25/09/2023
ARRÊT N°
N° RG 21/00717
N° Portalis DBVI-V-B7F-N7LH
MD/RC
Décision déférée du 04 Janvier 2021
Tribunal de Grande Instance d’ALBI
(20/01421)
MME [U]
S.A.R.L. LA SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE L’INSTITUT EUROPÉEN DE LANGUES
(SEIEL) exerçant sous le nom commercial GROUPE CAPITOLE
C/
[Z] [V]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.R.L. LA SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE L’INSTITUT EUROPÉEN DE L ANGUES (SEIEL)
Exerçant sous le nom commercial GROUPE CAPITOLE
prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Mohamad SOBH, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Mademoiselle [Z] [V]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe REYNAUD de la SCP PALAZY-BRU ET ASSOCIES, avocat au barreau D’ALBI
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DEFIX, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. DEFIX, président
J.C GARRIGUES, conseiller
S. LECLERCQ, conseiller
Greffier, lors des débats : N.DIABY
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 15 septembre 2020, afin de préparer la première année d’études de médecine à [Localité 4], Mme [Z] [V] a conclu auprès de la société à responsabilité limitée (Sarl) Société d’exploitation de l’institut européen de langues (Seiel) exerçant sous l’enseigne Groupe Capitole, un contrat intitulé ‘prépa pass 0 année blanche – post Bac, médecine France’ pour un montant de 6 950 euros, outre 80 euros de frais d’inscription.
M. [J], gérant de la Sarl Seiel a édité une facture le 16 septembre 2020 indiquant que Mme [V] avait réglé 7 030 euros.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 septembre 2020, Mme [V] a souhaité se rétracter.
La Sarl Seiel lui a répondu par courriel du 8 octobre 2020 qu’elle ne pouvait prétendre à un remboursement considérant que le contrat n’avait pas été conclu à distance.
-:-:-:-
Par acte d’huissier du 16 octobre 2020, Mme [Z] [V] a fait assigner la société Seiel devant le tribunal judiciaire d’Albi aux fins de la voir condamner à la restitution des sommes versées.
-:-:-:-
Par jugement réputé contradictoire du 4 janvier 2021, le tribunal judiciaire d’Albi a :
– ‘rejetant toutes conclusions contraires’,
– condamné la Sarl société d’exploitation de l’institut européen de Langues à payer à Mme [Z] [V] la somme de 7 030 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020,
– condamné la Sarl société d’exploitation de l’Institut européen de langues à payer à Mme [Z] [V] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sarl société d’exploitation de l’Institut européen de langues aux dépens de l’instance,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Pour statuer ainsi, le tribunal judiciaire d’Albi a considéré que le contrat avait été conclu à distance et le droit de rétractation exercé dans le délai, ce qui devait entraîner restitution des sommes versées par Mme [V].
-:-:-:-
Par déclaration du 16 février 2021, la Sarl Société d’exploitation de l’Institut européen de langues a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a :
– condamné la Sarl Société d’exploitation de l’Institut européen de langues à payer à Mme [Z] [V] la somme de 7 030 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020,
– condamné la Sarl Société d’exploitation de l’Institut européen de langues à payer à Mme [Z] [V] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sarl Société d’Exploitation de l’Institut Européen de Langues aux dépens de l’instance.
EXPOSÉ DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 1er mars 2022, la Sarl Société d’exploitation de l’Institut européen de langues, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1118 et 1121 du code civil et L.221-1 et suivants du code de la consommation, de :
– déclarer recevable et bien fondé l’appel de la société Seiel et y faire droit,
Par conséquent,
– réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
Statuant à nouveau,
– juger que le contrat conclu par Mme [V] n’est pas un contrat conclu à distance entrant dans le champ des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation,
– juger que le contrat conclu par Mme [V] exclut le droit de rétractation défini à l’article L.221-18 du code de la consommation,
– débouter Mme [Z] [V] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Mme [V] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [V] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Mohamad Sobh en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
À l’appui de ses prétentions, la société appelante soutient que :
– le contrat n’a pas été conclu à distance,
– le dossier d’inscription, téléchargé par Mme [V] a été déposé par elle dans les locaux de la société Seiel,
– Mme [V] a apposé la mention ‘fait dans les locaux de Groupe Capitole’, suivi de sa signature,
– elle a falsifié le contrat d’inscription et supprimé la mention susvisée,
– le contrat est conclu lorsque l’acceptation parvient à l’offrant,
– la résolution unilatérale du contrat par Mme [V] est fautive puisqu’aucun reproche n’a été formulé à l’encontre de la prestation de la société Seiel,
– Mme [V] prétend que la prestation dispensée n’est pas conforme à celle souscrite sans pour autant le démontrer et alors qu’elle n’a assisté qu’à une matinée de cours,
– il est stipulé dans le contrat que la formation propose des préparations à l’entrée en médecine civile ou militaire et la phase 1 de la formation correspond à une consolidation des connaissances de terminale, ce dont Mme [V] était informée compte tenu de la brochure produite,
– la camarade de Mme [V] est complaisante et n’a manifesté aucun mécontentement auprès de la société Seiel, outre que ses allégations portent sur des éléments postérieurs au départ de Mme [V] et ne peuvent la concerner,
– en cas de rétractation du consommateur, les sommes versées au professionnel sont des arrhes et lui restent acquises.
