COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
YW/IM
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/01204 – N° Portalis DBVP-V-B7D-EQTS
Jugement du 29 Avril 2019
Tribunal de Grande Instance d’ANGERS
n° d’inscription au RG de première instance 17/00573
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2023
APPELANTS :
Monsieur [H] [V]
né le 03 Janvier 1986
[Adresse 5]
[Localité 2]
Madame [N] [I] épouse [V]
née le 11 Mai 1986
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Morgane OJALVO DENIEL, avocat plaidant au barreau de PARIS – N° du dossier 71190216
INTIMEE :
SAS LARIVIERE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Magali GUIGNARD de la SELARL 08H08 AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 06 Février 2023 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WOLFF, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
Mme GANDAIS, conseillère
M. WOLFF, conseiller
Greffière lors des débats : Mme LEVEUF
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 19 septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente, et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Selon une facture n° 8279043 du 29 mars 2012, M. [H] [V] a acheté à la société Larivière (la société) du matériel de couverture pour un montant total de 14 412,18 euros TTC.
Plus tard, par une lettre du 30 septembre 2015, M. et Mme [V] ont écrit à la société : « Suite à un retard de chantier, nous n’avons pas manifesté le retrait de notre matériel, et lorsque nous l’avons fait, vous nous annoncez que vous n’avez plus le matériel’ »
M. et Mme [V] ont ensuite fait assigner la société devant le tribunal de grande instance d’Angers, par acte d’huissier de justice du 28 février 2017. Ils demandaient, entre autres, la résolution de la vente, ainsi que la condamnation de la société à leur verser les sommes de 3000 euros à titre de dommages et intérêts et 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 avril 2019, le tribunal a notamment :
Rejeté la demande de résolution et de restitution du prix ;
Rejeté la demande de dommages et intérêts ;
Dit que la société était fondée à conserver le prix des marchandises à titre d’acompte et de clause pénale ;
Condamné M. et Mme [V] aux dépens ;
Rejeté les autres demandes des parties.
M. et Mme [V] ont relevé appel de ces chefs du jugement par déclaration du 13 juin 2019.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 11 janvier 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2020, M. et Mme [V] demandent à la cour :
De réformer le jugement en ce qu’il a rejeté leurs demandes de résolution de la vente, de restitution du prix, et de condamnation de la société au versement de dommages et intérêts, et de l’infirmer en ce qu’il a dit que la société était fondée à conserver le prix des marchandises, et les a condamnés aux dépens ;
De prononcer la résolution de la vente ;
De condamner la société à leur payer la somme de 14 412,18 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2012 ;
De condamner la société à leur verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
De rejeter les demandes de la société ;
De la condamner aux dépens et à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [V] soutiennent que :
La commande du matériel litigieux était nécessaire à la réalisation de la couverture de leur maison, dont le chantier avait débuté en janvier 2012. Une erreur d’implantation et un non-respect des cotes et dispositions des plans, commis par l’entreprise de gros ‘uvre, ont néanmoins empêché la poursuite de la construction. Ils ont alors engagé une procédure judiciaire, qui s’est achevée avec une ordonnance de référé du premier président de la cour d’appel de Rennes du 4 février 2014. Afin de satisfaire à son obligation de délivrance, le vendeur doit mettre la chose vendue en possession de l’acheteur, c’est-à-dire entre ses mains. En l’espèce, il appartient à la société de rapporter la preuve que la marchandise a effectivement été mise à leur disposition. Or il est démontré et non contesté qu’elle ne l’a pas été, puisque lorsqu’ils ont souhaité la retirer, il leur a été indiqué qu’elle n’était plus là. À défaut de date convenue par les parties pour le retrait de la marchandise ou de délai de retrait, il incombait à la société de la conserver jusqu’au jour de son retrait effectif. La société n’apporte pas le moindre élément sur le retrait qui aurait lieu.
La société ne peut leur reprocher aucune carence au sens de l’article 6 des conditions générales de vente, puisque précisément ils ont souhaité prendre livraison de leur marchandise et qu’on leur a indiqué qu’elle apparaissait comme retirée.
Dans ses conclusions notifiées le 13 décembre 2019, la société demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner M. et Mme [V] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société soutient que :
Il ressort de la facture du 29 mars 2012 que le lieu de livraison convenu était l’entrepôt de l’agence. S’agissant d’une vente sur place, la tradition réelle de la marchandise a été réalisée par la livraison et par la mise à disposition dans l’entrepôt. Ainsi, elle a satisfait à son obligation de délivrance, la marchandise ayant été mise à disposition de M. et Mme [V] sur le lieu de livraison prévu dans la facture. La marchandise a été retirée par la société de couverture qui était initialement en charge des travaux et qui a été placée ensuite en liquidation judiciaire. Sa responsabilité ne saurait être recherchée. Il ne saurait lui être reproché le moindre manquement contractuel.
MOTIVATION
M. et Mme [V] invoquent le droit commun de la vente.
Il résulte de l’article 1603 du code civil que l’une des deux obligations principales du vendeur est celle de délivrer la chose qu’il vend.
Selon l’article 1604 du même code, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur.
Aux termes de l’article 1606, la délivrance des effets mobiliers s’opère, ou par la remise de la chose, ou par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent, ou même par le seul consentement des parties, si le transport ne peut pas s’en faire au moment de la vente, ou si l’acheteur les avait déjà en son pouvoir à un autre titre.
Enfin, l’article 1609 dispose que la délivrance doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en a fait l’objet, s’il n’en a été autrement convenu.
Ainsi, il est constant que dans le cadre d’une vente, et nonobstant la formulation de ces différents articles, il convient de distinguer la délivrance de la chose vendue de sa livraison. La première consiste simplement pour le vendeur à mettre la chose à la disposition de l’acheteur. La seconde correspond quant à elle, pour un bien meuble, à sa remise matérielle à l’acheteur, laquelle n’incombe pas, en principe, au vendeur, qui n’est pas tenu de déplacer la chose pour la remettre effectivement entre les mains de l’acheteur.
Il s’ensuit que, sauf convention contraire, le vendeur exécute son obligation de délivrance en mettant la chose à la disposition de l’acheteur pour qu’il en prenne livraison.
Une fois cette obligation accomplie par le vendeur, l’acheteur est tenu quant à lui d’une obligation de retirement, c’est-à-dire d’accomplir les actes matériels lui permettant d’entrer en possession de la chose. Si aucun délai n’a été convenu, l’acheteur doit normalement prendre livraison immédiatement après la vente.
En l’espèce, il est constant qu’après que M. et Mme [V] ont payé à la société la somme de 14 412,18 euros par chèque le 20 mars 2012, celle-ci, par l’intermédiaire de son agence de [Localité 1] située [Adresse 6], a édité à leur attention le 29 mars 2012 une facture d’un même montant, sur laquelle la mention «payé» a été apposée. La liste des marchandises y était précédée de la référence «B.L. N° : 64168 DU : 29/03/2012». Enfin, cette facture portait l’indication suivante :
«Livraison : VC [Localité 1]
AVENUE DE LA RESISTANCE
ROUTE DE L’AEROCLUB
[Localité 1]
FRANCE».
Cette remise à M. et Mme [V] d’une facture revêtue de la mention «payé», pour du matériel qui avait fait l’objet le même jour d’un bon de livraison («B.L.») et qui, selon le lieu de livraison indiqué, se trouvait sur place caractérisait la mise à disposition, par la société, de ce matériel aux acheteurs.
Ainsi, par cette facture, il est rapporté la preuve que la société a, immédiatement après la vente, satisfait à son obligation de délivrance vis-à-vis de M. et Mme [V].
À supposer que la marchandise n’ait jamais été retirée comme M. et Mme [V] le prétendent, ces derniers ont pour leur part manqué à leur obligation de retirement en laissant s’écouler le délai, excessif, de trois ans pour chercher à prendre livraison. Cette durée ne saurait en effet se justifier vis-à-vis de la société par une procédure à laquelle celle-ci n’était pas partie, et dont rien ne démontre qu’elle était informée. Cette inexécution par M. et Mme [V] de leurs propres obligations exonère la société de toute responsabilité liée à l’absence dans ses entrepôts, après ces trois années, de la marchandise.
Dans ces conditions, M. et Mme [V] n’invoquant aucun autre fondement, c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté leur demande de résolution de la vente, ainsi que celle, subséquente, de dommages et intérêts.
Selon l’article 6 des conditions générales de vente, qui sont produites par la société et non contestées dans leur principe par M. et Mme [V], ‘ en cas de carence de l’Acheteur à prendre livraison des marchandises commandées, il […] sera loisible [à la société], soit de poursuivre l’exécution du contrat en justice et de réclamer du chef de cette carence le règlement du prix et tous dommages et intérêts, soit encore de conserver purement et simplement les acomptes éventuellement versés par l’acheteur afin de [la] dédommager du préjudice subi, et ce, à titre de clause pénale.
Cette clause pénale, qui n’est pas autrement discutée par M. et Mme [V], a pleinement vocation à s’appliquer en l’espèce, dès lors que le temps extrêmement long pris par ces derniers pour exécuter leur obligation de retirement s’apparente à une inexécution totale de cette obligation.
C’est donc là encore à bon droit que le tribunal a dit que la société était fondée à conserver le prix à titre d’acompte et de clause pénale.
M. et Mme [V] perdant le procès, ils doivent supporter tant les dépens de première instance que ceux d’appel. Ils se trouvent de ce fait redevables vis-à-vis de la société d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Le jugement sera donc infirmé sur ce point et M. et Mme [V] seront condamnés à verser à la société la somme de 1500 euros. Leur demande faite sur ce fondement sera quant à elle rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour :
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a rejeté la demande faite par la société Larivière sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [H] [V] et Mme [N] [I] épouse [V] aux dépens de la procédure d’appel ;
Condamne M. [H] [V] et Mme [N] [I] épouse [V] à verser à la société Larivière la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande faite par M. [H] [V] et Mme [N] [I] épouse [V] sur le fondement de cet article.
LA GREFFIERE P/LA PRESIDENTE EMPECHEE
C. LEVEUF Y. WOLFF