N° RG 22/01176 – N° Portalis DBVX-V-B7G-ODV6
Décision du Tribunal de Commerce de Saint-Etienne du 14 décembre 2021
RG : 2021/781
[D]
C/
S.A.S. LOCAM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 14 Septembre 2023
APPELANT :
M. [U] [D]
né le 10 Juin 1971 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002115 du 03/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
Représenté par Me Philippe BURATTI de la SCP BUFFET – BURATTI, avocat au barreau de LYON, toque : 195, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Mohamed KHANIFAR, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMEE :
S.A.S. LOCAM au capital de 11 520 000 €, immatriculée au RCS de SAINT ÉTIENNE sous le numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domiciliée ès qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 24 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 31 Mai 2023
Date de mise à disposition : 14 Septembre 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Marianne LA-MESTA, conseillère
– Aurore JULLIEN, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé daté du 7 juillet 2020, M. [U] [D] a signé un contrat de licence d’exploitation de site internet avec la SAS Incomm (ci-après la société Incomm) moyennant le règlement de 48 loyers mensuels d’un montant de 186 euros HT, soit 223,20 euros TTC.
La société Incomm a ensuite cédé le contrat à la SAS Location Automobiles de Matériels (ci-après la société Locam).
Le 16 septembre 2020, M.[D] a signé le procès-verbal de livraison et de conformité du site internet.
Par courrier recommandé du 7 juillet 2021, la société Locam a mis M. [D] en demeure de lui régler 7 loyers impayés depuis le 10 décembre 2020 dans un délai de 8 jours sous peine de déchéance du terme et de l’exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat, à savoir les arriérés et l’indemnité de résiliation correspondant au 38 loyers à échoir, outre la clause pénale de 10%.
Cette mise en demeure étant demeurée sans effet, la société Locam a, par acte d’huissier du 27 octobre 2021, assigné M. [D] devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer la somme principale de 11.293,92 euros.
Par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
– condamné M. [D] à payer à la société Locam la somme de 11.293,92 euros, y incluse la clause pénale de 10%, outre intérêts au taux légal à dater de l’assignation,
– condamné M. [D] à payer à la société Locam la somme de 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens seront payés par M. [D] à la société Locam,
– dit qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de droit exécutoire par provision.
M. [D] a interjeté appel par acte du 9 février 2022.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 septembre 2022, M. [D] demande à la cour, sur le fondement des articles L. 121-8 et L. 132-13 du code de la consommation, ainsi que sur celui de l’article 1231-5 du code civil :
à titre principal,
– de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
– de constater l’existence d’un abus de faiblesse à son encontre,
en conséquence,
– de juger la nullité du contrat qu’il a conclu avec la société Locam,
– de condamner la société Locam à lui rembourser les sommes qu’il a versées au titre de l’exécution du contrat, soit la somme de 868,80 euros,
– de débouter la société Locam de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
à titre subsidiaire,
– de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
– de constater l’existence d’un vice du consentement à son préjudice,
en conséquence,
– de juger la nullité du contrat qu’il a conclu avec la société Locam,
– de condamner la société Locam à lui rembourser les sommes qu’il a versées au titre de l’exécution du contrat, soit la somme de 868,80 euros,
– de débouter la société Locam de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
à titre infiniment subsidiaire,
– de fixer à 3.577,60 euros la somme qu’il doit à la société Locam au titre des loyers échus à la date des présentes conclusions,
– de requalifier le troisième paragraphe de l’article 17.3 des conditions générales du contrat de location en une clause pénale,
– de réduire à la somme de 1 euro les sommes sollicitées en application du paragraphe 3 de l’article 17.3 des conditions générales du contrat de location,
– de débouter la société Locam de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
en tout état de cause,
– de condamner la société Locam à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de statuer ce que de droit sur les dépens.
A l’appui de ses prétentions, M.[D] fait valoir :
– que le contrat litigieux relatif à la création et l’hébergement d’un site internet, a été conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile et n’entre pas dans le champ de son activité principale, à savoir l’entretien d’espaces verts,
– que dès lors, en vertu de l’article L.221-3 du code de la consommation, les dispositions consuméristes relatives à l’abus de faiblesse ont vocation à s’appliquer à la convention qu’il a conclue avec la société Incomm,
– qu’il justifie, par des attestations de proches, de clients et même d’agents territoriaux de sa commune, qu’il ne sait ni lire, ni écrire et que cet illettrisme est flagrant, de sorte qu’il a nécessairement été perçu par le commercial qui l’a démarché,
– qu’il était donc facile pour ce dernier d’exploiter sa vulnérabilité intellectuelle, alors qu’il n’était manifestement pas en mesure de comprendre la portée de ses engagements ou de déceler les ruses et artifices déployés pour le convaincre de souscrire,
– qu’un site internet ne lui est d’ailleurs d’aucune utilité, puisqu’il a toujours eu une clientèle de proximité qu’il s’est constituée par le ‘bouche à oreille’,
– que l’engagement à hauteur de 223,20 euros par mois est en outre manifestement excessif et inadapté au regard de son activité qui génère des revenus n’excédant pas 1.000 euros par mois,
– que la mauvaise foi du cocontractant s’induit également de la falsification du contrat produit par la société Locam qui s’est autorisée à rajouter le paraphe de M.[D] en bas des pages des stipulations des conditions générales, puisque l’exemplaire original carboné lui ayant été remis ne contient pas ce paraphe censé avoir été apposé le jour de la signature du contrat par les parties,
– qu’il doit encore être noté que la formule ‘lu et approuvé’ est, dans sa calligraphie, en discordance totale avec sa signature hésitante et révélatrice de son illettrisme,
– que ces manoeuvres, qui constituent la négation complète de l’expression de sa volonté, sont assimilables à un comportement délictueux d’abus de faiblesse, lequel doit être sanctionné par la nullité du contrat en application des articles L.122-8 et L.132-13 du code de la consommation,
– qu’à tout le moins, il y a lieu de retenir que son consentement a été vicié pour erreur, car il n’a pu donner un consentement éclairé en raison de son illettrisme, ce qui est également une cause de nullité du contrat,
– que si par impossible, le contrat était considéré comme valable, il conviendrait de constater que l’article 17.3 des conditions générales de vente s’analyse en une clause pénale qui apparaît manifestement excessive par rapport au préjudice subi par la société Locam, car elle ne vise pas seulement à compenser les risques financiers de cette dernière, mais plus largement à contraindre le locataire à exécuter le contrat jusqu’à son terme.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, fondées sur les articles 1103 et 1231-2 du code civil, l’article liminaire du code de la consommation, les articles 14 et 910-4 du code de procédure civile, ainsi que sur l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, la société Locam demande à la cour de :
– juger non fondé l’appel de M. [D],
– le débouter de toutes ses demandes comme pour partie irrecevables et toutes non fondées,
– confirmer le jugement entrepris,
– condamner M. [D] à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner en tous les dépens d’instance et d’appel.