Dans ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 2 mars 2022, Mme [Z] [V], intimée, demande à la cour, au visa des articles L. 221-1 et suivants et R.631-3 du code de la consommation et 1217 et suivants du code civil, de :
– rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
À titre principal,
– confirmer le jugement dont appel,
– condamner la société Seiel à lui payer la somme de 7 030 euros, majorée des intérêts au taux légal,
À titre subsidiaire,
– prononcer la résolution judiciaire du contrat qu’elle a conclu le 15 septembre 2020, en raison des manquements graves de la société Seiel à ses obligations contractuelles,
– condamner la société Seiel à lui payer la somme de 7 030 euros, majorée des intérêts au taux légal,
En tout état de cause, et dans les 2 cas,
– condamner la société Seiel à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure d’appel abusive,
– condamner la société Seiel à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la société Seiel aux entiers dépens de l’instance.
À l’appui de ses prétentions, l’intimée soutient que :
– les conditions générales de vente du dossier d’inscription prévoient que pour les contrats conclus à distance, le client dispose d’un délai de rétractation,
– le contrat a été conclu sans la présence simultanée du professionnel et du consommateur, puisque Mme [V] a consulté l’offre de formation par internet, reçu le dossier d’inscription par internet, l’a imprimé depuis son domicile, a accepté l’offre à son domicile le 15 septembre 2020,
– il importe peu que le contrat ait été déposé en main propre à l’accueil de l’agence de [Localité 4] le 16 septembre 2020,
– la mention supplémentaire ainsi que la signature figurant sur le contrat n’ont pas été apposées par elle,
– alors que les conditions générales de vente l’y obligeaient, la société Seiel n’a pas avisé Mme [V] de l’insuffisance d’effectifs dans le centre de [Localité 4], ce qui lui aurait permis de s’inscrire dans un autre centre, suivre la préparation à distance ou demander l’annulation de son inscription,
– Mme [V] a souscrit un contrat ‘Prépa études de médecine’ mais a été placée dans une classe préparatoire au concours de l’école de santé des armées (ESA), ce dont elle s’est rendue compte lors du premier cours pour des raisons tenant à l’effectif réduit des étudiants de médecine civile,
– la société Seiel a gravement manqué à ses obligations contractuelles puisqu’elle n’a pas dispensé à la rentrée 2020 l’enseignement pour lequel Mme [V] s’était inscrite.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2023. L’affaire a été examinée à l’audience du 16 mai 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
1. En vertu de l’article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au cas d’espèce, doit être qualifié de contrat à distance : ‘ tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat’.
2. Après une prise de contact téléphonique initiée par Mme [V], l’équipe ‘Cap santé’ de l’établissement ‘Groupe Capitole’ de [Localité 4] lui a envoyé par courriel du 14 septembre 2020, la brochure de présentation des préparations et le dossier d’inscription prévoyant la possibilité d’envoyer le dossier d’inscription à l’adresse de l’établissement en joignant outre plusieurs documents, un chèque correspondant à l’intégralité des frais pédagogiques ainsi qu’un chèque correspondant aux frais d’inscription.
La brochure de présentation de la préparation Cap’Santé évoque également la possibilité d’effectuer la formation exclusivement à distance.
Communiquant aux clients le dossier d’inscription par courriel et permettant une transmission par correspondance du dossier intégral comportant un moyen de paiement du prix de la formation, la Sarl Seiel a mis en place un système organisé de prestation de service à distance.
3. Dans les conditions générales figurant dans le dossier d’inscription, il est indiqué que ‘une inscription est validée par la constitution d’un dossier complet’. Il n’est pas indiqué que la Sarl Seiel se réserve un droit d’agrément des candidats, de sorte que l’acceptation pure et simple de l’offre de contrat emporte formation du contrat d’enseignement.
Aux termes de l’article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.
En l’espèce, en transmettant par courriel la brochure de présentation de la formation et le dossier d’inscription, la Sarl Seiel a manifesté par un moyen de correspondance à distance sa volonté de contracter avec Mme [V].
