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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 15 Juin 2023
N° RG 21/02118 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G2T5
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de BONNEVILLE en date du 08 Septembre 2021, RG 1121000271
Appelante
S.A. CGL (COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS), dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL VAILLY BECKER & ASSOCIES, avocat au barreau d’ANNECY
Intimée
Mme [O], [P], [R] [F]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 5], dont la dernière adresse connue est [Adresse 2]
sans avocat constitué
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 04 avril 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 27 septembre 2018, la société Compagnie générale de location d’équipements (CGL) a émis une offre de contrat de crédit accessoire à une vente d’un véhicule de marque Audi A1, par la société Jean Lain Auto Cluses, à Mme [O] [F], pour un montant de 16 174,76 euros remboursable en 37 mois au taux d’intérêt de 4,206 %.
Il est mentionné sur ce contrat et les documents annexés qu’ils ont été paraphés et signés électroniquement par Mme [F] le même jour.
Le véhicule a été livré à Mme [F] le 27 septembre 2018.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2019, la société CGL a mis en demeure Mme [F] de régler l’arriéré dû de 1 175,55 euros dans un délai de huit jours, sous peine de résiliation du contrat.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 janvier 2020, la société CGL a notifié à Mme [F] la résiliation irrévocable du contrat suite au non paiement de l’arriéré dû.
Par ordonnance rendue sur requête le 3 juin 2020, le juge de l’exécution a ordonné à Mme [F] de remettre à la société CGL le véhicule financé. Cette ordonnance a été signifiée à Mme [F] par procès-verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile).
C’est dans ces conditions que, par acte délivré le 28 mai 2021, la société CGL a fait assigner Mme [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bonneville pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 16 565,40 euros outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 14 janvier 2021, à la restitution du véhicule financé, sous astreinte, et au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le juge des contentieux de la protection a soulevé d’office divers moyens tirés de:
– la forclusion,
– la nullité du contrat en raison du déblocage prématuré des fonds,
– la déchéance du droit aux intérêts en raison de l’absence de lisibilité de l’offre, de l’absence de consultation du FICP, de l’absence de fiche pré-contractuelle, de l’absence de vérification de la solvabilité,
– l’absence de déchéance du terme régulière faute de mise en demeure préalable.
Mme [F], assignée selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas comparu devant le tribunal.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 8 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bonneville a:
débouté la société CGL de l’ensemble de ses demandes,
condamné la société CGL aux dépens.
Par déclaration du 26 octobre 2021, la société CGL a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 20 janvier 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société CGL demande en dernier lieu à la cour de:
Vu les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation,
Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,
infirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société CGL de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens,
et statuant à nouveau,
juger que le procédé de signature électronique mis en oeuvre pour la souscription de l’offre de prêt de Mme [F] est fiable et valable,
juger que le contrat de crédit accessoire à une vente s’est trouvé résilié le 20 décembre 2019,
condamner Mme [F] à payer à la société CGL la somme de 16.565,40 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,21 % à compter du 14 janvier 2021 et jusqu’à parfait paiement,
condamner Mme [F] à restituer le véhicule financé sous astreinte de 150 euros par jour à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,
juger qu’en cas de restitution, le prix de vente du véhicule se déduira de la dette de Mme [F],
condamner Mme [F] à payer à la société CGL la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la même aux entiers dépens.
Mme [F] n’a pas constitué avocat devant la cour. La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées par actes en date des 17 novembre 2021 et 25 janvier 2022, transformés en procès-verbaux de recherches infructueuses conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile.
L’affaire a été clôturée à la date du 6 mars 2023 et renvoyée à l’audience du 4 avril 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 15 juin 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
Sur la validité de la signature électronique du contrat
Pour rejeter les demandes de la société CGL, le tribunal a jugé que l’existence même du contrat de prêt n’est pas établie, faute pour la demanderesse de rapporter la preuve de la signature électronique du contrat litigieux dans les conditions fixées par le décret du 28 septembre 2017, renvoyant aux articles 26, 28 et 29 du règlement UE n° 910/2014 du 23 juillet 2014.
La société CGL soutient au contraire que le processus de signature électronique utilisé est conforme et garanti par un organisme agréé, que la débitrice a signé une convention sur la preuve par laquelle elle reconnaît que les documents sur support électronique signés selon le procédé décrit constituent des originaux parfaitement valables. L’appelante souligne en outre que le contrat a été exécuté.
En application de l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
L’article 1367 du même code dispose que la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte.
Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.
L’article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 prévoit ainsi que, la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée.
Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement UE n° 910/2014 du 23 juillet 2014 et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l’article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement.
L’article 26 du règlement UE n° 910/2014 du 23 juillet 2014 énonce les exigences relatives à une signature électronique avancée. Les articles 28 et 29 du règlement renvoient à des annexes fixant les exigences que doivent respecter les certificats qualifiés de signature électronique et les dispositifs de création de signature électronique qualifiés.
En l’espèce, la société CGL produit aux débats:
– le dossier de conformité de la signature électronique en point de vente (pièce n° 19)
– la description complète du processus de signature électronique et de conservation des preuves mis en oeuvre par le prestataire Idemia (anciennement Dictao-Morpho) et le certificat de conformité délivré par l’organisme certificateur LSTI, valable du 9 octobre 2017 au 8 octobre 2019 (pièce n° 20),
– la convention sur la preuve signée par Mme [F] le 27 septembre 2018 (pièces n° 2 et n° 21) décrivant précisément les modalités de signature électronique mises en oeuvre et par laquelle les parties reconnaissent expressément que «les documents sur support électronique signés selon le procédé décrit […] constituent les originaux des documents ; qu’ils sont établis et conservés dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité; qu’ils sont parfaitement valable entre elles et constituent une preuve littérale au sens des articles 1364 et suivants du code civil […]les parties s’engagent à ne pas contester la recevabilité, l’opposabilité ou la force probante des éléments contenus dans les documents électroniques signés, sur le fondement de leur seule nature électronique. En conséquence, les documents électroniques visés par la présente convention valent preuve de leur contenu, de l’identité du ou des signataires, des conséquences de droit ou de fait qui découlent de chaque document électronique signé.»
– le fichier de preuve crypté (pièces n° 22a et 22b) faisant mention de l’identité de Mme [F], de son numéro de téléphone portable et de son adresse électronique, contenant la date (27 septembre 2018), et l’heure de signature du contrat (08h35).
La fiabilité de la signature électronique est donc établie, et le contrat est présumé valable, en l’absence de preuve contraire.
Par ailleurs, il convient de souligner que la réalité du prêt résulte en outre de la facture du véhicule financé et du procès-verbal de livraison de celui-ci (pièces n°10 et 11), signés manuscritement, de sorte que le paiement du prix de vente a été réalisé par le versement du montant du prêt directement par le prêteur au vendeur, Mme [F] ayant pris possession du véhicule le 27 septembre 2018 après avoir opté pour la livraison immédiate.
Il est par ailleurs justifié par la société CGL que les premières échéances du prêt ont été payées par l’emprunteuse, de sorte que le contrat a été exécuté de part et d’autres et que son existence n’est pas contestable.
Le jugement déféré ne peut qu’être infirmé en toutes ses dispositions.
Sur le montant de la créance
A l’appui de sa demande en paiement, la société CGL produit notamment :
– l’offre de crédit accessoire à une vente, acceptée par Mme [F] le 27 septembre 2018, pour l’achat d’un véhicule d’occasion, le montant total du crédit étant de 16 174,76 euros, remboursable en 37 échéances au taux d’intérêt fixe de 4,206 % (pièce n° 1),
– l’information précontractuelle normalisée remise à l’emprunteuse (pièce n° 3),
– la fiche de dialogue sur les revenus et charges, la consultation (négative) du FICP du 12 septembre 2018, une copie de la pièce d’identité de Mme [F], ainsi que les justificatifs de ses revenus (pièces n° 7et 8),
– le tableau d’amortissement du prêt (pièce n° 9),
– l’historique du compte faisant apparaître que la première échéance impayée non régularisée est en date du 20 juin 2019,
– la mise en demeure préalable par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2019, et la lettre recommandée avec accusé de réception de déchéance du terme en date du 21 janvier 2020 (pièces n° 13 et 14),
– le décompte de la créance arrêté au 14 janvier 2021 (pièce n° 15).
L’examen de ces pièces permet ainsi de retenir que la résiliation du contrat a été valablement prononcée par la société CGL et que la créance est fondée dans son principe.
Compte tenu des justificatifs produits, cette créance s’établit comme suit, après exclusion de l’indemnité de 8 % sur impayés puisque l’article 5 du contrat prévoit que cette indemnité n’est due que si le prêteur n’exige pas le remboursement du capital restant dû :
– échéances impayées (juin, juillet, septembre et octobre 2019) 1 216,52 euros
– intérêts de retard sur impayés 17,10 euros
– à déduire acompte – 114,49 euros
– capital restant dû au 20 décembre 2019 13 549,81 euros
– indemnité de 8 % sur le capital dû 1 083,98 euros
– total dû 15 797,92 euros
Mme [F] sera donc condamnée à payer à la société CGL la somme de 15 797,92 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,206 % sur la somme de 14 713,94 euros à compter du 20 décembre 2019, les intérêts n’étant pas capitalisés et l’indemnité de 8 % n’étant pas soumise aux intérêts contractuels.
Sur la restitution du véhicule
Le contrat de crédit prévoit qu’après résiliation du contrat, le prêteur pourra faire procéder à l’appréhension et à la vente du bien financé.
L’ordonnance rendue par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville le 3 juin 2020 ordonnant à Mme [F] de remettre le véhicule financé à la société CGL n’a pu être exécutée, faute d’avoir pu retrouver l’adresse de la débitrice.
Il convient donc de faire droit à la demande de restitution formée par la société CGL, dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, et sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard passé ce délai, pendant une durée de six mois.
Le prix de vente du véhicule, s’il est restitué, viendra en déduction de la créance de la société CGL.
Sur les demandes accessoires
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société CGL la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [F] supportera les entiers dépens, de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt de défaut,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bonneville le 8 septembre 2021,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [O] [F] à payer à la société Compagnie générale de location d’équipements (CGL) la somme de 15 797,92 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,206 % sur la somme de 14 713,94 euros à compter du 20 décembre 2019,
Condamne Mme [O] [F] à restituer à la société Compagnie générale de location d’équipements (CGL) le véhicule Audi A1 1.4 TDI 90 AMBITION immatriculé [Immatriculation 4], dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard pendant une durée de six mois passé ce délai,
Rappelle qu’en cas de restitution et de vente du véhicule précité, le prix de vente viendra en déduction de la dette de Mme [O] [F],
Condamne Mme [O] [F] à payer à la société Compagnie générale de location d’équipements (CGL) la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [O] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Ainsi prononcé publiquement le 15 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente