ARRÊT N° 287
RG N° : N° RG 22/00665 – N° Portalis DBV6-V-B7G-BILZU
AFFAIRE :
S.A. FRANCE ECO ENERGY
C/
[X] [D], [W] [T] épouse [D], S.A. COFIDIS
GS/MLL
demande en nullité du contrat ou d’une clause du contrat
Grosse délivrée
aux avocats
COUR D’APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2023
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Le vingt Septembre deux mille vingt trois la Chambre civile de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :
ENTRE :
S.A. FRANCE ECO ENERGY
dont le siège social est sis au [Adresse 1] – [Localité 8]
représentée par Me Emmanuel RAYNAL de la SELARL RAYNAL-DASSE, avocat au barreau de LIMOGES, Me Etienne AVRIL, avocat au barreau de LYON
APPELANTE d’un jugement rendu le 18 JUILLET 2022 par le Tribunal judiciaire de BRIVE LA GAILLARDE
ET :
[X] [D]
né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 10] (Algérie) [Localité 2],
demeurant [Adresse 11] – [Localité 5]
représenté par Me Christian DELPY, avocat au barreau de BRIVE
[W] [T] épouse [D]
née le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 9],
demeurant [Adresse 11] – [Localité 5]
représentée par Me Christian DELPY, avocat au barreau de BRIVE
S.A. COFIDIS
dont le siège social est sis au [Adresse 7] – [Localité 6]
représentée par Me Laetitia DAURIAC de la SELARL SELARL DAURIAC ET ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES substituée par Me Damien VERGER, avocat au barreau de LIMOGES
INTIMES
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Selon avis de fixation de la présidente de chambre chargée de la Mise en Etat, l’affaire a été fixée à l’audience du 07 Juin 2023 pour plaidoirie. L’ordonnance de clôture a été rendue le 03 mai 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Gérard SOURY, conseiller, magistrat rapporteur, assisté de Madame Marie-Laure LOUPY, Greffier, a tenu seul l’audience au cours de laquelle il a été entendu en son rapport, les avocats des parties sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.
Après quoi, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 06 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi. A cette date, le délibéré a été prorogé au 20 septembre 2023, les parties ayant été régulièrement avisées.
Au cours de ce délibéré, Monsieur Gérard SOURY, a rendu compte à la Cour, composée de Mme Corinne BALIAN, Présidente de chambre, de lui-même et de Madame Marie-Christine SEGUIN, Conseillers. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.
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LA COUR
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FAITS et PROCÉDURE
Le 22 mai 2019, M. [X] [D] a passé commande auprès de la société France eco energy d’une installation de production d’énergie solaire d’un prix de 26 500 euros financée au moyen d’un crédit affecté souscrit auprès de la société Cofidis (la banque).
Les travaux d’installation ont été effectués et le prix payé.
Se plaignant du défaut de fonctionnement de l’installation, M. [D] et son épouse, Mme [W] [D], ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Brive qui a ordonné, le 22 octobre 2020, une expertise confiée à M. [X] [R], lequel a déposé son rapport le 29 juillet 2021.
Au vu de ce rapport, les époux [D] ont assigné, le 24 novembre 2021, la société France eco energy et la banque devant le tribunal judiciaire de Brive pour voir :
– prononcer la résolution de la vente de l’installation et, par voie de conséquence, celle du crédit affecté en soutenant que la société France eco energy avait manqué à son obligation contractuelle de leur délivrer une installation en état de fonctionnement,
– condamner ces sociétés à réparer leurs préjudices.
Par jugement du 18 juillet 2022, le tribunal judiciaire a notamment :
– prononcé la résolution de la vente et par voie de conséquence celle du crédit affecté, après avoir constaté que l’installation vendue ne fonctionnait pas,
– ordonné les restitutions consécutives à ces résolutions,
– condamné la société France eco energy à garantir et relever indemne les époux [D] de leur condamnation à restituer le capital prêté à la banque,
– condamné la société France eco energy à payer des dommages-intérêts aux époux [D] et à la banque.
La société France eco energy a relevé appel de ce jugement.
MOYENS et PRÉTENTIONS
La société France eco energy soutient n’avoir commis aucun manquement à ses obligations de nature à entraîner la nullité du contrat de vente et d’installation de la centrale photovoltaïque.
Elle conclut à la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation,et en tout état de cause à la couverture des éventuelles irrégularités formelles par l’exécution volontaire des époux [D].
Elle s’oppose à l’intégralité des demandes des époux [D] mais accepte de procéder gracieusement à un raccordement de l’installation pour une alimentation triphasée ainsi qu’à une reconnexion à l’interface Enlighten.
Elle demande le rejet de toute demande formée par à son encontre par la banque.
La banque conclut à la confirmation du jugement.
Subsidiairement, si les contrats ne sont pas annulés, elle sollicite la condamnation des époux [D] à reprendre l’exécution du contrat de crédit.
A titre plus subsidiaire, elle demande la condamnation de la société France eco energy à lui verser l’intégralité des sommes qu’elle aurait perçue si les contrats avaient été exécutés normalement, ou encore plus subsidiairement le montant du capital prêté.
Les époux [D] concluent à la confirmation du jugement.
MOTIFS
Sur la contestation de la validité du contrat de vente et d’installation de la centrale photovoltaïque.
Les époux [D] contestent la validité du contrat de vente et d’installation de la centrale photovoltaïque sur le fondement de :
– la résolution pour manquement à une obligation grave (1),
– la nullité (2).
1- Sur la demande de résolution formée par les époux [D]
En premier lieu, les époux [D] soutiennent que la société France eco energy a manqué à son obligation de fournir une installation en état de fonctionnement.
Cependant, il résulte du rapport de production quotidienne d’énergie, transmis par la société France eco energy, que l’installation des époux [D] a fonctionné du 24 juin 2019 au 7 novembre 2019.
Si les époux [D] produisent des rapports mensuels indiquant que, entre janvier et mai 2020, l’installation litigieuse a généré 0 Wh, ces mêmes documents précisent que ‘your system hasn’t reported data to Enligthen since November 07, 2019. Démarrez ici pour que votre Envoy soit de nouveau en ligne’. Dès lors, il apparaît que cette absence d’enregistrement d’une production électrique peut résulter d’une négligence des époux [D] qui ont omis de se connecter au logiciel installé, ainsi que le soutient la société France eco energy.
L’expert judiciaire est dubitatif sur l’état de fonctionnement de la centrale photovoltaïque puisque son rapport indique seulement que ‘l’installation semble ne pas fonctionner’.
Ainsi, il n’est pas démontré que l’installation ne produit pas d’énergie par suite d’un manquement imputable à la société France eco energy dans la pose des panneaux solaires.
En second lieu, les époux [D] reprochent la pose des panneaux solaires en superposition de la toiture en lieu et place d’une intégration.
Cependant, il résulte de l’analyse des documents contractuels que les modalités de pose n’ont pas été définies, si bien qu’aucun manquement contractuel ne peut être reproché de ce chef à la société France eco energy.
En troisième lieu, s’il n’est pas contesté que le raccordement de l’installation photovoltaïque a eu lieu en monophasé alors que la maison des époux [D] est équipée en triphasé, il ressort du rapport d’expertise judiciaire (p.4) qu’il est possible de ‘raccorder en triphasé en ajoutant deux batteries complémentaires et en équilibrant le nombre de panneaux sur les trois phases’, ce que la société France eco energy se propose d’ailleurs de réaliser gracieusement (conclusions d’appel – p.29).
Il s’ensuit que le raccordement en monophasé ne met pas en péril le contrat, de sorte que la résolution du contrat ne peut être encourue de ce fait.
En quatrième lieu, les prétendus manquements de la société France eco à son devoir de conseil tel qu’invoqués par les époux [D] energy renvoient à des évènements qui sont constitutifs de causes d’ouverture de l’action en nullité, dont se prévalent également ces derniers .
2 – Sur la demande de nullité formée par les époux [D]
Le bon de commande ne respecte pas les dispositions d’ordre public de l’article L 111-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, en ce que :
– la rubrique du contrat relative aux modalités de pose de l’installation n’est pas renseignée alors que, compte tenu de l’incidence déterminante de ces modalités sur le coût et la durée des travaux, cette information présentait un caractère essentiel,
– l’option de production retenue n’est pas indiquée, en dépit de son incidence sur la nécessité de procéder, ou non, à un raccordement de l’installation au réseau public.
