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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 JUIN 2023
N° RG 21/07344
N° Portalis DBV3-V-B7F-U4HC
AFFAIRE :
[J] [S]
C/
S.A.S. LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Août 2021 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 20/03135
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Cécile PROMPSAUD
Me Guillaume MIGAUD
TJ de NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [J] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Cécile PROMPSAUD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 105 – N° du dossier 26326
Représentant : Me Thierry BENKIMOUN, Plaidant, avocat au barreau de MEAUX
APPELANT
****************
S.A.S. LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE – N° du dossier 20190029
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 Mai 2023, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
Selon ‘contrat de location de site web’ du 10 juillet 2018, la société Locam location automobile matériels (société Locam) a donné en location à M. [J] [Y] [S] – entrepreneur individuel en construction – un site internet (fourni et installé par la société Imédia communication), pour une durée de 48 mois moyennant un loyer mensuel de 373,75 euros (hors taxes).
M. [S] a réglé le premier loyer, puis s’est abstenu de procéder au paiement des loyers suivants.
Par lettre recommandée du 6 décembre 2018, la société Locam a mis en demeure M. [S] d’avoir à lui régler la somme de 2 015,96 euros au titre des loyers échus impayés, le défaut de paiement entraînant la résiliation de plein droit du contrat. Cette mise en demeure est restée sans effet.
Par acte d’huissier du 2 avril 2020, la société Locam a fait assigner M. [S] devant le tribunal judiciaire de Nanterre lequel, par jugement réputé contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 27 août 2021, a :
– condamné M. [S] à payer à la société Locam les sommes de :
* 23 187,35 euros assortie des intérêts au taux légal, à compter du 12 décembre 2018 sur la somme de 1 794 euros, et à compter du jugement sur le reste en raison de son caractère indemnitaire ;
* 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 2 avril 2020, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 2 avril 2021 ;
– condamné M. [S] à restituer à la société Locam l’équipement loué, soit un site web ;
– dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
– condamné M. [S] au paiement des entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de maître Migaud.
Par déclaration du 10 décembre 2021, M. [S] a interjeté appel du jugement.
Par arrêt contradictoire du 24 janvier 2023, la cour a :
– déclaré M. [S] recevable en son appel ;
– révoqué la clôture et ordonné la réouverture des débats ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 9 mars 2023 pour permettre d’une part à la société Locam de communiquer tout document utile pouvant attester de la signature du procès-verbal de livraison par la société Imédia, d’autre part aux parties de former éventuellement toutes observations utiles à ce sujet ;
– dit que l’affaire viendra pour clôture à l’audience du 6 avril, et à l’audience de plaidoiries du mardi 9 mai 2023 ;
– sursis à statuer sur les autres demandes ;
– réservé les dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 31 mars 2023, après réouverture des débats, M. [S] demande à la cour de :
– déclarer l’appel recevable et bien fondé ;
A titre principal,
– juger que la société Locam n’a pas exécuté son obligation consistant en la concession d’une licence d’exploitation d’un site web conformément au contrat de location de site web conclu entre les parties ;
En conséquence,
– infirmer le jugement dans son intégralité ;
A titre subsidiaire,
– juger que le contrat de location de site web est caduc dans la mesure où l’un de ses éléments essentiel fait défaut ;
En conséquence,
– infirmer dans son intégralité le jugement ;
A titre infiniment subsidiaire,
– juger que la clause pénale insérée dans les conditions générales de location est manifestement excessive;
En conséquence,
– réduire son montant à la somme symbolique de 1 euro ;
– lui octroyer les plus amples délais de paiement pour apurer sa dette ;
En tout état de cause,
– débouter la société Locam de sa demande de dommages et intérêts ;
– condamner la société Locam au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Locam n’a ni conclu, ni communiqué de pièces, après l’arrêt de réouverture des débats du 24 janvier 2023. Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 juin 2022, elle demande à la cour de :
– la juger recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
A titre principal,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour retenait l’absence de livraison du site internet,
– condamner M. [S] à lui payer la somme de 21 528 euros à titre de dommages et intérêts ;
En tout état de cause,
– condamner M. [S] au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [S] aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de maître Migaud.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Dans son arrêt du 24 janvier 2023, la cour a déclaré M. [S] recevable en son appel, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ce point.
