cabinet Glacis aux dépens comprenant l’intégralité des frais de l’expertise et à payer 3/4 des autres dépens de première instance et d’appel.
– condamne M. [F] à payer un quart des dépens de première instance et d’appel sauf les frais d’expertise.
– autorise la distraction des dépens selon les modalités prévues à l’article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL