Signature électronique : 26 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/05079

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Signature électronique : 26 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/05079
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2ème Chambre

ARRÊT N°252

N° RG 20/05079

N° Portalis DBVL-V-B7E-RAIN

M. [E] [V]

C/

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST (BPGO)

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me LUET

– Me CASTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 06 Avril 2023

devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Mai 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [E] [V]

né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 6] (56)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Laura LUET de la SELARL HORIZONS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST (BPGO)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hugo CASTRES de la SCP LECLERCQ & CASTRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée par signature électronique le 10 juin 2017, la caisse régionale de Crédit maritime mutuel Atlantique (le Crédit maritime) a consenti à M. [E] [V] un prêt de 10 000 euros au taux de 3,45 % l’an, remboursable en 48 mensualités de 223,34 euros, hors assurance emprunteur.

Le crédit n’a toutefois été débloqué qu’à hauteur de 6 000 euros, le montant des mensualités ayant en conséquence été réduit à 134 euros.

Prétendant que les échéances de remboursement n’ont plus été honorées depuis juin 2018 en dépit d’une lettre recommandée de mise en demeure de régulariser l’arriéré sous huitaine en date du 1er mars 2019, la Banque populaire Atlantique devenue Banque populaire Grand-Ouest (la BPGO), déclarant se trouver aux droits du Crédit maritime, s’est prévalue de la déchéance du terme par un second courrier recommandé du 13 mars 2019, puis a saisi le juge d’instance de Lorient qui, par ordonnance du 27 septembre 2019, a fait injonction à M. [V] de payer la somme de 5 038,41 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 novembre 2019, le débiteur a formé opposition à cette ordonnance qui lui avait été signifiée le 30 octobre précédent, afin d’invoquer la forclusion de l’action du prêteur, se porter demandeur reconventionnel en paiement de dommages-intérêts pour manquement de celui-ci à son devoir de mise en garde et solliciter un délai de grâce.

Estimant quant à lui que le prêteur n’avait pas suffisamment satisfait à son obligation de vérification de la solvabilité de l’emprunteur et qu’il y avait matière à déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lorient a, par jugement du 17 septembre 2020 :

déclaré recevable l’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer du 27 septembre 2019 formée par M. [V],

rappelé que le jugement se substituait à l’ordonnance d’injonction de payer,

déclaré l’action en paiement de la BPGO recevable,

condamné M. [V] à payer à la BPGO la somme de 5 038,41 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2020,

écarté la majoration du taux d’intérêt légal prévu par l’article ‘L. 3123′ du code monétaire et financier,

débouté M. [V] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

débouté M. [V] de sa demande en délais de paiement,

débouté la BPGO et M. [V] de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [V] aux entiers dépens.

M. [V] a relevé appel de cette décision le 20 octobre 2020, pour demander à la cour de la réformer et de :

constater que la BPGO a manqué à ses obligations de vérification, de conseil et de mise en garde,

condamner celle-ci au paiement de la somme de 5 040 euros à titre de dommages-intérêts,

ordonner la compensation des créances,

condamner la BPGO au paiement d’une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

à titre subsidiaire, accorder à M. [V] un échelonnement de sa dette sur une durée de vingt-quatre mois.

Ayant formé appel incident sur la déchéance de son droit aux intérêts, la BPGO demande quant à elle à la cour de :

condamner M. [V] au paiement de la somme de 5 829,10 euros, avec intérêts au taux de 3,45 % l’an à compter du 19 mars 2019,

dire n’y avoir lieu à écarter l’application des dispositions de l’article 313-3 du code monétaire et financier,

subsidiairement, en cas de déchéance du droit aux intérêts, confirmer le jugement attaqué,

en tous cas, condamner M. [V] au paiement d’une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour M. [V] le 24 septembre 2021 et pour la BPGO le 12 octobre 2021, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 février 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la déchéance du droit du prêteur aux intérêts

Pour déchoir le prêteur de son droit aux intérêts, le premier juge a retenu un manquement à l’obligation précontractuelle de vérification de la solvabilité de l’emprunteur.

Il résulte à cet égard de l’article L. 312-16 du code de la consommation qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, et consulter le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

D’autre part, aux termes des articles L. 312-17, D. 312-7 et D. 312-8 du code de la consommation, lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, le prêteur ou son intermédiaire remet à l’emprunteur une fiche d’informations comportant notamment les éléments relatifs à ses ressources et à ses charges afin de contribuer à l’évaluation de sa solvabilité, et, si le montant du crédit accordé est supérieur à 3 000 euros, il doit corroborer ces informations par des pièces justificatives du domicile, des revenus et de l’identité de l’emprunteur.

En l’occurrence, le contrat de prêt litigieux, signé par la voie électronique, a été conclu à distance et portait sur un capital supérieur à 3 000 euros.

La BPGO déclare avoir retrouvé les pièces justificatives de solvabilité, d’identité et de domicile collectées lors de l’octroi du crédit, et être ainsi en mesure de les produire devant la cour avec la fiche de dialogue et la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) déjà produites en première instance.

Le prêteur justifie en effet en cause d’appel avoir recueilli des copies de la carte d’identité de M. [V] et d’une facture de fourniture d’électricité satisfaisant à l’obligation de vérification de l’identité et du domicile l’emprunteur.

En revanche, il résulte de la fiche de dialogue que M. [V] déclarait bénéficier d’un revenu net de 2 000 euros par mois, mais que l’avis d’impôt sur les revenus de l’année 2016 recueilli par le Crédit maritime ne fait état que d’un revenu annuel de 11 562 euros, soit 963,50 euros par mois en moyenne, sans que le prêteur ait fait l’effort de recueillir d’autres éléments pour corroborer la déclaration non concordante de l’emprunteur.

Le Crédit maritime n’a donc pas sérieusement vérifié la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations relativement à ses ressources, l’absence de réaction du prêteur confronté à une telle disparité d’information entre la déclaration de M. [V] et la pièce justificative fournie confinant à l’incurie et constituant un manquement grave justifiant, ainsi que le premier juge l’a pertinemment décidé, une déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts.

Les modalités de calcul de la créance de la BPGO après déchéance du droit aux intérêts n’étant pas discutées en cause d’appel, il convient de confirmer le jugement attaqué en tous points, y compris en ce que, afin de garantir l’effectivité de la sanction, il convenait d’ordonner la suppression de la majoration du taux légal prévu par l’article L. 313-3 (et non L. 3123) du code monétaire et financier.

Sur la mise en garde

M. [V] fait grief au Crédit maritime, au soutient de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts, d’avoir manqué à ses obligations de vérification de la solvabilité de l’emprunteur, de conseil et de mise en garde.

La banque, qui se bornait dans l’opération litigieuse à octroyer un crédit, n’était débitrice d’aucun devoir de conseil, et si, comme la cour l’a observé précédemment, elle était tenue de vérifier la solvabilité de l’emprunteur, ce manquement n’est sanctionné que par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts.

Il est en revanche exact que la banque dispensatrice de crédit est tenue, à l’égard d’un emprunteur non averti, d’un devoir de mise en garde sur les risques nés de l’endettement au regard de ses capacités de remboursement et doit réparer les conséquences préjudiciable de sa faute au titre de la perte de chance de ne pas contracter.

M. [V], dont la qualité d’emprunteur non-averti n’est pas discutée, fait à cet égard valoir que ses revenus mensuels n’étaient pas, au moment de l’octroi du prêt de juin 2017, de 2 000 euros comme déclaré erronément dans la fiche de dialogue, mais de 1 300 euros, que l’entreprise de blanchisserie dont il était le dirigeant connaissait des difficultés financières et que son épouse était fortement endettée, les charges de remboursement de son encours de crédits étant de près de 1 000 euros par mois, ce que la banque, qui tenait les comptes de l’entreprise et du ménage, ne pouvait ignorer.

Cependant, la BPGO conteste que le Crédit maritime ait été le banquier teneur des comptes du ménage et de l’entreprise de M. [V], lequel invoque à ce sujet des pièces qui ne figurent ni dans son bordereau de communication de pièces, ni dans le dossier soumis à la cour et ne sont par conséquent pas acquises aux débats.

De surcroît, il sera observé que l’appelant s’était déclaré retraité et célibataire lors de l’établissement de la fiche de dialogue qu’il a signé en attestant sur l’honneur de l’exactitude des renseignements fournis, et que rien ne démontre par ailleurs que le Crédit maritime savait ou aurait dû savoir qu’il aurait en réalité été le chef d’une entreprise en difficulté et le conjoint d’une épouse surendettée.

Même en ramenant le montant de ses revenus mensuels de 2 000 euros, somme déclarée par l’emprunteur que le prêteur a fautivement omis de corroborer, à 1 300 euros, somme revendiquée par M. [V] dans ses conclusions d’appel, il demeure qu’au regard de la charge de remboursement de son encours de crédit antérieur personnel, déclaré pour 126 euros par mois, et de la charge supplémentaire générée par le prêt litigieux, réduite à 136 euros du fait du déblocage partiel des fonds, son taux d’endettement ressort à 20 %, ce qui n’est pas inadapté.

Il en résulte que le prêt consenti n’était pas manifestement excessif et que le prêteur n’était donc tenu d’aucun devoir de mise en garde.

Sur le délai de grâce

Il n’y a pas matière à accorder un délai de grâce à M. [V], lequel a déjà bénéficié des larges délais de la procédure pour s’acquitter d’une dette à présent ancienne.

Sur les frais irrépétibles

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la BPGO l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 17 septembre 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lorient en toutes ses dispositions, sauf à en rectifier l’erreur matérielle et à dire que la suppression de la majoration du taux légal ordonnée est celle prévue par l’article L. 313-3 (et non L. 3123) du code monétaire et financier ;

Condamne M. [E] [V] à payer à la Banque populaire Grand-Ouest une somme de 1 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [E] [V] aux dépens d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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