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14 septembre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/03377
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 SEPTEMBRE 2023
N° RG 22/03377 –
N° Portalis DBV3-V-B7G-VQGS
AFFAIRE :
[G] [P]
C/
S.A.S. CHANEL
S.A.S.U. CHANEL PARFUMS BEAUTE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Juillet 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : I
N° RG : f20/02142
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Franck LAFON
Me Martine DUPUIS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [G] [P]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5] – EMIRATS ARABES UNIS
Représentant : Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Aurélie ARNAUD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0343
APPELANTE
****************
S.A.S. CHANEL
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Katell DENIEL ALLIOUX de l’AARPI DENTONS EUROPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0372 et Me Ashley PACQUETET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.S.U. CHANEL PARFUMS BEAUTE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Katell DENIEL ALLIOUX de l’AARPI DENTONS EUROPE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0372 et Me Ashley PACQUETET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,
La société Chanel SAS, dont le siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 4], dans le département des Hauts-de-Seine, exerce une activité de fabrication et commerce de tout ce qui se rapporte à la parfumerie, cosmétiques, produits de beauté, à la mode féminine, mode masculine et maroquinerie.
La SASU Chanel Parfums Beauté, dont le siège social est le même, en est une filiale qui a pour activité la commercialisation, la vente, la diffusion, l’importation et l’exportation de tout ce qui se rapporte notamment à la mode, aux vêtements et tissus, maroquinerie, chaussures, articles de création d’art et de fantaisie, cosmétiques, produits de beauté.
Elles emploient chacune plus de 10 salariés et appliquent la convention collective des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952.
Mme [G] [P], née le 26 juillet 1989, a été engagée par la société Chanel SAS selon contrat de professionnalisation à durée déterminée signé le 24 août 2016, du 1er septembre 2016 au 14 juin 2017, en qualité d’assistante création merchandising PB (parfum beauté).
Mme [P] s’est inscrite au répertoire des entreprises pour une activité de création artistique relevant des arts plastiques à compter du 3 juillet 2017, la société étant sise [Adresse 1] à [Localité 6].
Elle a réalisé des prestations pour le compte des sociétés Chanel Parfums Beauté et Chanel.
Par courrier du 10 avril 2020, la société Chanel SAS a notifié à Mme [P] son intention de mettre fin à leur relation commerciale avec un préavis de 6 mois courant jusqu’au 31 octobre 2020.
Par requête reçue au greffe le 23 octobre 2020, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de voir :
– fixer son salaire de référence à la somme de 8 503,12 euros bruts,
– juger qu’elle dispose d’une ancienneté remontant à la date du 1er septembre 2016,
– juger qu’il existait un lien de subordination et partant un contrat de travail entre d’une part, les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté et d’autre part Mme [P], et juger que Mme [P] relevait du statut de salarié des sociétés,
– juger que les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté agissaient en qualité de coemployeurs de Mme [P],
– juger que la rupture du contrat par courrier du 10 avril 2020 par la société Chanel et par mail du 14 avril 2020 par la société Chanel Parfums Beauté constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence
– à titre principal, condamner in solidum la société Chanel et la société Chanel Parfums Beauté et à titre subsidiaire, en l’absence de reconnaissance de situation de co-emploi la société Chanel ou la société Chanel Parfums Beauté au paiement des sommes suivantes :
. 9 140,85 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 17 006,24 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 1 700,62 euros au titre de(s) congés payés y afférents,
. 22 629,27 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (82,5 jours de juillet 2017 à avril 2020),
. 24 800,77 euros bruts à titre de rappel de 13e mois (de juillet 2017 à juin 2020),
. 2 480,07 euros au titre des congés payés y afférents,
. 4 380 euros bruts à titre de rappel de prime de vacances pour les années 2018 à 2020,
. 2 725 euros bruts à titre de rappel de prime d’accord salarial pour les années 2018 à 2020,
. 62 001,92 euros bruts à titre de rappel de primes d’intéressement et de participation (au titre de la période de juillet 2017 à juin 2020),
. 34 012,48 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 51 018,72 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi, certificat de travail et bulletin de paie conformes au jugement, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard,
– se réserver la faculté de liquider l’astreinte,
– prononcer l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile,
– condamnation aux dépens.
