Signature électronique : 8 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/03855

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Signature électronique : 8 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/03855
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N° RG 22/03855 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JHKK

COUR D’APPEL DE ROUEN

CH. CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 8 JUIN 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2022 00113

Juge commissaire du tribunal de commerce de Dieppe du 17 novembre 2022

APPELANTE :

SA BANQUE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS – BTP

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Guillaume BESTAUX de la SELARL BESTAUX BONVOISIN MATRAY, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Christine MATRAY de la SELARL BESTAUX BONVOISIN MATRAY, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

Maître [S] [H]

ès qualités de mandataire judiciaire de la Sarl TECHNI COUVERTURE

[Adresse 1]

[Localité 5]

SARL TECHNI COUVERTURE

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentés et assistés par Me Franck GUENOUX, avocat au barreau de Rouen

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 8 mars 2023 sans opposition des avocats devant M. URBANO, conseiller, rapporteur

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, présidente

M. URBANO, conseiller

Mme MENARD-GOGIBU, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme [U],

DEBATS :

A l’audience publique du 8 mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023 puis prorogée à ce jour.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 8 juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme FOUCHER-GROS, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par jugement du 22 octobre 2021, le tribunal de commerce de Dieppe a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SARL Techni Couverture. Me [H] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire. La SA BTP Banque, déclarant avoir consenti à la SARL Techni Couverture un prêt garanti par l’Etat de 100 000 euros au taux de 0,25 %, l’échéance du prêt étant de 12 mois à compter du quantième suivant la date de déblocage des fonds, la SA BTP Banque a déclaré sa créance le 25 novembre 2021 entre les mains de Me [H].

La créance ayant été contestée en totalité au motif que le contrat de prêt n’était ni daté ni signé par aucune des parties, le juge commissaire a été saisi.

Par ordonnance du 17 novembre 2022, le juge commissaire du tribunal de commerce de Dieppe a :

– rejeté la demande d’admission de la SA BTP Banque au passif de la procédure collective de la SARL Techni Couverture, pour la somme de 102 291 euros à titre chirographaire correspondant à un prêt garanti par l’Etat n°130077C de 100 000 euros au taux de 0,25 % l’an,

– ordonné la notification de la présente ordonnance à la diligence du greffier de ce tribunal, conformément à l’article R.621-21 du code de commerce,

– ordonné l’emploi des dépens de la présente en frais privilégiés de procédure collective.

La SA Banque du Bâtiment et des Travaux Publics a interjeté appel partiel de cette ordonnance par déclaration du 1er décembre 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Vu les conclusions du 15 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la SA Banque du Bâtiment et des Travaux Publics « BTP » qui demande à la cour de :

– statuant à nouveau, rejetant toutes prétentions contraires, déclarant la BTP Banque recevable et fondée en ses moyens et prétentions, infirmer l’ordonnance entreprise et à cet effet,

– juger que la créance à admettre est celle existant au jour de l’ouverture de la procédure collective,

– juger que la débitrice n’a pas utilement contesté et ne pouvait pas utilement contester l’existence comme l’opposabilité des engagements issus du prêt PGE revendiqué, dont la BTP, qui pouvait en établir par tous moyens le principe et les détails et qui a assumé sans discussion cette charge de preuve au moyen de faits et actes probants,

En conséquence,

– admettre la BTP Banque au passif de la société Techni Couverture, à titre chirographaire et à concurrence de 102 291 euros, outre les accessoires et intérêts conventionnels au taux du crédit visés dans la déclaration de créance,

– condamner Me [H] ès qualités, in solidum avec la société Techni Couverture dûment représentée et assistée à payer à la BTP Banque 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me Guillaume Bestaux, avocat aux offres de droit selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile et dire que toutes ces condamnations seront employées en frais privilégiés de procédure collective.

La SA BTP Banque soutient que :

– les parties étant toutes deux commerçantes, la preuve du prêt peut être rapportée par tous moyens sans que l’absence de signature de l’acte puisse être déterminant ;

– le contrat a été signé électroniquement par M. [I], dirigeant de la SARL Techni Couverture ;

– il a également demandé et signé un acte postérieur au contrat déterminant les modalités d’amortissement du prêt ;

– les fonds ont été virés sur le compte bancaire de la SARL Techni Couverture le 28 juillet 2020 qui n’a jamais émis aucune observation sur l’arrivée inopinée sur son compte d’une telle somme qui, selon elle, n’aurait jamais été sollicitée ;

– la mauvaise foi de la SARL Techni Couverture et de Me [H], ès qualités doivent entraîner leur condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles avec emploi en frais de procédure collective.

Vu les conclusions du 12 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour exposé des prétentions et moyens de la société Techni Couverture et Me [S] [H] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Techni couverture qui demandent à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 17 novembre 2022 par le juge commissaire du redressement judiciaire de la société Techni couverture (RG 2022 001136),

– dire n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La SARL Techni Couverture et Me [H], ès qualités soutiennent que :

– la SA BTP Banque, qui n’était pas présente lors de l’audience tenue par le juge commissaire, a pris le risque de ne produire aucun contrat signé pouvant être opposé à la SARL Techni Couverture alors qu’il s’agissait d’une somme de 100 000 euros ;

– ils n’ont pas contesté devant le juge commissaire que la somme de

100 000 euros avait été virée sur le compte de la SARL Techni Couverture le 28 juillet 2020 ;

– un écrit est obligatoire au-delà de la somme de 1 500 euros en vertu des dispositions de l’article 1359 du code civil notamment pour déterminer le taux des intérêts contractuels ; il existe une contradiction entre le taux figurant au contrat et celui figurant dans la déclaration de créance ;

– il appartiendra à la cour de déterminer si les pièces produites par la SA BTP Banque lui permettent de démontrer l’existence du prêt et de ses conditions.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L.110-3 du code de commerce dispose qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi.

Il résulte des dispositions de l’article L.210-1 du code de commerce que sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions.

La SA BTP Banque et la SARL Techni Couverture étant commerçantes par leur forme, l’existence du prêt allégué par la SA BTP Banque, contrat consensuel, peut être prouvé par tous moyens.

L’acte de prêt versé aux débats par la SA BTP Banque portant la référence 130077C comporte, en son annexe 2, en bas de page à droite en caractères minuscules l’indication suivante « Signé électroniquement 24/07/2020 M. [I] [T] », ce dernier étant qualifié de gérant de la SARL Techni Couverture dans le même écrit.

L’article 1367 du code civil est ainsi rédigé : « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte.

Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »

L’article 1 du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique pris au vu du règlement (UE) n°910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE prévoit que : « La fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en ‘uvre une signature électronique qualifiée.

Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement susvisé et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l’article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement. »

Le règlement européen dit « eIDAS » prévoit en ses articles 25 et suivants que

« 1. L’effet juridique et la recevabilité d’une signature électronique comme preuve en justice ne peuvent être refusés au seul motif que cette signature se présente sous une forme électronique ou qu’elle ne satisfait pas aux exigences de la signature électronique qualifiée.

2. L’effet juridique d’une signature électronique qualifiée est équivalent à celui d’une signature manuscrite.

3. Une signature électronique qualifiée qui repose sur un certificat qualifié délivré dans un État membre est reconnue en tant que signature électronique qualifiée dans tous les autres États membres. ».

La SA BTP Banque produit un certificat de validation de cette signature électronique horodatée au 22 juillet 2020 à 14h16 visant une source de confiance obtenue auprès de l’European Union Trusted Lists. Cette date est différente de celle du contrat de prêt opposé à la SARL Techni Couverture qui comporte en son annexe 2 la mention qu’il a été signé électroniquement par M. [I] [T] le 24 juillet 2020.

Toutefois, la SA BTP Banque verse également aux débats un écrit signé manuscritement par M. [T] [I] le 28 juin 2021 aux termes duquel il a demandé à la banque que le crédit portant la référence 130077C, référence du prêt considéré, soit amorti sur 5 ans à compter de la deuxième année.

Par ailleurs, la SARL Techni Couverture et Me [H], ès qualités ne contestent pas que la somme de 100 000 euros a été virée sur le compte bancaire de la SARL Techni Couverture le 28 juillet 2020, ce dont justifie la SA BTP Banque en pièce n° 5.

Il résulte de ces éléments que la SA BTP Banque démontre avoir consenti un prêt de 100 000 euros au taux de 0,25 % à la SARL Techni Couverture courant juillet 2020 et que les fonds ont été remis à l’emprunteur le 28 juillet 2020.

Par écrit du 25 novembre 2021, la SA BTP Banque a déclaré une créance de :

– 100 249,96 euros au titre du capital restant dû au 22 octobre 2021 correspondant aux indications du tableau d’amortissement produit en pièce n° 1 ;

– 2041,04 euros correspondant aux intérêts allant du 22 octobre 2021 au 28 juillet 2026, date normale de fin de prêt outre intérêts, la banque ayant indiqué que le taux était de 0,25 %.

Il ressort de la déclaration de créance que la banque entend voir appliquer le taux majoré de trois points conformément à la rubrique « Exigibilité anticipé » du contrat. Toutefois, dès lors que la société BTP Banque ne s’est prévalue d’aucune déchéance du terme et que le remboursement du prêt est exigible au 28 juillet 2026, seul le taux d’intérêt conventionnel non-majoré est applicable.

L’ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande d’admission de la SA BTP Banque au passif de la procédure collective de la SARL Techni Couverture, pour la somme de 102 291 euros à titre chirographaire correspondant à un prêt garanti par l’Etat n°130077C de 100 000 euros au taux de 0,25 % l’an, et la créance de la SA BTP Banque sera admise pour cette somme à titre chirographaire.

Sur les frais irrépétibles :

La SA BTP Banque sollicite la condamnation in solidum de Me [H], ès qualités avec la SARL Techni Couverture au paiement de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile du fait qu’ils se sont opposés à la demande en faisant preuve « d’un abus condamnable ».

Il résulte des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

L’article 700 du code de procédure civile n’a pas pour objet de réparer la faute résultant de la résistance abusive ou injustifiée d’une partie.

La SARL Techni Couverture qui succombe en ses prétentions, sera condamnée à payer à la SA BTP Banque la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La créance des dépens et des frais résultant de l’article 700 du code de procédure civile, mise à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce, lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective. Elle sera employée en frais privilégiés de procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire dans les limites de l’appel ;

Infirme l’ordonnance du juge commissaire du tribunal de commerce de Dieppe du 17 novembre 2022 en ce qu’elle a rejeté la demande d’admission de la SA BTP Banque au passif de la procédure collective de la SARL Techni Couverture, pour la somme de 102 291 euros à titre chirographaire correspondant à un prêt garanti par l’Etat n°130077C de 100 000 euros au taux de 0,25 % l’an ;

Statuant à nouveau :

Admet la créance de la SA BTP Banque au passif du redressement judiciaire de la SARL Techni Couverture pour la somme de 102 291 euros à titre chirographaire correspondant à un prêt garanti par l’Etat n°130077C de 100 000 euros, au taux de 0,25 % l’an à compter du 29 juillet 2026 et ce à titre chirographaire ;

Y ajoutant :

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire ;

Condamne la SARL Techni Couverture à payer à la SA BTP Banque la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dit que cette créance sera employée en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire.

Déboute la SA BTP Banque du surplus de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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