M. [S] s’oppose aux demandes formées à son encontre en invoquant, à titre principal, une exception d’inexécution, et à titre subsidiaire la caducité du contrat de location financière. Il convient de statuer sur l’exception d’inexécution, avant éventuellement de statuer sur la demande en paiement de la société Locam ou sur sa demande subsidiaire en paiement de dommages et intérêts.
1 – sur l’exception d’inexécution invoquée par M. [S]
M. [S] soutient qu’aucun site internet ne lui a jamais été fourni. Il indique n’avoir aucun souvenir de la signature d’un procès-verbal de livraison, et soutient que la société Locam est coutumière du type de vente ‘one shot’, et de la signature du procès-verbal de livraison avant même que la prestation ne soit réalisée, observant que celui-ci a été signé 15 minutes seulement après la signature du contrat de location, et que la livraison du site internet ne pouvait intervenir en si peu de temps. Au regard de la concomittance entre le contrat de location et le procès-verbal de livraison, M. [S] dénie toute valeur à ce document. Il observe enfin que, malgré la réouverture des débats, la société Locam ne justifie pas de la signature du procès-verbal de livraison par la société Imedia communication, ce qui conforte l’absence de création et de livraison du site internet. Il s’étonne en outre que le prétendu bon de commande, qu’il aurait signé avec la société Imedia, ne soit pas produit aux débats.
La société Locam précise que le contrat de location et le procès-verbal de livraison ont fait l’objet d’une signature électronique de M. [S] qui ne peut être contestée. Elle rappelle les mentions du procès-verbal de livraison, et soutient que la signature de ce document vaut reconnaissance de la conformité du site web au cahier des charges, et qu’elle déclenche l’exigibilité des loyers. Elle ajoute que la livraison est faite sous le contrôle du locataire, et soutient – en réponse aux affirmations de M. [S] relatives à une absence de livraison – soit que ce dernier a ‘délibérément signé un procès-verbal de livraison non conforme à la réalité’, ce qui engage alors sa responsabilité, soit que le site a bien été livré conformément aux termes du procès verbal de livraison.
Il résulte de l’article 1217 du code civil que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut notamment refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation.
Pour refuser le paiement des loyers, M. [S] soutient qu’il n’a jamais reçu livraison du site internet, et dénie toute valeur au procès verbal de livraison produit par la société Locam, considèrant qu’il a été établi avant livraison.
Il appartient à la société Locam qui se prévaut de cette livraison d’en rapporter la preuve.
Si M. [S] soutient ne pas se souvenir de la signature du procès-verbal de livraison, la société Locam produit cependant le certificat électronique en justifiant, ce dernier n’étant pas contesté. La mention de la signature par M. [S] est également portée en marge du procès-verbal, de sorte que la preuve de la signature du procès-verbal par M. [S] est ainsi rapportée.
Le procès-verbal litigieux comporte toutefois deux cases destinées, l’une à la signature du locataire, l’autre à celle du fournisseur. Force est ici de constater que la case destinée à la signature du fournisseur est vierge et que, malgré la demande qui lui a été formulée dans l’arrêt du 24 janvier 2023, la société Locam ne produit aucun certificat de signature électronique concernant ce dernier. Il n’existe pas non plus de mention en marge de ce document relative à la signature du fournisseur (société Imédia communication).
Il est ainsi établi que le procès-verbal – seul document permettant d’attester d’une livraison effective – est incomplet, ce qui réduit notablement sa force probante et crée un doute quant à cette livraison, étant rappelé que la société Locam admet elle-même que M. [S] pourrait avoir signé un procès-verbal non conforme à la réalité. A défaut de signature du fournisseur, la société Locam ne peut notamment pas se prévaloir des termes de ce procès-verbal selon lesquels : ‘le fournisseur certifie avoir livré le bien, objet du contrat’.
En l’absence de signature du fournisseur, et donc de certification par ce dernier qu’il a bien livré le site web, la preuve d’une livraison effective ne pourrait résulter que d’une mention expresse du locataire attestant de celle-ci.
La seule mention du procès-verbal pouvant en tenir lieu est la suivante : ‘si un cahier des charges a été établi entre le locataire et le fournisseur, mentionnant les caractéristiques du site Web voulu par le locataire, telles que, à titre indicatif, les caractéristiques techniques du site Web, la description de l’arborescence à suivre, la mise en page, l’aspect graphique, les couleurs, la caractérisation des fenêtres devant apparaître à l’écran et les liens à créer, le locataire reconnaît en avoir pris livraison et déclare le bien loué conforme, notamment au cahier des charges établi avec le fournisseur. Il reconnaît son état de bon fonctionnement et l’accepte sans restriction ni réserve.’ (Souligné par la cour)
Ce n’est ainsi que dans l’hypothèse d’établissement d’un cahier des charges du site web que le locataire reconnaît avoir pris livraison du site. Il n’est ici justifié d’aucun cahier des charges. En l’absence de toute autre mention du procès-verbal contenant une reconnaissance expresse de M. [S] du fait qu’il a pris livraison du site, la preuve d’une telle livraison, qui n’est pas attestée par le fournisseur, et ne peut résulter d’un document ne comportant qu’une seule signature, n’est pas rapportée.
La société Locam ne justifiant pas de la livraison du site internet, M. [S] est fondé à invoquer l’exception d’inexécution, en refusant d’exécuter ses propres obligations, notamment de paiement des loyers. Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a condamné M. [S] au paiement des loyers. Dès lors que la preuve de la livraison du site web n’est pas rapportée, M. [S] ne peut être condamné à le restituer, de sorte que le jugement est également infirmé de ce chef.
2 – sur la demande subsidiaire formée par la société Locam
La société Locam sollicite, à titre subsidiaire et si la cour retenait l’absence de livraison, la condamnation de M. [S] à lui verser la somme de 21 528 euros à titre de dommages et intérêts. Elle reproche à M. [S] d’avoir manqué à son obligation de contrôle en signant ‘délibérément un procès-verbal de réception non conforme à la réalité’. Elle soutient que ce manquement engage sa responsabilité, car elle n’aurait pas réglé la facture de la société Imedia si M. [S] n’avait pas signé le procès-verbal de livraison. Elle soutient que son préjudice est constitué d’une part du montant de la facture réglée à la société Imedia (11 069,97 euros), d’autre part de la perte du gain escompté (6 070,03 euros), soit un total de 21 528 euros.
M. [S] conteste tout manquement à ses obligations, reprochant au contraire à la société Locam de lui avoir fait signer le procès-verbal de livraison avant la réalisation de la prestation, au moyen d’une technique commerciale agressive et trompeuse, caractéristique des ventes ‘one shot’, ajoutant que la société Locam ne pouvait ignorer l’absence de livraison.
Il résulte de l’article 2 du contrat de location que : ‘l’obligation de délivrance du site web est exécutée par le fournisseur, sous le contrôle du locataire. En cas de défaillance du fournisseur dans la délivrance du site web, le locataire dégage le loueur de toute responsabilité’.
S’il est certain que M. [S] a signé le procès-verbal de livraison, il n’est pas sérieux de soutenir que cette signature a été faite délibérément, ce dernier, qui n’est pas juriste, n’ayant manifestement pas compris les conséquences de sa signature alors même que le fournisseur qui n’a pas signé ce procès-verbal n’a pas attesté de la livraison conforme du site web.
Pour justifier du lien de causalité entre la prétendue faute et le dommage, la société Locam soutient qu’elle n’aurait pas réglé la facture de la société Imedia sans le procès-verbal de livraison. Ce document ne peut toutefois être la cause du règlement allégué par la société Locam, dès lors qu’il est incomplet, ne portant pas la signature du fournisseur qui n’a donc pas certifié la livraison. La société Locam ne justifie donc pas du lien de causalité invoqué.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la demande indemnitaire formée par la société Locam sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre du 27 août 2021,
Et statuant à nouveau,
Déboute la société Locam location automobile matériels de ses demandes,
Condamne la société Locam location automobile matériels à payer à M. [J] [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Locam location automobile matériels aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,