Il sera d’ailleurs observé que la facture elle-même comporte des imprécisions sur les modalités de pose des panneaux solaires, en ce qu’elle vise une ‘installation solaire en intégration’ et, dans le même temps, la ‘ mise en place des modules en surimposition’.
Le fait que les époux [D] aient laissé le contrat principal s’exécuter par la livraison du matériel et son installation ne suffit pas à caractériser une volonté claire et non équivoque de leur part de couvrir cette irrégularité du contrat de vente, dont il n’est pas démontré, en tant que consommateurs non avertis, qu’ils en avaient conscience, d’autant que la copie du bon de commande remise à la cour d’appel, qui ne reproduit pas intégralement le contrat, ne permet pas vérifier si l’ensemble des informations requises par l’article L 221-5 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 précitée, figure dans les conditions générales de vente.
En conséquence, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat de vente et d’installation de la centrale photovoltaïque, conformément à l’article L 242-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 précitée, sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’analyse de l’autre moyen soulevé par les époux [D] aux fins de nullité de ce contrat.
Sur la nullité du contrat de prêt.
Par suite de la nullité du contrat principal, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat de crédit affecté, conformément aux dispositions de l’article L 312-55 du code de la consommation.
Sur les conséquences des nullités des contrats.
La nullité des contrats de vente et de crédit affecté emporte de plein droit l’obligation de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement.
En conséquence, le motif tiré de la nullité des contrats se substituant à celui de leur résolution, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a :
– enjoint à la société France eco energy d’effectuer à ses frais le démontage et l’enlèvement de l’ensemble des équipements et éléments liés à l’installation photovoltaïques et de procéder à la remise en état du toit et des éléments en contact avec le matériel déposé,
– condamné les époux [D] à rembourser à la banque la somme de 26 500 euros au titre du capital prêté, dont devront être déduites les échéances déjà remboursées, ce chef de décision n’étant pas critiqué par les époux [D] qui concluent formellement à la confirmation du jugement,
– condamné la société France eco energy à garantir et relever indemne les époux [D] de la condamnation prononcée à leur encontre au bénéfice de la banque.
Sur la demande indemnitaire des époux [D].
Il y a lieu de constater que le jugement de première instance dont les époux [D] sollicitent la confirmation, les a déboutés de leur demande indemnitaire dirigée
à l’encontre de la banque .
Le défaut de raccordement, diminuant les capacités de rendement énergétique de l’installation photovoltaïque et les désagréments en lien avec ce défaut justifient la confirmation du jugement quant à la somme de 1000 euros allouée aux époux [D] en réparation de leur préjudice constitutif d’un préjudice immatériel, et mise
à la charge de la société France eco energy .
Sur les demandes de la banque.
La société France eco energy sollicite la réformation du jugement en toutes ses dispositions, ce qui contrairement à ce que soutient la banque, inclut nécessairement le chef de décision la condamnant à indemniser cette dernière pour son préjudice financier.
La banque, qui dispose d’un service juridique spécialisé, a manqué à son obligation de vérification en acceptant de délivrer les fonds sur la base d’un bon de commande affecté d’irrégularités formelles, ce qui a justifié son annulation.
En conséquence, sa demande tendant à l’indemnisation de son préjudice découlant de la perte de chance de percevoir les intérêts qu’elle aurait perçus si le contrat s’était poursuivi sera rejetée.
La banque n’étant pas privée de sa créance de restitution, il n’y a pas lieu d’analyser les demandes subsidiaires formée par cette dernière dans l’hypothèse où elle en aurait été privée.
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PAR CES MOTIFS
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LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement rendu le 18 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Brive la Gaillarde sauf à :
– prononcer la nullité des contrats de vente et d’installation de la centrale photovoltaïque d’une part, et de crédit affecté d’autre part, en lieu et place de leur résolution
– rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société Cofidis à l’encontre de la société France eco energy;
CONDAMNE la société France eco energy à payer à M. [X] [D] et à son épouse, Mme [W] [D], la somme globale de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles d’appel;
REJETTE la demande formée par la société Cofidis à l’encontre de la société France eco energy sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société France eco energy aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Marie-Laure LOUPY. Corinne BALIAN.