Dysfonctionnements mineurs d’un site de commerce électronique

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Dysfonctionnements mineurs d’un site de commerce électronique

Des dysfonctionnements mineurs d’un site de vente en ligne ne peuvent justifier le refus de paiement de factures par le client d’un prestataire.

La juridiction a retenu que la société Central Parts ne faisait pas état d’éléments précis visant à établir la réalité des dysfonctionnements ou des non-conformités allégués. Partant, elle ne saurait imputer, par répercussion, à la société Albalogic la perte de ses données, dont la société TecAlliance serait à l’origine.

Faute d’établir que la société Albalogic n’avait pas exécuté ses obligations, la société Central Parts ne pouvait donc légitimement se prévaloir de l’exception d’inexécution pour refuser de s’acquitter du montant de ses prestations, pas plus qu’elle n’était en droit de résilier unilatéralement le contrat.


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11



ARRET DU 27 OCTOBRE 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09962 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDX5P



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Février 2021 -Tribunal de Commerce de Créteil – RG n° 2019F00966





APPELANTE



S.A.R.L. CENTRAL PARTS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 4]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous le numéro 820 553 725



représentée par Me Sophie DE PENFENTENYO, avocat au barreau de PARIS, toque A961





INTIMEE



S.A.S. ALBALOGIC

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 1]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le numéro 795 329 390



représentée par Me Maurice PFEFFER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1373



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Caroline GUILLEMAIN, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère faisant fonction de Président,

Madame CAROLINE GUILLEMAIN, Conseillère,

M. Marc BAILLY, Président de chambre désigné afin de compléter la formation collégiale de la cour,



Qui en ont délibéré.





Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY





ARRÊT :



– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.



– signé par Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère faisant fonction de Président, et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Exposé du litige






FAITS ET PROCEDURE



La SARL Central Parts, spécialisée dans la distribution de pièces détachées automobiles, a conclu, le 8 novembre 2016, avec la SAS Albalogic un contrat de fourniture d’un site internet, destiné à accroître ses opérations de vente à distance, en remplacement d’un site existant.



Estimant que la société Albalogic n’avait pas respecté ses obligations contractuelles, la société Central Parts a cessé de régler ses factures et a mis fin unilatéralement au contrat, par courriel du 25 mai 2018.



Suivant exploit du 15 octobre 2019, la société Albalogic a fait assigner la société Central Parts devant le tribunal de commerce de Créteil afin d’obtenir, notamment, sa condamnation au paiement d’une somme de 14.222,70 € correspondant à un solde de six factures.



Par jugement en date du 2 février 2021, le tribunal de commerce de Créteil a :



– Dit la société Central Parts mal fondée en sa demande de nullité de l’assignation et l’en a déboutée ;



– Condamné la société Central Parts à payer à la société Albalogic la somme de 14.222,70 € TTC en principal avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2018 ;



– Condamné la société Central Parts à payer à la société Albalogic la somme de 240,00 €

au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement ;



– Dit la société Central Parts mal fondée en sa demande de dommages-intérêts et l’en a déboutée ;



– Condamné la société Central Parts à payer à la société Albalogic la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du CPC et débouté la société Central Parts de sa demande formée

de ce chef ;



– Ordonné l’exécution provisoire du jugement, sous réserve qu’en cas d’appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit ;



– Condamné la société Central Parts aux dépens ;



– Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 73,22 € TTC (dont 20 % de TVA).





La SARL Central Parts a formé appel du jugement par déclaration du 26 mai 2021.

Moyens




Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 26 août 2021, la SARL Central Parts demande à la cour, au visa des articles 1219, 1220 et 1217 du code civil et de l’article 700 du code de procédure civile, de :



« Infirmer le jugement rendu le 2 février 2021 par le tribunal de commerce de Créteil en ce qu’il a :



– Condamné la société Central Parts à payer à la société Albalogic la somme de 14.222,70 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2018 ;



– Condamné la société Central Parts à payer à la société Albalogic la somme de 240,00 € au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement ;



– Dit la société Central Parts mal fondée en sa demande de dommages-intérêts et l’en a déboutée ;



– Condamné la société Central Parts à payer à la société Albalogic la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du CPC et débouté la société Central Parts de sa demande formée de ce chef (D).



Et statuant de nouveau :



– Juger que la SAS Albalogic a manqué à ses obligations contractuelles envers la SARL Central Parts ;



Et notamment,



– Juger que la SAS Albalogic n’a pas livré un site fonctionnel conforme aux dispositions contractuelles convenues avec la SARL Central Parts ;



– Juger que la SAS Albalogic est à l’origine de la coupure de conservation des données du site internet « PiecesMarket.fr » par TecAlliance, au préjudice de la SARL Central Parts ;



– Juger que la SAS Albalogic est responsable des pertes financières essuyées, au titre de l’activité de vente en ligne, par la SARL Central Parts ;



Par conséquent,



– Juger que la SARL Central Parts est bien fondée à invoquer son exception d’inexécution au regard de l’incurie de la SAS Albalogic ;



– Condamner la SAS Albalogic à verser à la SARL Central Parts la somme de 10.000 € à titre d’indemnisation des préjudices subis du fait de l’inexécution contractuelle de l’intimée ;



– Condamner la SAS Albalogic à verser à la SARL Central Parts la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;



– Condamner la SAS Albalogic aux entiers dépens. »



La société Central Part soutient que, près de quatre ans après la conclusion du contrat, le site Web, objet de la commande, n’est toujours pas opérationnel, et que, depuis le 14 avril 2018, la clientèle n’a plus accès au site initial, celui-ci étant en maintenance. Elle précise que, par l’entremise de la société Albalogic, elle a souscrit auprès de la société TecAlliance un contrat de maintenance et de stockage de données qui devaient figurer sur la version définitive et opérationnelle du site internet, dont la livraison était prévue au mois de février 2017, et qu’elle a perdu l’intégralité de ses données. Elle ajoute que les ventes se sont effondrées à compter de la mise en ligne du site par la société Albalogic, alors que l’ancien site internet avait rencontré un important succès commercial, dès le lancement de l’activité de commerce en ligne, au mois de mars 2014. Elle estime qu’elle était en droit, dans ces circonstances, de cesser de payer les factures émises par la société Albalogic, sur le fondement de l’exception d’inexécution, puis de mettre un terme à sa mission. Elle prétend, enfin, avoir subi une perte de chance d’exploiter correctement son activité de vente en ligne, dont elle demande à être indemnisée.



Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, le 21 septembre 2021, la SAS Albalogic demande à la cour, au visa des articles 1134 ancien du code civil, 1103, 1104, 56, 127 et 700 du code de procédure civile, et de l’article L. 441-6 du code de commerce, de :



« Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Condamner la même à payer à l’intimée la somme 3000.00€ au titre de l’article 700 du CPC pour La procédure d’appel,

Condamner la même à payer la somme de 240€ au titre des frais de recouvrement, en application de l’article L441-6 du code de commerce. »



La société Albalogic rappelle, pour sa part, que l’ouverture du site au public relevait de la responsabilité du client, et que les anomalies que la société Central Parts avait fait remonter, de même que les évolutions sollicitées par cette dernière, n’ont pas fait l’objet de facturation. Elle soutient inversement que le site a été livré et que la preuve des dysfonctionnements allégués par la société Central Parts n’est pas rapportée, tout en soulignant que celui-ci a généré 33.158,67 € HT, entre les mois de mars 2017 et mai 2018. Elle considère, en conséquence, que la société Central Parts doit être condamnée à lui régler six factures correspondant au solde du prix de ses prestations.



Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.



L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 novembre 2022.

Motivation




MOTIFS DE LA DECISION



A titre liminaire, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.



Sur l’exception d’inexécution invoquée par la société Central Parts



Selon l’article 1217 du code civil, « La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :



– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;



– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;



– obtenir une réduction du prix ;



– provoquer la résolution du contrat ;



– demander réparation des conséquences de l’inexécution.



Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »



L’article 1219 du même code prévoit :



« Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »



En l’espèce, il résulte des termes du contrat, signé le 8 novembre 2016, que le « délai de réalisation » était d’un mois à reception des éléments fournis par le client.



La société Central Parts allègue que le site internet litigieux présentait de nombreux dysfonctionnements et non-conformités, ce qui implique, quoi qu’elle en dise, que le site lui a été effectivement livré. Il lui incombe donc de rapporter la preuve que le site n’était pas fonctionnel.



A titre préalable, il sera relevé que les pièces produites par les parties, visant à établir la réalité des ventes et du chiffre d’affaires généré par le site, font état respectivement d’un nombre de commandes totalement différent. A défaut de pouvoir vérifier leur provenance, celles-ci sont, en définitive, inexploitables. En tout état de cause, la société Central Parts n’établit pas, au vu desdites pièces, que les ventes se sont effondrées à compter de la mise en ligne du site.



Pour justifier des dysfonctionnements ou non-conformités du site, la société Central Parts produit des courriels de ses clients, reçus au cours de la période du mois de décembre 2016 au mois d’août 2018. Les courriers dont il s’agit émanent, cependant, uniquement de cinq clients, n’ayant pas réussi à passer commande, ce qui n’a rien de significatif.



Le fichier « timelog », qui permet de retracer les actions réalisées dans le cadre de la création du site « Clé en main », est certes révélateur de nombreuses interventions de la société Albalogic, mais ne permet pas non plus d’induire d’anomalies récurrentes auxquelles il n’aurait pas été remédié.



Enfin, s’il est exact que le site a fait l’objet d’un nouveau passage en mode développement, ce qui est attesté par un couriel de la société Albalogic daté du 19 avril 2018, l’appelante ne justifie ni que les dysfonctionnements du site étaient à l’origine de cette décision ni que l’initiative en serait revenue à la société Albalogic.



Le tribunal a ainsi retenu, à juste titre, que la société Central Parts ne faisait pas état d’éléments précis visant à établir la réalité des dysfonctionnements ou des non-conformités allégués. Partant, elle ne saurait imputer, par répercussion, à la société Albalogic la perte de ses données, dont la société TecAlliance serait à l’origine.



Faute d’établir que la société Albalogic n’avait pas exécuté ses obligations, la société Central Parts ne pouvait donc légitimement se prévaloir de l’exception d’inexécution pour refuser de s’acquitter du montant de ses prestations, pas plus qu’elle n’était en droit de résilier unilatéralement le contrat.



Sur la demande de dommages et intérêts de la société Central Parts



La société Central Parts, qui échoue à rapporter la preuve d’un manquement à ses obligations contractuelles par l’intimée, ne pourra être que déboutée de la demande d’indemnisation du préjudice qu’elle prétend avoir subi à ce titre.



Le jugement sera donc confirmé de ce chef











Sur le montant des sommes restant dues à la société Albalogic



Il résulte des pièces versées aux débats par la société Albalogic, à savoir le contrat signé le 8 novembre 2016, le relevé de compte, les factures émises, au nombre de six, ainsi que les lettres de relance et de mise en demeure des 1er juin et 2 octobre 2018, que la société Central Parts lui reste redevable d’une somme de 14.222,70 €, après règlement d’un acompte de 2.136,90 € intervenu le 8 février 2017.



Le montant de l’indemnité de recouvrement, dont le paiement est sollicité par la société Albalogic, n’est pas discuté par l’appelante.



Le jugement sera donc également confirmé, en ce qu’il a condamné la société Central Parts à payer à la société Albalogic :



– la somme de 14.222,70 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2018, au titre du montant des factures restées impayées ;



– la somme de 240 € au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement, en application des dispositions de l’article L. 441-6 du code de commerce.



Sur les autres demandes



La société Central Parts succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.



Statuant de ces chefs en cause d’appel, la cour la condamnera aux dépens, ainsi qu’à payer à la société Albalogic une indemnité de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.




Dispositif

PAR CES MOTIFS





CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,



Y AJOUTANT,



CONDAMNE la SARL Central Parts aux dépens,



CONDAMNE la SARL Central Parts à payer à la SAS Albalogic la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.





LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT


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