La société Locam expose en substance :
– que M.[D] n’a pas régularisé sa situation dans les 8 jours suivant l’envoi de la mise en demeure du 7 juillet 2021, de sorte qu’en vertu de l’article 17.3 du contrat de licence, le contrat s’est trouvé résilié de plein droit et la totalité des sommes dues est devenue immédiatement exigible,
– que M.[D] n’est pas fondé à exciper des dispositions du code de la consommation, dès lors qu’il a contracté pour les besoins de son activité professionnelle et en qualité de commerçant, comme en témoigne son immatriculation depuis le 20 juin 2008 au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand,
– que M.[D] dispose en toute hypothèse d’un compte bancaire sur lequel deux loyers ont été prélevés, mais également d’un tampon humide à son enseigne qu’il a apposé sur les documents contractuels,
– qu’il a en outre fourni ou validé le contenu du site internet commandé à la société Incomm,
– que tous ces éléments sont incompatibles avec l’illettrisme, et par voie de conséquence l’abus de faiblesse, qu’il allègue,
– qu’il s’est par ailleurs dispensé d’agir à l’encontre de la société Incomm, si bien qu’en application de l’article 14 du code de procédure civile et du droit au procès équitable, le grief tiré de l’abus de faiblesse est irrecevable à son égard,
– que la demande de nullité de l’appelant fondée sur le vice du consentement doit elle-aussi être déclarée irrecevable par application de l’article 910-4 du code de procédure civile, car elle est invoquée pour la première fois dans ses secondes conclusions d’appel notifiées le 26 septembre 2022,
– qu’en tout état de cause, M.[D] ne prouve en aucune façon avoir commis une erreur, l’état de faiblesse dont il se prévaut n’étant pas plus avéré en droit qu’en fait,
– que le pouvoir modérateur du juge en matière de clause pénale est subordonné à la démonstration du caractère manifestement excessif de la peine forfaitairement convenue, celui-ci s’appréciant au regard du préjudice effectivement subi par le créancier du fait de l’inexécution du contrat jusqu’à son terme,
– que conformément à son rôle purement financier, elle a acquitté la totalité du prix d’acquisition du matériel au visa du procès-verbal dûment ratifié par M.[D], mobilisant un capital qui avait vocation à s’amortir sur la durée de 48 mois convenue entre les parties,
– qu’en interrompant brutalement les paiements dès la 3ème échéance, M.[D] a ruiné l’économie de la convention, sachant que le préjudice est évalué non seulement par rapport à la perte éprouvée, mais aussi au regard du manque à gagner,
– que le prix du loyer correspond très exactement à l’addition de l’amortissement mensuel du capital restant dû et de la marge brute de celui-ci sur la même période, étant souligné que la valeur de reprise d’un site internet est nulle, dans la mesure où le nom de domaine et le contenu du site sont spécifiques à l’identité et l’activité de M.[D].
La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 janvier 2023, les débats étant fixés au 31 mai 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu’il n’y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n’en étant pas saisie.
Il est également précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est postérieur au 1er octobre 2016.
Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article 1216 du code civil, un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé.
Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte.
La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
L’article 1216-1 du même code dispose que si le cédé y a expressément consenti, la cession de contrat libère le cédant pour l’avenir. A défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l’exécution du contrat.
L’article 1216-2 prévoit encore que le cessionnaire peut opposer au cédé les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation de dettes connexes. Il ne peut lui opposer les exceptions personnelles au cédant.
Le cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.
Les articles 14 et 16 du code de procédure civile énoncent quant à eux que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée et que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il résulte de l’application combinée de ces dispositions que si le cédé a la possibilité de se prévaloir de la nullité du contrat pour s’opposer à la demande en paiement formée par le cessionnaire sur le fondement de la convention, cet anéantissement ne peut être prononcé qu’en présence du cédant, lorsque le moyen de nullité invoqué est purement personnel à ce dernier ou qu’il vise la période antérieure à sa décharge, afin que celui-ci puisse faire valoir ses observations et que la décision lui soit opposable, conformément au principe de la contradiction rappelé ci-dessus.
En l’espèce, il n’est pas discuté par M.[D] que le contrat qu’il avait initialement conclu avec la société Incomm a été cédé à la société Locam en vertu de l’article 12.02 des conditions générales selon lesquelles ‘le fournisseur pourra céder le présent contrat, et tous les droits qui y sont attachés, au profit d’un cessionnaire. Le partenaire accepte dès aujourd’hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l’accord du cessionnaire. Le partenaire sera informé de la cession par tout moyen et notamment le libellé de sa facture échéancier ou de l’avis de prélèvement qui sera émis.’
Selon cette stipulation contractuelle, M.[D] a expressément donné son accord anticipé à la cession de contrat en apposant sa signature sur l’acte régularisé avec la société Incomm le 7 juillet 2020.
La société Locam produit également une facture émise le 24 septembre 2020, justifiant du prix de cession à son profit du contrat portant sur le ‘Pack solution elie-pister.fr’, par la société Incomm.
De son côté, M.[D] ne conteste pas avoir été destinataire de la facture unique de loyers en date du 29 septembre 2020 lui ayant été adressée pour l’aviser de la cession, et ce conformément à l’article 12.02 précité. De même ne dénie-t-il pas les affirmations de la société Locam selon lesquelles celle-ci a prélevé les deux premières échéances sur son compte bancaire, ce qui emporte aussi information de la cession du contrat de la société Incomm à la société Locam.
En application de l’article 1216-2 alinéa 2 du code civil précité, M.[D] a donc la faculté d’opposer à la société Locam, cessionnaire, toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer à la société Incomm, cédant.
Il convient cependant de relever que l’abus de faiblesse défini par l’article L.121-8 du code de la consommation, tel qu’invoqué à titre principal par M.[D] à l’appui de sa demande d’annulation du contrat, est une exception purement personnelle au cédant, la société Incomm à laquelle est reproché un comportement dolosif, tandis que le vice du consentement dont il excipe subsidiairement est un grief relatif aux conditions de formation du contrat, donc né avant la cession de celui-ci à la société Locam.
Or, il ne peut qu’être constaté que M.[D] n’a pas attrait en la présente instance son cocontractant initial, à savoir la société Incomm, de sorte que sauf à méconnaître les dispositions des articles 14 et 16 du code de procédure civile, il n’est pas recevable à se prévaloir de l’anéantissement du contrat à raison d’agissements commis par cette dernière lors de la conclusion de la convention ou pour un motif antérieur à la substitution de contractant par l’effet de la cession.
Il convient en tout état de cause de relever qu’aucun des moyens soulevés par M.[D] en vue d’obtenir l’annulation du contrat n’aurait pu être favorablement accueilli.
En effet, quand bien même il n’est pas discuté par la société Locam que le contrat litigieux a été conclu hors établissement et que M.[D] emploie moins de 5 salariés et qu’il peut par ailleurs être retenu que l’objet de la convention, à savoir la création et la maintenance d’un site internet, n’entre pas dans le champ de son activité principale de paysagiste, il reste que l’abus de faiblesse visé par l’article L.121-8 du code de la consommation n’entre pas dans le champ d’application de l’extension des dispositions protectrices du code de la consommation à ce type de contrat entre professionnels, telle que prévue par l’article L.221-3 dudit code.
Au demeurant, le seul fait d’être illettré n’est pas en lui-même suffisant pour caractériser un abus de faiblesse, l’article L.121-8 précité imposant en effet de rapporter la preuve de circonstances montrant que la personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée de ses engagements.
Or, il n’est pas démontré par M.[D] que le commercial qui l’a démarché aurait usé de stratagèmes particuliers pour le convaincre de signer sans lui fournir oralement les informations nécessaires à la compréhension des principales caractéristiques du contrat, étant souligné que M.[D] n’évoque pas présenter de déficit intellectuel particulier qui entraverait son aptitude au raisonnement. Il sera en outre observé que le loyer mensuel stipulé en contrepartie de la prestation de fourniture du site internet n’est pas intrinsèquement exorbitant, de sorte qu’aucune disproportion ne peut se déduire du contrat lui-même.
M.[D] ne soutient pas non plus s’être trouvé dans l’impossibilité de prendre connaissance du contenu exact de la convention par le biais de ses proches juste après la signature de l’acte et donc d’avoir été privé de la faculté d’exercer le droit de rétractation mentionné en première page, alors que les attestations qu’il produit révèlent qu’il sait habituellement se tourner vers un entourage amical qui lui apporte justement une aide à cette fin.
Pours les mêmes motifs, le moyen tiré de l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation n’aurait donc pas non plus pu prospérer.
Sur la créance la société Locam
Les articles 1103 et 1104 du code civil énoncent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu’ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Par ailleurs, aux termes de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
En l’espèce, l’article 17.3 des conditions générales du contrat de licence stipule qu’il peut être résilié de plein droit par le fournisseur ou le cessionnaire, sans aucune formalité judiciaire, 8 jours après une mise en demeure restée infructueuse, notamment en cas de non paiement à terme d’une seule échéance.
La clause prévoit que dans cette hypothèse, outre la restitution du site internet, le partenaire devra verser au fournisseur ou au cessionnaire une somme égale au montant des échéances impayées au jour de la résiliation majorée d’une clause pénale de 10% et des intérêts de retard, ainsi qu’une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat majorée d’une clause pénale de 10%, sans préjudice de tous dommages et intérêts qu’il pourrait devoir du fait de la résiliation.
Outre les majorations de 10% déjà contractuellement désignées comme telles, l’indemnité contractuelle de résiliation, égale aux montant des loyers à échoir jusqu’au terme du contrat, doit elle-aussi être qualifiée de clause pénale susceptible de modération en cas d’excès manifeste au sens de l’article 1231-5 précité.
En effet, cette indemnité ne vise pas seulement à compenser les risques financiers pour le bailleur. Elle a également pour objectif, d’une part de contraindre le débiteur à exécuter ses obligations, d’autre part d’évaluer forfaitairement et par avance le préjudice subi par le bailleur à raison de la résiliation anticipée du contrat par l’effet de la clause résolutoire.
Dans le cas présent, la société Locam a, par courrier recommandé du 7 juillet 2021 visant la clause résolutoire, mis M.[D], en demeure de lui régler 7 loyers impayés et indiqué à ce dernier qu’à défaut de paiement dans le délai de huit jours, la déchéance du terme serait prononcée et le solde de la dette deviendrait immédiatement exigible, à savoir :
– les 7 loyers impayés, outre celui à venir du mois de juillet 2021, soit 1.785,60 euros (223,20×8), les 7 premiers loyers étant majorés d’une clause pénale de 10% (156,24 euros),
– les 38 loyers à échoir jusqu’au 10 septembre 2024 d’un montant total de 8.481,60 euros (223,20×38), également majorés d’une clause pénale de 10% (848,16 euros).
Si le préjudice financier de la société Locam est indéniable, eu égard à la facture acquittée auprès de la société Incomm (6.278,48 euros), à la rupture anticipée du contrat de 48 mois et à l’arrêt des paiements par M.[D] après seulement 2 échéances, la somme globale revendiquée au titre de la clause pénale, à savoir le cumul de l’indemnité de résiliation et des pénalités de 10% représentant la somme totale de 8.481,60 + 848,16 + 156,24 = 9.486 euros, doit quand même être jugée manifestement excessive.
Il y a ainsi lieu de tenir compte des 2 loyers déjà perçus par la société Locam pour la somme de 446,40 euros (223,20 x2) et des 8 loyers impayés avant la prise d’effet de la résiliation (1.785,60 euros) dus par M.[D], mais également du choix fait par la société Locam de ne pas réclamer la restitution du site internet financé.
En conséquence, par infirmation du jugement querellé, la clause pénale constituée des majorations de 10 % et de l’indemnité de résiliation, est justement arrêtée à la somme de 4.500 euros, de sorte que la créance globale de la société Locam est chiffrée à 6.285,60 euros (4.500 + 1.785,60), étant précisé que conformément aux dispositions de l’article 1344-1 du code civil, cette condamnation produira intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2021, date de présentation du courrier recommandé de mise en demeure.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Partie succombante, M.[D] doit supporter les dépens d’appel comme ceux de première instance, ce qui conduit à la confirmation du jugement déféré sur le sort des dépens.
Il l’est également s’agissant de la condamnation de M.[D] à verser à la société Locam une somme de 100 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance. L’équité commande en revanche de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Locam en cause d’appel. Compte tenu de la solution donnée au litige, la demande formée sur ce fondement par M.[D] sera évidemment rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l’appel,
Déclare irrecevables les moyens soulevés par M.[U] [D] aux fins de voir prononcer la nullité du contrat,
Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la créance de la SAS Locam,
Statuant à nouveau sur le chef de jugement infirmé et ajoutant,
Condamne M.[U] [D] à verser à la SAS Locam la somme de 6.285,60 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2021,
Condamne M.[U] [D] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties en cause d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE