Conditions Générales de Vente : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03441

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Conditions Générales de Vente : 13 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03441

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 SEPTEMBRE 2023

N° RG 21/03441

N° Portalis DBV3-V-B7F-U3EC

AFFAIRE :

[K] [W]

C/

S.A.S. LUXOTTICA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 17/00872

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELEURL CNE

Me Carole PENARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [K] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assisté de Me Christophe NEVOUET de la SELEURL CNE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0106

APPELANT

****************

S.A.S. LUXOTTICA FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Carole PENARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 497

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[K] [W] a été engagé par la société Luxottica France suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1995 en qualité de VRP exclusif pour la représentation de la ligne de montures de lunettes des marques Persol et Moschino sur plusieurs arrondissements de la ville de [Localité 5] et départements en France.

Le contrat de travail prévoyait le versement de commissions calculées sur le chiffre d’affaires réalisé par le salarié dans le cadre de ses fonctions.

Les relations contractuelles étaient soumises aux dispositions de la convention collective interprofessionnelle des Vendeurs, Représentants, Placiers (VRP) du 3 octobre 1975.

Par lettre datée du 11 mars 2014, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 mars suivant, puis par lettre datée du 8 avril 2014, lui a notifié son licenciement.

Par lettre datée du 29 avril 2014, le salarié a contesté son licenciement. Par lettre datée du 26 mai 2014, l’employeur lui a répondu maintenir sa décision.

Le 1er juillet 2014, [K] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de faire juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’obtenir la condamnation de la société Luxottica France au paiement de rappel de commissions et de diverses indemnités tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu en formation de départage mis à disposition le 21 octobre 2021, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

– dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– fixé la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 8 276,70 euros,

– condamné la société Luxottica France à payer à [K] [W] les sommes suivantes :

* 2 441,46 euros à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage,

* 244,14 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur ce complément,

* 20 633,25 euros à titre de rappel de commissions sur la clause ducroire,

* 2 063,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de commissions,

* 247,73 euros à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage après réintégration de la clause ducroire,

* 24,77 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur le complément,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2014,

* 150 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 12 000 euros à titre d’indemnité pour occupation du domicile personnel,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du jugement,

– ordonné la capitalisation des intérêts,

– ordonné le remboursement par la société Luxottica France aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à [K] [W] du jour de son licenciement au jour du jugement, à concurrence de six mois de salaire,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement à concurrence de la moitié des sommes allouées,

– condamné la société Luxottica France à payer à [K] [W] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs autres demandes,

– condamné la société Luxottica France aux dépens de l’instance.

Le 19 novembre 2021, [K] [W] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 5 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, [K] [W] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il :

‘Fixait la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 8 276,70 euros ;

Limitait l’indemnité de retour sur échantillonnage à la somme de 2 441,46 euros ;

Limitait les congés payés afférents à la somme de 244,14 euros ;

Limitait l’indemnité de retour sur échantillonnage après réintégration de la clause ducroire à la somme de 247,73 euros ;

Limitait les congés payés afférents à la somme de 24,77 euros ;

Limitait l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 150 000 euros ;

Limitait l’indemnité d’occupation professionnelle de son domicile personnel à la somme de

12 000 euros ;

Limitait l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1 500 euros’,

et l’a débouté du surplus de ses demandes,

– confirmer le jugement en ce qu’il :

‘Disait que le licenciement de Monsieur [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamnait la Société Luxottica à verser à Monsieur [W] la somme de 20 633,25 euros à titre de rappel de commission sur la clause ducroire ;

Condamnait la Société Luxottica à verser à Monsieur [W] la somme de 2 063,32 euros au titre des congés payés afférents ;

Condamnait la Société Luxottica au paiement des intérêts ;

Ordonnait la capitalisation des intérêts échus ;

Ordonnait le remboursement par la Société Luxottica aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur [W] ;

Déboutait la Société Luxottica de ses demandes ;

Ordonnait l’exécution provisoire du jugement à concurrence de moitié des sommes allouées ;

Condamnait la Société Luxottica au paiement des entiers dépens’,

– et statuant à nouveau, de:

‘Dire que le licenciement pour motif personnel de Monsieur [W] doit produire les effets d’un licenciement pour motif économique ;

Juger que le licenciement de Monsieur [W] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société Luxottica à régler à Monsieur [W] les sommes suivantes :

– 250 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 379 691,55 euros nets à titre de dommages-intérêts au titre de la perte d’une chance de percevoir une pension de retraite supérieure à celle perçue ;

– 27 484,68 euros nets à titre de dommages-intérêts pour défaut de proposition du congé de reclassement sur le fondement de l’article L. 1233-71 du code du travail ;

– 10 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de reclassement et de l’ordre des licenciements sur le fondement des articles L. 1223-4 et L. 1233-5 du code du travail ;

– 25 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage sur le fondement de l’article L. 1235-13 du code du travail ;

– 229 524,78 euros nets à titre d’indemnité de clientèle et subsidiairement, 95 139,27 euros nets à titre d’indemnité spéciale de rupture ;

– 52 658,29 euros bruts à titre d’indemnité de retour sur échantillonnage ;

– 5 719,01 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 10 572,96 euros à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de

3 964,86 euros nets à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 2 643,24 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de

264,32 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 119 171,54 euros bruts à titre de rappel de primes sur objectifs, outre la somme de 11 917,15 euros bruts en paiement des congés payés afférents, et subséquemment, la somme de 85 219,58 euros nets à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de 31 957,29 euros nets à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 21 304,90 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de 2 130,49 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 11 843,99 euros bruts à titre de rappel de commissions au titre des retours, outre la somme de

1 184,39 euros bruts en paiement des congés payés afférents, et subséquemment, la somme de

6 096,04 euros nets à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de

2 522,25 euros nets à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 1 681,51 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de

168,15 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 24 081,76 euros bruts à titre de rappel de commissions au titre des clients Stars, outre la somme de 2 408,17 euros bruts en paiement des congés payés afférents, et subséquemment, la somme de

18 953,92 euros nets à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de

7 107,66 euros nets à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 4 738,48 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de

473,84 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 17 029,39 euros bruts à titre de rappel de commissions au titre des fermetures de comptes clients, outre la somme de 1 702,93 euros bruts en paiement des congés payés afférents, et subséquemment, la somme de 27 867,68 euros nets à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de 10 450,35 euros nets à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 6 967,73 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de 696,77 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– subsidiairement, 2 833 euros bruts à titre de rappel de commissions au titre des commandes prises par les clients dont les comptes étaient fermés, outre la somme de 283,30 euros bruts en paiement des congés payés afférents, et subséquemment, la somme de 5 666 euros nets à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de 2 124,72 euros nets à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 1 416,50 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de 141,65 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 9 009 euros à titre de rappel de commissions au titre des clients Optical Discount, outre la somme de 900,90 euros en paiement des congés payés afférents, et subséquemment, la somme de 5 544 euros à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de 2 079 euros à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 1 386,04 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de 138,60 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 10 000 euros nets à titre de dommages-intérêts au titre des clients Grands Comptes ;

– 482 014,26 euros nets à titre de dommages-intérêts pour perte d’une chance d’ouvrir de nouveaux comptes clients ;

– 17 202,07 euros bruts à titre de rappel de commissions au titre du retrait de la marque Ferragamo, outre la somme de 1 720,20 euros bruts en paiement des congés payés afférents, et subséquemment, la somme de 6 522,97 euros nets à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de 2 446,11 euros nets à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 1 630,75 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de 163,07 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 17 010 euros bruts à titre de rappel de commissions au titre des RFA, outre la somme de

1 701 euros bruts en paiement des congés payés afférents, et subséquemment, la somme de

12 753 euros nets à titre de complément d’indemnité de clientèle et subsidiairement de

4 782,33 euros nets à titre de complément d’indemnité spéciale de rupture, ainsi que la somme de 3 188,25 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et de

318,82 euros bruts en paiement des congés payés afférents ;

– 73 624,71 euros nets à titre d’indemnisation au titre de l’occupation professionnelle de son domicile personnel et subsidiairement 19 800 euros nets ;

– 3 500 euros nets à titre d’indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Débouter la société Luxottica France de l’ensemble de ses demandes ;

Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts dans le cadre des dispositions des articles 1231-6 et suivants et 1343-2 du code civil ;

Condamner la société aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais éventuels d’exécution provisoire’.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 5 juin 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Luxottica France demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a retenu comme salaire mensuel moyen la somme de 8 276,70 euros, en ses condamnations à paiement de sommes pour les montants et les chefs retenus et au remboursement des allocations chômage et en son débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de le confirmer pour le surplus des dispositions, en tout état de cause, de débouter [K] [W] de l’ensemble de ses demandes et de condamner celui-ci au remboursement de la somme de 92 398,57 euros nets correspondant aux condamnations exécutoires à titre provisoire auxquelles elle a été condamnée par le jugement et au paiement d’une somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 6 juin 2023.

MOTIVATION

Sur le licenciement

La société fait valoir que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu’il convient de débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes au titre du licenciement.

Le salarié fait valoir que le licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le licenciement est en réalité fondé sur un motif économique.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement notifié au salarié, longue de six pages, qui fixe les limites du litige énonce comme motif du licenciement ‘une situation d’insuffisance professionnelle’ qui ressort des points suivants :

– à la date du 3 mars 2014, les différents indicateurs clefs de la mesure de sa performance sont en chute par rapport à 2013 avec une baisse de près d’un tiers du nombre de clients activés, une baisse de près de la moitié des commandes directes, une baisse de plus d’un quart du nombre de pièces par porte activée, un recul de plus d’un tiers des commandes totales, tous indicateurs inférieurs à ceux de la moyenne de l’équipe Persol,

– les indicateurs démontrent un niveau d’activité en soi tout à fait insuffisant depuis le début de l’année 2014, le salarié étant classé 6ème sur 7 à la date du 3 mars 2014 en activation de clients depuis le début de l’année alors qu’il bénéficie du troisième plus gros nombre de clients actifs, le salarié enregistrant les plus mauvaises performances en termes de commande directe depuis le début de l’année alors qu’il bénéficie du troisième plus gros potentiel de la marque, le salarié n’étant classé que 3ème en commandes totales (directes et indirectes) depuis le début de l’année 2014 alors que le niveau de ses commandes indirectes est supérieur de 43 % à la moyenne de l’équipe,

la lettre indiquant ensuite que ces différents éléments sont d’autant moins acceptables que le salarié est un commercial expérimenté présent dans l’entreprise depuis plus de 18 ans sur la marque Persol, que cette marque a bénéficié d’un soutien marketing et publicitaire constant depuis de nombreuses années, que le secteur dont il a la charge dispose d’un potentiel supérieur à la moyenne nationale sur le plan géographique et économique incluant la moitié de la ville de [Localité 5] et sept départements de la région parisienne, qu’il a bénéficié de l’autorisation exceptionnelle d’ouvrir 41 comptes sur son secteur en 2013 et 2014 et que face au constat de l’insuffisance de ses résultats, il a bénéficié courant 2013 d’un plan de progrès,

puis la lettre ajoutant que le salarié a adopté une attitude négative et inappropriée lors d’une réunion de la ligne Persol du 24 février 2014, en arrivant avec un retard de plus de trente minutes sur l’horaire prévu, à 10 heures 30 au lieu de 10 heures sans s’en excuser, en critiquant par des propos véhéments et dénigrants la politique commerciale et les produits de l’entreprise devant tous ses collègues, notamment en indiquant que : ‘les personnes en charge du développement de Stars et les clients adhérents à ce système étaient vos (ses) ennemis’ et que :’les nouveautés sont archi-nulles depuis longtemps’.

La société conclut à l’infirmation du jugement qui a retenu que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en faisant valoir que le licenciement est fondé d’une part, sur une insuffisance persistante des résultats du salarié pourtant expérimenté et présentant une ancienneté importante dans l’entreprise, dont l’attention sur la faiblesse de ses résultats avait déjà été attirée par un courriel du 19 juin 2013 de son supérieur hiérarchique qui lui avait même communiqué un plan d’actions et d’autre part, sur l’attitude dénigrante du salarié à l’égard de la société lors d’une réunion publique en février 2014.

Le salarié fait valoir que le jugement doit être confirmé sur ce point en ce qu’une insuffisance de résultats ne constitue pas à elle seule une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu’il ne lui a pas été fixé d’objectifs pour la période considérée du 1er janvier au 3 mars 2014, ses objectifs lui ayant été communiqués tardivement ; qu’il exerçait ses fonctions depuis de nombreuses années à la satisfaction de ses clients opticiens dont 168 ont témoigné en ce sens ; que le véritable motif du licenciement est économique, la société ayant souhaité se séparer des VRP pour les remplacer successivement par des attachés commerciaux avec des rémunérations inférieures.

– S’agissant du motif d’insuffisance professionnelle, il est rappelé qu’en application de l’article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d’instruction qu’il juge utile, il appartient néanmoins à l’employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L’insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L’insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle procède, soit d’une insuffisance professionnelle, soit d’une faute imputable au salarié.

S’agissant de l’insuffisance de résultats

Aux termes de la lettre de licenciement, l’insuffisance de résultats reprochée par l’employeur concerne la période du 1er janvier au 3 mars 2014 en comparaison de ses résultats de la même période de l’année 2013 et de la moyenne de ceux des membres de l’équipe Persol.

Les chiffres cités dans la lettre de licenciement au titre de l’activité insuffisante depuis le début de l’année sont extraits d’un courriel adressé par M. [F], ‘Luxury Brands Sales Manager’ à Mme [G], produit par la société en pièce 4B, positionnés en-dessous d’un tableau, sans qu’aucune indication sur leur origine soit mentionnée. Ils ne sont pas en cohérence avec ceux cités par le salarié, provenant de tableaux de prises de commandes en 2013 et 2014 qu’il produit en pièce 17, non contestés par la société, dont il ressort qu’il est classé, parmi les représentants de la marque Persol, 3ème pour la période du 1er janvier au 9 mars 2014, 2ème pour la période du 10 mars au 6 avril 2014 et 1er pour la période du 7 au 13 avril 2014. Dans ces conditions, ils ne peuvent être tenus pour fiables.

Quant aux indicateurs clefs de la mesure de la performance du salarié en comparaison avec la moyenne des autres membres de l’équipe Persol, cités dans la lettre de licenciement, ils sont tirés d’un tableau dont l’origine n’est pas indiquée, extrait du courriel de M. [F] à Mme [Y] le 3 mars 2014 sus-mentionné, dont les rubriques sont incompréhensibles (telles que : ‘#Cust.’, ‘Reps’, ‘Tel.’, ‘Ret.’) et ne sont pas explicitées, mais dont la cour comprend qu’ils se réfèrent à des notions telles que nombres de clients activés, commandes directes, commandes indirectes, sans toutefois qu’apparaisse la notion de ‘nombre de pièces par porte activée’.

La cour relève ici que :

– en premier lieu, la période de comparaison, déjà limitée dans sa durée, est faussée du fait de l’absence du salarié de l’entreprise pendant une semaine, celui-ci justifiant avoir été en congés entre le 17 et le 23 février 2014 ;

– en outre, la comparaison de l’activité du salarié ne concerne qu’une période de quelques semaines entre 2013 et 2014 alors que celui-ci est qualifié par l’employeur lui-même dans la lettre de licenciement de ‘commercial expérimenté travaillant en particulier dans l’entreprise depuis plus de 18 ans sur la marque Persol que vous maîtrisez parfaitement’, ce dont il s’ensuit que le reproche manque de pertinence au regard de la courte période considérée de baisse de résultats ;

– de plus, la seule pièce produite aux débats pour démontrer la mise en place d’un ‘plan de progrès’ au regard de l’insuffisance de ses résultats courant 2013 est constituée par un courriel adressé par M. [F] au salarié le 19 juin 2013 qui ne précise pas les mesures concrètes et effectives qui auraient été prises pour soutenir celui-ci et ne peut être considéré comme un plan d’action comme le soutient la société ;

– enfin, le salarié produit en pièce 26 le montant des chiffres d’affaires qu’il a obtenus entre le 1995 et 2013 au bénéfice de la société, éléments chiffrés non discutés par cette dernière, dont il ressort que le chiffre d’affaires brut de son secteur a augmenté de manière continue et importante sur la période considérée et notamment qu’il est passé d’environ 516 000 euros en 2008 à plus d’1,4 millions d’euros en 2013, ce qui vient contredire le reproche général d’insuffisante activité du salarié.

S’agissant de l’attitude négative et inappropriée lors d’une réunion de la ligne Persol du 24 février 2014

Outre que ce grief n’entre pas dans le motif d’insuffisance professionnelle fondant le licenciement, force est de constater qu’aucune pièce ne corrobore les termes, au demeurant outranciers du courriel de M. [F] du 3 mars 2014 relatifs à l’attitude du salarié lors d’une réunion de la ligne Persol du 24 février 2014, que le salarié conteste, l’emploi des qualificatifs de ‘triste sir’ pour qualifier le salarié étant en tout état de cause inapproprié et atténuant fortement la valeur probatoire de cet écrit.

Il résulte de tout ce qui précède que le licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point.

– S’agissant du moyen tiré d’un licenciement pour motif économique déguisé qui aurait par conséquent dû ouvrir le droit au salarié au bénéfice des dispositions légales applicables au licenciement pour motif économique, que ce soit l’obligation de reclassement, la proposition du congé de reclassement, le respect de l’ordre des licenciements et la priorité de réembauchage

Au soutien de son argumentation, le salarié soutient que la société a souhaité réaliser l’économie de son salaire, que dès lors que son poste de VRP a été supprimé et que la société a embauché une attachée commerciale sans lui proposer ce poste, le licenciement doit être requalifié en licenciement économique ; il produit des procès-verbaux du comité d’entreprise dont il ressort selon lui la volonté de l’entreprise de remplacer les VRP par des attachés commerciaux moins rémunérés ; il se réfère à des décisions administratives et de justice relatives aux licenciements pour faute grave ou insuffisance professionnelle entre 2009 et 2014 de plusieurs VRP et à des refus de l’inspection du travail d’autoriser les licenciements de deux VRP, salariés protégés.

Ce faisant, le salarié allègue sans le démontrer que son licenciement serait fondé sur un motif économique, celui-ci n’apportant pas d’élément sur des difficultés économiques ou des mutations technologiques notamment exigées par l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige définissant le licenciement pour motif économique.

Le moyen n’est pas fondé.

Le salarié sera par conséquent débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour privation du bénéfice du congé de reclassement, pour privation des dispositions légales relatives au reclassement et à l’ordre des licenciements et pour non-respect de la priorité de réembauchage. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes pécuniaires consécutives au licenciement

Sur le salaire de référence

Le salarié fonde ses demandes sur la base d’un salaire moyen brut sur la période de mai 2013 à avril 2014 de 10 571,03 euros, considérant que seuls ses frais professionnels réellement exposés doivent être déduits.

La société soutient que le salaire moyen sur la période de janvier à mars 2014 s’élève à 7 913,59 euros après déduction des frais professionnels de 30 %.

L’avenant au contrat de travail signé le 22 janvier 2007 par les parties stipule que : ‘De convention expresse entre les parties, il est précisé que les taux de commission définis ont été calculés de manière à couvrir l’ensemble des frais exposés par vous dans l’exercice de votre profession (voyages, véhicules, correspondance, téléphone etc), ceux-ci étant évalués forfaitairement à 30 % du montant desdites commissions’.

Comme retenu par le jugement, en application des dispositions de l’accord national interprofessionnel des VRP, les rémunérations et indemnités de rupture sont calculées sur la base de la rémunération moyenne mensuelle brute des douze derniers mois, déduction faite des frais professionnels.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont fixé le salaire de référence à 8 276,70 euros.

Surl’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui, en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Né le 6 novembre 1954, le salarié était donc âgé de 59 ans au moment du licenciement. Il présentait une ancienneté de dix-huit années complètes dans l’entreprise.

Il indique qu’il n’a pas retrouvé d’emploi et produit de nombreux courriels de candidatures à des offres d’emplois envoyés entre janvier et juillet 2015. Il a fait valoir ses droits à la retraite en juillet 2016. Il justifie avoir deux enfants à charge et avoir remboursé un emprunt immobilier jusqu’en 2021.

Il convient de fixer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 150 000 euros que la société sera condamnée à lui payer, le salarié étant débouté de sa demande d’expression de cette somme en ‘net’ à défaut de toute explicitation de cette demande. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la perte de chance de percevoir une pension de retraite supérieure à celle perçue

Le salarié demande réparation du préjudice pour perte de chance de percevoir une pension de retraite supérieure à celle perçue en raison du licenciement infondé qu’il chiffre à 379 691,55 euros nets de dommages et intérêts.

La société réplique que la demande est infondée eu égard notamment au caractère minimaliste des mails de candidatures du salarié pour des postes de VRP ne pouvant susciter l’intérêt d’un quelconque employeur et à son choix personnel de partir en retraite à l’âge de 61 ans et 8 mois.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, celui-ci ne justifiant pas suffisamment de la perte de chance de percevoir une meilleure retraite et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée ci-dessus incluant tous les préjudices découlant de la perte injustifiée de l’emploi. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de clientèle et l’indemnité spéciale de rupture

Le salarié soutient que les sur-commissions mensuelles de 2 % perçues, contractuellement prévues, constituent en réalité une contrepartie de son travail et revêtent le caractère de salaire, ne pouvant donc être déduites de l’indemnité de clientèle qui lui est due et forme à titre principal une demande au titre de l’indemnité de clientèle et à titre subsidiaire une demande au titre de l’indemnité spéciale de rupture conventionnellement prévue.

La société soutient que ces sur-commissions constituent contractuellement un versement anticipé sur indemnité de clientèle future dont il doit être tenu compte pour la détermination de l’indemnité de clientèle due, qu’il ressort de ses calculs que le salarié a été rempli de ses droits à ce titre, que les conditions d’octroi de l’indemnité spéciale de rupture ne sont pas remplies et que le salarié doit donc être débouté de ces demandes.

– S’agissant de l’indemnité de clientèle, l’article L. 7313-13 du code du travail dispose en ses deux premiers alinéas :

‘En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.’

L’indemnité de clientèle qui ne peut être cumulée avec une indemnité de licenciement et ne peut être inférieure au montant de l’indemnité spéciale de rupture prévue par l’article 14 de l’accord national des VRP du 3 octobre 1975 se calcule au jour de la rupture en fonction du préjudice causé au VRP pour l’avenir par la perte de la clientèle qu’il a personnellement apportée, créée ou développée.

Il appartient au VRP d’apporter la preuve de la part personnelle qui lui revient dans l’augmentation du chiffre d’affaires et du nombre de clients.

En l’espèce, tant le contrat de travail que l’avenant du 22 janvier 2007 prévoient que la rémunération du salarié inclut une sur-commission mensuelle de 2 % du chiffre d’affaires, constituant un versement anticipé sur l’indemnité de clientèle future qui pourrait être due au salarié en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, venant s’imputer sur le quantum définitif de l’indemnité de clientèle telle qu’elle serait calculée lors de la rupture.

Il résulte clairement des stipulations contractuelles que ces sur-commissions constituent un versement anticipé sur l’indemnité de clientèle future.

Il ressort des bulletins de salaire que le salarié a perçu mensuellement une sur-commission de l’ordre de 2 % du chiffre d’affaires à titre de versement anticipé sur l’indemnité de clientèle.

Les nombreuses attestations de clients du salarié ainsi que les tableaux et les pièces qu’il produit démontrent que celui-ci disposait avant son embauche d’une clientèle personnelle dans le même secteur géographique qu’il a apportée à la société Luxottica et qu’il a développée, contribuant ainsi par son action à une augmentation du chiffre d’affaires de la société et du nombre de clients.

La société oppose au salarié que sa part personnelle dans l’augmentation en nombre et en valeur de la clientèle de son secteur doit être limitée du fait du prestige de la marque Persol dont le succès national et international est considérable, de la grande partie dans sa clientèle de clients centralisés, c’est-à-dire des opticiens en lien avec des centrales d’achat avec lesquels elle négocie directement, des investissements marketing très importants sur la griffe Persol qu’elle a réalisés (matériel publicitaire, publicité, stands, show-room, salons) et estime que ces facteurs de réduction doivent être évalués à 60 %.

Les éléments produits par la société constitués par un tableau récapitulatif des investissements et campagnes publicitaires dans la marque Persol, dont il n’est cependant pas précisé la part de ces investissements pour ce qui concerne le secteur géographique attribué au salarié, des articles de presse parus sur internet et un extrait France optique du secteur du salarié permettent de prendre en considération la part personnelle du salarié au développement de la clientèle à hauteur de 60 %.

Le salarié demande une indemnité de clientèle sur la base de deux années de commissions, ce que la société ne discute pas, et qui correspond à la base qui doit être justement retenue pour le calcul de cette indemnité.

Il s’ensuit que l’indemnité de clientèle doit être fixée ainsi qu’il suit : 128 410,10 euros (deux années de commissions) x 60 % (part personnelle du salarié dans le développement de la clientèle), soit la somme de 77 046,06 euros.

Il ressort des éléments produits par les parties que les sur-commissions versées au salarié au titre des avances sur l’indemnité de clientèle future se sont élevées à 164 993 euros depuis 2003.

Le salarié a par conséquent perçu au titre des avances sur indemnité de clientèle une somme supérieure à celle correspondant au montant de l’indemnité de clientèle, même en déduisant une part de 30 % de professionnels sur les deux années de commissions servant de base au calcul de l’indemnité de clientèle (164 993 euros – 30 % = 115 495,10 euros), étant relevé qu’il n’y a pas lieu à limiter la prise en compte des avances versées à la prescription quinquennale comme le soutient le salarié.

Le salarié sera par conséquent débouté de sa demande au titre de l’indemnité de clientèle.

– S’agissant de l’indemnité spéciale de rupture

Le salarié sollicite à titre subsidiaire une indemnité spéciale de rupture à hauteur de 95 139,27 euros nets sur le fondement des dispositions conventionnelles applicables.

La société conclut au débouté de cette demande au motif que les conditions d’octroi d’une telle indemnité ne sont pas remplies.

La lettre de licenciement indique que la société s’oppose conformément à la faculté qui lui est offerte par les textes conventionnels au versement d’une quelconque indemnité spéciale de rupture.

Alors que l’article 14 de l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 applicable stipule que le représentant bénéficie d’une indemnité spéciale de rupture sauf opposition de l’employeur exprimée par écrit et au plus tard dans les quinze jours de la notification de la rupture et à la condition que le salarié ait renoncé au plus tard dans les trente jours suivant l’expiration du contrat de travail à l’indemnité de clientèle, force est de constater que d’une part l’employeur s’est opposé au versement de l’indemnité spéciale de rupture dans la lettre de licenciement et que d’autre part, le salarié n’a pas renoncé à la perception de l’indemnité de clientèle.

Il s’ensuit que les conditions nécessaires au versement de l’indemnité spéciale de rupture ne sont pas réunies. C’est à bon droit que les premiers juges ont débouté le salarié de cette demande. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de retour sur échantillonnage

La société conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a accordé au salarié une indemnité de retour sur échantillonnage de 2 441,46 euros, en retenant un commissionnement sur trois mois et une proratisation de 50 %, outre les congés payés afférents en faisant valoir que celui-ci a perçu en février 2017 une somme brute de 4 531,90 euros à ce titre correspondant à une période de trois mois et aux usages de la profession, qui l’a rempli de ses droits.

Le salarié demande l’infirmation du jugement et l’octroi d’une indemnité de ce chef à hauteur de 52 658,29 euros bruts outre les congés payés afférents représentant six mois de retour sur échantillonnage correspondant à une année de commissions incluant des frais professionnels de 30 % en faisant valoir qu’il n’y a pas lieu à appliquer un coefficient de 50 %, son poste de VRP n’ayant pas été remplacé, ni à déduire 30 % de frais professionnels.

L’article L. 7313-11 du code du travail est ainsi rédigé :

‘Quelles que soient la cause et la date de rupture du contrat de travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d’échantillon et des prix faits antérieurs à l’expiration du contrat’.

En application de l’article L. 7313-12 du code du travail, sauf clause contractuelle plus favorable au voyageur, représentant ou placier, le droit à commissions est apprécié en fonction de la durée normale consacrée par les usages.

Il appartient à l’employeur de fournir les justificatifs des ordres passés par le salarié et le chiffre d’affaires en résultant.

La société produit des tableaux récapitulatifs du chiffre d’affaires réalisé sur le secteur du salarié sur trois mois et sur six mois, soit entre juillet et décembre 2014, accompagnés d’extractions du logiciel d’exploitation correspondantes.

Au vu de ces éléments, il convient de retenir une durée de trois mois de chiffre d’affaires, soit 184 975,68 euros, correspondant à la réalité du marché de la lunetterie et aux pratiques de la profession, représentant un montant de commissions de 9 063,80 euros, déduction faite des frais professionnels, sans qu’il y ait lieu à application d’une pondération de 50 % qui n’est pas justifiée par la société.

Eu égard à la somme de 4 531,90 euros déjà versée au salarié au titre de l’indemnité de retour sur échantillonnage, il y a lieu de lui allouer un complément d’indemnité de ce chef à hauteur de 4 531,90 euros bruts (soit 9 063,80 euros – 4 531,90 euros), outre une somme de 453,19 euros bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de congés payés incidents. La société sera condamnée au paiement de ces sommes et le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur le rappel de commissions au titre de la clause ducroire

La société conclut à l’infirmation du jugement en ses condamnations à paiement de commissions sur clause ducroire et congés payés afférents et de rappel de commissions de retour sur échantillonnage après réintégration de la clause ducroire, en faisant valoir qu’elle n’a pas imposé une telle clause au salarié, la retenue effectuée s’apparentant ‘à une clause de bonne fin à la différence près que le pourcentage retenu l’est en amont plutôt qu’en aval’ et qu’il ne peut en tout état de cause solliciter que le remboursement d’un taux de tout au plus 2 % relatif aux frais de garantie de paiement.

Le salarié fait valoir que la société ne pouvant réduire ses commissions au titre de la clause ducroire, celle-ci lui doit un rappel de commissions de ce chef comme retenu par le jugement dont il demande la confirmation sur ce point, ainsi qu’un complément d’indemnités de clientèle et de retour sur échantillonnage après réintégration de la clause ducroire, d’un montant respectif de 10 572,96 euros nets (subsidiairement de 3 964,86 euros nets au titre de l’indemnité spéciale de rupture) et de 2 643,24 euros nets, outre les congés payés afférents.

Une clause ducroire est celle par laquelle, moyennant rémunération particulière, un VRP se porte, pour tout ou partie, garant du paiement par les clients des commandes qu’il a prises.

L’article 5-3 de l’accord national interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 est ainsi rédigé :

‘Est nulle et de nul effet toute clause de ducroire incluse dans un contrat de travail ayant pour conséquence de rendre le salarié pécuniairement responsable du recouvrement des créances de son employeur à l’égard des tiers’.

En l’espèce, l’article V du contrat de travail prévoit notamment que :

‘Les commissions seront calculées sur le montant net des factures, après déduction des remises éventuellement accordées (y compris en nature), des frais de recouvrement assurés par la société elle-même, de la taxe à la valeur ajoutée et autres droits et à la valeur ajoutée et autres droits et taxes présents ou à venir’,

et que :

‘Le représentant ne pourra prétendre à aucune commission sur les commandes non livrées ou non encaissées pour quelque cause que ce soit dès lors que le défaut d’exécution ou d’encaissement ne résultera pas d’un fait volontaire de la société. En effet, la société se réserve de ne pas donner suite à certaines propositions d’ordre que le représentant pourra lui adresser sans que le représentant puisse réclamer de ce fait une commission ou une indemnité, et ce, quel que soit le motif de la décision, notamment lorsque le client n’aura pas réglé sa précédente commande’.

En outre, l’article 2 de l’avenant au contrat de travail du 22 janvier 2007 prévoit notamment que :

‘Les commissions seront calculées sur le montant net du chiffre d’affaires après déduction de toutes remises éventuellement accordées (y compris en nature, sur facture, remise de fin d’année, remises périodiques, primes de croissance et autres payées aux centrales d’achat, groupes, coopératives, etc…) et des frais de recouvrement (y compris commission de courtage, ducroire et autres payés aux centrales d’achat, groupes coopératives etc…) assurés par la société elle-même, de la taxe à la valeur ajoutée et autres droits et taxes présents ou à venir’.

Il ressort des tableaux mensuels récapitulatifs de la rémunération du salarié établis par la société que le chiffre d’affaires du salarié a été systématiquement amputé d’un pourcentage pour faire face à des frais de recouvrement.

Comme retenu exactement par les premiers juges dans les motifs du jugement que la cour adopte, ces prélèvements forfaitaires, effectués en amont de la facturation et ne pouvant donc être assimilés à une garantie de bonne fin, ont eu pour effet de faire porter sur le salarié les conséquences financières du défaut de paiement d’éventuelles factures quel qu’en soit leur montant, de sorte que cette clause s’assimile à une clause ducroire prohibée.

La cour relève ici que la société ne produit pas d’élément permettant de distinguer la part qui relève de la gestion et du recouvrement dont le coût est illicitement transféré au salarié et celle qui relève des remises, la pièce 14 à laquelle la société renvoit sans plus d’analyse relative à des extraits de conditions générales de vente de centrales d’achats étant à cet égard insuffisante à établir qu’un ‘taux de tout au plus 2 % relatif aux frais de garantie de paiement’ pourrait être retenu.

Dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il condamne la société à payer au salarié les sommes de 20 633,25 euros au titre du rappel de commissions sur la clause ducroire et de 2 063,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents et en ce qu’il déboute le salarié de sa demande du complément d’indemnité de clientèle.

Le jugement sera infirmé sur le montant du complément d’indemnité de retour sur échantillonnage restant due après réintégration des commissions au titre de la clause ducroire dans la moyenne brute de sa rémunération.

Après majoration du chiffre d’affaires de 184 975,68 euros retenu pour la période du 13 juillet au 12 octobre 2014, du dernier taux moyen déduit au titre des frais de 4 %, et en déduisant les sommes déjà allouées au titre du présent arrêt, il reste dû à ce titre un complément d’indemnité de retour sur échantillonnage de 362,56 euros bruts outre l’indemnité compensatrice de congés payés incidents de 36,25 euros bruts, sommes que la société sera condamnée à payer au salarié.

Sur les rappels de commissions dues au titres des Remises de fin d’année (Rfa)

Le salarié conclut à l’infirmation du jugement qui l’a débouté de cette demande en faisant valoir que la société a pour la première fois à compter de 2005, en violation de l’usage en vigueur, déduit des commissions des RFA que l’entreprise consentait depuis des années aux clients et qu’elle ne pouvait réduire unilatéralement sa rémunération par cette pratique sans obtenir son accord.

La société conclut à la confirmation du jugement en son débouté de cette demande en faisant valoir qu’elle n’a jamais eu la volonté de créer un droit en faveur des VRP tendant à ne pas déduire les RFA de leurs commissions, que l’usage n’est pas établi et que les VRP sollicitent eux-mêmes le bénéfice de ces RFA afin de réaliser un chiffre d’affaires plus conséquent et augmenter ainsi leurs commissions.

En l’espèce, au soutien de cette prétention, le salarié se borne à produire en pièce 38 deux notes de la société respectivement datées du 29 mars 2012 et du 23 août 2013 précisant des modalités de régularisations liées aux retenues sur commissions liées au RFA.

Ces pièces sont totalement insuffisantes à établir l’existence d’un usage d’entreprise relatif à l’absence de déduction des RFA des commissions des VRP, aucune démonstration n’étant apportée du caractère constant, général et fixe de la pratique invoquée, de sorte que le salarié n’établit pas l’existence de l’usage qu’il invoque.

Il ressort expressément de :

– l’article V du contrat de travail que les commissions versées au salarié sont calculées selon un pourcentage du montant net des factures résultant des commandes passées par l’intermédiaire du salarié, après déduction notamment des remises éventuellement accordées ;

– l’article 2 de l’avenant du 22 janvier 2007 signé par le salarié relatif à la rémunération que :’Lorsque le taux de remise globale’ incluant les RFA ‘est supérieur à 28 %, le taux de commission est réduit de 0,5 % pour chaque 1 % de remise globale au-delà de 28 %’ et que : ‘Les commissions seront calculées sur le montant net du chiffre d’affaires après déduction de toutes remises éventuellement accordées (y compris (…) remise de fin d’année (…) etc…)’.

Il s’en déduit que la variation de la rémunération du salarié résultant des remises de fin d’année consenties par l’employeur à ses clients est proportionnelle à celle du chiffre d’affaires de la société et que la variation de la rémunération du salarié est donc fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur. Le moyen tiré de la réduction unilatérale de la rémunération du salarié n’est pas fondé.

Le jugement sera confirmé en son débouté de la demande de rappel de commissions au titre des RFA, des congés payés afférents, des compléments d’indemnité de clientèle et d’indemnité de retour sur échantillonnage compte tenu des rappels de commissions au titre des RFA et des congés payés afférents.

Sur les rappels de primes sur objectifs

Le salarié conclut à l’infirmation du jugement en son débouté de sa demande de rappel de primes sur objectifs pour la période comprise entre juillet 2009 et mars 2014, en faisant valoir que :

– l’employeur lui fixait unilatéralement des objectifs, en violation des stipulations contractuelles prévoyant son accord, n’ayant en effet jamais accepté ces objectifs et n’ayant pas signé les avenants au contrat de travail sur les objectifs ;

– les objectifs semestriels ont été systématiquement fixés postérieurement au début du semestre auquel ils se rapportaient avec plusieurs mois de retard ;

– ceux-ci étaient irréalisables au regard de leur augmentation très importante notamment entre 2009 et 2014, de la fermeture unilatérale par l’employeur de nombreux comptes de ses clients et de l’interdiction d’en ouvrir de nouveaux, du transfert des points de vente les plus importants en termes de chiffre d’affaires de son secteur à la société suivant un système Stars, réduisant dès lors ses commandes ;

– le rapport d’expertise Aptéis intervenu à la demande du Comité social d’entreprise (Cse) au regard de risques psycho-sociaux pouvant affecter des salariés met en exergue à plusieurs reprises des objectifs inatteignables.

La société conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rappels de primes sur objectifs en faisant valoir que :

– l’accord exprès du salarié sur les objectifs n’était pas exigé, l’accord du salarié résultant de l’absence de refus manifesté de sa part dans le délai d’un mois suivant la réception de la lettre recommandée fixant les nouveaux objectifs, celle-ci ayant en effet décidé en l’espèce d’une application volontaire de la procédure propre aux modifications contractuelles d’origine économique ;

– les objectifs étaient communiqués en début d’année aux forces de vente de la société et des points réguliers étaient faits avec les commerciaux sur l’avancement des objectifs ;

– les objectifs étaient réalisables, le salarié ne caractérisant pas les répercussions des prétendues carences de la société sur sa rémunération et le système Stars restant un mode de commercialisation marginal et expressément prévu par l’avenant signé par le salarié le 22 janvier 2007 excluant la clientèle Stars de la clientèle à visiter par le VRP ;

– le rapport d’expertise Aptéis rendu en novembre 2022, huit ans après le départ de l’entreprise du salarié est contestable dans ses analyses et conclusions.

En l’espèce, le contrat de travail prévoit en son article VI que : ‘(…) Il sera fixé d’un commun accord les objectifs à réaliser au cours de l’année considérée globalement et/ou par type de produits. Ces objectifs feront l’objet d’avenant au présent contrat’ ; l’avenant au contrat de travail du 22 janvier 2007 prévoit en son article 2 une rémunération sur la nouvelle ligne Ferragamo confiée et la ligne actuelle Persol comprenant, outre une sur-commission mensuelle de 2 % à titre de versement anticipé sur l’indemnité de clientèle future déjà analysée, une commission mensuelle de 7 % du chiffre d’affaires, une prime sur objectif de 3 % pour chaque période du 1er janvier au 31 juillet et du 1er août au 31 décembre ‘si l’objectif prévu au début de chaque période est atteint’, et en son article 4 intitulé ‘dispositions substantielles’ que les objectifs de l’année 2007 et des années suivantes seront fixés par courriers séparés.

Il ressort des pièces produites aux débats que, sur la période non couverte par la prescription de juillet 2009 à mars 2014, objet de la demande du salarié, les objectifs semestriels ont été systématiquement notifiés au salarié bien au-delà du début de l’exercice semestriel considéré, en général plus de deux mois voire, à trois reprises, plus de trois mois et demi, plus précisément :

– s’agissant de la période du 1er août 2009 au 31 décembre 2009, le 24 septembre 2009, soit plus de deux mois et demi après le début de la période,

– s’agissant de la période du 2 janvier 2010 au 31 juillet 2010, le 11 mars 2010, soit plus de deux mois après le début de la période,

– s’agissant de la période du 1er août 2010 au 31 décembre 2010, le 21 septembre 2010, soit plus de deux mois et demi après le début de la période,

– s’agissant de la période du 3 janvier 2011 au 31 juillet 2011, le 22 avril 2011, soit plus de trois mois et demi après le début de la période,

– s’agissant de la période du 1er août 2011 au 31 décembre 2011, le 29 août 2011, soit près d’un mois après le début de la période,

– s’agissant de la période du 1er janvier 2012 au 31 juillet 2012, le 24 avril 2012, soit plus de trois mois et demi après le début de la période,

– s’agissant de la période du 1er août 2012 au 31 décembre 2012, le 17 septembre 2012, soit plus de deux mois et demi après le début de la période,

– s’agissant de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2013, le 20 mars 2013, soit plus de deux mois et demi après le début de la période,

– s’agissant de la période du 1er août 2013 au 31 décembre 2013, le 25 octobre 2013, soit plus de trois mois et demi après le début de la période,

– s’agissant de la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2014, le 12 mars 2014, soit plus de deux mois après le début de la période.

La société indique que les objectifs étaient communiqués en début d’année aux forces de vente de l’entreprise et que des points réguliers étaient faits avec les commerciaux sur l’avancement des objectifs, mais elle ne produit strictement aucune pièce établissant cette allégation, qui ne sera donc pas retenue.

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés au soutien de cette prétention, il en résulte que les objectifs ont été systématiquement notifiés tardivement, privant ainsi le salarié de la possibilité d’atteindre les objectifs fixés, la cour relevant ici que les objectifs fixés tardivement ont été systématiquement en augmentation constante et très importante d’un exercice à l’autre passant finalement ainsi de 800 pièces d’optique et 1 300 pièces solaires pour la période du 1er août 2009 au 31 décembre 2009 à 4 100 pièces d’optique et 3 700 pièces solaires pour la période du 1er août 2013 au 31 décembre 2013. La demande de rappel de primes sur objectifs est par conséquent fondée.

Le rappel de prime sur objectifs sera fixé, suivant le calcul non contesté et exact proposé par le salarié, à la somme de 119 171,54 euros bruts, et l’indemnité compensatrice de congés payés incidents sera fixée à la somme de 11 917,15 euros bruts. La société sera condamnée au paiement de ces sommes.

Il convient de condamner de manière consécutive la société au paiement d’un complément d’indemnité de retour sur échantillonnage compte tenu des rappels de primes sur objectifs retenus, à hauteur de 18 782,32 euros bruts outre l’indemnité compensatrice de congés payés incidents de

1 878,23 euros, suivant les modalités de calcul non contestées proposées par le salarié. Le jugement sera infirmé sur ces points.

Le jugement sera confirmé sur le débouté des demandes de complément d’indemnité de clientèle et d’indemnité spéciale de rupture compte tenu des rappels de primes sur objectifs retenus.

Sur les rappels de commissions au titre des retours de montures de lunettes

Le salarié demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de cette demande en faisant valoir que la société déduisait illégitimement le prix des montures retournées par ses clients du chiffre d’affaires sur la base duquel étaient calculées ses commissions, le contrat de travail ne prévoyant pas cette disposition.

La société conclut au débouté de cette demande en faisant valoir que les retours de montures sont prévus par les conditions générales de vente de la société que le salarié devait respecter et constituent une pratique commerciale courante, et que le contrat de travail prévoit la déduction des remises du chiffre d’affaires servant de base au calcul des commissions.

En l’espèce, ainsi que précédemment relevé, le contrat de travail et son avenant du 22 janvier 2007 stipulent que les commissions sont calculées sur le montant net du chiffre d’affaires réalisé par le salarié ‘après déduction de toutes remises éventuellement accordées’ aux clients, étant relevé que le contrat de travail stipule que le salarié s’engage à ‘respecter strictement les conditions de vente de la société’ et que l’avenant précise qu’en rémunération de ses services, le salarié percevra sur toutes les affaires faites par son intermédiaire ‘dans le secteur concédé et traitées aux prix et conditions générales de vente de la maison sur commandes directes et indirectes’ les commissions sus-énoncées.

Il ressort des conditions générales de vente produites aux débats par la société que le salarié s’est contractuellement engagé à respecter, que la procédure de retour de marchandise est soumise à l’accord de l’entreprise et prévoit une contre-valeur en avoir, ce qui constitue une remise sur facture.

La société soutient à juste titre que le système des retours de marchandises qui s’inscrit dans une pratique courante dans le commerce constitue une nécessité commerciale dans la mesure où si les opticiens agréés par Luxottica n’avaient pas la possibilité de retourner d’une saison sur l’autre les montures qu’ils n’ont pu vendre, ceux-ci ne renouvelleraient pas leur stock et que tant la société que le salarié s’en trouveraient pénalisés.

Il convient de débouter le salarié de sa demande de rappel de commissions au titre des retours de montures de lunettes ainsi qu’au titre des compléments d’indemnité de clientèle, d’indemnité spéciale de rupture et d’indemnité de retour sur échantillonnage compte tenu des rappels de commissions au titre des retours et des indemnités de congés payés afférents, et de confirmer le jugement sur ces points.

Sur les rappels de commissions au titre du retrait des clients Stars, des fermetures unilatérales des comptes des clients, de l’interdiction d’ouvrir de nouveaux comptes et du non-paiement de l’intégralité des commissions

Le salarié demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de ces chefs en faisant valoir que :

– l’employeur lui a retiré unilatéralement des clients qu’il avait développés sur son secteur géographique afin de les passer sous le système Stars correspondant à un mode de distribution de montures de lunettes auprès de ses clients directement par la société, celle-ci lui demandant alors de ne plus visiter ces clients et ne lui versant plus aucune commission au titre des commandes passées par ces derniers, ce qui s’apparente à un mode de concurrence directe de son activité ;

– la société a fermé d’autorité des comptes de ses clients, le privant des commissions qu’il devait percevoir sur le chiffre d’affaires qu’il réalisait auprès de ceux-ci avant la fermeture de comptes et lui a interdit d’ouvrir de nouveaux comptes clients Persol sur son secteur à compter notamment de 2013, lui faisant ainsi perdre une chance de prendre des commandes auprès de nouveaux clients et de percevoir des commissions sur ces commandes, et il n’a, en tout état de cause, pas été commissionné au titre des commandes effectivement passées par les clients dont les comptes étaient fermés en 2014 ;

– la société a adressé directement des montures de lunettes aux clients Optical Discount situés sur son secteur géographique qu’il avait démarchés et développés et ne lui a pas réglé les commissions au titre des commandes prises par ses clients ainsi aussi que par les clients Grands Comptes de son secteur.

Il demande des rappels de commissions au titre des clients retirés dans le cadre du système Stars, au titre des clients dont les comptes ont été fermés unilatéralement par la société, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la privation illégitime des commissions sur les clients Optical Discount et des clients Grands Comptes et des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la perte de chance d’ouvrir de nouveaux comptes clients.

La société conclut à la confirmation du jugement qui a débouté le salarié de ces demandes en faisant valoir que :

– le salarié ne peut revendiquer un quelconque commissionnement sur les clients souhaitant bénéficier d’un approvisionnement automatique sans prises de commandes directes ou indirectes de sa part ;

– depuis la date de son lancement, la ligne de monture Persol est distribuée de manière sélective au travers d’un réseau de distributeurs agréés devant remplir des critères quantitatifs et qualitatifs avec notamment le respect d’un quota minimum d’achat annuel, ce dont le salarié a toujours été informé ainsi que des conséquences quant aux ouvertures et fermetures de comptes Persol, la désactivation des comptes étant la conséquence directe du non-respect par les clients des critères prévus sur la marque Persol en particulier celui du non-respect des quotas d’achat ;

– le salarié sait que depuis 2010, il n’y a plus eu d’envois systématiques à des clients centralisés (Optical Discount) situés sur son secteur pour la marque Persol et les autres marques.

S’agissant du système Stars

La société explique sans être contredite utilement par le salarié que le système Stars mettant directement le client en contact avec la direction de la société sans passer par un commercial constitue une action marketing soumise à des stipulations particulières autres que celles généralement pratiquées.

Conformément aux dispositions de l’article V.5 1 de son contrat de travail sus-énoncées et des dispositions de l’avenant au contrat de travail du 22 janvier 2007 aux termes desquelles sont notamment exclus de la clientèle du secteur du salarié les ‘magasins en facing fix gérés automatiquement par la maison mère’, le salarié ne peut donc revendiquer des commissions sur les commandes passées par les clients ayant adhéré au système Stars, ces clients n’entrant pas dans la clientèle du salarié contractuellement fixée et auprès de laquelle il n’a pas pris de commandes directes ou indirectes.

S’agissant de l’ouverture et la fermeture de comptes clients

La politique sélective d’ouverture et de fermeture de comptes de clients n’atteignant pas un quota de commandes relève de la politique commerciale de la société qui s’impose au salarié conformément aux dispositions de son contrat de travail et de l’avenant à celui-ci du 22 janvier 2007 ainsi que déjà analysé, de sorte que la demande de versement de commissions sur des comptes n’ayant pas donné lieu à une activité du salarié n’est pas fondée.

Le salarié allègue de commandes effectuées par des clients désactivés, sans toutefois qu’il soit établi par un quelconque élément produit devant la cour de ce que les commandes alléguées ont donné lieu à la réalisation d’un chiffre d’affaires pour la société, de sorte qu’il n’est pas fondé en sa demande de ce chef.

Il allègue en outre de l’absence de règlement de commissions au titre de commandes prises par les clients Grands Comptes de son secteur alors que ces clients étaient démarchés et prospectés par lui, sans plus de précision et sans fournir de pièce utile à la compréhension de cette demande qui ne peut être tenue dans ces conditions pour fondée.

S’agissant des envois systématiques de montures de lunettes à des clients centralisés situés sur le secteur d’activité du salarié

Alors que la société conteste tout envoi systématique de montures de lunettes à des clients centralisés depuis 2010, le salarié n’établit par aucune pièce ses allégations selon laquelle la société a adressé directement des montures de lunettes aux clients Optical Discount démarchés et développés par celui-ci.

Il convient de débouter le salarié de ses demandes de rappels de commissions et d’indemnités compensatrices de congés payés incidents et de dommages et intérêts des chefs précités, ainsi que de ses demandes de compléments d’indemnité de clientèle, d’indemnité spéciale de rupture et d’indemnité de retour sur échnatillonnage compte tenu des rappels de commissions au titre des clients Stars, des fermetures de comptes, de l’interdiction d’ouvrir de nouveaux comptes et du non-paiement de l’intégralité des commissions. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur le retrait unilatéral de la marque Ferragamo

Le salarié conclut à l’infirmation du jugement qui l’a débouté de cette demande et fait valoir que la société lui a retiré unilatéralement les clients de la marque Ferragamo en août 2008 en violation des stipulations contractuelles ; il sollicite un rappel de commissions entre juillet 2009 et mars 2014 de ce chef en relevant que la demande n’est pas prescrite, le point de départ du délai courant à compter de la date d’exigibilité de chaque créance salariale revendiquée, et que les premiers juges ne pouvaient soulever d’office une telle fin de non-recevoir.

La société conclut à la confirmation du jugement en son débouté de cette demande en faisant valoir qu’elle n’a pas retiré cette marque au salarié mais qu’il n’a pas su la commercialiser auprès des clients de son secteur, qu’il n’a jamais argué du retrait unilatéral de cette marque pendant l’exécution du contrat de travail, et qu’il ne pourrait tout au plus obtenir qu’une somme de 2 222,85 euros pour 4 ans et 9 mois.

L’avenant au contrat de travail du 22 janvier 2007 stipule que le salarié se voit confier la représentation des collections Ferragamo et Persol sur des arrondissements de [Localité 5] et des départements du territoire national et percevra en rémunération de ses services, sur toutes les affaires faites par son intermédiaire sur la nouvelle ligne confiée Ferragamo et la ligne déjà confiée Persol, des commissions telles que sus-mentionnées.

Il ressort des tableaux récapitulatifs du chiffre d’affaires du salarié, réalisés par la société, qu’à compter d’août 2008, aucun chiffre d’affaires n’est mentionné au titre de la ligne Ferragamo et qu’aucune commission n’a été versée au salarié au titre de cette ligne, alors qu’il lui revenait de représenter la ligne Ferragamo aux termes des dispositions contractuelles précitées.

Dans ces conditions, indépendamment de l’allégation de la société quant aux insuffisances du salarié au titre de son activité de représentation de la ligne Ferragamo, la cour ne peut que constater que la société, en retirant unilatéralement du portefeuille du salarié la représentation de la ligne Ferragamo, n’a pas respecté les dispositions du contrat de travail afférentes à cette représentation sur le secteur d’activité du salarié.

Le manquement de la société à ses obligations contractuelles ouvre droit au salarié à la réparation de son préjudice subi par ce manquement.

Le préjudice causé au salarié par le retrait unilatéral de la marque Ferragamo par la société est constitué par la rémunération contractuelle dont il a été privé pendant la période comprise entre juillet 2009 et août 2014 non couverte par la prescription, comme demandé, période non contestée par la société.

Eu égard au chiffre d’affaires réalisé par le salarié au titre de la marque Ferragamo au titre de l’année 2007 réalisée entièrement de 40 238,78 euros, chiffre sur lequel les parties s’accordent, il convient de retenir que le montant de commissions dont a été privé le salarié sur l’ensemble de la période considérée s’élève à la somme de 9 365,57 euros bruts.

Il convient par conséquent de condamner la société à payer au salarié les sommes de 9 365,57 euros bruts à titre de rappel de commissions relatives à la marque Ferragamo, outre 936,55 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents.

La société sera par ailleurs condamnée de manière consécutive au paiement d’un complément d’indemnité de retour sur échantillonnage compte tenu des rappels de commissions relatives à la marque Ferragamo retenus, à hauteur de 492,92 euros bruts, ainsi que d’une indemnité compensatrice de congés payés incidents de 49,29 euros. Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur l’indemnisation au titre de l’occupation professionnelle du domicile personnel

La société conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a condamnée au versement d’une indemnité d’occupation professionnelle du domicile personnel en faisant valoir que la demande est en partie prescrite et qu’elle est non fondée eu égard à l’indemnisation des frais professionnels perçue par le salarié.

Le salarié conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement d’une indemnité d’occupation professionnelle du domicile à hauteur de 12 000 euros et sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 73 624,71 euros nets de ce chef, en relevant que la demande n’est pas prescrite.

Le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition.

Il ressort des explications du salarié et des pièces qu’il produit que celui-ci utilisait une partie de son domicile à des fins professionnelles, ayant consacré une pièce de son domicile personnel à l’exécution de ses obligations professionnelles, telles que notamment la rédaction de ses rapports de visite et le stockage des montures de lunettes.

Dans la mesure où aucun local professionnel n’était mis à la disposition du salarié afin de lui permettre d’exécuter ses obligations professionnelles, le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles.

Cette indemnité sera fixée à hauteur de 12 000 euros, cette demande n’étant pas prescrite, ainsi que retenu par le jugement, dont les motifs seront adoptés, étant ici relevé que cette indemnité ne se confond pas avec l’indemnisation des frais professionnels ayant un objet différent.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de remboursement de la société

Eu égard à la solution du litige, la demande de la société de condamnation du salarié au remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement est sans objet.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

Il est rappelé que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Luxottica de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Nanterre, et les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d’appel et à payer au salarié la somme de 3 500 euros nets sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu’il statue sur :

– le complément d’indemnité de retour sur échantillonnage et l’indemnité compensatrice de congés payés sur ce complément,

– le complément d’indemnité de retour sur échantillonnage après réintégration de la clause ducroire et l’indemnité compensatrice de congés payés sur ce complément,

– le rappel de primes sur objectifs et l’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

– le complément de retour sur échantillonnage tenant compte du rappel de primes sur objectifs et l’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

– le rappel de commissions au titre du retrait de la marque Ferragamo et l’indemnité compensatrice de congés payés sur ce complément,

– le complément d’indemnité de retour sur échantillonnage compte tenu du rappel de commissions au titre du retrait de la marque Ferragamo et l’indemnité compensatrice de congés payés sur ce complément,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Luxottica à payer à [K] [W] les sommes suivantes :

* 4 531,90 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage,

* 453,19 euros bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 362,56 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage après réintégration de la clause ducroire,

* 36,25 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur ce complément,

* 119 171,54 euros bruts à titre de rappel de primes sur objectifs,

* 11 917,15 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 18 782,32 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage tenant compte du rappel de primes sur objectifs,

* 1 878,23 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 9 365,57 euros bruts au titre du rappel de commissions du fait du retrait de la marque Ferragamo,

* 936,55 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 492,92 euros bruts à titre de complément d’indemnité de retour sur échantillonnage tenant compte du rappel de commissions du fait du retrait de la marque Ferragamo,

* 49,29 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

RAPPELLE que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Luxottica de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Nanterre, et les créances de nature indemnitaire produisent des intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Luxottica aux dépens d’appel,

CONDAMNE la société Luxottica à payer à [K] [W] la somme de 3 500 euros nets à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller, pour le président empêché, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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