Les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté avaient, quant à elles, soulevé l’incompétence du conseil de prud’hommes et demandé le versement d’une somme de 2 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 13 juillet 2022, la section industrie du conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– déclaré le conseil de prud’hommes matériellement incompétent,
– condamné Mme [P] à payer à la société Chanel la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [P] aux entiers dépens.
Mme [P] a interjeté appel de la décision par déclaration du 9 novembre 2022.
Par ordonnance rendue le 23 novembre 2022, le délégataire du premier président de la cour d’appel de Versailles a autorisé Mme [P] à assigner à jour fixe les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté à l’audience du 26 mai 2023.
Par acte de commissaire de justice délivré le 1er décembre 2022, Mme [P] a assigné les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté.
Par dernières conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, Mme [G] [P] demande à la cour de :
– juger Mme [P] recevable et bien fondée en son appel,
– infirmer le jugement du 13 juillet 2022 du conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il s’est déclaré matériellement incompétent et a condamné Mme [P] à régler la somme de 500 euros à la société Chanel au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau,
– juger le conseil de prud’hommes de Nanterre et la cour d’appel de Versailles matériellement compétents pour statuer sur la qualité de salariée de Mme [P] et les demandes incidentes,
– évoquer l’affaire au fond, faisant application de l’article 88 du code de procédure civile,
A titre principal,
– juger qu’il existait un lien de subordination et partant un contrat de travail entre d’une part, les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté et d’autre part Mme [P], et juger que Mme [P] relevait du statut de salarié des sociétés,
– juger que les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté agissaient en qualité de coemployeurs de Mme [P],
– juger que la rupture du contrat par courrier du 10 avril 2020 par la société Chanel et par mail du 14 avril 2020 par la société Chanel Parfums Beauté constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– fixer le salaire de référence de Mme [P] à la somme de 8 503,12 euros bruts,
En conséquence,
– condamner in solidum et à titre principal, la société Chanel et la société Chanel Parfums Beauté au paiement des sommes suivantes (assiette de 8 503,12 euros bruts) :
. 9 140,85 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 17 006,24 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 1 700,62 euros au titre de(s) congés payés y afférents,
. 22 629,27 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (82,5 jours de juillet 2017 à avril 2020),
. 24 800,77 euros bruts à titre de rappel de 13e mois (de juillet 2017 à juin 2020),
. 2 480,07 euros au titre des congés payés y afférents,
. 4 380 euros bruts à titre de rappel de prime de vacances pour les années 2018 à 2020,
. 2 725 euros bruts à titre de rappel de prime d’accord salarial pour les années 2018 à 2020,
. 62 001,92 euros bruts à titre de rappel de primes d’intéressement et de participation (au titre de la période de juillet 2017 à juin 2020),
. 34 012,48 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 51 018,72 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– sur le quantum des demandes, si par extraordinaire, la cour retenait un salaire de référence de 3 750 euros bruts, condamner in solidum les sociétés intimées au paiement des sommes suivantes à titre subsidiaire :
. 4 031,25 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 7 500 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 750 euros au titre de(s) congés payés y afférents,
. 9 979,84 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (82,5 jours de juillet 2017 à avril 2020),
. 10 937,50 euros bruts à titre de rappel de 13ème mois (de juillet 2017 à juin 2020),
. 1 093,75 euros au titre des congés payés y afférents,
. 4 380 euros bruts à titre de rappel de prime de vacances pour les années 2018 à 2020,
. 2 725 euros bruts à titre de rappel de prime d’accord salarial pour les années 2018 à 2020,
. 27 343,75 euros bruts à titre de rappel de primes d’intéressement et de participation (au titre de la période de juillet 2017 à juin 2020),
. 15 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 22 500 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
