Signature électronique : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02437

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Signature électronique : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02437
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/02437 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UVKS

AFFAIRE :

S.A.S. SIDERLOG venant aux droits de la SARL INHERENCE CONSEIL

C/

[X] [H] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE – BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 19/00589

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES

Me Caroline CANAVÈSE de la SELEURL CANAVESE AVOCAT

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. SIDERLOG venant aux droits de la SARL INHERENCE CONSEIL

N° SIRET : 432 993 541

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 83

APPELANTE

****************

Monsieur [X] [H] [P]

né le 22 Août 1972 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Caroline CANAVÈSE de la SELEURL CANAVESE AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E 0880, substitué par Me Sarah JOOMUN, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 Mai 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

EXPOSE DU LITIGE

M. [X] [H] [P] a été engagé par la société par actions simplifiée (Sas) Inhérence Conseil par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel daté du 22 juin 2009 à effet au 1er juillet 2009 en qualité de consultant manager au statut cadre, position 2.3 coefficient 150 à raison de 10 heures de travail effectif mensuelles moyennant une rémunération fixe de 200 euros bruts mensuels à laquelle s’ajoute une partie variable faisant l’objet d’un avenant annuel « contrat de rémunération ».

Le 23 décembre 2009, la société Alan Allman Associates représentée par M. [D], dénommé « le premier groupe » et M. [P] et Mme [O], dénommés « le second groupe » ont signé un pacte d’associés aux termes duquel lesdits groupes sont devenus associés de la société à responsabilité limitée (Sarl) Inhérence Conseil ayant pour activité « l’assistance et le conseil en système d’informations et organisation d’entreprise, et plus généralement, toutes opérations industrielles, commerciales et financières, mobilières et immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social et à tout objet similaires ou connexes pouvant favoriser son extension ou son développement ou de les rendre plus rémunératrices ». M. [P] est acquis ainsi, 40 parts sociales, devenant associé minoritaire de la Sas Inhérence Conseil.

Ce pacte, destiné à régir les relations entre les parties au regard de leur double qualité d’associés et de salariés de la Sas Inhérence Conseil, organise les conséquences de la perte par l’un d’entre eux, pour quelque cause que ce soit, de leur qualité d’associé ou de salarié et prévoit à l’article 2.5 que la rupture du contrat de travail, pour quelque cause que ce soit, oblige le titulaire à céder ses parts sociales moyennant un prix de cession dépendant du motif de la rupture.

Par un nouveau contrat à durée indéterminée à temps plein daté du 16 mars 2011 signé par les parties, M. [X] [H] [P] a été engagé par la même société en qualité de directeur opérationnel au statut cadre, position 3.1, coefficient 170 moyennant une rémunération composée d’une partie fixe et d’une partie variable modifiée annuellement par un avenant intitulé « contrat de rémunération ».

En dernier lieu de la relation contractuelle, M. [P] percevait une rémunération brute mensuelle de 6 845,32 euros.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite « Syntec ».

La Sarl Inherence Conseil a fait l’acquisition le 16 septembre 2011 de la société ACCELE à la gestion de laquelle M. [P] a été affecté avant de réintégrer en 2016, son poste de directeur opérationnel au sein de la société Inhérence Conseil.

Par courrier du 24 septembre 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable qui s’est tenu le 2 octobre 2018, puis, par lettre du 8 octobre 2018, la société Inhérence Conseil lui a notifié son licenciement pour faute grave, lui reprochant notamment, un mode de management délétère, des carences en matière de communication et une non-atteinte de ses objectifs.

Par requête reçue au greffe le 23 avril 2019, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt afin d’obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le versement de diverses sommes.

Par jugement du 8 juillet 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :    

– fixé le salaire mensuel de M. [X] [H] [P] à la somme de 6 845,32 euros ;

– requalifié le licenciement survenu le 8 octobre 2018 comme étant sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [X] [H] [P] les sommes de :

* 61 600 euros brut au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 20 535,96 euros brut au titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 2 053,59 euros brut au titre de congés payés sur préavis ;

* 21 448,67 euros net au titre d’indemnité de licenciement ;

* 1 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné :

* à la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil prise en la personne de son représentant légal d’établir au profit de Monsieur [X] [H] [P] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pole Emploi conformes au présent jugement ;

* l’exécution provisoire de droit, selon l’article R1454-28 du code du travail, pour les sommes qui y sont soumises ;

* l’intérêt légal à compter de l’introduction de l’instance pour ce qui concerne les éléments de salaire et de la notification du présent jugement pour les autres sommes ;

– condamné la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à Pole Emploi les indemnités versées à M. [X] [H] [P] à la suite de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois ;

– mis les dépens de l’instance à la charge de la partie défenderesse ;

– débouté M. [X] [H] [P] du surplus de ses demandes ;

– débouté la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inherence Conseil de sa demande.

Par déclaration au greffe du 26 juillet 2021, la Sas Siderlog, venant aux droits de la société Inhérence Conseil, a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sas Siderlog, venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

* Fixé le salaire mensuel de Monsieur [X] [H] [P] à la somme mensuelle brute de 6 845,32 euros,

* Requalifié le licenciement survenu le 8 octobre 2018 comme étant sans cause réelle et sérieuse,

* Condamné la SAS Siderlog venant aux droits de la SARL Inhérence Conseil, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [X] [H] [P] les sommes de :

61 600 € au titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

20 535,96 € au titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

2 053,59 € au titre de congés payés sur préavis ;

21 448,67 € net au titre d’indemnité de licenciement ;

1 000 € net au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* Ordonné à la SAS Siderlog venant aux droits de la SARL Inhérence Conseil prise en la personne de son représentant légal d’établir au profit de M. [X] [H] [P] un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pole Emploi conformes au présent Jugement ;

* Ordonné l’exécution provisoire de droit, selon l’article R1454-28 du code du travail, pour les sommes qui y sont soumises ;

* Ordonné l’intérêt légal à compter de l’introduction de l’Instance pour ce qui concernant les éléments de salaire et de la notification du pèsent Jugement pour les autres sommes ;

* Condamné la SAS Siderlog venant aux droits de la SARL Inhérence Conseil prise en la personne de son représentant légal à rembourser à Pole Emploi les indemnités versées à M. [X] [H] [P] à la suite de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois.

* Mis les dépens à la charge de la partie défenderesse

* Débouté la SAS Siderlog venant aux droits de la SARL Inhérence Conseil de sa demande ;

Et, statuant à nouveau :

– Dire que le licenciement pour faute grave est fondé ;

– Débouter Monsieur [X] [H] [P] de toutes ses demandes ;

– Condamner Monsieur [X] [H] [P] à verser à la société Siderlog la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner Monsieur [X] [H] [P] aux dépens de l’instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 2 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [P] demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

* Fixé le salaire mensuel de Monsieur [P] à la somme mensuelle brute de 6.845, 32 euros

* Requalifié le licenciement du 8 octobre 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse

* Condamné la SAS Siderlog venant aux droits de la S.A.R.L Inhérence Conseil, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [P] les sommes de :

61.600 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 20.535,96 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis

2.053,59 euros au titre de congés payés

21.448,67 euros net au titre d’indemnité de licenciement

1.000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile

* Ordonné à la Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, prise en la personne de son représentant légal, d’établir au profit de Monsieur [P] un bulletin de paye récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes ;

* Ordonné l’intérêt légal à compter de l’introduction de l’instance pour ce qui concerne les éléments de salaire et de la notification du jugement du conseil de prud’hommes pour les autres sommes ;

* Condamné la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à Pole Emploi les indemnités versées à Monsieur [P] à la suite de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois ;

* Mis les dépens de la première instance à la charge de la partie défenderesse ;

* Débouté la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil de sa demande de condamnation aux dépens et de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Y ajoutant :

– Condamner la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, à lui verser une somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la Sas Siderlog, venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, aux dépens ;

– Débouter la Sas Siderlog, venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, de l’intégralité de ses demandes.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le bien-fondé du licenciement de M. [P]

La lettre de licenciement qui fixe les termes et corrélativement, les limites du litige, est rédigée comme suit :

« Comme suite à notre entretien du mardi 2 octobre 2018, avec Monsieur [W] [D], Président de la société Alan Allman Associates, associée majoritaire de la société Inhérence Conseil, au sein de laquelle vous êtes salarié, au cours duquel nous vous avons exposé les motifs de la mesure envisagée et malgré vos explications que nous avons entendues, nous vous notifions par la présente lettre votre licenciement pour les motifs suivants.

Lors de notre entretien du 2 octobre 2018, au cours duquel vous étiez assisté de Madame [L] [C], Responsable Formation au sein de la société AAA ACADEMY, nous avons porté à votre connaissance notre mécontentement sur la qualité de votre management et de votre communication ainsi que sur le niveau de développement de l’activité de la société Inhérence Conseil.

Depuis le 1er avril 2011, vous exercez les fonctions de Directeur Opérationnel au sein de la société Inhérence Conseil, comme cela est indiqué dans le contrat de travail que vous avez signé le 16 mars 2011.

Cependant, nous avons constaté depuis ces dernières années un taux anormalement élevé et « excessif », comme cela vous l’a été expressément indiqué lors de notre entretien, de turn-over (rythme de rotation et de renouvellement des effectifs) des « Business Manager » et des « consultants ».

Force est de constater que le recrutement des « Business Manager » au sein de la société Inhérence Conseil ne s’est jamais inscrit dans la durée, dans la mesure où le turn-over des « Business Manager » est de 100 %, ce qui est inconcevable pour assurer le développement de la société dans la pérennité.

Le dernier « Business Manager » à exercer aujourd’hui ses fonctions est Madame [I] [T] qui est poste depuis 1 an. En juin 2018, vous nous avez sollicité pour envisager son licenciement au motif que son activité n’était pas suffisamment à la hauteur du poste. Vous ayant fait part de notre étonnement, vous avez indiqué que ce sujet avait été abordé en « board » dans le cadre d’une prise de décision collective. Nous vous avons rappelé que vos fonctions vous permettent d’envisager ce genre de décision.

En charge du développement de la société, il est important de noter que le turn-over des « consultants » est en moyenne de 55 % sur les 4 dernières années avec un « pic » à 83 % pour l’année 2013, ce qui signifie que tous les 2 ans environ, il faut renouveler les effectifs de la société, afin de lui permettre de continuer son exploitation.

Pour donner les moyens à la société Inhérence Conseil de continuer son activité dans le but d’assurer son développement compromis par ce turn-over « excessif », nous avons été amenés à acquérir le fonds de commerce de la société ASI Participations. Cette acquisition a permis, en septembre 2017, à la société Inhérence Conseil de se doter d’une force opérationnelle de 28 collaborateurs (20 salariés Inhérence Conseil en août 2017 plus 8 salariés « ASI » soit 28 collaborateurs dont 3 affectés au siège social). En septembre 2018, les effectifs opérationnels de la société Inhérence Conseil étaient redescendus au niveau de la situation antérieure à l’acquisition du fonds de commerce.

Cet investissement destiné à favoriser la croissance de la société Inhérence Conseil n’a, non seulement, servi à rien ou presque, mais surtout, a coûté de l’argent à la société au regard de l’absence de « retour sur investissement ». Ceci est si vrai que le chiffre d’affaires de la société Inhérence Conseil a stagné et que l’EBIT de la société Inhérence Conseil a baissé de 17 % (données financières 2017/2018), ce que vous avez admis sans contestation. Cette situation est en total décalage avec l’environnement économique général et le marché qui est porteur, comme cela a été évoqué lors de notre entretien. Cette situation est « anormale » comme nous l’avons expressément souligné lors de l’entretien.

En guise de commentaires sur « l’excessif turn-over » des « Business Manager », reproché pour illustrer vos difficultés à manager des équipes sur la durée, vous avez répondu que « le taux de 2,5 l’an est un score raisonnable au regard du marché, enfin c’est mon avis. » Pour contester le turn-over des consultants, tout en reconnaissant expressément qu’ « il y a des problèmes d’effectifs »vous avez tenté d’expliquer que l’activité de la société d’Inhérence Conseil n’est aujourd’hui pas la même que celle de ses débuts (« Inhérence Conseil étant le 1e actif de l’écosystème Alan Allman Associates » selon votre précision lors de l’entretien) et qu’il n’est donc pas possible de faire des comparaisons. Nous vous avons rappelé qu’en votre qualité de Directeur Opérationnel depuis 2011), cela relevait de vos attributions pour mettre en place les moyens nécessaires afin de réaliser les actions correctives appropriées.

Vous avez également évoqué le cas du recrutement récent d’un « consultant » en Asie (Monsieur [S] [K]), dans le cadre de vos activités au sein de la société Alan Allman Associates Asia, afin de souligner votre activité positive en terme de recrutement de « consultants ». Bien que l’entretien consistait à échanger sur la qualité de l’exécution de vos missions au titre de votre contrat de travail au sein de la société Inhérence Conseil, nous vous avons rappelé, outre le fait que le développement international de l’écosystème Alan Allman revêt une importance significative, qu’au début de vos interventions et prise de responsabilité au sein de la société Alan Allman Associates Asia, il y avait 11 « consultants » dans cette société. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un « consultant » (recruté en août 2018). Dans ces conditions, le développement international vivement souhaité, est sérieusement obéré. Vous avez expressément validé ces chiffres lors de l’entretien. Encore une fois, cette incapacité à inscrire dans la durée la fidélisation des collaborateurs est révélateur de vos difficultés à manager vos équipes. Il n’est pas possible pour la société Inhérence Conseil et pour l’écosystème Alan Allman en général (dont font partie les sociétés Inhérence Conseil et Alan Allman Associates Asia) de continuer de la sorte. Votre commentaire fut « Asia fut une belle aventure » en soulignant qu’aujourd’hui cette société dégage des bénéfices, ce à quoi il vous a été répondu qu’« il faudra des années pour combler le trou béant de la situation financière de cette société avec une valorisation proche de zéro et que le terme aventure est quelque peu surprenant».

Outre votre management ayant conduit à la situation décrite précédemment, nous avons mis en exergue, lors de l’entretien, votre carence en matière de communication.

Comme cela vous l’a été précisé de façon non équivoque au cours de l’entretien, nous avons régulièrement connu des difficultés pour communiquer; le relationnel qui devrait être fluide, est quasi inexistant entre nous, hors les cas où vous savez où nous trouver lorsqu’il s’agit de prendre une décision relevant de votre sphère de compétence. Je vous renvoie, à cet effet, à la question de la prise de décision sur le licenciement de Madame [I] [T], qui vous revenait au regard en votre qualité de Directeur Opérationnel de la société Inhérence Conseil. Compte tenu de la situation de la société, nous sommes satisfaits aujourd’hui de pouvoir compter sur la présence et le travail de cette dernière.

A plusieurs reprises, nous vous avons demandé, nous vous avons recommandé de ne plus adresser de mails de façon répétée et régulière à vos collègues et collaborateurs pendant les week-end et la nuit. Nous vous avons indiqué que de nombreux collaborateurs étaient venus se plaindre à nous de ces agissements. A titre d’exemple, lors de l’entretien, nous vous avons cité le cas de Madame [V] [N] (en charge de la facturation à la direction financière de la société Alan Allman Associates), en précisant que les exemples de contestations et plaintes de salariés sont nombreux. Nous vous avons alerté sur le risque de qualification en harcèlement de ce genre de comportement et d’agissement répétés et réguliers, qui sont de nature à entraîner la responsabilité de la société et de ses représentants. Votre communication débridée par moyen électronique est anormale et dangereuse comme cela vous l’a été signifié antérieurement et confirmé lors de l’entretien.

En guise de commentaires, vous avez confirmé nos propos en indiquant « c’est vrai j’utilise beaucoup le mail mais il faut vivre avec son temps. Aujourd’hui je l’utilise beaucoup moins ». Cet aveu est suffisant en lui-même pour reconnaître la pertinence du grief et de la gravité des conséquences susceptibles d’en découler.

Toutefois, reconnaissant vos qualités intellectuelles et au regard de notre passé commun, nous vous avons proposé, il y a plusieurs mois, de prendre d’autres responsabilités. A ce titre, nous vous avons invité à réfléchir sur la possibilité de prendre en charge le volet recrutement des collaborateurs, car si vous ne maîtrisez pas le management vous avez montré des qualités à sourcer des talents. Vous avez décliné cette possibilité. Toujours conscient de vos aptitudes intellectuelles, dans l’optique du développement de la société Inhérence Conseil et de l’écosystème dans son ensemble, nous avons répondu favorablement à votre demande de suivre un MBA à l’ESSEC. Pendant toute la période de formation, nous avons continué à vous rémunérer, gage de notre bonne volonté à votre endroit. Illustration ultime de l’absence de communication entre nous, nous avons appris par des alertes mises en place sur LinkedIn, que vous avez été diplômé de l’ESSEC. La moindre des politesses et une communication minimaliste bienveillante auraient été de nous informer, ce ne fut pas le cas.

Dans ces conditions, les faits qui vous sont reprochés (incapacité à encadrer et diriger des équipes sur la durée obérant le développement pérenne de la société, manque total de communication au point de créer des risques juridiques pour la société) constituent en effet une faute suffisamment grave pour empêcher la continuation de nos relations contractuelles.

Nous vous notifions donc votre licenciement pour faute grave qui impose une rupture immédiate de votre contrat de travail et ne permet pas le maintien dans l’entreprise pendant votre préavis. La notification de votre licenciement pour faute grave marquera la date de cessation de votre contrat de travail.

Nous vous informons qu’en application de l’article L 6323-17 du Code du travail, vous pouvez demander la portabilité de votre droit individuel de formation (dans le cadre de votre Compte Personnel à la Formation) et percevoir la somme correspondant au solde du nombre d’heures de formation non utilisées que vous avez acquises, afin de financer tout ou partie d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation.

Par la présente, nous vous rappelons la clause de non-sollicitation du personnel visée à l’article 8 de votre contrat de travail qu’il conviendra de respecter pendant deux années à compter de la date de cessation de nos relations contractuelles.

Nous vous remercions, non seulement, de nous communiquer les codes des téléphone et ordinateur portables utilisés professionnellement, mais aussi de nous rendre les différents biens appartenant à la société qui avaient été mis à votre disposition pour l’exercice de vos fonctions (téléphone et ordinateur portables, voiture de marque Renault modèle Espace immatriculée [Immatriculation 4] et du badge qui vous a été attribué nominativement). Cette restitution se fera le mercredi 10 octobre 2018 à 8 heures dans les locaux du Siège social de la société Inhérence Conseil en présence de Madame [B] [O].

Nous vous adresserons votre dernier bulletin de paie, votre solde de tout compte, votre certificat de travail et l’attestation destinée à Pôle Emploi.»

M. [P] a contesté sa mesure de licenciement par courrier du 22 octobre 2018 en arguant d’une imprécision des faits reprochés, que ces derniers n’étaient pas justifiés et qu’au surplus, ils ne pouvaient caractériser une quelconque faute grave.

En vertu de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et implique son éviction immédiate. Il s’ensuit que l’engagement de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu’il invoque.

Au soutien du licenciement pour faute grave de M. [P], la société lui reproche la qualité de son management, la qualité de sa communication et un niveau insuffisant de développement de l’activité.

Sur le management de M. [P] en sa qualité de directeur opérationnel

La société reproche au salarié un turn-over anormal et excessif des « Business managers » et des consultants « ces dernières années », caractérisant, selon elle, son incapacité à inscrire dans la durée leur fidélisation, révélatrice de ses difficultés à gérer ses équipes. Elle souligne qu’il relevait de ses attributions de mettre en place les moyens nécessaires afin de réaliser les actions correctrices appropriées, ce qu’il n’a pas fait.

M. [P] fait valoir d’une part, que ce grief fondé sur un fort taux de turn-over ne peut justifier une mesure disciplinaire, mais qu’il est tout au plus, si tant est qu’il soit fondé, susceptible de caractériser une insuffisance professionnelle, d’autre part, que la société ne démontre pas que cette rotation de personnel lui est personnellement imputable. Il réfute par ailleurs faire preuve d’un management qualifié de « toxique » arguant également qu’il n’a bénéficié d’aucune formation managériale durant sa relation de travail.

M. [P] affirme que le turn-over au sein de la société Inhérence Conseil était conforme à celui du secteur de l’industrie du numérique et verse au débat la pièce 11 qui démontre, selon un administrateur de la fédération Syntec, que les enjeux de ce secteur sont doubles en raison de la difficulté croissante à recruter qui atteint 81% début 2018, puis à fidéliser les talents qui représente 61% à la même période.

Au soutien de son allégation du management délétère de M. [P], la société fait valoir :

– l’envoi de mails trop nombreux, à des heures déraisonnées et lors des jours de repos qu’elle illustre :

* par la production des pièces 8, 9, 11, 13, 14, 19, 20, 28 et 29 dont il ressort :

> De la pièce 8, qu’il s’agit de courriels de M. [P] rédigés le samedi 21 octobre 2017 à 23h20 puis à 23h32, le premier pour remercier une collaboratrice pour la communication d’un point et le second, pour transférer ce travail à des membres de son équipe avant son départ en Asie ;

> De la pièce 9, qu’il s’agit d’un courriel de remerciement de M. [P] rédigé le mardi 24 octobre 2017 à 00h49 à la direction des achats qui lui demandait de mettre à jour un document Urssaf ;

> De la pièce 13, qu’il s’agit d’un courriel de M. [P] rédigé le 31 octobre 2017 à 05h14 qui sollicite une collaboratrice quant à la réalisation d’une tâche à effectuer le matin ;

> De la pièce 19, que M. [P] confirme par courriel du 1er octobre 2018 à 22h52, avoir effectuée la signature électronique sollicitée et qui demande consécutivement à Mme [T], de poursuivre le processus avec les consultants « Done. Now faire le nécessaire avec les consultants. Ok ‘ Best » ;

> De la pièce 20, que M. [P], alors en congés, répond à Mme [T], par courriel du 25 juillet 2018 à 22h44, en lui demandant de le tenir informé du business et des affaires courantes durant ses congés en sa qualité de directeur général associé du Groupe Inhérence « « merci de me tenir au courant du business et des affaires courantes pendant mes congés comme prévu avant mon départ » dont la cour relève que la demande initiale de Mme [T], adressée par cette dernière durant les congés du salarié, n’est pas produite et que la réponse apportée par M. [P] reste neutre et exempte de ton cinglant et autoritaire allégué ;

> De la pièce 28, que M. [P] qui relance par courriel du vendredi 24 février 2012 à 22h23, une salariée quant à un travail sollicité pour ledit jour et non adressé « je n’ai pas eu ton dossier à jour, c’est la seule chose que je t’ai demandé pour cette journée qui n’est pas un congé comme tu le sais. Qu’en est’il please ‘ » ;

> De la pièce 11, que Mme [O] a répondu par courriel du 22 mai 2018 à 22h21 à une information (attribution pour la 3ème année consécutive du label « Happy at Work) communiquée par M. [P] le même jour à 18h01 lui reprochant succinctement de faire trop de mails « « tu fais trop de mails » ;

> De la pièce 29, que Mme [O] écrit à M. [P] par courriel du 29 mai 2018 « Merci d’arrêter de me mettre en copie en tes mails » dont la taille de la police, les lettres en capitales et le caractère gras manifestent certes, de l’agacement mais également de l’agressivité.

* par une attestation de Mme [T] du 14 janvier 2021 qui relate « avant même mon intégration, j’ai été surprise de recevoir sur ma boîte mail personnelle des e-mails professionnels de sa part, régulièrement. A ma demande, cela a cessé. Rapidement après mon intégration, j’ai constaté une ambiance cordiale, parfois même sympathique, mais stressante, avec une tension constante, illustrés par des mails fréquents et parfois tardifs, jusqu’à minuit. Cela était oppressant et m’empêchait de déconnecter de ma vie professionnelle ». Ce témoignage n’est corroboré que par les deux courriels précités envoyés sur l’adresse courriel professionnelle de Mme [T] par M. [P] et produits en pièces 20 et 28 qui ne permettent pas de matérialiser la fréquence des mails et leur caractère oppressant et omniprésent.

– que M. [P] se débarrassait dès qu’il le pouvait des salariés qui lui déplaisaient en violation des règles légales applicables, ce qu’elle illustre par un échange de mails du 16 janvier 2013 (Pièce 24) relatif à la mise à pied d’un représentant du personnel alors qu’il était à la tête de la société ACCEDE. La cour estime que ce fait, très ancien, ne peut être retenu à l’encontre du salarié d’autant que la lettre de licenciement n’en fait pas état et qu’il est rattaché à une autre société.

– que le salarié n’a pas su gérer le rapatriement d’une collaboratrice, au motif que la situation était « trop longue et trop complexe » et d’une incapacité à réguler cette situation de crise, en se référant à la pièce 12 néanmoins insuffisante pour démontrer les difficultés managériales de M. [P].

Sur le taux de rotation très élevé obérant le développement de la société

La société reproche à M. [P] d’être à l’origine du taux anormalement élevé de turn-over du fait de sa mauvaise gestion des équipes ce qui a consécutivement, porté atteinte à la pérennité de la société.

