Signature électronique : 26 septembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01232

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Signature électronique : 26 septembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01232
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N° RG 22/01232 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LJJX

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT

Me Nathalie CROUZET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023

Appel d’une décision (N° RG 21/01813)

rendue par le Tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 03 mars 2022

suivant déclaration d’appel du 23 mars 2022

APPELANTE :

Mme [M] [I]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée par Me Sophie DETROYAT de la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

M. [X] [Z]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 4]

représenté par Me Nathalie CROUZET, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 20 juin 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte du 21 avril 2018 Mme [M] [I] a reconnu devoir à M. [X] [Z] la somme de 23’000 euros qu’elle s’est engagée à rembourser par versements mensuels de 150 euros à compter du 5 mai 2018.

Mme [I] a remboursé une somme de 4 050 euros entre le mois de mai 2018 et le mois de juillet 2020, mais a cessé tout versement à compter du mois d’août 2020.

Sur la réclamation de M. [Z] du 23 septembre 2020, Mme [I] a effectué trois nouveaux règlements en octobre et novembre 2020, mais a interrompu à nouveau ses paiements.

Sur sa requête du 17 septembre 2020, M. [Z] a obtenu le 15 décembre 2020 la délivrance par le tribunal judiciaire de Grenoble d’une ordonnance enjoignant à Mme [I] de lui payer la somme de 18’950 euros en principal.

Cette ordonnance a été signifiée le 24 mars 2021 à Mme [I] qui y a formé opposition le 9 avril 2021 aux motifs que la reconnaissance de dette est irrégulière, que les sommes reçues sont bien inférieures au montant de 23’000 euros et qu’elle a été contrainte de signer l’acte du 21 avril 2018 sous la menace du frère de M. [Z].

Par jugement en date du 3 mars 2022, le tribunal judiciaire de Grenoble a condamné Mme [M] [I] à payer à M. [X] [Z] la somme de 18’950 euros avec intérêts au taux légal capitalisés par année entière à compter du 22 septembre 2020, outre une indemnité de procédure de 300 euros, a rejeté toutes les autres demandes et l’a condamnée aux dépens.

Le tribunal a considéré en substance :

que l’acte du 21 avril 2018, ne comportant pas la mention manuscrite de la somme due en lettres et en chiffres, valait commencement de preuve par écrit corroboré par la reconnaissance du principe de l’emprunt et par un début d’exécution de l’obligation de remboursement,

que la preuve de la contrainte alléguée n’était pas rapportée,

que le solde dû s’élève à la somme de 18’950 euros en l’absence de preuve des dépenses que Mme [I] aurait effectuées pour le compte de M. [Z].

Mme [M] [I] a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 23 mars 2022 aux termes de laquelle elle critique le jugement en toutes ses dispositions.

Vu les conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 16 mai 2023 par Mme [M] [I] qui demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement :

A titre principal

de débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes à défaut de preuve rapportée d’un contrat de prêt d’un montant de 23’000 euros,

A titre subsidiaire

de faire droit à la demande en paiement dans la limite de la somme de 576,93 euros en présence d’un contrat de prêt d’un montant de 5226,93 euros,

A titre infiniment subsidiaire

de lui octroyer un délai de paiement de 24 mois,

En tout état de cause

de débouter M. [Z] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

que M. [Z], qui est un ami d’enfance, a proposé de l’aider financièrement sans contrepartie alors qu’elle se trouvait dans une situation précaire,

que sous la pression du frère de M. [Z] elle a dû néanmoins signer le 21 avril 2018 une reconnaissance de dette dactylographiée d’un montant de 23’000 euros prévoyant des remboursements mensuels de 150 euros,

qu’elle a ainsi effectué des virements bancaires d’un montant de 150 euros par mois jusqu’en juillet 2020, puis a réalisé trois nouveaux virements en octobre 2020 , novembre 2020 et mars 2021,

que contrairement aux dispositions de l’article 1376 du code civil la reconnaissance de dette, qui est intégralement dactylographiée, ne comporte pas la mention manuscrite de la somme en toutes lettres et en chiffres et ne résulte pas d’un des procédés d’identification conforme aux règles gouvernant la signature électronique,

que l’acte qui ne comporte pas la mention manuscrite de la somme en chiffres ou en lettres ne peut être qualifié de commencement de preuve par écrit et ne peut donc établir l’existence d’un quelconque contrat de prêt, dont la preuve incombe à celui qui sollicite la restitution des sommes versées,

