Commerce électronique : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10992

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Commerce électronique : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10992
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 18 JANVIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10992 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4RH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/00129

APPELANT

Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

INTIMEE

SAS NEWREST WAGONS-LITS FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Anne MENARD, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Lors des débats : Madame [X] [W], greffière stagiaire en préaffectation sur poste

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Anne MENARD, présidente et par Madame [X] [W], greffière stagiaire en préaffectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Z] a été engagé par la société Cremonini Restauration le 11 septembre 2009, en qualité de commercial de bord.

Son contrat de travail a été transféré à la société Newrest Wagons-lits France qui avait repris le marché.

Il a été licencié le 14 décembre 2018 pour faute grave pour différents manquements constatés lors d’un contrôle de route réalisé selon la méthode du ‘client mystère’, ainsi que pour des résultats commerciaux insuffisants.

Monsieur [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 9 janvier 2019.

Par jugement en date du 20 septembre 2019, le conseil a dit le licenciement de monsieur [Z] sans cause réelle et sérieuse et condamné la société ‘Newrest Wagons-Lits France au paiement des sommes suivantes :

1.112,12 euros au titre du rappel de salaire de la mise à pied

111,21 euros au titre des congés payés afférents

4.170,46 euros au titre de l’indemnité de préavis

417,05 euros au titre des congés payés afférents

4.931,83 euros au titre de l’indemnité de licenciement

1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Monsieur [Z] a interjeté appel de cette décision le 29 octobre 2019.

Par conclusions récapitulatives du 28 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, il demande à la cour d’infirmer le jugement, mais seulement en ce qu’il a retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, de lui allouer une somme de 18.767,07 euros de ce chef, ainsi que 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et de confirmer le surplus de la décision.

Par conclusions récapitulatives du 28 avril 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Newrest Wagons Lits France demande à la cour de corriger l’erreur matérielle contenue dans le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, d’infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, de dire que la faute grave est justifiée, d’ordonne le remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire sous astreinte de 50 euros par jour, et de condamner le salarié à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

– Rectification d’erreur matérielle

Le conseil de prud’hommes indique en page 7 du jugement, dans la motivation : ‘Le conseil dit que le licenciement de monsieur [Y] [Z] est fondé mais pour une cause réelle et sérieuse’.

L’intention du conseil est confirmée par le fait qu’il a été fait droit aux demandes au titre du préavis et de l’indemnité de licenciement, mais pas à la demande au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, le dispositif mentionne : ‘Dit le licenciement de monsieur [Y] [Z] sans cause réelle et sérieuse’.

Il y aura lieu de rectifier cette erreur matérielle.

– Sur l’erreur dans la notification du licenciement

Il est constant que le licenciement a été notifié à l’ancienne adresse de monsieur [Z], chez ses parents, alors que l’employeur avait parfaitement connaissance de sa nouvelle adresse, où il établissait ses bulletins de paie.

Monsieur [Z] indique que dans ces conditions il a eu connaissance de la décision tardivement, et a été privé de la possibilité de saisir la commission de discipline, nonobstant le fait que l’employeur avait accepté de prolonger le délai pour cette saisine.

Il soutient qu’il a été privé d’une garantie de fond, ce qui prive son licenciement de cause réelle et sérieuse.

Toutefois, l’article 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l’espèce, stipule que l’absence de respect d’une procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement constitue une irrégularité ouvrant droit à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Monsieur [Z] ne forme aucune demande de ce chef.

– Sur le motif du licenciement

En vertu des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En vertu des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur;

La motivation de cette lettre fixe les limites du litige.

En l’espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :

« (‘) Nous avons fait lecture du bordereau d’intervention rédigé après le contrôle de route que vous avez eu à bord du TGV 8590/Q le 28 novembre 2018 alors que vous étiez en service bar. Nous vous avons fait part des faits qui vous étaient reprochés à savoir :

Le non-respect des procédures de vente et d’encaissement constaté lors du contrôle de route avec intervention du 28 novembre 2018. Il est constaté que vous encaissez en espèces 3 ventes sans procéder aux typages et donc sans éditer les tickets correspondants pour un montant total de 23 € :

– 18h56 : 1 café lungo, 1 gula pour 5,80 € ;

– 19h02 : 1 1664 blanche 33 cl, 1 1664 33cl, 1 pringles pour 11,40€

– 20h25 : 1 coca 33cl, 1 mini saucisson pour 5,80 €

Lors de ce contrôle il a également été constaté :

– absence d’annonce sur tout le trajet

– absence de PLV CEL

– Non-respect des procédures de sécurité (ouverture de la porte de

sécurité pour fumer)

– nous vous avons également reproché le non-respect des procédures de vente CEL. En effet, nous constatons que vous fermez systématiquement la CEL alors que la fermeture de la CEL est un refus de vente donc un manque à gagner pour vous et pour l’entreprise

– nous avons également parlé de vos performances commerciales qui depuis 2016 sont bien en deçà des moyennes de références.

Votre taux de performance cumulé de janvier à octobre 2018 est de 92,25 %, le nombre de produits vendus, la valeur et le nombre de ticket moyen sont en deçà des moyennes de référence. Concernant le nombre de tickets vous en avez -13,01 à la course par rapport aux autres agents, votre RMC à la course présente une différence de -33,67 euros avec les autres agents les mêmes jours sur les mêmes trains.

Nous vous avons également précisé qu’aucune vente de croque-monsieur n’est constatée sur les trains créneaux repas, ces ventes apparaissent que quand vous êtes accompagné par un agent 2.

Après la lecture du rapport du 28 novembre 2018, vous avez nié en indiquant que vous n’aviez aucun souvenir de non typage. Vous avez reconnu, malgré le fait d’être au courant de l’interdiction absolue avoir ouvert la poste de sécurité pour vapoter en vous mettant en danger. Vous avez également admis de ne pas avoir diffusé des annonces alors que régulièrement vos responsables vous ont rappelé cette obligation.

Concernant le CEL vous nous avez précisé que vous ne l’ouvrez pas quand vous êtes seul au bar. Et enfin vous nous avez expliqué que vous vendez des croque-monsieur mais vous ne typiez pas forcément les produits que vous vendiez :

« Parfois je type Burger alors que je vends un croque-monsieur ou je type une Vittel alors que je vends un coca ». Par cette façon de procéder vous perturbez notre compatibilité et faussez les analyses des ventes et des dotations ».

Par vos agissements vous êtes en infraction avec vos engagements contractuels et les dispositions du règlement intérieur ‘

Nous avons entendu vos explications mais vous rappelons toutefois que les procédures

d’encaissement en vigueur dans notre activité prévoient au-delà des typages des produits destinés à la vente, l’émission des tickets correspondants et leur remise aux clients.

L’analyse détaillée du journal de ventes et de tous les éléments relatifs au contrôle confirme de fait que 3 ventes pour un montant total de 23 euros n’ont pas été enregistrées sur la bande MYPOS au moment de la vente comme il se doit.

Nous vous rappelons par ailleurs l’obligation de respecter toutes les procédures et consignes relatives à votre fonction notamment en matière de sécurité et la réglementation d’ouverture et de fermeture des portes du bar des arrêts commerciaux possibles uniquement en cas d’opération logistique comme précisé dans le Plan de Prévention SNCF et le guide du commercial qui vous a été communiqué.

Votre comportement est constitutif d’un manquement grave à vos obligations contractuelles dans le cadre de vos fonctions de Commercial de Bord Senior. Ces manquements fragrants à la probité à la loyauté sont préjudiciables pour l’entreprise tant financièrement que pour son image et sa réputation vis à vis de la clientèle et vis à vis de notre donneur d’ordre la SNCF.

Il ne nous est plus permis d’admettre un tel comportement. La relation de confiance indispensable dans nos relations contractuelles se trouve rompue et il n’est plus envisageable dans ces conditions de poursuivre notre collaboration.

