Commerce électronique : 26 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00631

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Commerce électronique : 26 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00631
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 26 MAI 2023

(n°83, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/00631 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CE7BX

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 novembre 2021 – Tribunal de commerce de PARIS – 19ème chambre – RG n°2019071660

APPELANTE

S.A.S. CLC GROUP, agissant en la personne de son président, M. [X] [N], domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 839 264 694

Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

Assistée de Me Candice ANDRE plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocate au barreau de PARIS, toque C 610

INTIMEE

S.N.C. CHRISTIAN LACROIX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cete qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 341 265 858

Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 148

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 10 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris.

Vu l’appel interjeté le 3 janvier 2022 par la société CLC Group.

Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 29 mars 2022 par la société CLC Group, appelante.

Vu l’ordonnance rendue le 9 février 2023 par le conseiller de la mise en état déclarant irrecevables les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 janvier 2023 par la société Christian Lacroix, intimée.

Vu l’ordonnance de clôture en date du 16 février 2023.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

La S.N.C. Christian Lacroix (société Lacroix) distribue et fait distribuer des produits de luxe de mode et accessoires dans de nombreux domaines, sous la marque « Christian Lacroix ». Elle a recours à des contrats de licence pour la fabrication et la distribution sélective de ses produits hauts de gamme.

La S.A.S. CLC Group (société CLC), est une société de création, de fabrication et de distribution de produits spécialisés dans le maquillage et les cosmétiques.

Dans le but de développer son activité en Chine, la société Lacroix a accordé à la société CLC, par contrat en date du 24 avril 2018 la licence de la marque « Christian Lacroix » pour la distribution de produits cométiques sur cinq sites de e-commerce chinois, ce pour une période de cinq années s’achevant le 31 décembre 2023.

Cette licence était accordée moyennant les conditions suivantes à satisfaire par le licencié :

– le respect de la date de mise en circulation des produits, fixée au 11 novembre 2018, pour notamment une gamme de produits de maquillage,

– le paiement d’une redevance proportionnelle à la valeur nette des ventes, moyennant un minimum garanti d’un montant variable chaque année.

Compte tenu des difficultés pour tenir le délai du 11 novembre 2018, les parties ont signé un avenant le 18 juillet 2019, repoussant la date de première mise en circulation au 31 décembre 2019 et le minimum garanti de l’année 2 a été augmenté de 50 000 euros pour atteindre 400 000 euros hors taxe ( l’article 2 de l’avenant précisant que la somme de 400 000 euros sera payée aux échéances suivantes : « 100 000 euros HT à la signature du présent avenant au contrat de licence, 100 000 euros HT au plus tard le 31 octobre 2019, 50 000 euros HT au plus tard le 31 décembre 2019, 100 000 euros au plus tard le 30 mars 2020).

La société CLC a cependant fait valoir des difficultés techniques et financières dans la réalisation de ces objectifs, se traduisant en particulier par des retards qu’elle a imputés à la société Lacroix et qui auraient ralenti le développement des produits sous licence, ce que la société Lacroix a contesté.

La société Lacroix a par lettre en date du 6 novembre 2019, mis en demeure la société CLC de s’acquitter de la somme de 120 000 euros, qui avait donné lieu à un chèque de la société CLC revenu impayé.

La société CLC a refusé de régler cette somme par lettre du 15 novembre 2019, invoquant la nullité du contrat et sollicitant le remboursement de la somme de 350 000 euros déjà réglée et l’organisation d’une réunion amiable avec la société Lacroix.

Par acte du 13 décembre 2019, la société Lacroix a alors fait assigner la société CLC devant le tribunal de commerce de Paris.

C’est dans ce contexte qu’a été rendu le jugement dont appel, qui a :

– prononcé la résiliation du contrat de licence au 16 novembre 2019 aux torts non exclusifs de la société CLC,

– condamné la société CLC à payer à la société Lacroix la somme de 120 000 euros toutes taxes comprises, au titre de la redevance dont le paiement était dû au 30 octobre 2019,

– condamné la société CLC à payer à la société Lacroix la somme de 50 000 euros, à titre de dommages et intérêts,

– condamné la société CLC à payer à la société Lacroix la somme de 8 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– condamné la société CLC aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

La société CLC a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a,

– prononcé la résiliation du contrat de licence au 16 novembre 2019 et ce aux torts non exclusifs de la société CLC Group,

– condamné la société CLC Group à payer à la société Christian Lacroix la somme de 120 000 euros ttc, au titre de la redevance dont le paiement était dû au 30 octobre 2019,

– condamné la société CLC Group à payer à la société Christian Lacroix la somme de 50 000 euros, à titre de dommages et intérêts,

– condamné la société CLC Group à payer à la société Christian Lacroix la somme de 8 000 euros, au titre de l’article 700 CPC,

– débouté la société CLC Group de ses autres demandes, plus amples ou contraires,

– condamné la société CLC Group aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe.

En conséquence et statuant à nouveau,

A titre principal,

– prononcer la nullité du contrat conclu entre les parties le 24 avril 2018 et de son avenant,

– ordonner en conséquence la restitution, à son profit de la somme de 350 000 euros et des chèques remis d’avance à la société Lacroix,

– condamner la société Lacroix au paiement de la somme de 50 000 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice subi par elle du fait des agissements de la société Lacroix,

A titre subsidiaire,

– juger qu’aucun manquement contractuel ne lui est imputable,

– juger que la société Lacroix a manqué à ses obligations contractuelles,

– juger que la société Lacroix l’a soumise ou tenté de la soumettre à un déséquilibre significatif,

– juger que la société Lacroix a manqué à l’obligation de négocier et d’exécuter le contrat de bonne foi,

– prononcer en conséquence la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Lacroix,

– condamner en conséquence la société Lacroix au paiement de la somme de 400 000 euros au titre des dommages et intérêts résultant de la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Lacroix,

– condamner la société Lacroix à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Lacroix aux entiers dépens de la présente instance,

En tout état de cause,

– condamner la société Lacroix à lui payer à la société CLC la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.

Les conclusions de la société Lacroix déposées et notifiées au-delà du délai prescrit par l’article 909 du code de procédure civile ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 9 février 2023.

– Sur la nullité du contrat de licence

La société CLC sollicite la nullité du contrat de licence qu’elle a conclu le 24 avril 2018 avec la société Lacroix et de son avenant faute d’existence d’une contrepartie à l’exécution de ses obligations, l’exploitation de la marque en Chine pour les produits sous licence étant impossible, et au motif que son consentement a été vicié par dol au moment de la signature du contrat.

Le contrat de licence conclu le 24 avril 2018 entre les sociétés Lacroix et CLC est composé de deux parties. La première partie a pour objet de définir les conditions commerciales particulières convenues entre les parties au contrat de licence, lesdites conditions étant également soumises aux conditions générales figurant en deuxième partie du présent contrat. L’article 2 intitulé « La propriété » mentionne « la marque « CHRISTIAN LACROIX », l’article 3 vise les produits sous licence : « 1. Produits de maquillage : fond de teint, rouge à lèvres, fard à paupières, kit sourcils, palettes yeux et lèvres, pinceaux, vernis à ongles, produits démaquillants, et 2. produits cosmétiques : crèmes soins du visage et du corps, produits gels douche et bain, crèmes solaires, savons parfumés, bougies de soin parfumées, dentifrice. », l’article 4 « circuit de distribution » stipule « distribution sélective e-commerce exclusivement, les sites internet sélectifs étant : Taobao, Tmall, Jd, Vip, Koala ». L’article 5 « Territoire de licence » vise la Chine y compris Hong Kong et Macao ainsi que Taiwan.

La deuxième partie du contrat « conditions générales » prévoit à l’article 1 « Définitions » f) « Marque » désigne la propriété, la dénomination du concédant, ainsi que toutes autres marques du concédant et/ou toutes autres dénominations relatives à la propriété et déposées par le concédant. L’article 2.1 précise « le concédant concède au licencié, selon les termes et conditions du présent contrat, un droit de licence d’exploitation de la Propriété pour les besoins exclusifs de fabrication, promotion et commercialisation des produits de licence dans le territoire et pendant la période contractuelle ». L’article 11.3 « propriété intellectuelle » stipule que « le concédant déclare et garantit expressément bénéficier des droits nécessaires pour consentir au licencié les droits de licence au titre des présentes ; … Le concédant ne concède aucune autre garantie expresse ou tacite en relation avec l’exploitation par le licencié de la Propriété ». L’article 21.2 « déclarations communes » énonce que « le licencié reconnaît tout particulièrement avoir eu accès à toutes les informations qui lui étaient nécessaires avant qu’il ne formule une proposition de contrat de licence au concédant, notamment sur la Propriété, ses formes et son mode d’exploitation … ». L’annexe A jointe au contrat intitulée « la Propriété » reproduit le signe suivant :

La société CLC critique le jugement qui a rejeté sa demande de nullité du contrat aux motifs que les documents fournis au débat par les parties portent sur la marque CHRISTIAN LACROIX et que la mention « [Localité 5] » dans l’annexe au contrat n’était qu’une erreur. Elle soutient qu’aucune marque portant sur le signe « CHRISTIAN LACROIX [Localité 5] » et visant le territoire chinois n’était enregistrée pour désigner des produits cosmétiques en classe 3 ou des services de vente en ligne de produits cosmétiques. Elle ajoute que l’existence de cette marque au moment de la conclusion du contrat est la raison essentielle de l’acceptation du versement des minimums garantis, et que celui-ci doit donc être déclaré nul faute d’existence de cette marque.

Pour autant, il apparaît du jugement déféré et des éléments fournis au débat que la société Lacroix était bien titulaire d’un enregistrement de marque « CHRISTIAN LACROIX » en Chine n° 310733 pour désigner des produits relevant de la classe 3 (pièce 10 bis), cette marque étant en vigueur jusqu’au 19 mars 2028 en suite de son renouvellement. L’article 11-3 du contrat ci-avant rappelé n’a donc pas été méconnu par la société Lacroix.

Si la marque visée en annexe au contrat comporte la mention [Localité 5], la société CLC ne démontre pas que cette mention était déterminante dans la conclusion du contrat ou que l’absence de cette mention dans le signe objet de l’enregistrement de la marque en Chine l’a empêchée d’exploiter celui-ci avec la mention [Localité 5].

De même, la société CLC ne peut être suivie lorsqu’elle affirme qu’elle n’était pas à même d’identifier la marque objet de la licence alors que l’article 21-2 du contrat stipule clairement que : « le licencié reconnaît tout particulièrement avoir eu accès à toutes les informations qui lui étaient nécessaires avant qu’il ne formule une proposition de contrat de licence au concédant, notamment sur la Propriété … ». Il résulte d’ailleurs des échanges de courriels entre les parties de mai et juillet 2018 (pièce 9) que la société CLC avait connaissance de la marque protégée en Chine puisqu’elle sollicitait de la société Lacroix que celle-ci lui transmette le renouvellement, l’enregistrement de cette marque ayant expiré le « 19 mars 2018 » ainsi que l’indique la société CLC.

La société CLC fait alors valoir que la marque chinoise CHRISTIAN LACROIX n° 310733 a été invalidée pour défaut d’usage, cette annulation ayant été prononcée par le Comité de réexamen de l’office de la propriété intellectuelle chinois le 31 août 2016, confirmée par le tribunal de la propriété intellectuelle de Pékin le 18 juin 2019 et publiée à la gazette le 27 novembre 2019. Elle soutient alors qu’à la date de la conclusion du contrat de licence, la société Lacroix avait connaissance de la procédure d’annulation affectant la validité de la marque n° 310733 et l’a volontairement laissée dans l’ignorance de cette procédure ce qui caractérise une réticence dolosive affectant la validité du contrat.

Selon les informations publiées sur le site de l’office chinois de la propriété intellectuelle (pièce 10 bis), la publication de la révocation de la marque n° 310733 est intervenue le 27 novembre 2019. Cette publication fait suite à la décision du tribunal de Pékin en date du 1er juillet 2019 statuant sur un recours de la société Lacroix formé contre une décision de l’office de la propriété intellectuelle chinois invalidant la marque pour défaut d’usage, une information concernant cette décision de l’office ayant également été publiée le 20 août 2017 avec la mention « invalid gazette ».

Constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

La société Lacroix n’a pas informé la société CLC de la décision de l’office chinois invalidant la marque CHRISTIAN LACROIX objet du contrat de licence, pour non usage, ni de la procédure de recours contre cette décision devant le tribunal de Pékin.

Il ressort néanmoins que l’information concernant la décision de l’office était disponible et accessible par la société CLC au moment de la signature du contrat, que la marque a pu être renouvelée (renouvellement publié le 20 juillet 2018), et que la décision de justice rejetant le recours formé par la société Lacroix est postérieure à la date de conclusion du contrat du 24 avril 2018. Si cette décision est antérieure à la date de signature de l’avenant au contrat en date du 18 juillet 2019, aucun élément ne vient établir que la société Lacroix en avait connaissance à cette date, cette décision étant par ailleurs susceptible de recours.

En conséquence, il n’est pas démontré que la société Lacroix a intentionnellement gardé le silence sur cette procédure de révocation pour non usage de la marque chinoise n° 310733 pour tromper la société CLC et la déterminer à conclure le contrat de licence.

La réticence dolosive de la société Lacroix n’est donc pas caractérisée.

La société CLC fait encore valoir les dispositions de l’article 1169 du code civil selon lesquelles « un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire. », aux motifs que c’est en contrepartie de la possibilité de distribuer les produits sous licence sur les différents sites de e-commerce mentionnés au contrat qu’elle a accepté de verser les minimums garantis annuels et des redevances fixes et que de sérieux obstacles à l’exploitation en ligne se sont révélés en raison de licences accordées pour des produits différents à d’autres distributeurs par la société Lacroix et une absence de gestion par celle-ci desdites licence.

Néanmoins, la contrepartie du versement des minimums garantis et des redevances par la société CLC est le droit d’exploiter la marque CHRISTIAN LACROIX pour des produits cosmétiques sur les sites de e-commerce chinois tels TMALL et TOABAO, la circonstance qu’un autre licencié existe sur ces plateformes pour les produits horlogers et la mauvaise gestion de ses licenciés, à supposer avérée, par la société Lacroix qui a pu être constatée par la société CLC après la conclusion du contrat, ne rend pas nul pour absence de contrepartie ce contrat de licence de marques au moment de sa formation.

La société CLC invoque enfin comme cause de nullité du contrat un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Elle fait valoir qu’elle est tenue de respecter de nombreux engagements sans réciprocité, que la société Lacroix a la possibilité de résilier unilatéralement le contrat sans délai de préavis et que le seuil minimal du montant des dommages et intérêts dus en cas de résiliation est très important car il correspond à l’ensemble des montants de minimums garantis prévus au contrat. Elle ajoute que sa soumission à ce déséquilibre résulte du fait que le contrat et en particulier les conditions générales n’ont pu faire l’objet d’une négociation entre les parties et que la société Lacroix a profité du projet qui était le sien d’investir des sommes importantes dans la licence et de cette dépendance économique pour lui imposer des conditions déséquilibrées et augmenter le minimum garanti par l’avenant du 18 juillet 2019.

Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait pour un partenaire commercial de soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Ainsi que relevé par le tribunal, la société CLC est à l’origine du rapprochement entre les parties, a demandé à la société Lacroix de signer le contrat le plus vite possible pour pouvoir lancer le produit pour le 11 novembre 2018 date du « singles’day » en Chine, ce grand intérêt de la société CLC pour distribuer en Chine des produits sous licence CHRISTIAN LACROIX est confirmé par le courriel de la société CLC du 16 juillet 2019 qui indique vouloir « continuer l’aventure » malgré les difficultés rencontrées ce qui aboutira à la signature d’une avenant le 18 juillet suivant.

En conséquence, il ne résulte pas des éléments fournis au débat que la société CLC était au moment de la conclusion du contrat, en position de dépendance par rapport à la société Lacroix et contrainte de conclure une licence de marque avec cette dernière qui lui aurait imposé ou tenté d’imposer des obligations injustifiées et non réciproques du fait de l’existence d’un déséquilibre de rapport de force entre les parties. Les clauses des contrats apparaissent avoir été librement négociées entre les parties ce quand bien même des clauses des conditions générales figurant à la partie 2 du contrat peuvent ne pas apparaître en cohérence avec certaines clauses de la première partie consacrée aux conditions particulières.

La demande de la société CLC de nullité du contrat du 24 avril 2018 et de son avenant du 18 juillet 2019 est rejetée.

– Sur la résiliation du contrat

La société CLC reproche au jugement déféré d’avoir prononcé la résiliation du contrat à ses torts non exclusifs alors qu’elle justifie avoir été empêchée, par la faute de la société Lacroix, d’exécuter certaines obligations contractuelles. Elle reproche à la société Lacroix son manque d’investissement sur le plan opérationnel et marketing, ce qui la mettait dans l’impossibilité de respecter les délais prévus au contrat. Elle justifie son défaut de paiement de la somme de 120 000 euros par une inexécution grave de ses obligations par la société Lacroix.

Par courriel du 23 octobre 2019, la société CLC faisait valoir son impossibilité d’exécuter le contrat de licence en Chine en raison de l’impossibilité d’exercer la commercialisation sur les canaux de distributions e-commerce, le problème de délais, l’absence de contrôle de la communication sur le marque en Chine et le trouble de positionnement de la marque en Chine, sollicitait de ne pas payer les minimums garantis prévus par l’avenant du 18 juillet 2019 dont celui de 120 000 euros prévu le 30 octobre 2019 et proposait une résiliation amiable du contrat avec une renonciation des parties sur la partie financière.

En réponse à une lettre du 6 novembre 2019 de la société Lacroix réclamant le règlement du minimum garanti de 120 000 euros, le conseil de la société CLC répondait par la négative, opposait la nullité du contrat, rappelait les manquements contractuels qu’elle reprochait à la société Lacroix et concluait que sa cliente était disposée à accepter la résiliation amiable du contrat de licence et de son avenant ainsi que la restitution de la somme de 100 000 euros perçue indument.

La société Lacroix répliquait par la délivrance de l’assignation devant le tribunal de commerce de Paris sollicitant notamment la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société CLC.

Compte tenu des développements qui précèdent, les griefs tenant à l’impossibilité d’exercer la commercialisation sur les canaux de distributions e-commerce, le problème de délais et l’absence de contrôle de la communication sur le marque en Chine ne peuvent être retenus comme des manquements par la société Lacroix à ses obligations contractuelles ou comme caractérisant une exécution de mauvaise foi dudit contrat par cette dernière.

De même il n’est pas établi que la société Lacroix a soumis ou tenté de soumettre la société CLC à un déséquilibre significatif, ce grief apparaissant être opposé par cette dernière à la fois au soutien de la nullité et de la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Lacroix.