Aux termes de l’article 1118 du code civil, l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre.
Mme [V] a signé le contrat d’inscription ‘prépa études de médecine’ le 15 septembre 2020, à [Localité 5].
Elle a manifesté sa volonté d’être liée dans les termes de l’offre de la Sarl Seiel alors qu’elle ne se trouvait pas physiquement en présence de cette dernière.
Il est indiqué sur la photocopie du contrat produite par la société Seiel ‘fait dans les locaux du groupe Capitole le 16 septembre 2020″, suivi d’une signature qui ressemble à celle de Mme [V] mais dont elle conteste être à l’origine.
Cette mention, ne permet pas, quand bien même elle serait attribuée à Mme [V] de façon certaine, de dénier son effet à la mention située juste au-dessus et qui indique que l’acceptation a été donnée le 15 septembre dans la commune de [Localité 5].
La mention de la date du 16 septembre 2017 correspond au fait, reconnu par Mme [V] qu’elle a déposé le dossier d’inscription le 16 septembre 2017 dans les locaux de la Sarl Seiel.
Si en vertu de l’article 1121 du code civil, le contrat à distance est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant et est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue, il importe peu de savoir comment cette transmission de l’acceptation s’est réalisée.
Il est ainsi indifférent que Mme [V] se soit présentée en personne dans les locaux de la Sarl Seiel pour déposer son dossier d’inscription. Cette circonstance ne modifie pas le fait que les consentements tant de l’offrant que de l’acceptant ont été manifestés par le biais d’un moyen de communication à distance ou sans la présence physique du cocontractant.
En outre, si le contrat avait été qualifié de contrat conclu en la présence physique des parties contractantes, Mme [V] aurait disposé d’un droit de rétractation dès lors que les conditions générales du dossier d’inscription le lui octroient en stipulant : ‘nous vous rappelons que comme le prévoit la loi, vous disposez d’un délai de quatorze jours calendrier pour exercer un droit de rétractation sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités. Un formulaire de rétractation est joint au présent contrat’.
4. En vertu de l’article L. 221-18 du code de la consommation, dans sa version applicable au cas d’espèce, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour à compter de la conclusion du contrat pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance.
Mme [V] avait donc jusqu’au 30 septembre 2017 pour exercer son droit de rétractation.
Elle a notifié sa rétractation du contrat, à partir d’un formulaire qui figurait dans le dossier d’inscription, par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 septembre 2020, réception confirmée par la Seiel elle-même dans son courriel du 22 septembre 2020 ;
Mme [V] a donc fait un usage régulier de son droit de rétractation, entraînant l’anéantissement rétroactif du contrat et mettant à la charge de chaque partie l’obligation de restituer ce qu’elle a perçu.
À ce titre, l’article L.221-24 du code de la consommation dispose que lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel rembourse le consommateur de la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison, sans retard injustifié et au plus tard dans les quatorze jours à compter de la date à laquelle il est informé de la décision du consommateur de se rétracter.
Le professionnel ne peut donc pas conserver les sommes reçues au motif qu’il s’agirait d’arrhes comme le soutient la Sarl Seiel.
Le jugement rendu le 4 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d’Albi sera en conséquence confirmé en ce qu’il a condamné la Sarl Seiel à payer à Mme [V] la somme de 7 030 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020.
– Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
5. Mme [V] demande à la cour de condamner la société Seiel à lui verser la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure d’appel abusive.
Mme [V] doit démontrer, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, l’existence d’une faute, quelle que soit sa gravité, ayant fait dégénérer en abus le droit d’agir en justice. Le fait pour la Sarl Seiel de s’être méprise sur le bien-fondé de ses droits ne peut constituer une faute en l’absence de preuve de circonstances de nature à démontrer sa mauvaise foi. Elle sera donc déboutée de cette demande.
– Sur les dépens et frais irrépétibles :
6. La Sarl Seiel, partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée au paiement des dépens d’appel ainsi qu’à payer à Mme [V] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le jugement rendu le 4 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d’Albi sera confirmé en ce qu’il a condamné la Sarl Seiel aux dépens de première instance et à payer à Mme [Z] [V] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de rejeter la demande la Sarl Seiel formée au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposé en appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant, dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d’Albi.
Et y ajoutant,
Déboute Mme [Z] [V] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Condamne la Sarl Seiel aux dépens d’appel.
Condamne la Sarl Seiel à payer à Mme [Z] [V] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Rejette la demande de la Sarl Seiel formée au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le Greffier Le Président
N. DIABY M. DEFIX
.