M. [P] réfute cette allégation et affirme que la grande majorité des salariés a quitté la société pour des raisons personnelles, qu’il a en outre réalisé de nombreux recrutements, qualité de sélection des talents que la société lui reconnaît par ailleurs, afin d’éviter notamment la fermeture de la société « AAA Asia ».

La société Siderlog venant aux droits de la société Inhérence Conseil fait valoir que pour servir la croissance et le développement attendus du Groupe, M. [P] n’a pas su fidéliser les collaborateurs (Business managers et consultants) appartenant :

* au fonds de commerce de la société ASI Participations, acquis en septembre 2017 par la société Inhérence Conseil afin de se doter d’une force opérationnelle de 8 collaborateurs supplémentaires additionnés aux 20 déjà présents au sein de l’entreprise, arguant qu’un an plus tard, les effectifs opérationnels étaient redescendus au niveau antérieur à l’acquisition ; toutefois, ce fait n’est pas matériellement établi  ;

* à la société Inhérence Conseil ; pour démontrer ce grief, la société produit :

– une attestation de Mme [F] (Pièce 21) gestionnaire du personnel au sein de la société Alan Allman, qui certifie que : « le turn-over de la société INHERENCE était plus important que dans les autres sociétés de l’écosystème d’ALAN ALLMAN. En effet : en 2016 : 5 embauches pour un effectif total au 31/12/2016 de 19, en 2017 : 13 embauches ‘ 8 départs pour effectif au 31/12/2017 de 24 et en 2018 : 12 embauches ‘ 15 départs pour un effectif au 31/12/2018 de 21» ;

– le détail des entrées et des sorties du personnel pour les années 2016 à 2018 (Pièce 22) et un tableau de mouvement des effectifs (Pièce 23) ;

tous éléments qui ne sont pas de nature à établir que cette rotation importante de personnel est imputable à M. [P].

Sur les risques en matière de harcèlement moral et d’obligation de sécurité

La société soutient que le management qu’elle estime défaillant de M. [P] ne relève pas d’une insuffisance professionnelle mais revêt un caractère fautif au regard d’un risque de qualification de harcèlement moral sur le fondement de l’article L. 1152-1 du code du travail selon lequel « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; à cet égard, elle met en évidence son expérience professionnelle et ainsi qu’une formation diplômante à l’ESSEC. Elle allègue que de nombreux collègues sont venus se plaindre de sa communication électronique débridée, anormale et dangereuse, notamment Mme [N], mais ne le justifie pas, ni ne produit d’enquête menée pour évaluer la véracité des faits allégués et les risques inhérents.

M. [P] verse au débat un extrait de son compte Linkedin (pièce 41) où cette même salariée ne tarit pas d’éloge à son encontre « [X] [H] possède des qualités de management, de gestion et d’analyse pointues qui lui permettent à la fois d’appréhender les besoins de l’entreprise et ceux des candidats qu’il rencontre. Ce fut un plaisir de travailler avec lui durant ces 7 dernières années », en contradiction avec la précédente affirmation de l’employeur.

La société affirme ensuite qu’il lui revenait alors, en vertu de son obligation générale de préserver la santé et la sécurité de son personnel et des dispositions de l’article L. 4121-2 du code du travail, de protéger ses salariés du comportement oppressant, autoritaire et omniprésent de M. [P], caractérisé par l’envoi de mails à répétition susceptibles d’entraîner une dégradation de la santé et de la sécurité des salariés placés dans l’impossibilité de mettre en pause leur vie professionnelle durant leur temps personnel.

Soutenant lui avoir vainement demandé de faire moins de mails, sans toutefois le démontrer, la société affirme n’avoir eu d’autres choix que de prendre cette mesure disciplinaire.

La cour relève que la société confirme ne pas avoir mis en place de charte sur la déconnexion, qu’elle n’apporte pas d’élément en faveur d’actions de sensibilisation à ce risque allégué, de sorte qu’elle n’a pas pris de mesures de prévention ni régulé l’utilisation des outils numériques telle que le démontre l’envoi par Mme [O] de courriels aussi tardifs, qu’au surplus les pièces produites ne permettent pas d’établir le caractère permanent, oppressant, autoritaire et omniprésent de cette pratique prêtée à M. [P] d’autant qu’il ne sollicite sur aucun courriel versé, l’obtention d’une réponse immédiate.

La cour relève également que la société Inhérence Conseil a obtenu sous la direction de M. [P], le label « Happy At Work » pour la 3ème année consécutive le 29 mai 2018 (Pièce 29 du salarié), ce qui matérialise le bien-être global des collaborateurs au sein de cette structure qui lui attribuent une note de 4,1 sur 5 (Pièce 8 du salarié).

Preuve de l’appréciation de ses pairs selon lui, M. [P] produit une demande du 22 février 2020 de Mme [C], responsable de la formation, pour animer des formations en interne auprès des business managers alors qu’il est licencié depuis plus d’un an (Pièces 39 et 40).

M. [P] démontré également les bonnes relations qu’il entretenait avec les collaborateurs par la production d’un extrait des recommandations reçues sur le réseaux professionnel Linkedin (pièce 41) et des témoignages où l’on peut lire :

* De Mme [A] (Pièce 60) : « Via son management, [X] [H] a toujours eu une oreille pour les moments bons comme les moments de déception sachant remonter le moral que ce soit à l’instance de France ou en lors de ses visites à Singapour. J’ai beaucoup appris à ses côtés, et grâce à son management, ses conseils et son accompagnement, j’ai pu me dépasser et rapidement briller sur le poste » ;

* De Mme [E] (Pièce 61) : « pendant mes trois années passées auprès de [X] [H], j’ai constaté une bienveillance, une bonne ambiance, un excellent esprit d’équipe, que ce soit avec les équipes commerciales que les consultants et plus largement avec tous les clients de la société Inhérence. J’atteste que [X] [H] est un excellent manager et qu’il a mis tout au long de mon parcours tous les moyens nécessaires pour réussir dans mon travail » ;

* De M. [G] (Pièce 62) : « j’ai connu Monsieur [X] [H] [P] dans un cadre professionnel de 2010 à 2018. Il était Directeur de ACELE et d’INHERENCE CONSEIL. Je faisais partie de ses salariés en tant que Consultant in Business Intelligence. Durant toutes ces années, Monsieur [P] a toujours su faire preuve d’humilité et d’écoute envers ses collaborateurs et consultants dont je faisais partie. (‘) Il a toujours cultivé un esprit de famille. Tous les consultants que j’ai eu à rencontrer ont su compter sur lui et ce, dans les deux sens. C’est quelqu’un de fédérateur (‘) Il a toujours su nous motiver afin de nous cohérer à un projet commun, c’est à dire le développement de l’entreprise tout en nous donnant les moyens d’y parvenir. C’est un bon communicant et proche de ses collaborateurs. Il est un bon manager. » ;

* De M. [Z] (Pièce 63) : « Monsieur [X] [H] [P] a été mon manager direct pendant plus d’un an. Pour ma part, la collaboration avec Monsieur [P] a toujours été franche, factuelle et bienveillante. EN termes de management, j’ai pu apprécier sa grande disponibilité aux différentes sollicitations que mes missions imposaient, sa capacité à gérer le stress et d’éventuels conflits avec les clients et la simplicité avec la laquelle il réussissait à motiver les équipes (jeunes recrues ou expérimentées). Aujourd’hui encore, je retire plusieurs aspects positifs de cette période de collaboration. Je retravaillerais volontiers avec Monsieur [P] comme Manager ».

D’autres salariés lui ont pareillement, témoigné leur sympathie à l’occasion de son départ de la société (Pièces 47 à 50).

Le débordement de l’utilisation des outils numériques par M. [P] en harcèlement moral n’est pas démontré. En conséquence, ce grief n’est pas établi.

Sur le non-respect des objectifs fixés sur la société Inhérence Conseil

La société souligne que les objectifs de M. [P] étaient revus et fixés chaque année lors de la conclusion de son contrat de rémunération (Pièces 4 et 5 de l’employeur). Elle soutient que le salarié a vendu à perte des prestations afin de maintenir le chiffre d’affaires, ce qui a conduit à une dégradation de l’état financier de la société entre 2015 et 2018, que le non-respect de ses objectifs a rendu nécessaire le recrutement de collaborateurs à la suite du nombre de départs anormalement élevés en raison de son comportement oppressif, autoritaire et omniprésent.

M. [P] soutient que ce motif, à le supposer justifié, ne pourrait constituer un agissement fautif, encore moins une faute grave.

La société Siderlog venant aux droits de la Sas Inhérence Conseil, produit :

– une attestation du 10 mars 2021 de M. [Y], directeur associé de la société Siderlog (Pièce 31) qui explique qu’il a « constaté, à la lecture des comptes d’exploitation de 2015 à 2018, une dégradation économique importante », que « le chiffre d’affaires en 2018 était de 2 476 k€ (après retraitement de l’actif de la société ASI) alors qu’en 2015 il était de 3 385 k€ » et que « l’EBIT opérationnel en 2018 était de 70 k€ (après retraitement de l’actif de la société ASI) alors qu’en 2015, il était de 266 k€. ».

– un tableau de suivi des résultats (Pièce 25) qui établit que la rentabilité a chuté de 8% à 2,5% entre 2015 et 2018.

M. [P] précise que les chiffres EBIT indiqués par la société, sont ceux du premier semestre 2018 impactés par le recrutement de huit collaborateurs et que la croissance a repris au second semestre, tant au niveau de cet indicateur que du chiffre d’affaires (Pièce 26). Il rappelle et il est constant, qu’il a toujours réalisé une activité transverse entre les sociétés Inhérence Conseil, Alan Allman Associates (AAA) et AAA Asia alors qu’il n’a été objectivé et rémunéré qu’au titre de son activité pour le compte de la société Inhérence Conseil, donc à son détriment.

Cela étant, la société Siderlog ne démontre par aucun élément son allégation de vente à perte, qu’elle qualifie de fautive, ni que cette chute de rentabilité serait imputable personnellement à M. [P]. Il est de même de son affirmation selon laquelle le salarié serait à l’origine de la mauvaise réputation de la société Inhérence Conseil auprès du marché entraînant la fin de son activité et de la marque malgré la tentative alléguée de « redorer l’image de l’entreprise ».

En conséquence, la cour dit que ce grief n’est pas établi et n’est pas fautif.

Sur la carence alléguée du salarié en matière de communication

Enfin, la société Siderlog reproche au salarié un relationnel inexistant alors qu’elle « devrait être fluide » avec le dirigeant, hormis lorsqu’il s’agit de solliciter une prise de décision relevant de son périmètre et cite en exemple le projet de licenciement de Mme [T], évoqué en comité de direction, ce que M. [P] réfute en faisant valoir que ce sujet y a été abordé par usage qu’il n’a fait que respecter.

Elle soutient, en outre, que M. [P] ne l’a même pas informé de l’obtention de son MBA en 2017 alors qu’il a pourtant suivi ce cursus sur son temps de travail.

Faute d’être démontré par la société Siderlog, les faits ne sont pas établis.

Sur la véritable motivation de son éviction

Le salarié soutient qu’il a été évincé de la société Inhérence Conseil à la suite d’un différend avec M. [D] à propos de la cession forcée de ses parts sociales intervenue le 20 août 2018 auprès du centre des finances publiques de [Localité 6], cession qu’il estimait à « vil prix au regard de son investissement et de la valorisation de la société Inhérence Conseil » et de l’intervention de son Conseil qui en a suivi.

Il affirme que la faisabilité d’une opération planifiée dépendait de la cession de ses parts. Toutefois, par la production des pièces 29, 30, 31 et 35, la société démontre que d’autres actionnaires minoritaires sont entrés dans la société et que ladite opération n’a été proposée que deux ans plus tard.

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le licenciement de M. [P] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera en conséquence, confirmé de ce chef.

Sur les indemnités de rupture

Du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [P] est bien fondé à prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents et a droit à l’indemnité conventionnelle de licenciement, de même qu’à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents

L’article 15 de la convention collective dans sa version modifiée par avenant n° 7 du 5 juillet 1991, applicable aux faits de l’espèce, prévoyant un délai-congé de trois mois pour la catégorie « cadre » et l’indemnité compensatrice de préavis devant correspondre aux salaires et avantages qu’aurait perçus le salarié s’il avait travaillé pendant cette période, il convient, au vu des éléments, dont les éléments de calcul, soumis à l’appréciation de la cour, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il condamne l’employeur à payer à M. [P] la somme de 20 535,96 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 2 053,59 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

L’article 19 de la convention collective applicable à la relation de travail, dans sa version modifiée par avenant n° 18 du 25 janvier 1996, prévoit après deux ans d’ancienneté, une indemnité à hauteur d’un tiers de mois par année de présence de l’ingénieur ou du cadre, sans pouvoir excéder un plafond de douze mois. Le mois de rémunération s’entend dans le cas particulier comme le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant la notification de la rupture du contrat de travail, cette rémunération incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l’horaire normal de l’entreprise et les majorations de salaire ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement. Pour les années incomplètes, l’indemnité de licenciement est calculée proportionnellement au nombre de mois de présence.

M. [P] comptant neuf ans et trois mois d’ancienneté à l’expiration du préavis et son salaire mensuel brut de référence, non contesté, s’élevant à 6 845,32 euros, il convient de condamner la société Siderlog venant aux droits de la société Inhérence Conseil à lui payer la somme de 21 106,39 euros nets (6 845,32/3)*9 + (6 845,32/3*3/12) à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Le jugement entrepris est donc confirmé sauf sur le montant de l’indemnité.

Sur l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le licenciement ayant été opéré dans une entreprise employant habituellement au moins 11 salariés, M. [P], qui comptait neuf années complètes d’ancienneté à la date de la rupture de son contrat de travail, peut prétendre à une indemnité à la charge de l’employeur d’un montant minimal égal à trois mois de salaire brut et d’un montant maximal égal à neuf mois de salaire brut.

En raison de l’âge de M. [P] au moment du licenciement, 46 ans, du montant de sa rémunération moyenne brute mensuelle qui lui était versée, du préjudice moral subi en raison de son éviction brutale de la société, en l’absence de plus ample démonstration par le salarié de son préjudice matériel subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, il convient de lui allouer la somme de 40 000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef sauf sur le montant de l’indemnité allouée, et de condamner en conséquence la société Siderlog venant aux droits de la société Inhérence Conseil, à payer ladite somme à M. [P] à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié

S’agissant d’un salarié disposant de plus de deux ans d’ancienneté et d’une entité employant habituellement au moins onze salariés, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il ordonne à la société Siderlog venant aux droits de la société Inhérence Conseil, le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [P] dans la limite de six mois, en application de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

La société Siderlog venant aux droits de la société Inhérence Conseil qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en sus de la somme de 1 000 euros qu’elle a été condamnée à payer à celui-ci par le conseil de prud’hommes pour les frais irrépétibles exposés en première instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt en date du 8 juillet 2021 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, à payer à M. [X] [H] [P] :

* 40 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 21 106,39 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, à payer à M. [X] [H] [P] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Déboute la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel :

Condamne la Sas Siderlog venant aux droits de la Sarl Inhérence Conseil, aux dépens d’appel.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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