La société CLC ne peut pas plus invoquer le rejet « sans raison » du prototype de rouge à lèvre qu’elle avait soumis à la société Lacroix, alors que cette dernière, après analyse de l’échantillon reçu de la société CLC, a considéré que celui-ci n’était pas assez qualitatif (courriel du 27 août 2019 ‘pièce 32) ce conformément aux dispositions de l’article 3.1 de la deuxième partie du contrat de licence selon lequel « le licencié s’engage expressément à réaliser des produits de licence qui respectent des critères de haute qualité, de style et d’apparence … Tous produits de licence et matériels associés devront être approuvés par écrit par le concédant (qui sera en droit de refuser son approbation à son entière discrétion …) », la cour n’ayant pas à apprécier la qualité de l’échantillon fournit aux débats ou celle des produits faisant l’objet de contrats de licence avec des sociétés tierces. De même, ne constitue pas un manquement à ses obligations contractuelles les propositions faites par la société Lacroix, que la société CLC qualifie d’irréalistes, l’article 3-2 du contrat de licence prévoyant que le licencié s’engage à tenir le meilleur compte des propositions de modification des dessins, échantillons et prototypes faites par le concédant… ».

Il ressort toutefois que la marque chinoise CHRISTIAN LACROIX n’était plus en vigueur en suite de la décision du tribunal de Pékin en date du 1er juillet 2019 statuant sur un recours de la société Lacroix formé contre une décision de l’office de la propriété intellectuelle chinois invalidant la marque pour défaut d’usage, cette décision ayant été publiée le 27 novembre 2019.

Aussi, il existait compte tenu des procédures en cours une incertitude quant aux droits de la société Lacroix sur la marque CHRISTIAN LACROIX en Chine, celle-ci n’en ayant pas informé son licencié alors que la société CLC s’inquiétait de son renouvellement. Il en résulte que la société Lacroix n’a pas assuré une jouissance paisible de la marque concédée à la société CLC en contravention des dispositions de l’article 11.3 du contrat de licence ci-avant rappelées.

Il ne peut donc être reproché à la société CLC de ne pas avoir respecté la date de première mise en circulation du produit prévue au 31 décembre 2019 selon l’article 3 de l’avenant au contrat de licence en date du 18 juillet 2019.

Il ne peut pas plus lui être reproché son absence de règlement du minimum garanti de 120 000 euros dont la date d’échéance était prévue au 30 octobre 2019. En effet, le manquement de la société Lacroix qui s’est révélé au dernier trimestre 2019 et qui porte sur la marque objet du contrat de licence est suffisamment grave pour justifier l’absence d’exécution par la société CLC de son obligation de paiement de ce minimum garanti.

Il convient en conséquence de dire que le contrat de licence doit être résolu aux torts de la société Lacroix à compter du 13 décembre 2019, date d’assignation en justice.

En l’espèce, les prestations échangées ayant trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution des minimums garantis versés annuellement en exécution du contrat de licence et qui sont stipulés comme définitivement acquis, la résolution du contrat doit donc être qualifiée de résiliation en application de de l’article 1229, alinéa 3, du code civil.

La société CLC n’est donc pas fondée à solliciter à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier les sommes qu’elle a versées au titre des minimums garantis déjà réglés à la société Lacroix pendant l’exécution du contrat.

En revanche, il sera relevé avec la société CLC que le manquement de la société Lacroix lui cause un préjudice moral, celle-ci ayant noué en vain des accords avec des partenaires en Chine en vue de la commercialisation de produits cosmétiques sous licence. Son préjudice sera évalué selon les éléments mis à la disposition de la cour, notamment les partenariats noués avec ces partenaires dont celui avec la société Elegant Best Investments sise à [Adresse 3] à la somme de 20 000 euros.

La société Lacroix sera donc condamnée à payer à la société CLC la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en raison de l’inexécution de son obligation née du contrat.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé.

– Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles sont également infirmées.

Partie perdante, la société Lacroix sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à payer à la société CLC, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société CLC Group de sa demande de nullité du contrat de licence de marque conclu le 24 avril 2018 et de son avenant en date du 18 juillet 2019,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de licence de marque conclu le 24 avril 2018 et de son avenant en date du 18 juillet 2019 aux torts de la société Christian Lacroix ce, à compter du 13 décembre 2019,

Condamne la société Christian Lacroix à payer à la société CLC Group la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

Rejette toute autre demande de la société CLC Group,

Condamne la société Christian Lacroix à payer à la société CLC Group la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne la société Christian Lacroix aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière La Présidente

 


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