COUR D’APPEL
D’AIX-EN-PROVENCE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Chambre 3-1
N° RG 21/07165 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHOHO
Ordonnance n° 2023/M119
S.A.S. DAME MARTEAU
Représentée par Me Laurent ROUZEAU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
Appelante
SARL JIM anciennement S.A.R.L. [D] [B]
Représentée par Me Alexis REYNE de la SELARL AVOCATIA, avocat au barreau de MARSEILLE
assistée de Me Octave LEMIALE de la SELEURL OCTAVE LEMIALE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant
Intimée
ORDONNANCE D’INCIDENT
Du 14 septembre 2023
Nous, Marie-Amélie VINCENT, magistrat de la mise en état de la Chambre 3-1 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, assistée de Chantal DESSI, Greffier lors des débats, et de Valérie VIOLET, lors du prononcé,
Après débats à l’audience du 04 Juillet 2023, ayant indiqué à cette occasion aux parties que l’incident était mis en délibéré, avons rendu le 14 Septembre 2023, l’ordonnance suivante :
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal de commerce de Marseille a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
Débouté la Sas Dame Marteau de toutes ses demandes ;
Condamné la Sas Dame Marteau à payer à la Sarl [D] [B] la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles,
Laissé à la charge de la Sas Dame Marteau les dépens.
Par acte du 11 mai 2021, la Sas Dame Marteau a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 14 septembre 2022, puis par dernières conclusions du 3 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sas Dame Marteau a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande visant à ordonner la production par la Sarl [D] [B], nouvellement dénommée la Sarl Jim, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter d’un délai de 15 jours après la signification de l’ordonnance:
Du contrat entre la Sarl Jim, et UPS en vue de l’exportation de la médaille au départ de la France vers les USA et sa livraison à M. [M] [R] ;
Du document administratif unique d’exportation (DAU), comprenant notamment, la classification de la médaille et le pays d’origine de la médaille, le bordereau d’expédition, la facture commerciale et l’acte de colisage ;
La traduction en anglais de la description de la médaille remis aux douanes ;
Le courrier/ attestation des douanes américaines confirmant la retenue ou saisie de la médaille et le motif de cette retenue et les instructions douanières ;
Elle sollicite en outre la condamnation de la Sarl Jim à lui payer la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, relativement à la procédure d’incident, et de voir réserver les dépens de l’incident.
Au visa des articles 132 et suivants, 780 et suivants, 899 et suivants et 907 du code de procédure civile, elle fait valoir que la communication des documents sollicités tend à comprendre les raisons de la rétention de la médaille par les douanes américaines, et l’existence de manquements de la Sarl Jim dans l’expédition de la médaille litigieuse, et notamment dans la transmission des informations à la douane américaine. Elle précise que les sommations du 21 décembre 2021 et 21 janvier 2022 sont demeurées infructueuses.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 30 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sarl Jim sollicite du conseiller de la mise en état de :
Débouter la Sarl Dame Marteau de sa demande d’injonction et de sommation de communication de pièces telle que dirigée à son encontre,
A titre subsidiaire, et en tout état de cause, rejeter la demande d’astreinte de la Sarl Dame Marteau,
Condamner la Sarl Dame Marteau à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’incident,
Débouter la Sarl Dame Marteau de sa demande de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Réserver les dépens.
Au visa des articles 16, 134, 139, 142, 146, 780, 788 et 790 du code de procédure civile, elle réplique qu’elle n’a commis aucun manquement, le préjudice invoqué ayant pour faute, non un manque supposé de diligences, mais l’acceptation d’un paiement via Paypal, en violation de ses propres conditions générales, de sorte que la demande de communication n’est pas fondée.
L’incident a été fixé et retenu à l’audience du 4 juillet 2023, et a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe.
MOTIFS
Sur la demande de production forcée de pièces
Aux termes des dispositions de l’article 11 du code de procédure civile, si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il s’agit toutefois d’une simple faculté dont l’exercice est réservé à l’appréciation discrétionnaire du juge qui ne doit pas avoir pour effet de pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve.
Aux termes de l’article 142 du code de procédure civile, les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu conformément aux dispositions des articles 138 et 139, le pouvoir du juge civil d’ordonner la production d’un élément de preuve détenu par une partie étant limitée par l’existence d’un empêchement légitime.
Une partie peut demander au juge la production des pièces détenues par une autre partie, à la condition que les pièces demandées soient précisément identifiées, que leur existence entre les mains d’un tiers ou d’une partie désignée dans la demande soit justifiée. Le demandeur doit en outre justifier d’un intérêt légitime à la production de la ou les pièces dont il sollicite la production et ces dernières doivent être utiles à la solution du litige.
Le conseiller de la mise en état dispose des pouvoirs conférés au juge de la mise en état en application de l’article 907 du code de procédure civile, qui renvoie aux dispositions de l’article 780 du même code.
Au cas d’espèce, s’il n’est pas contesté que la livraison de la médaille litigieuse, vendue par la Sas Dame Marteau à M. [M] [R], résidant sur le sol américain, a été confiée à la Sarl [D] [B], laquelle a sous-traité la livraison à la société Ups, et que celle-ci a été saisie par les services des douanes américaines, les parties s’opposent toutefois quant à l’origine du préjudice.
La Sas Dame Marteau soutient que la Sarl [D] [B] a manqué à son obligation de livraison, et qu’ainsi, elle se trouve fondée à agir en responsabilité quasi-contractuelle à son encontre, l’inexécution contractuelle suffisant à fonder l’existence d’une faute délictuelle. Elle précise à cet égard que, connaissant le lieu de livraison et les caractéristiques de la médaille à livrer, il revenait à la Sarl [D] [B] de prendre les précautions nécessaires pour s’assurer de son passage et douanes et de sa livraison. Elle ajoute que sa demande de communication de pièces tend à comprendre les raisons de la rétention de la médaille aux douanes américaines, et à caractériser l’existence d’un défaut de diligence dans l’exécution du contrat de sous-traitance.
La Sarl Jim, anciennement dénommée Sarl [D] [B] oppose quant à elle que le préjudice invoqué par la Sarl Dame Marteau a pour origine le fait d’avoir accepté un paiement via Paypal, en violation de ses propres conditions générales de vente, permettant ainsi à l’acheteur d’obtenir un remboursement automatique si l’objet n’est pas livré.
Il sera rappelé à titre liminaire qu’il n’appartient pas au conseiller de la mise en état de déterminer l’existence d’une éventuelle responsabilité, mais d’apprécier si les pièces dont la communication est sollicitée sont utiles à la solution du litige, sans toutefois suppléer à la carence des parties dans l’administration de la preuve.
S’agissant de la demande de communication de contrat entre M. [D] [B] et Ups en vue de l’exportation de la médaille au départ de la France vers les Etats-Unis, et sa livraison à M. [M] [R], ainsi que du document administratif unique d’exportation, il apparaît que l’ensemble des démarches ont été dématérialisées, et que la Sarl Jim, anciennement dénommée Sarl [D] [B], est dans l’impossibilité matérielle de produire ces documents.
En effet, ainsi qu’il résulte des échanges de mails entre Mme [B], gérante de la Sarl Jim, anciennement dénommée Sarl [D] [B], et les services nationaux de MBE, rapportant les échanges avec UPS en mars 2023 (pièce n°26 Sarl Jim), « Ils ne garantissent rien car les suivis UPS sont actifs 2-3 mois, mais ils veulent bien tenter. [‘]Le suivi n’est plus disponible, notamment par rapport aux lors encadrant la protection des données ».
L’étiquette apposée sur l’envoi du colis (pièce n°27 Sarl Jim) démontre que le document administratif unique d’exportation comprenant, notamment, la classification de la médaille, et le pays d’origine de la médaille, le bordereau d’expédition, la facture commerciale et l’acte de colisage ont fixés sur le carton d’envoi, générant un code barre et un numéro de tracking permettant le suivi, lequel est produit aux débats (pièce n°4).
S’agissant de la communication de la traduction en anglais de la description de la médaille remise aux douanes, et du courrier de l’attestation des douanes américaines confirmant la retenue ou saisie de la médaille, le motif de cette retenue, ainsi que les instructions douanières, outre la difficulté à laquelle elle se heurte, ces documents étant détenus par UPS, nonobstant les demandes de communication déjà formulées, elle apparaît superfétatoire, la pièce n°24 produite par la Sas Dame Marteau, consistant en un courriel de Ups du 13 mai 2019, relatant les motifs opposés par la douane américaine pour justifier la rétention de la médaille.
Les documents sollicités n’apparaissent dès lors pas indispensables à la solution du litige, leur production, en raison de l’ancienneté du litige, de leur caractère dématérialisé et de l’absence de la société UPS à la présente procédure, apparaissant au demeurant particulièrement difficile, voire impossible.
La demande de communication des pièces susvisées est dès lors rejetée. Il appartiendra aux parties d’en tirer toutes conséquences dans la procédure au fond devant la cour.
Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens
La Sas Dame Marteau, qui succombe, sera condamnée à payer à la Sarl Jim, anciennement dénommée Sarl [D] [B], la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles de l’incident, ainsi qu’aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
Le conseiller de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute la Sas Dame Marteau de sa demande de communication de pièces,
Condamne la Sas Dame Marteau à payer à la la Sarl Jim, anciennement dénommée Sarl [D] [B], la somme de 1.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sas Dame Marteau aux dépens, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier Le magistrat de la mise en état
Copie délivrée aux avocats des parties ce jour.
Le greffier