. 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la qualité de coemployeurs des sociétés intimées, – juger qu’il existait un lien de subordination et partant un contrat de travail entre la société Chanel Parfums Beauté et Mme [P] pour la période du 1er septembre 2016 au 26 août 2018,
– juger qu’il existait un lien de subordination et partant un contrat de travail entre la société Chanel et Mme [P] du 27 août 2018 au 31 octobre 2020,
En conséquence,
– condamner la société Chanel Parfums Beauté au paiement des sommes suivantes (assiette de 6 258,33 euros bruts) à titre principal :
. 2 998,78 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
. 6 258,33 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 625,83 euros bruts au titre de(s) congés payés y afférents,
. 7 065,85 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (35 jours de juillet 2017 à août 2018),
. 6 779,86 euros bruts à titre de rappel de 13ème mois (de juillet 2017 à août 2018),
. 677,98 euros au titre des congés payés y afférents,
. 16 949,64 euros bruts à titre de rappel de primes d’intéressement et de participation (au titre de la période de juillet 2017 à août 2018),
. 12 516,66 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 37 549,98 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– et condamner la société Chanel au paiement des sommes suivantes (assiette de 8 503,12 euros bruts) à titre principal :
. 5 314,45 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 8 503,12 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 850,31 euros au titre de(s) congés payés y afférents,
. 13 028,97 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (47,5 jours de septembre 2018 à avril 2020),
. 14 880,46 euros bruts à titre de rappel de 13e mois (de septembre 2018 à juin 2020),
. 1 488,04 euros au titre des congés payés y afférents,
. 2 640 euros bruts à titre de rappel de prime de vacances pour les années 2019 et 2020,
. 2 180 euros bruts à titre de rappel de prime d’accord salarial pour les années 2019 et 2020,
. 37 201,15 euros bruts à titre de rappel de primes d’intéressement et de participation (au titre de la période de septembre 2018 à juin 2020),
. 29 760,92 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 51.018,72 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– les condamner in solidum ou séparément à une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– à titre subsidiaire, sur le quantum des demandes, si par extraordinaire, la cour retenait un salaire de référence de 3 750 euros bruts,
– condamner la société Chanel Parfums Beauté au paiement des sommes suivantes :
. 1 796,87 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
. 3 750 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 370 euros bruts au titre de(s) congés payés y afférents,
. 4 233,87 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (35 jours de juillet 2017 à août 2018),
. 4 062,50 euros bruts à titre de rappel de 13ème mois (de juillet 2017 à août 2018),
. 406,25 euros au titre des congés payés y afférents,
. 10 156,25 euros bruts à titre de rappel de primes d’intéressement et de participation (au titre de la période de juillet 2017 à août 2018),
. 7 500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 22 500 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– et condamner la société Chanel au paiement des sommes suivantes :
. 2 343,75 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 3 750 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 375 euros au titre de(s) congés payés y afférents,
. 5 745,97 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés (47,5 jours de septembre 2018 à avril 2020),
. 6 562,50 euros bruts à titre de rappel de 13e mois (de septembre 2018 à juin 2020),
. 656,25 euros au titre des congés payés y afférents,
. 2 640 euros bruts à titre de rappel de prime de vacances pour les années 2019 et 2020,
. 2 180 euros bruts à titre de rappel de prime d’accord salarial pour les années 2019 et 2020,
. 16 406,25 euros bruts à titre de rappel de primes d’intéressement et de participation (au titre de la période de septembre 2018 à juin 2020),
.13 125 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 22 500 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– les condamner in solidum ou séparément à une somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
– ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi, certificat de travail et bulletin de paie conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt,
– juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date du prononcé de l’arrêt,
– débouter les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– dire que ceux d’appel seront recouvrés par Me Franck Lafon, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2023, les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté demandent à la cour de :
A titre principal,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 13 juillet 2022 en ce qu’il se déclare incompétent du fait de l’absence de contrat de travail entre Madame [P] et les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté,
Ce faisant,
– renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre,
– dire qu’il n’y a pas lieu à application de l’article 88 du code de procédure civile,
En conséquence,
– débouter Mme [P] de sa demande d’évocation,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour décidait d’évoquer l’affaire ou si elle déclarait le conseil de prud’hommes de Nanterre compétent,
– juger que Mme [P] ne s’est jamais trouvée sous la subordination de la société Chanel SAS,
– juger que Mme [P] ne s’est jamais trouvée sous la subordination de la société Chanel Parfums Beauté,
En conséquence,
– juger que la demande en requalification de la relation en contrat de travail à durée indéterminée est mal fondée,
– prononcer la mise hors de cause de la société Chanel Parfums Beauté,
– débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes,
En tout état de cause,
– condamner Mme [P] à verser à la société Chanel SAS, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [P] à verser à la société Chanel Parfums Beauté, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [P] aux entiers dépens de l’instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la compétence de la juridiction prud’homale
Mme [P] expose qu’elle a été embauchée par la société Chanel dans le cadre d’un contrat de professionnalisation mais que ses bulletins de paie mentionnaient que son employeur était la société Chanel Parfums Beauté ; que lorsque son contrat a pris fin le 14 juin 2017, la société Chanel Parfums Beauté, satisfaite de ses qualités professionnelles, a souhaité poursuivre la collaboration mais a conditionné l’embauche définitive à l’adoption du statut d’indépendant ; que Mme [P] s’est alors inscrite au répertoire des entreprises mais que ce statut n’a pas modifié ses conditions de travail qui étaient au quotidien les mêmes que n’importe quel autre salarié de la société. Elle indique que son contrat de travail a été transféré à la société Chanel à compter du 27 août 2018 mais qu’elle exerçait également ses fonctions pour le compte de la société Chanel Parfums Beauté. Elle relate avoir dénoncé l’ambiguïté entretenue par les sociétés, qui bénéficiaient de son statut d’indépendant, et avoir subi des pressions managériales qui l’ont conduite à être arrêtée à partir du 23 octobre 2019 ; que les relations se sont tendues et que les deux sociétés ont rompu leur collaboration avec elle.
Elle fait valoir qu’il existait un lien de subordination tant avec la société Chanel qu’avec la société Chanel Parfums Beauté, soutenant à titre principal qu’elles étaient ses co-employeurs et à titre subsidiaire qu’elle a été la salariée de la société Chanel Parfums Beauté du 1er septembre 2016 au 26 août 2018 puis de la société Chanel du 27 août 2018 au 31 octobre 2020.
Les sociétés Chanel et Chanel Parfums Beauté (ci-après les sociétés) répondent que Mme [P] travaillait à son compte dans le domaine du design au Liban depuis 2013 et qu’en 2016, désireuse de venir travailler en France, elle a effectué une formation de MBA dans une école de design parisienne et a signé un contrat de professionnalisation avec la société Chanel ; qu’à l’obtention de son diplôme, elle a souhaité continuer à exercer son travail de manière indépendante et a réalisé des prestations pour la société Chanel Parfums Beauté en tant que consultante freelance ; que le département pour lequel elle travaillait ayant été intégré au sein de la société Chanel, elle n’a plus travaillé que pour cette société. Elles soutiennent que Mme [P] travaillait par projet ou par campagne qui lui étaient confiés par un brief, en fonction des besoins de Chanel, n’étant jamais en lien avec les marchés et clients de la société ; que son unique client était la société Chanel avec laquelle elle entretenait une relation de prestataire de services en facturant sa prestation. Elles font valoir qu’en mars 2019, la société a créé un poste de responsable visual merchandising parfums beauté Europe et a nommé à ce poste Mme [T], qui revoyait donc les prestations de Mme [P] ; que les relations se sont tendues entre elles, de sorte que la société Chanel a souhaité mettre fin à la collaboration.
Elles estiment qu’il n’existait pas de lien de subordination entre Mme [P] et la société Chanel et que Mme [P] exerçait sa prestation dans la plus grande indépendance, de sorte que le conseil de prud’hommes s’est à juste titre déclaré matériellement incompétent.
Par application des dispositions de l’article L. 1411-1 du code du travail, la juridiction prud’homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l’existence d’un contrat de travail opposant le salarié et l’employeur prétendus.
Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il existe ainsi trois éléments constitutifs d’un contrat de travail :
– la fourniture d’un travail,
– la contrepartie d’une rémunération,
– l’existence d’un lien de subordination entre les parties.
L’existence des relations de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.
En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve, par tous moyens.
Le contrat d’entreprise ou de prestation de service est un contrat aux termes duquel un client confie à un entrepreneur, moyennant rémunération, la réalisation d’un ouvrage ou d’un service déterminé, que celui-ci se charge d’exécuter en toute indépendance.
L’article L. 8221-6 du code du travail dispose que ‘I. – Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ; (…)
II – L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci’.
La présomption légale de non-salariat qui bénéficie aux personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés peut être détruite s’il est établi qu’elles fournissent des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
– sur la présomption de non-salariat
Les sociétés soutiennent que Mme [P] exerçait sa profession de manière indépendante au Liban avant de venir en France, ce que conteste l’appelante. Outre le fait que l’affirmation n’est établie par aucun document probant, ce fait est inopérant puisque seules les relations entre les parties après l’arrivée en France de Mme [P] importent.
Mme [P] a été immatriculée au répertoire des entreprises et des établissements sous le numéro Siret 830 110 409 00018, pour une activité de création artistique relevant des arts plastiques qui a débuté le 3 juillet 2017 (piece 6 de l’appelante).
Elle a facturé ses prestations à la société Chanel Parfums Beauté jusqu’au mois de juillet 2018 puis à la société Chanel SAS à compter du mois de septembre 2018 (pièces 8, 62 et 74 de l’appelante et 15 et 16 de l’intimée), sans que des contrats de prestations de services ne soient signés entre les parties.
Les sociétés font valoir que Mme [P] a également réalisé des prestations à l’aide de sa société libanaise Saint Luxe Beirut et produit en ce sens des factures établies par cette société et adressées à la société Chanel Parfums Beauté de janvier à juillet 2018 et le justificatif de leur règlement (pièce 24).
Mme [P] répond que c’est la société Chanel Parfums Beauté qui a demandé à pouvoir lui régler ses factures sur un compte bancaire au Liban, manifestement car elle ne voulait pas avoir une deuxième indépendante dans la même équipe en France, et qu’elle a été contrainte de transmettre le RIB de sa mère au Liban.
Or si les sommes ont été versées sur le compte bancaire libanais de la mère de Mme [P], la facturation a été réalisée au nom d’une société libanaise, dont l’identité du dirigeant n’est justifiée par aucune pièce, alors que dans le même temps Mme [P] facturait également des prestations au profit de la société Chanel Parfums Beauté avec sa société française (pièces 15 et 16 des intimées).
En tout état de cause, une présomption de non-salariat s’applique à Mme [P], qui doit rapporter la preuve qu’elle exerçait son activité avec un lien de subordination à l’égard des sociétés Chanel Parfums Beauté d’une part et Chanel SAS d’autre part.
1 – sur la qualité d’employeur de la société Chanel Parfums Beauté
Mme [P] fait valoir qu’elle a travaillé pour la société Chanel Parfums Beauté du 1er septembre 2016 au 26 août 2018.
Du 1er septembre 2016 au 14 juin 2017, elle était dans les liens d’un contrat de professionnalisation à durée déterminée, signé avec la société Chanel SAS, effectuant des prestations au profit de la société Chanel Parfums Beauté, dans le cadre de ses études en vue de l’obtention d’un diplôme de manager du marketing et de la communication (pièce 3 de l’appelante).
Les relations professionnelles se sont poursuivies avec la société Chanel Parfums Beauté jusqu’au 27 août 2018, date à partir de laquelle Mme [P] a travaillé en lien avec la société Chanel SAS.
Mme [P] expose que ses fonctions de designer animations points de vente consistaient à concevoir des podiums événementiels, des vitrines, des colonnes pour les campagnes de communication des produits Chanel notamment au sein des magasins revendeurs.
Pour justifier du lien de subordination avec la société Chanel Parfums Beauté, Mme [P] produit quelques directives reçues de M. [S] [E], responsable trade merchandising dans cette société lorsqu’elle y travaillait (pièces 42, 50, 57, 93).
Néanmoins ces instructions n’excédaient pas celles qui pouvaient être données par un donneur d’ordre à son prestataire de services, pour les tâches à réaliser ou la modification de celles qui avaient été accomplies.
Par ailleurs, il ne ressort d’aucune pièce versée au débat que des horaires de travail étaient imposés à Mme [P] par la société Chanel Parfums Beauté, les nombreuses factures VTC produites par l’appelante en pièce 68 montrant qu’elle venait travailler dans les locaux de la société mais non que ses horaires lui étaient imposés.
Il n’est pas non plus établi que Mme [P] devait demander l’autorisation de poser des congés ou qu’elle était évaluée par la société Chanel Parfums Beauté.
L’exercice d’un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction par la société Chanel Parfums Beauté à son égard n’est pas rapportée par Mme [P].
La cour relève en outre que Mme [P] disposait d’un badge de la société Chanel Parfums Beauté créé le 1er septembre 2016 dans le cadre de son contrat de professionnalisation et, à la fin de ce contrat, à compter du 19 juin 2017, d’un badge “consultant” (pièce 9 de l’appelante).
Mme [P] ne renversant pas la présomption tirée de l’article L. 8221-1 du code du travail, sa relation avec la société Chanel Parfums Beauté ne peut être requalifiée en contrat de travail.
2 – sur la qualité d’employeur de la société Chanel SAS
Pour justifier que la société Chanel SAS exerçait à son égard un pouvoir de direction et de contrôle, Mme [P] produit les pièces suivantes :
– une attestation de son ancienne collègue, Mme [R] [I], architecte au sein de la direction architecture et merchandising europe (DAME) de la société Chanel SAS depuis 2007, qui rapporte que Mme [T] “imposait des demandes de travail et des réunions de dernière minute. Mme [P] ne cessait de lui rappeler son statut officiel et se plaignait qu’on lui imposait une relation de salariée-employeur. Mme [T] montait souvent le ton de sa voix lorsqu’elle parlait à Mme [P].” (pièce 70 de l’appelante),
– des sms ou courriels reçus à compter d’août 2018 qui comportent des instructions ou “briefs”, avec des délais parfois très raccourcis à respecter. Il lui était cependant le plus souvent demandé si elle pouvait prendre la tâche au regard des délais requis, si elle pouvait tenir les délais, à défaut de quoi ils seraient décalés ou elle serait éventuellement allégée en “outsourçant chez un autre free-lance” (courriels du 10 février 2020 pour le décor Gabrielle 2 Croatie). Elle proposait elle-même des plannings (courriels de décembre 2019 concernant le projet Le volume strech pour l’Allemagne) ou demandait des délais supplémentaires (en janvier 2020 pour l’espace parfum Window Croatie) (pièces 42, 44 de l’appelante).
Cependant, ces instructions n’excédaient pas celles qui pouvaient être données par un donneur d’ordre à son prestataire de services, pour orienter le projet ou pour apporter des modifications au travail réalisé par Mme [P].
En outre, comme le soulignent les sociétés, les demandes concernant les animations à réaliser pour les clients n’étaient pas envoyées directement à Mme [P] par ces derniers mais étaient adressées au Trade marketing assistant europe (Mmes [B] [D] en 2019 et [K] [U] en 2020) ou au service Marketing opérationnel Europe – trade (Mme [X] [A]) qui les transmettaient à Mme [T], laquelle sollicitait ensuite Mme [P] (pièce 44 de l’appelante).
Mme [P] ne démontre pas que des horaires de travail lui étaient imposés par la société Chanel SAS, le fait qu’elle vienne travailler dans les locaux de cette société chaque jour à des horaires qui, au demeurant, n’étaient pas toujours identiques, n’en justifiant pas (pièce 68 – factures VTC).
S’agissant des congés, il ressort des échanges de sms produits en pièces 44 et 57 par l’appelante qu’à l’exception des congés de Noël 2018, Mme [P] ne demandait pas l’autorisation de prendre des congés mais avertissait la société Chanel de ses dates d’absence.
Par ailleurs, Mme [W] a indiqué le 29 octobre 2019 à Mme [P] qu’elle n’avait pas à lui envoyer son arrêt de maladie, qu’elle ne pourrait pas traiter (pièce 21 de l’appelante).
Mme [P] fait valoir qu’elle a été convoquée le 27 septembre 2019 à un entretien d’évaluation de mi-année 2019 comme les autres salariés. Or d’une part le courriel du 9 septembre 2019 de Mme [T] qu’elle produit en pièce 9 demande aux salariés de préparer leurs entretiens dans le module Workday prévu à cet effet mais réserve une procédure particulière pour Mme [P] : “Pour [G] tu peux préparer ton entretien plus librement mais avec les mêmes contenus. Si tu le souhaites je t’envoie un pdf des différentes rubriques pour t’aider.” (pièce 47). Il ressort de la pièce 16 de l’appelante que cet entretien d’évaluation n’a pas eu lieu et il n’est ni prétendu ni établi que Mme [P] a été évaluée par la société Chanel SAS à un quelconque moment.
Le message de Mme [T] du 25 octobre 2019 proposant un rendez-vous à Mme [P] en écrivant “il est important de faire ce point ensemble pour repartir sur des bases claires concernant le fonctionnement de ton poste au sein de l’équipe” traduit le besoin d’évoquer ce sujet mais ne témoigne pas de l’existence d’une relation salariée, non plus que le fait que Mme [P] ait eu des réunions hebdomadaires avec Mme [T] à compter du mois d’octobre 2019.
Enfin, Mme [P] relate les plaintes qu’elle a adressées à la société Chanel et la manière dont leurs relations ont évolué jusqu’à leur rupture, sous l’intitulé “l’exercice du pouvoir disciplinaire des sociétés intimées” mais il n’en ressort pas que la société Chanel SAS a exercé un pouvoir disciplinaire à son encontre.
Les échanges de courriels produits en pièces 20 et 21 par l’appelante, datant du mois d’octobre 2019, montrent que Mme [P] revendiquait clairement le statut de freelance et son indépendance, qu’elle estimait contredite par le fait de se voir imposer par Mme [T] certains projets ou réunions ou des entretiens de mi-année, comme les salariés de la société. Elle demandait à pouvoir travailler de chez elle avec son propre matériel et non quotidiennement dans les locaux de l’entreprise.
Mme [W] lui a répondu que son indépendance n’était pas remise en cause mais qu’en tant que cliente, la société avait un droit de validation et de regard sur son travail. Les parties ont discuté des modalités à venir de leur collaboration, Mme [P] demandant à conserver son statut d’indépendante et non pas à se voir reconnaître la qualité de salariée. Il est donc curieux qu’elle écrive aujourd’hui qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas été embauchée en CDI dans la continuité de son contrat de professionnalisation, quand bien même elle justifie avoir postulé à des emplois salariés au sein de la société Chanel ou de sociétés extérieures au cours de la relation professionnelle (pièce 33 et 63).
Un contrat de prestations de services a été proposé par la société Chanel SAS à Mme [P] en mars 2020 et cette dernière a souhaité y apporter des modifications, sans en contester le principe (pièce 26).
