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19 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/02144
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 8
ARRET DU 19 JANVIER 2023
(n° , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02144 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTBX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/00609
APPELANT
Monsieur [B] [F]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
INTIMÉE
S.A.R.L. LOS ANGELES
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jérôme ARTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Nathalie FRENOY, présidente
Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [B] [F] a été engagé par la société Nouvelle Industrie Métallurgique, devenue Los Angeles, à compter du 1er octobre 1996 en qualité de responsable de production; un contrat à durée indéterminée a été signé le 20 octobre 2011 stipulant son statut de cadre, responsable de site, position IIIA, niveau 135 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Son contrat de travail a été suspendu pour cause de maladie du 22 au 24 novembre 2016 et du 6 au 14 décembre 2016, puis pour congés payés jusqu’au 23 janvier 2017, date de sa reprise, et a été signé le 14 février suivant un avenant à son contrat de travail.
M. [F] a été déclaré inapte temporaire par le médecin du travail le 28 février 2017.
Son contrat de travail a été suspendu pour cause de maladie par la suite.
Le 12 juin 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié ‘inapte à la reprise de tout poste dans l’entreprise Los Angeles. Le maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise’.
Le 3 août 2017, la société Los Angeles lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Contestant la rupture de la relation de travail, M. [F] a saisi le 30 janvier 2018 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 25 novembre 2019, notifié aux parties par lettre du 18 février 2020, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, a reçu la sarl Los Angeles en sa demande reconventionnelle, mais l’en a déboutée, et a condamné le demandeur aux dépens.
Par déclaration du 6 mars 2020, M. [F] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 14 novembre 2022, l’appelant demande à la cour :
-de le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures et en son appel,
y faisant droit,
à titre principal,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a estimé et jugé que Monsieur [B] [F] n’a pas fait l’objet d’un harcèlement moral,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a estimé et jugé que le licenciement de Monsieur [B] [F] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a estimé et jugé que Monsieur [B] [F] n’a pas fait l’objet d’une rétrogradation,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a estimé et jugé que Monsieur [B] [F] n’apporte pas la preuve des heures supplémentaires qu’il a effectuées,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a estimé et jugé que Monsieur [B] [F] n’apporte pas la preuve des heures supplémentaires et qu’il ne peut donc demander de repos compensateurs,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a estimé et jugé que Monsieur [B] [F] n’apporte pas la preuve des heures supplémentaires et l’a donc débouté de sa demande forfaitaire pour travail dissimulé,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a estimé et jugé que Monsieur [B] [F] n’apporte pas la preuve sérieuse d’une inégalité de traitement et l’a donc débouté de son rappel de salaire,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de rémunération variable,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a estimé et jugé que Monsieur [B] [F] n’apporte pas la preuve d’un préjudice relatif au défaut d’information au titre de la portabilité de ses droits relatifs à la santé et à la prévoyance,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a débouté Monsieur [B] [F] de sa demande de remboursement par la sarl Los Angeles des indemnités Pôle Emploi,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de condamnation de la sarl Los Angeles aux intérêts légaux, à l’exécution provisoire, aux dépens et à un article 700 du code de procédure civile,
-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a jugé recevable la demande reconventionnelle de la sarl Los Angeles,
mais,
-de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il déboute la sarl Los Angeles de sa demande reconventionnelle de remboursement de frais d’installation d’un serveur,
-de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il déboute la sarl Los Angeles de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,
en conséquence il sera demandé à la Cour d’appel de bien vouloir :
sur la rupture du contrat de travail :
à titre principal,
-de juger que l’inaptitude de Monsieur [F] est la conséquence directe des agissements de harcèlement moral de l’employeur,
en conséquence,
-de juger que le licenciement intervenu est nul et de nul effet,
-d’ordonner la réintégration de Monsieur [F] au sein de la société Los Angeles,
-de condamner la sarl Los Angeles à payer à Monsieur [F] 62 321,55 euros (soit l’équivalent des 15 mois de salaire du barème Macron) à titre d’indemnité pour licenciement nul et à verser une indemnité d’éviction équivalente à l’ensemble des salaires depuis le 3 août 2017 jusqu’au jour de la réintégration effective,
à titre subsidiaire,
-de constater et juger que l’inaptitude de Monsieur [F] est la conséquence directe des agissements de harcèlement moral de l’employeur et que le licenciement est donc la conséquence des manquements de l’employeur,
-de juger que l’employeur a manqué à son obligation de recherche de reclassement complète, loyale et sérieuse au sein du « