Signature électronique : 12 septembre 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00287

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Signature électronique : 12 septembre 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00287
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ARRÊT DU

12 SEPTEMBRE 2023

PF / NC*

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N° RG 22/00287 – N° Portalis DBVO-V-B7G-C7Q7

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[M] [D]

C/

S.A.S. SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE L’HÔTEL DE LA CONFLUENCE DE [Localité 3] (SEHCD)

———————–

Grosse délivrée

le :

aux avocats

ARRÊT n°126 /2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[M] [D]

née le 27 janvier 1976 à [Localité 4]

de nationalité française

domiciliée : [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Hugo Tahar JALAIN, substitué à l’audience par Me Magali JULOU-POIRIER, avocat au barreau de BORDEAUX

APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AGEN en date du 28 février 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00398

d’une part,

ET :

SAS SOCIÉTÉ D’EXPLOITATION DE L’HÔTEL DE LA CONFLUENCE DE [Localité 3] (SEHCD)

RCS AGEN 823 748 231

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Guy NARRAN, membre de la SELARL GUY NARRAN, avocat postulant au barreau d’AGEN

et Me Fabrice MEHATS, avocat associé de la SCP CAMILLE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

d’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 04 juillet 2023, sans opposition des parties, devant la cour composée de :

Nelly EMIN, Conseiller faisant fonction de présidente de chambre

Pascale FOUQUET, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre elles-mêmes de :

Benjamin FAURE, Conseiller

en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, et après qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,

Greffière : Lors des débats : Chloé ORRIERE

Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 11 mai 2017, Mme [M] [D] a été embauchée par la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3] (ci-après dénommée «’société SEHCD’»), située à [Localité 3] (47), en qualité d’adjointe de direction de l’hôtel restaurant Inter-hôtel de la confluence, échelon IV, agent de maîtrise.

A cet état de la relation contractuelle, sa durée hebdomadaire de travail était de 39 heures et sa rémunération mensuelle de 2 340,07 euros.

La convention collective applicable était celle des hôtels, cafés et restaurants.

Le 2 octobre 2017, un avenant au contrat de travail a été signé et Mme [M] [D] a intégré le poste de responsable d’exploitation, statut agent de maîtrise, niveau IV, échelon 2, à la suite du départ de M. [E] [R], son prédécesseur. Son horaire moyen hebdomadaire était désormais de 44 heures, avec une rémunération de 3 300 euros, laquelle intégrait le paiement des heures supplémentaires.

Mme [M] [D] était assistée dans la gestion de l’établissement par la société Hotelio, puis par la société French hôtel à compter du 1er juillet 2019.

Dès lors, ses tâches étaient de veiller à la bonne marche de l’établissement et à son développement commercial. Elle avait notamment pour mission d’appliquer et de faire appliquer par le personnel les règles et procédures administratives et comptables en matière de suivi et respect des budgets, des règlements en général et de la facturation et règlements clients.

Le 8 octobre 2019, Mme [M] [D] a été victime d’un accident du travail.

Le 17 octobre 2019, une première mise en demeure a été adressée à la salariée, afin d’obtenir la restitution de ses codes de messagerie électronique de la boîte électronique «'[Courriel 5]’».

Une seconde mise en demeure a été adressée le 25 octobre 2019, pour les mêmes raisons.

En réponse, Mme [M] [D] a écrit à l’employeur le 29 octobre 2019, afin de lui indiquer les raisons de son refus de communiquer lesdits codes. Elle lui a également fait part de la dégradation de ses conditions de travail et du harcèlement subi selon elle.

Le même jour, la salariée a adressé un courrier à la DIRECCTE afin de dénoncer une situation de harcèlement moral dont elle s’estimait victime.

Par courrier du 30 octobre 2019, Mme [M] [D] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 13 novembre 2019, assorti d’une mise à pied, à effet immédiat, à titre conservatoire.

L’employeur a envoyé une lettre à la salariée le 18 novembre 2019 afin d’exposer les griefs qui lui étaient reprochés’:

– la disparition d’espèces des caisses de l’établissement,

– la rétention fautive des identifiants de connexion à la boîte de messagerie électronique.

Par courrier du 29 novembre 2019, la société SEHCD a notifié à Mme [M] [D] son licenciement pour faute grave, aux motifs suivants’:

«’Vous avez été engagée par notre société à compter du 11 mai 2017, initialement en qualité d’assistante de direction, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée et à temps complet.

A la suite du départ de Monsieur [R], vous vous êtes vue confier les fonctions de responsable d’exploitation à partir du 02 octobre 2017.

Nous avons découvert les faits, suivants, lesquels nous ont conduit à engager la procédure de licenciement’:

1. La disparition d’espèces des caisses de l’établissement’:

Aux fonctions de responsable d’exploitation, vous devez assurer notamment la gestion des caisses de l’établissement et la remise en banque des espèces et des pièces. A ce titre, vous aviez accès aux comptes bancaires de notre société afin de suivre les paiements, les dépôts et plus généralement la trésorerie.

Depuis le 1er juillet 2019, notre société a confié la gestion de l’hôtel à un nouveau prestataire, la société FRENCH HOTEL qui succédait à la société HOTELIO. Le 1er juillet 2019, un état de la trésorerie a été fait entre ces deux sociétés. Vous êtes d’ailleurs signataire de l’état des caisses, qui contenaient’: 330 € de fond de caisse et 9 euros d’encaissement ce jour-là.