que si la cour devait considérer que la reconnaissance à l’audience de l’emprunt d’une certaine somme d’argent et l’exécution partielle de l’obligation de remboursement constituaient un commencement de preuve par écrit, ces éléments ne sauraient apporter la preuve du montant de l’obligation, qui ne pourrait excéder la somme de 5226,93 euros représentant le paiement par M. [Z] de ses dettes à concurrence de 1584,25 euros et l’abandon de plusieurs meubles d’une valeur de 3642,68 euros,

que les témoignages imprécis de l’épouse et du frère de M. [Z] n’apportent nullement la preuve de l’existence d’un prêt de 23’000 euros,

que déduction faite de ses règlements d’un montant de 4650 euros elle demeure ainsi redevable d’une somme de 576,93 euros,

qu’en toute hypothèse la précarité de sa situation financière justifie l’octroi de délais de paiement.

Vu les conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 16 mai 2023 par M. [X] [Z] qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de l’appelante à lui payer une nouvelle indemnité de procédure de 3000 euros.

Il fait valoir :

que Mme [I] a réglé à ce jour 31 mensualités de 150 euros chacune, soit la somme totale de 4650 euros,

que bien que ne répondant pas aux exigences de l’article 1376 du code civil, la reconnaissance de dette dactylographiée du 21 avril 2018 constitue un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres moyens de preuve, tels que témoignages, indices ou présomptions,

que la reconnaissance de dette est ainsi corroborée par les déclarations à l’audience du tribunal de Mme [I], qui a reconnu avoir emprunté une somme d’argent d’un montant minimum de 4950 euros, par l’exécution partielle de l’obligation de remboursement et par le témoignage de son frère, lequel fait état de sa fragilité psychologique dont Mme [I] aurait largement abusé,

que les courriels invoqués n’établissent pas que Mme [I] n’aurait bénéficié que d’une libéralité,

que Mme [I] n’établit pas que le montant du prêt n’aurait été que de 5226,39 euros, alors qu’elle produit elle-même aux débats un tableau faisant apparaître un versement de 24’000 euros, qu’il n’a pas pu lui laisser du mobilier puisqu’il n’a jamais été hébergé par elle et que le montant de la créance n’a pas été contesté à réception du courrier recommandé de réclamation du 23 septembre 2020,

qu’il s’oppose à tout délai de paiement alors que Mme [I] avait toute latitude depuis 2018 pour apurer la dette et qu’il est lui-même dans une situation précaire, puisqu’il perçoit pour seul revenu une pension d’invalidité d’un montant mensuel de 918,24 euros.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 13 juin 2023.

MOTIFS

L’appelante ne maintient pas en cause d’appel sa demande d’annulation de la reconnaissance de dette pour vice du consentement, même si elle persiste à affirmer qu’elle a été amenée à la signer sous la pression du frère de M. [Z].

Bien que concluant principalement à l’infirmation totale du jugement, elle ne formule aucune demande d’annulation de l’acte dans le dispositif de ses conclusions d’appel et ne reprend à aucun moment son moyen initial tiré de l’existence d’un prétendu vice du consentement.

Conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile il ne sera pas dès lors statué de ce chef.

L’appelante ne reprend pas davantage en cause d’appel son argumentation tirée d’une prétendue compensation entre la somme empruntée et les paiements qu’elle aurait effectués pour le compte de M. [Z].

La reconnaissance de dette que Mme [I] reconnaît avoir signée le 21 avril 2018 est intégralement dactylographiée et ne comporte pas l’indication manuscrite de la somme en toutes lettres et en chiffres en méconnaissance des prescriptions de l’article 1376 du code civil.

Contrairement à ce qui est soutenu, l’acte irrégulier au regard des dispositions de cet article, bien que ne faisant pas preuve complète de l’obligation, constitue un commencement de preuve par écrit au sens des articles 1361 et 1362 du code civil, puisqu’il s’agit d’un acte, que Mme [I] reconnaît avoir signé, rendant vraisemblable l’obligation alléguée.

Comme l’a souligné le tribunal ce commencement de preuve est corroboré par des éléments extrinsèques.

Si à l’audience Mme [I] a, en effet, contesté le montant de la somme réclamée, elle a expressément admis avoir emprunté de l’argent à M. [Z], puisque il est mentionné sur les notes de l’audience du 27 janvier 2022 qu’elle «’ne nie pas devoir la somme à M.,mais elle conteste le montant’».

La reconnaissance de dette a, en outre, reçu un commencement d’exécution, puisque le plan de remboursement, qui y a été stipulé (versements chaque mois de la somme de 150 euros à compter du 5 mai 2018 jusqu’à épuisement de la dette), a été respecté jusqu’en juillet 2020 et que les règlements ont repris pendant plusieurs mois sur la réclamation du prêteur du 23 septembre 2020.

Par ailleurs aux termes d’attestations régulières en la forme l’ex-épouse du prêteur (Mme [L] [J]) et le frère de ce dernier (M. [K] [Z]) témoignent de l’aide financière importante apportée par M. [Z] à Mme [I] après qu’il ait hérité de sa mère, le second témoin faisant état d’une aide substantielle globale de l’ordre de 70 000 euros.

Enfin les courriers électroniques que M. [Z] a adressés à Mme [I] les 16 octobre 2017 et 15 août 2018 ne peuvent sérieusement apporter la preuve d’une intention purement libérale contredisant les termes de la reconnaissance de dette du 21 avril 2018, alors d’une part que si le premier message fait état «’d’un soutien gratuit et libre de tout engagement de ta part’», il n’y est pas explicitement fait état d’une aide financière, mais d’une assistance « sur plusieurs plans’», et d’autre part que le second se borne à mentionner que son actuelle compagne, et non pas lui-même personnellement,«’n’attend aucun retour financier’».

La preuve est ainsi rapportée de l’existence d’un prêt remboursable, et non pas d’une libéralité.

Il appartient toutefois à M. [Z] d’apporter la preuve du montant de la somme effectivement prêtée.

Si aucun document bancaire ne vient attester du montant des sommes effectivement reçues par Mme [I], celle-ci produit cependant elle-même aux débats un tableau récapitulatif des dettes réciproques faisant état de versements reçus d’un montant total de 24’000 euros, outre la fourniture d’un véhicule automobile d’une valeur estimée de 24’000 euros, revendu par la suite au prix de 18’000 euros.

Ce document corrobore le témoignage de M. [K] [Z],qui affirme que, contactée par lui, Mme [I] a reconnu avoir bénéficié d’une aide globale d’un montant de 70’000 euros environ, et est conforté par l’absence de toute protestation de la débitrice à réception de la lettre de relance du 23 septembre 2020 lui réclamant un solde de 18950 euros.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a retenu l’existence d’un prêt remboursable de 23’000 euros.

Dès lors qu’il résulte des relevés bancaires versés au dossier que M. [Z], qui le reconnaît, a reçu 31 mensualités de remboursement de 150 euros chacune, soit au total la somme de 4650 euros, il sera toutefois fait droit à la demande dans la limite de la somme de 18’350 euros, qui portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 septembre 2020 avec capitalisation par année entière à compter de la demande en justice par conclusions déposées devant le tribunal judiciaire pour l’audience du 27 janvier 2022.

Cependant Mme [I] qui privée d’emploi, justifie d’une situation financière précaire, sera autorisée à se libérer de sa dette en 24 mensualités, le cinq de chaque mois, à compter de la signification du présent arrêt en application de l’article 1343’5 du Code civil, étant observé que si le créancier justifie être au bénéfice d’une pension d’invalidité, il n’apporte aucun élément sur sa situation patrimoniale globale.

Les paiements échelonnés effectués par la débitrice s’imputeront en priorité sur le capital.

L’équité ne commande pas de faire à nouveau application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sur le principe de la condamnation, mais le réformant sur son quantum,

Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,

condamne Mme [M] [I] à payer à M. [X] [Z] la somme de 18’350 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020 capitalisés par année entière à compter du 27 janvier 2022,

autorise Mme [M] [I] à se libérer de sa dette en 24 mensualités, le cinq de chaque mois, à compter de la signification du présent arrêt, et dit qu’en cas de non-paiement d’une seule échéance de remboursement l’intégralité de la dette deviendra immédiatement et intégralement exigible sans nécessité d’une mise en demeure préalable,

dit que les paiements échelonnés s’imputeront en priorité sur le capital,

Dit n’y avoir lieu en cause d’appel à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties,

Condamne Mme [M] [I] aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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