Les informations recueillies au cours de notre entretien du 10 décembre 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

Pour ces motifs, nous vous informons que nous considérons que votre maintien dans la société est impossible et nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave’ ».

Monsieur [Z] soutient que le contrôle réalisé le 28 novembre 2018 est illicite, en ce que les moyens de contrôle utilisés par l’employeur ne doivent pas apporter aux droits et libertés des salariés des restrictions non proportionnées ni justifiées par la nature de la tâche à accomplir ; qu’en outre les salariés doivent en être informés.

La cour constate à cet égard que le guide du commercial de bord fait expressément référence, et sur plusieurs pages de développements, aux contrôles réalisés au moyen de clients mystères.

Par ailleurs, le contrôle opéré par l’employeur, limité au lieu et au temps du travail, par un service interne à l’entreprise, ne constitue pas un mode de preuve illicite, et ne porte pas d’atteinte à la vie privée du salarié.

Sur le fond, monsieur [Z] conteste avoir omis de ‘typer’ trois produits, et soutient qu’il n’a pas fait d’annonce car la sono était défaillante. Il reconnaît avoir ouvert la porte de sécurité quelques secondes lorsque le train était en gare à l’arrêt.

En ce qui concerne les ventes CEL (ventes en ligne que le client vient récupérer), il fait valoir que le grief est insuffisamment caractérisé.

En ce qui concerne les performances commerciales, il souligne qu’aucun objectif ne lui a été fixé, et fait observer qu’en tout état de cause, elles ne pourraient fonder un licenciement disciplinaire pour faute grave.

L’absence de ‘typage’ et d’émission de ticket pour le client a été constaté par le contrôleur, qui en a fait un rapport extrêmement détaillé, avec l’heure à la minute près et les produits concernés. Ces faits, qui concernent trois ventes pour un montant de 23 euros sont donc établis.

Toutefois, il convient de relever qu’il n’est pas mentionné dans la lettre de licenciement, non plus que dans le rapport d’intervention, que les espèces remises par le client ne seraient pas présentes dans la caisse. Ainsi, ces faits ne peuvent être qualifiés de détournements d’espèces, comme le suggère l’employeur en produisant un communiqué daté du 25 octobre 2017 relatif à ce type de faits. L’employeur ne peut, en ne visant qu’une absence de respect des procédure d’encaissement, sanctionner des faits de vol.

Le rapport établi par les contrôleur permet également de rapporter la preuve d’autres manquements, tel que l’absence d’annonce durant le trajet, et l’absence d’ouverture de la vente en ligne. Monsieur [Z] ne conteste pas avoir ouvert la porte lors d’un arrêt en gare pour fumer une cigarette.

Monsieur [Z], à qui le contrôle a été notifié immédiatement, n’a pas signalé que la sono aurait été en panne, alors même qu’une vérification aurait alors été possible.

Ces non respects des procédures, compte tenu de leur nombre et du fait que l’un d’eux concerne la sécurité, sont d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement de monsieur [Z], et ce d’autant qu’à l’issue d’un contrôle réalisé le 18 septembre 2018, soit quelques mois auparavant, il lui avait déjà été reproché de n’avoir fait aucune annonce durant le trajet. En revanche, ces manquements ne rendaient pas nécessaire la rupture immédiate du contrat de travail.

L’insuffisance de résultats commerciaux alléguée, qui n’a pas de caractère disciplinaire, ne peut pas plus justifier un licenciement pour faute grave.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a écarté la faute grave, retenu que le licenciement a une cause réelle et sérieuse, ainsi que sur les montants alloués qui ne sont pas utilement contestés au regard de la moyenne des salaires des trois derniers mois travaillés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

Rectifiant une erreur matérielle du jugement,

DIT qu’au lieu de lire en page 9 :

‘Dit le licenciement de monsieur [Y] [Z] sans cause réelle et sérieuse’,

il faut lire :

‘Dit que le licenciement de monsieur [Y] [Z] est fondé sur une cause réelle et sérieuse’.

CONFIRME le jugement,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE monsieur [Z] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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