Dès l’arrivée de la société FRENCH HOTEL, cette dernière s’est chargée de vous former aux procédures, dont notamment la gestion de la trésorerie. Le 08 juillet 2019, vous avez confirmé par email avoir bien compris l’ensemble de ces procédures, dont notamment l’utilisation du fichier de suivi de la trésorerie.

A chaque remise d’espèces et de pièces en banque, vous inscrivez sur ledit fichier le numéro de la remise figurant sur l’enveloppe mise à notre disposition par le Crédit Agricole.

Dans votre courrier daté du 22 novembre 2019, adressé par email en date du 26 novembre 2019, vous précisez qu’à chaque remise, vous inscriviez les numéros des enveloppes au fur et à mesure sur le fichier prévu à cet effet.

De juillet à août 2019, vous avez complété ce fichier et l’avez adressé à la société FRENCH HOTEL à des échéances régulières.

A compter du mois de septembre 2019, nous avons noté l’absence de transmission d’informations à propos des remises en banque. Au cours des échanges que vous avez pu avoir avec la société de gestion, vous prétextiez un manque de temps.

Le 08 octobre 2019, vous avez été victime d’un accident du travail, lequel a été suivi d’un arrêt de travail.

Dans le but d’assurer la permanence de l’activité, Madame [S] (Société FRENCH HOTEL) a repris la trésorerie le 15 octobre 2019. Nous lui avons communiqué à cette occasion les codes d’accès aux comptes bancaires en ligne afin qu’elle puisse les consulter.

C’est ce jour-là que nous avons eu connaissance d’une distorsion colossale entre les mouvements sur notre compte bancaire et les encaissements de notre établissement, tels que résultant des logiciels de caisse’:

– Alors qu’au mois de septembre 2019, il a été encaissé en espèces (billets et pièces) la somme de 3 769,10 euros, selon les informations collectées par les logiciels de caisses, vous n’avez procédé à aucune remise en banque. Cette somme est introuvable dans les caisses de l’hôtel ou dans le coffre.

– Nous avons découvert que les remises en banque que vous avez déclarées via le fichier de suivi de la trésorerie, en mentionnant les numéros des enveloppes, ne figurent pas sur notre compte bancaire.

– Après avoir approfondi nos investigations, il résulte que la somme de 15 555.38 euros n’a pas été déposée sur le compte bancaire entre le mois de novembre 2017 et fin septembre 2019. Ces espèces sont introuvables en dépit de toutes les recherches réalisées dans les locaux de notre entreprise.

Ces sommes étaient sous votre responsabilité, compte tenu de vos fonctions.

Votre courrier de réponse aux griefs retenus à votre encontre fait état d’un argument stupéfiant’: vous indiquez ne vous être jamais chargée des dépôts en banque mais que vous confiez les enveloppes de dépôt à vos collaboratrices. Vous prétextez que vous agissiez de la sorte car elles avaient une carte bancaire du Crédit Agricole, soit la même banque que notre Société.

Ceci renforce a fortiori la gravité des fautes qui vous sont imputées’:

– En premier lieu, il est inacceptable de confier les espèces et pièces à vos collaboratrices, femmes de chambre ou aide hôtelière, alors que vous avez la responsabilité de ces fonds. Nous n’en étions pas informés.

– En second lieu, vous ne sauriez vous prévaloir utilement de la nécessité de disposer d’une carte bancaire émise par le Crédit Agricole, puisque vous pouviez parfaitement réaliser les dépôts durant les horaires d’ouverture du guichet. A ce titre, vous n’avez jamais évoqué avec nous ce point.

– En troisième lieu, vous ne sauriez vous départir de vos responsabilités, en rejetant la faute sur vos collaboratrices, dans la mesure où vous aviez accès aux comptes bancaires de la société et que vous auriez dû être interpellée par l’absence de crédit des remises. Vous ne nous avez jamais alertés à ce titre.

Par ailleurs, vous vous prévalez de l’arrêté de caisse réalisé au moment du changement de société de gestion. A ce titre, s’il est exact qu’à la date du 1er juillet 2019, un état de caisse a été signé. Il s’avère en réalité que cet état était faussé puisque postérieurement à cette date, il a été réalisé des dépôts d’argent correspondant à des encaissements à l’hôtel, antérieurs au 1er juillet 2019.

Ces arguments sont donc parfaitement irrecevables.

Vous communiquiez des numéros de remise en banque, inscrits sur le fichier idoine au moment de la remise effective des fonds selon vos propres explications, ceci sans que les sommes mentionnées aient été remises en banque.

Il s’agit de violations graves de l’obligation de loyauté vous incombant.

Ces disparitions d’argent causent un préjudice à notre Société’; ces fonds n’ayant pas été retrouvés.

2. La rétention fautive des identifiants de connexion à la boîte mail’:

A la suite de votre accident du travail, vous avez été placée en arrêt de travail. Afin d’assurer une poursuite de l’activité et notamment répondre aux clients et à nos partenaires, il vous a été demandé de remettre les identifiants de connexion à la boîte mail’: [Courriel 5]

Vous avez opposé un refus à notre demande. C’est ainsi que vous a été adressée une mise en demeure, par lettre recommandée avec AR du 17 octobre 2019.

Mise en demeure qui n’a pas porté ses fruits, puisque vous avez persisté dans votre position d’obstruction. Vous avez rétorqué qu’il s’agissait d’une adresse personnelle ; ce qui est notamment contredit par :

L’utilisation de cette adresse par Monsieur [R], votre prédécesseur. A ce titre, nous avons en notre possession un échantillon d’emails témoignant de cette utilisation, antérieurement à votre prise du poste de responsable d’exploitation.

La mention que vous en avez faite dans votre signature électronique, encore récemment, ce qui démontre son caractère strictement professionnel.

Dans votre courrier daté du 22 novembre 2019, vous tentez d’expliquer qu’il ne pouvait s’agir d’une boîte mail professionnelle, dans la mesure où elle n’utilise pas un « serveur pop » de l’entreprise. Outre le caractère fantaisiste de vos explications techniques, les éléments en notre possession témoignent au contraire de l’utilisation de cette adresse mail à des fins professionnelles, notamment par votre prédécesseur.

Vous vous prévalez également de la création d’une nouvelle adresse mail, sur le domaine de notre franchiseur The Originals. Si nos mandataires ont effectivement pris l’initiative de faire créer cette adresse, il n’en demeure pas moins que son déploiement prend du temps et que l’adresse Gmail demeurait connue de nombre de nos clients, partenaires, prospects etc.

Cette rétention porte préjudice à notre établissement.

Vos explications fournies par courrier n’ayant pas modifié notre appréciation des faits, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave ».

Mme [M] [D] a saisi le conseil de prud’hommes d’Agen le 30 novembre 2020 des demandes suivantes :

– 9 900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2 200 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 6 600 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 660 euros de congés payés afférents,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect du repos journalier et de durée maximale de travail,

– rappel de salaire et indemnité au titre des heures supplémentaires,

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Une première audience de mise en état a eu lieu le 1er juin 2021. Le conseil de Mme [M] [D] n’ayant déposé aucune conclusion, il a été fait injonction de conclure. Aucune conclusion n’a été déposée à la dernière audience de mise en état du 21 septembre 2021.

La société SEHCD a demandé au conseil de prud’hommes de se déclarer non valablement saisi en l’absence de conclusions conformes aux dispositions de l’article R. 1453-5 du code du travail.

Par jugement du 28 février 2022, le conseil de prud’hommes d’Agen, section commerce, a’:

– dit et jugé qu’il n’était saisi d’aucune demande au titre de l’article R. 1453-5 du code du travail,

– débouté Mme [M] [D] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné Mme [M] [D] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 150 euros à la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3],

– mis les dépens à la charge de Mme [M] [D].

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 6 avril 2022, Mme [M] [D] a régulièrement déclaré former appel du jugement, en désignant la société SEHCD en qualité de partie intimée et en indiquant que l’appel porte sur l’entier dispositif du jugement, sauf en ce qu’il a mis les dépens à sa charge.

Par conclusions d’incident du 7 septembre 2022, la société SEHCD a demandé au conseiller de la mise en état de’:

à titre principal :

– juger que l’intégralité des prétentions présentées par Mme [M] [D] dans le cadre de ses conclusions d’appelant étaient nouvelles,

en conséquence,

– juger irrecevable l’intégralité des prétentions de l’appelante,

à titre subsidiaire :

– juger que les prétentions suivantes étaient nouvelles’:

– la demande tentant à ce que soit prononcée la nullité du licenciement,

– la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul, à savoir la somme de 44 457,60 euros,

– la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, à savoir la somme brute de 41 987 euros

en conséquence,

– juger irrecevable les prétentions nouvelles,

– condamner Mme [M] [D] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 15 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a’:

– débouté la société d’exploitation de l’hôtel de la Confluence de [Localité 3] de toutes ses demandes,

– l’a condamnée aux dépens de l’incident,

– dit n’y avoir lieu à statuer sur les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2023 et l’affaire fixée pour plaider à l’audience du 4 juillet 2023.

Par message électronique adressé au greffe le 4 juillet 2023 et par conclusions du même jour, jour de l’audience, le conseil de la salariée demande la révocation de l’ordonnance de clôture en raison de l’appel interjeté par sa cliente le 22 mai 2023 à l’encontre de sa condamnation pénale prononcée le 15 février 2023 par le tribunal correctionnel d’Agen et un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

I. Moyens et prétentions de Mme [M] [D] appelante principale

Dans ses conclusions enregistrées au greffe le 5 juillet 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelante, Mme [M] [D] demande à la cour de’:

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Agen déféré en date du 28 février 2022 en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes ;

– Infirmer le jugement le jugement du conseil de prud’hommes d’Agen en ce qu’il a dit et jugé n’avoir été saisi d’aucune demande au titre de l’article R. 1453-5 du code du travail ;

– Acter que la société SEHCD a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes d’Agen du 19 janvier 2021 pour concilier sur les chefs de demandes, repris dans le corps du jugement, objet des débats à l’audience de plaidoirie

– dire et juger que le jugement querellé fait état des demandes formulées dans la requête reprises à l’audience du bureau de jugement, notées par le greffe ;

– dire et juger recevable ses demandes en appel ;

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de sa demande tendant à la contestation de son licenciement pour faute grave durant l’arrêt maladie pour accident du travail ;

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes tendant au versement d’une indemnité de licenciement, au versement de dommages et intérêts au titre d’un licenciement nul ou, à titre subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents ;

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du repos journalier et de la durée maximale de travail ;

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de son rappel des salaires de 1820 heures supplémentaires ;

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a condamnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 150 € à la société SEHCD

Statuant à nouveau’:

– dire et juger qu’elle est recevable dans son appel contre le jugement du conseil de prud’hommes d’Agen déféré en date du 28 février 2022,

A titre principal,

– dire et juger nul le licenciement pour faute grave entrepris par la société SEHCD à son encontre durant son congé maladie pour accident du travail,

A titre subsidiaire,

– dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement entrepris par la société SEHCD à son encontre,

– dire et juger que la société SEHCD a commis des manquements à l’obligation de sécurité pour non-respect des durées maximales de travail à son préjudice au sens de l’article L. 4121-1 et suivant du code du travail,

En conséquence :

– condamner la société SEHCD à lui verser les sommes suivantes’:

– à titre principal’: l’indemnité de dommages-intérêts pour licenciement nul, 44457,60 euros,

– à titre subsidiaire’: l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, 12 966,80 euros,

– en toute hypothèse :

– indemnité de licenciement, 2 496,86 euros,

– indemnité de préavis, 7 409,60 euros,

– congés payés y afférent, 740,96 euros,

– dommages-intérêts pour non-respect du repos journalier et de la durée maximale de travail, 5 000 euros,

– rappel de salaire des heures supplémentaires (1820 heures), 41 987 euros,

– article 700 du code de procédure civile, 3 000 euros,

– dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, Mme [M] [D] fait valoir que :

I. Sur la saisine du conseil de prud’hommes et le jugement la déboutant

-Le conseil de prud’hommes a considéré qu’il n’avait été saisi d’aucune demande dans la mesure où il n’y avait pas de dispositif dans ses dernières conclusions, bien qu’elle ait été représentée par un avocat.

-Elle a saisi le conseil de prud’hommes le 30 novembre 2020, par requête comportant un exposé des motifs. Par la suite il s’est avéré que son conseil n’avait déposé aucune conclusion devant le bureau de jugement. Elle n’a même pas eu connaissance de la date d’audience devant le bureau de jugement à laquelle s’est présentée seulement son conseil, qui a indiqué souhaiter plaider son dossier. Elle n’a été informée de la situation qu’à réception du jugement du conseil de prud’hommes.

-Contrairement à ce qu’a indiqué le conseil de prud’hommes dans sa motivation, les parties ont été convoquées devant le bureau de conciliation et d’orientation, ainsi que devant le bureau de jugement pour statuer sur les demandes qu’elle avait formulées. De plus, le conseil de prud’homme liste, dans son jugement, les prétentions des parties en reprenant ses demandes. L’objet de la saisine du conseil de prud’hommes ne fait donc aucun doute à la lecture du jugement.

-Le conseil de prud’hommes a fait une application erronée de l’article R. 1453-3 du code du travail en la déboutant de l’intégralité de ses demandes ce qui implique qu’il aurait apprécié le bien-fondé des demandes alors même qu’il estime n’avoir été saisi d’aucune demande.

II. Sur l’exécution du contrat de travail

-Son contrat de travail prévoyait une rémunération forfaitaire pour une durée de travail de 44 heures, mais la surcharge de travail qu’elle subissait ne lui permettait pas d’accomplir ses missions en 44 heures. Il lui était demandé de ne pas reporter ses heures supplémentaires au-delà de cette durée forfaitaire.

-Lorsque la société French HÔTEL, nouveau prestataire, est arrivée, les nouveaux plannings semblaient inclure une partie des heures qu’elle avait réellement effectuée.

-La société a manqué à son obligation concernant le temps de travail. L’employeur n’a pas déclaré la réalité des heures qu’elle effectuait tout au long de la relation contractuelle et des heures ne lui ont pas été payées. L’inspection du travail avait relevé cette carence. L’employeur a également ignoré les règles relatives aux durées minimales de repos et de travail.

-L’employeur a fait l’objet d’un contrôle concernant la pratique de l’astreinte par l’inspection du travail. Il n’avait pas engagé de veilleur de nuit et avait mis en place un système d’astreinte sur place durant laquelle les salariés logeaient à l’hôtel, entre 23 heures et 6 heures. Cette astreinte doit s’analyser comme du temps de travail effectif. Elle a réalisé plus de 107 nuits d’astreinte officielle, compensée seulement à hauteur de 15 euros par nuit. L’alerte concernant la sécurité incendie se faisait sur son téléphone personnel et elle devait alors contacter le salarié d’astreinte. Elle assurait donc une veille de nuit en plus de son travail de direction. Ce n’est qu’à la fin de l’année 2019 que l’employeur a engagé un veilleur de nuit.

III. Sur la rupture abusive du contrat de travail et l’absence de faute grave

-L’employeur lui reproche deux griefs :

– sur la disparition d’espèce des caisses’: la somme totale de 15 555,38 euros n’a pas été déposée sur le compte bancaire de la société entre le mois de novembre 2017 à septembre 2019, alors que cette somme était sous sa responsabilité. Elle conteste toute responsabilité car’:

– l’état de trésorerie réalisé le 1er juillet 2019 lors du changement de prestataire n’avait révélé aucune faille.

– elle n’avait qu’un accès limité aux comptes et ne prenait aucune décision d’ordre bancaire.

– compte tenu de ses horaires et de sa charge de travail, elle n’avait pas le temps de déposer elle-même les enveloppes contenant les liquidités à la banque.

– la plupart du temps, le dépôt était effectué par les salariés de la société et elle réalisait un contrôle de ces dépôts, en reportant le numéro des enveloppes, le montant et la date du dépôt sur un cahier. Ce système fonctionnait très bien, comme le démontre la compatibilité mensuelle qui n’a jamais révélé la moindre difficulté. Ce mode de fonctionnement était connu de tous, contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement. Cela ressort notamment de son courriel envoyé le 12 juillet 2019 qui indique que ce serait une collègue de travail qui déposerait les liquidités durant ses congés.

– les premiers à avoir connaissance des comptes sont la SEHCD et le nouveau prestataire, la société French HÔTEL.

– l’employeur n’apporte pas la preuve de la réalité de ce déficit.

– sur la prétendue rétention fautive des identifiants de connexion à la messagerie électronique : alors qu’elle était en arrêt de travail, elle a reçu deux mises en demeure de l’employeur afin d’obtenir les codes d’accès à la boîte électronique «'[Courriel 5]’».

Son refus de communiquer les codes est justifié car il ne s’agissait pas d’une adresse professionnelle créée par la société, mais d’une adresse électronique personnelle qu’elle avait elle-même créée pour palier les carences de l’entreprise. Même si elle s’en servait dans le cadre professionnel, cette adresse électronique restait néanmoins personnelle.

Son refus n’a entraîné aucun préjudice pour l’employeur, car les clients utilisaient l’adresse électronique de la réception. L’adresse litigieuse n’était utilisée que pour les courriels transférés depuis l’adresse de la réception, et pour les échanges avec l’ancien prestataire. Suite au changement de prestataire, une nouvelle adresse a été créée et la situation a été régularisée. L’employeur indique que cette adresse était utilisée avant sa «’prise du poste de responsable d’exploitation’», effectivement puisqu’elle l’a créée alors qu’elle était encore adjointe de direction de M. [E] [R]. De plus, ce dernier disposait de sa propre adresse électronique qu’il utilisait à des fins professionnelles.

-Elle a été licenciée pour faute grave sans qu’aucun fait d’une telle nature ne puisse lui être reproché. Son licenciement lui a été notifié alors qu’elle était en arrêt de travail à la suite de son accident du travail. Son licenciement est nul.

IV. Sur les demandes indemnitaires

-Son salaire mensuel moyen était de 3 704,80 euros et elle disposait d’une ancienneté de 2 ans et 8 mois.

Son préjudice doit être apprécié compte tenu’:

– de son implication dans la société,

– des circonstances de son licenciement, alors qu’elle était en arrêt de travail,

– de l’origine de son accident de travail, elle s’est blessée alors qu’elle supportait une surcharge de travail,

– du contexte de pressions répétées à son encontre et connu de tous,

de son âge, 43 ans au moment du licenciement et avec une santé fragilisée, il est compliqué pour elle de retrouver un emploi.

-Si la cour devait retenir uniquement une absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, alors l’indemnité octroyée devrait être comprise entre 3 mois et 3,5 mois.

V. Sur les frais irrépétibles

-Elle sollicite la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

**************

II. Moyens et prétentions de la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3], intimée sur appel principal

Dans ses dernières conclusions enregistrées au greffe le 25 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3] demande à la cour de :

A titre principal :

– juger que l’intégralité des prétentions présentées par Mme [M] [D] dans le cadre de ses conclusions d’appelante sont nouvelles,

– en conséquence, juger irrecevable l’intégralité des prétentions de Mme [M] [D],

A titre subsidiaire :

– juger que le licenciement de Mme [M] [D] repose sur une faute grave,

– débouter Mme [M] [D] des demandes afférentes à la rupture du contrat de travail,

– juger que Mme [M] [D] ne présente pas d’éléments étayant la demande de paiement d’heures supplémentaires,

– juger que Mme [M] [D] n’établit pas la preuve de manquements au droit au repos et à la durée maximale du travail,

En conséquence,

– débouter Mme [M] [D] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [M] [D] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3] fait valoir que’:

I. A titre principal, sur l’irrecevabilité des demandes présentées par Mme [M] [D] en cause d’appel

-L’article 564 du code de procédure civile prévoit l’irrecevabilité des prétentions nouvelles formulées devant la cour d’appel. La nouveauté des prétentions s’apprécie au regard de l’objet des demandes formulées en appel et comparées à celles soumises en première instance. Les demandes doivent tendre aux mêmes fins pour ne pas être considérées comme nouvelles.

-Mme [M] [D], assistée d’un avocat en première instance, n’a pas valablement saisi le conseil de prud’hommes. Contrairement aux dispositions de l’article R. 1453-5 du code du travail, la salariée n’a pas versé de conclusions au débat. Or la production de conclusions est exigée dès lors que les deux parties sont assistées d’un avocat. La requête introductive d’instance ne vaut pas conclusions. Ainsi l’intégralité des demandes formulées par Mme [M] [D] devant la cour sont nouvelles et donc irrecevables.

-Si la cour ne relève pas l’irrecevabilité de l’intégralité des demandes de Mme [M] [D], alors il conviendra de comparer les demandes contenues dans la requête introductive d’instance et celles mentionnées dans les conclusions d’appelante. Ainsi, la salariée a formulé de nouvelles demandes :

– la nullité du licenciement et sa demande indemnitaire, puisqu’en première instance n’était demandé que l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

– la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, car en première instance la demande était indéterminée dans son montant.

-Mme [M] [D] a, dans sa déclaration d’appel, sollicité l’infirmation du jugement de première instance en ce qu’il l’a déboutée «’de ses demandes tendant au versement d’une indemnité de licenciement, au versement de dommages et intérêts d’un licenciement nul (‘)’», or la salariée n’a jamais émis de demande au titre d’un licenciement nul. Elle ne peut donc en demander l’infirmation.

II. A titre subsidiaire, sur le caractère infondé de l’intégralité des prétentions de Mme [M] [D]

A. Sur le licenciement pour faute grave de Mme [M] [D]

-Il est reproché deux griefs à Mme [M] [D].

1. Sur la disparition d’espèces

-Les remises d’espèce suivaient une procédure très spécifique qui avait été rappelée à plusieurs reprises à la salariée. Un contrôle des caisses a été réalisé à l’arrivée de la société French hotel et Mme [S], de cette même société, a rappelé les procédures à suivre à Mme [M] [D]. A compter de l’arrêt de travail de la salariée, la société French hotel a repris les tâches de gestion financière et comptable. N’ayant pas pu obtenir de Mme [M] [D] la clôture du mois de septembre, Mme [S] a pris en main la trésorerie et a fait un point financier avec l’établissement bancaire de l’hôtel.

-Il a été fait appel à un expert-comptable et des anomalies ont été relevées. Il est ressorti que plusieurs enveloppes mentionnées avec leur numéro sur le cahier tenu par Mme [M] [D] n’avaient jamais été déposées en banque. La salariée ne produit par ailleurs pas ce cahier. Cela représente une disparition de 15 555,38 euros. Le 28 octobre, la caisse d’octobre et le coffre-fort, vide, ont été contrôlés. Elle a déposé plainte contre X pour abus de confiance.

-A la suite des investigations, Mme [M] [D] a été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel d’Agen. Selon les personnes auditionnées au cours de l’enquête effectuée par la gendarmerie, Mme [M] [D] était la seule à réaliser des opérations de comptabilité. L’enquête a également permis de démontrer que de nombreux dépôts en argent liquide avaient eu lieu sur le compte de la salariée au cours de la période litigieuse, sans que les explications données par celles-ci soient corroborées. L’enquête a mis en exergue que le train de vie de la salariée était au-dessus de ses moyens. Mme [M] [D] a été reconnue coupable d’abus de confiance en état de récidive légale et a été condamnée le 15 février 2023.

-Même si ce jugement apporte un éclairage sur la situation, le bien-fondé du licenciement doit être apprécié indépendamment des poursuites pénales. Le licenciement n’a pas été prononcé en raison d’un vol ou d’un abus de confiance, mais pour non respect des procédures de suivi des encaissements et de dépôt d’espèces.

-Ce seul grief suffit à fonder le licenciement pour faute grave, compte tenu des lourdes conséquences découlant de cette faute, eu égard au montant des disparitions et à la petite taille de l’établissement. La salariée se défend en énonçant que l’employeur avait connaissance du fait que les remises d’espèces étaient faites par d’autres salariés. Or le courriel envoyé par Mme [M] [D] ne fait état de cette organisation que pour ses congés et non d’une organisation permanente.

2. Sur la rétention fautive des identifiants de connexion à la boîte électronique

-Afin d’assurer la continuité de l’activité, la société French HÔTEL devait disposer des identifiants de la boîte électronique «'[Courriel 5]’». Cette boîte était connue des clients, partenaires, agences de voyage, etc. Cette adresse n’était pas une adresse personnelle de la salariée.

-Celle-ci existait avant la prise de poste de responsable d’exploitation et était même utilisée par M. [E] [R]. Mme [M] [D] a utilisé cette adresse à des fins professionnelles dès sa prise de poste de responsable d’exploitation et cette adresse figurait en signature de courriel. La rétention des identifiants par la salariée est fautive, compte tenu de l’utilité de ces identifiants pour la poursuite de l’activité durant l’arrêt de travail de la salariée.

3. Sur les demandes financières de Mme [M] [D]

-Le licenciement reposant sur une faute grave, la salariée ne peut prétendre à :

– l’indemnité de préavis, dont elle n’explique par ailleurs pas le calcul de sa demande,

– l’indemnité de licenciement,

– les dommages-intérêts. La salariée ne démontre par ailleurs pas le préjudice subi. En tout état de cause, Mme [M] [D] ne peut faire valoir ses difficultés financières qui existaient déjà au moment de son licenciement. L’employeur a été destinataire d’un acte de saisie des rémunérations le 7 janvier 2020.

B. Sur les demandes de Mme [M] [D] au titre de la durée du travail

1. Sur les heures supplémentaires

-Dans le cadre de sa requête introductive d’instance, la salariée estimait avoir effectué 1 820 heures supplémentaires, sans le moindre détail et sans chiffrer sa demande. La salariée demande désormais devant la cour la somme de 41 987 euros à ce titre. La requête de la salariée faisait état de relevés d’heures et plannings, or aucun de ces éléments n’a été produit.

-Mme [M] [D] n’indique pas la période au cours de laquelle elle aurait effectué ces heures. Celle-ci ne produit aucun tableau de décompte, aucun planning, alors pourtant que les plannings étaient établis par la salariée. Sur les décomptes hebdomadaires de temps de travail de la salariée, celle-ci fait mention de son horaire contractuel de 44 heures.

2. Sur la durée maximale du travail

-Mme [M] [D] est dans l’incapacité d’établir la preuve de ses horaires de travail. La salariée se prévaut d’un courrier de l’inspection du travail qui a demandé des informations sur l’organisation de la durée du travail. Un rendez-vous a été organisé et les réponses adéquates ont été apportées à l’autorité administrative de sorte que les interrogations ont été levées.

MOTIVATION

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les dire et juger et les constater ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les énonce.

Sur la demande en révocation de l’ordonnance de clôture

En application de l’article 802 du code de procédure civile, « après ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats à peine d’irrecevabilité prononcée d’office ».

Selon l’article 784 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

L’article 15 du même code dispose que « les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ».

L’article 16 du même code fait obligation au juge d’observer et de faire observer lui-même le principe de la contradiction.

Selon l’article 4 alinéa 3 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l’action publique n’impose plus la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

En l’espèce, le nouveau conseil de la salariée, M° Jalain, invoque, à l’appui de sa demande, avoir été averti la veille de l’audience par sa cliente de l’appel interjeté le 22 mai 2023.

Or, l’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 mai 2023.

D’une part, les dernières conclusions de la salariée ont été déposées quelques heures seulement avant l’audience, privant l’intimé de son droit à répliquer. Il était loisible au nouvel avocat de demander un certificat de non appel depuis sa constitution ce qui aurait pallié toute difficulté.

D’autre part, le licenciement n’est pas fondé sur le vol mais sur la faute tenant à la responsabilité qui incombait à la salariée en qualité de responsable d’exploitation et sur la rétention fautive des identifiants de connexion de la boîte mail.

Il n’existe donc pas de cause grave au sens de l’article 784.

En conséquence, la cour rejette la demande en révocation de l’ordonnance de clôture ainsi que, d’office, les conclusions du 4 juillet 2023 jugées trop tardives pour respecter le principe du contradictoire et ne retient que les conclusions du 5 juillet 2022.

I. Sur la recevabilité des demandes

L’article R.’1453-1 du code du travail pose le principe de la procédure orale en matière prud’homale : « les parties se défendent elles-mêmes. Elles ont la faculté de se faire assister ou représenter ».

Pour limiter le risque de man’uvres dilatoires visant à obtenir un ou des renvois, la loi n°’2015-990 du 6’août 2015 impose, à l’article R.’1454-1 du code du travail, la mise en état des dossiers. Désormais, le bureau de conciliation et d’orientation fixe, après avis des parties, des délais de communication des pièces et conclusions.

En l’espèce, la salariée a choisi de se faire représenter par un avocat, M° [N], qui a déposé une requête introductive d’instance enregistrée au greffe le 30 novembre 2020.

A l’audience de jugement, M° [N] s’est reportée oralement à sa requête introductive comme il est indiqué par le conseil de prud’hommes en page 2 du jugement’: «’Pour la partie demanderesse’: Reprend les demandes formulées dans la requête’».

L’article 757 du code de procédure civile dispose en son alinéa 5 que la requête «’vaut conclusions’».

En conséquence, le conseil de prud’hommes a considéré à tort qu’il n’était pas valablement saisi des demandes de la salariée énumérées dans la requête à laquelle l’avocat s’est rapporté lors de l’audience de jugement.

Les demandes tendant à déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en indemnité de licenciement, en indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, en dommages et intérêts pour non respect du repos journalier et de la durée maximale du travail, en rappel de salaire sur heures supplémentaires sont recevables.

Par conséquent, la cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé qu’il n’était saisi d’aucune demande au titre de l’article R1453-5 et débouté Mme [M] [D] de l’intégralité de ses demandes.

L’article 564 du code de procédure civile dispose que : « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».

L’article 565 du code de procédure civile dispose que’: «’les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent’».

Ainsi, les prétentions émises par la salariée devant la cour d’appel par voie de conclusions du 5 juillet 2022 aux fins de déclarer nul le licenciement sont recevables car elles tendent aux mêmes fins que la demande initiale au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse c’est-à-dire toutes deux visant à obtenir l’indemnisation des conséquences d’un licenciement que la salariée estime injustifié.

La cour les déclare recevables.

II- Sur le licenciement’:

– sur la faute grave

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables. En outre, s’il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l’employeur doit en rapporter la preuve.

Il sera par ailleurs rappelé que :

– la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise

– en application des dispositions des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis, ni à une indemnité de licenciement.

En l’espèce aux termes de la lettre de licenciement du 29 novembre 2019, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié Mme [D] en lui reprochant d’être responsable de la disparition d’espèces des caisses de l’établissement et la rétention fautive des identifiants de connexion à la boîte mail.

La cour précise que l’employeur ne reproche pas à la salariée d’être l’auteur d’un vol ou d’un abus de confiance mais un manquement à ses obligations contractuelles en tant que responsable d’exploitation.

L’employeur produit :

– le listing des remises en numéraire

– le suivi des encaissements du mois de janvier à juillet 2019

– les rapprochements effectués par le cabinet Compagnie Fiduciaire entre les relevés de banque et les numéros d’enveloppe de dépôt d’espèces dont il ressort un écart non justifié de 15 555,38 euros.

L’employeur établit ainsi qu’au mois d’octobre 2019, il a constaté qu’une somme de 15555,38 euros n’avait jamais été déposée sur son compte Crédit Agricole depuis le mois de novembre 2017.

L’employeur verse l’avenant au contrat de travail de la salariée du 2 octobre 2017.

Mme [D] reconnaît dans ses écritures qu’elle avait pour mission de s’assurer du dépôt des espèces, placées dans des enveloppes dédiées et numérotées, au guichet ou aux automates de la banque Crédit Agricole mais, qu’à défaut de temps suffisant, il lui arrivait de déléguer ces dépôts à d’autres salariés de l’entreprise.

La connaissance de ce fonctionnement qu’elle allègue ne l’exonère pas de la responsabilité qui était la sienne de s’assurer du dépôt de ces sommes à la banque aux termes de son contrat de travail.

Il ressort en effet des termes de l’article 4 de l’avenant que la salariée «’s’engage à appliquer et faire appliquer par le personnel les règles et procédures administratives et comptables en vigueur dans l’entreprise en matière de suivi, des règlements en général (fournisseurs, salaires’), de la facturation et des règlements clients, le suivi et respect des budgets’».

Il y a lieu de rappeler également que la salariée avait été embauchée initialement le 11 mai 2017 comme assistante de direction puis était devenue responsable d’exploitation, statut agent de maîtrise, par avenant du 2 octobre 2017, moyennant un salaire de 3300 euros bruts qui prenait en compte ses nouvelles responsabilités.

L’employeur démontre ainsi la faute suffisamment grave de la salariée dans l’exécution de son contrat de travail de nature à empêcher la poursuite des relations contractuelles pendant la durée du préavis et sans qu’il soit utile d’examiner le second grief.

– sur la nullité du licenciement

Mme [D] soulève la nullité du licenciement en ce qu’il lui a été notifié le 29 novembre 2019 alors qu’elle était placée en arrêt de travail depuis le 8 octobre 2019, prolongé jusqu’au 30 novembre 2019, en application des dispositions de l’article L1226-13 qui renvoie aux articles L1226-9 à L1226-18.

Or, l’article L1226-9 du code du travail prévoit qu’ « au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie ».

En conséquence, la faute grave ayant été démontrée par l’employeur, la cour déboute la salariée de ce chef.

III- Sur les demandes financières :

Le licenciement reposant sur une faute grave, Mme [D] sera déboutée de ses demandes indemnitaires présentées tant au titre de la nullité du licenciement que de celles formées à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : dommages et intérêts, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents.

IV- Sur les heures supplémentaires

Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

A titre liminaire, la cour ne répond qu’aux prétentions émises dans le dispositif des dernières conclusions. En conséquence, l’absence de précision quant au montant de la créance dans la requête ne rend pas la demande irrecevable en appel.

En l’espèce, la salariée produit :

– son planning du 30 septembre au 20 octobre 2019

– la lettre de la DIRRECTE du 21 février 2019

– la lettre de la DIRRECTE du 23 septembre 2019 sur les temps d’astreinte

– l’organigramme prévisionnel fin 2019.

La salariée ne produit aucun décompte des heures supplémentaires et d’astreinte qu’elle sollicite. Elle ne précise pas non plus la période concernée, se limitant à produire trois feuilles de plannings sur une durée d’à peine deux mois pour une créance réclamée de 41 987 euros, soit 1820 heures.

Ces éléments sont par conséquent insuffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La cour déboute Mme [D] de ce chef.

V- Sur les demandes en dommages et intérêts pour non respect du repos journalier et de la durée maximale du travail

La durée quotidienne maximale de travail effectif ne peut excéder 10 heures aux termes de l’article L. 3121-18 du code du travail.

L’article L. 3121-20 ajoute qu’au cours d’une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.

En outre, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives.

Les durées de travail s’apprécient sur la période du lundi 0 heures au dimanche 24 heures. C’est à l’employeur qui prétend avoir respecté les durées maximales de travail et les temps de repos qu’il appartient de le prouver.

Cependant, la salariée ne produit pas les horaires de travail qu’elle prétend dépassés privant l’employeur de répondre efficacement.

En conséquence, la cour la déboute de sa demande de ce chef.

VI. Sur les dépens et les frais non répétibles

Mme [M] [D], qui succombe en ses demandes, sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en appel. Elle sera également condamnée aux entiers dépens de l’instance.

La cour confirme le jugement entrepris en ce que la salariée a été débouté de sa demande au même titre en première instance et en ce qu’elle a été condamnée aux dépens et à verser la somme de 150 euros à la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3].

Mme [M] [D] sera également condamnée à verser la somme de 500 euros à la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu le 28 février 2022 par le conseil de prud’hommes d’Agen en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné Mme [M] [D] à payer à la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3] la somme de 150 euros sur le fondement des disposition de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

REJETTE la demande en révocation de l’ordonnance de clôture,

REJETTE d’office les conclusions du 4 juillet 2023,

DÉCLARE recevables les prétentions formulées le 5 juillet 2022 par Mme [M] [D] en cause d’appel,

DÉCLARE fondé le licenciement de Mme [M] [D] sur la faute grave,

DÉBOUTE Mme [M] [D] de sa demande en nullité du licenciement,

DÉBOUTE Mme [M] [D] de sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse présentée à titre subsidiaire,

DÉBOUTE Mme [M] [D] de ses demandes en dommages et intérêts, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

DÉBOUTE Mme [M] [D] de sa demande en rappel d’heures supplémentaires et en dommages et intérêts pour non respect du repos journalier et de la durée maximale du travail,

DÉBOUTE Mme [M] [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [M] [D] à payer 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la société d’exploitation de l’hôtel de la confluence de [Localité 3],

CONDAMNE Mme [M] [D] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de présidente de chambre, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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