Mme [W] atteste que Mme [P] a travaillé en tant que freelance pour la société Chanel SAS à partir du 28 août 2018 et qu’il a été accédé à sa demande de travailler de chez elle pour des raisons personnelles depuis le début du mois d’octobre 2019 (pièce 21 des sociétés).
Il ressort de l’échange de sms produit par Mme [P] en pièce 59 qu’elle a en effet demandé à Mme [W] à disposer d’un ordinateur portable pour travailler chez elle régulièrement en octobre 2019 en raison de l’état de santé dégradé d’un proche, recevant une réponse favorable.
Mme [T] atteste que Mme [P] travaillait en tant qu’indépendante lorsqu’elle-même est arrivée dans la société en mars 2019 ; que Mme [P] a refusé de faire régulièrement avec elle des comptes-rendus sur les projets qu’elle traitait, ce qui lui est apparu incompréhensible dès lors qu’en qualité de responsable merchandising elle était sa cliente ; qu’à partir du mois d’octobre 2019 Mme [P] a fait part de son choix de travailler chez elle et qu’elle n’est jamais venue travailler dans les nouveaux bureaux de la société, qui a déménagé au [Adresse 3], conformément à sa demande ; que Mme [P] a refusé les échanges téléphoniques à partir du 14 janvier 2020, demandant uniquement des échanges par e-mail (pièce 22 des sociétés).
Ainsi, Mme [P] ne démontre pas que la société Chanel SAS a exercé à son égard un pouvoir de direction, de contrôle ou de sanction et ne renverse pas la présomption tirée de l’article L. 8221-1 du code du travail, de sorte que sa relation avec la société Chanel SAS ne peut être requalifiée en contrat de travail.
La cour ajoute que si Mme [P] soutient qu’elle faisait partie de l’équipe et avait la même place que ses collègues de travail au sein de la société, invoquant et justifiant l’existence de faits traduisant une intégration à un service organisé (mention sur l’organigramme, mise à disposition par la société d’un bureau, d’un ordinateur, d’une adresse mail société et d’une ligne téléphonique fixe, participation aux réunions d’équipe, événements de la société et à des formations, accès à la cantine), de tels indices d’un lien de subordination ne permettent pas de reconnaître l’existence d’un contrat de travail en l’absence de détermination unilatérale des conditions d’exécution du travail par l’employeur, notamment en l’absence de preuve que des horaires de travail étaient imposés à Mme [P].
Par ailleurs, la charge de travail importante et le nombre d’heures de travail réalisées ainsi que la dépendance économique qui sont invoqués par Mme [P] ne sont pas des critères de reconnaissance du statut de salarié, tout comme les déplacements en France ou en Europe qu’elle était amenée à faire avec la société Chanel dans le cadre de son travail.
Le jugement rendu le 13 juillet 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre sera en conséquence confirmé en ce que ce dernier s’est déclaré matériellement incompétent pour statuer sur le fond du dossier.
Compte tenu du sens de la décision, il n’y a pas lieu d’évoquer l’affaire au fond pour examiner les demandes formées par Mme [P] au titre du co-emploi, de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de son indemnisation.
Par application de l’article 86 du code de procédure civile, les parties seront renvoyées devant le tribunal de commerce de Nanterre, Mme [P] exerçant son activité en qualité de micro-entrepreneur (pièce 74 de l’appelante).
Sur les demandes accessoires
La décision de première instance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Mme [P] sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sera condamnée à verser à la société Chanel SAS et à la société Chanel Parfums Beauté la somme de 1 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juillet 2022 par le conseil de prud’hommes de Nanterre,
Y ajoutant,
Renvoie les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre,
Condamne Mme [G] [P] aux dépens d’appel,
Condamne Mme [G] [P] à payer à la société Chanel SAS une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [G] [P] à payer à la société Chanel Parfums Beauté SAS une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [G] [P] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,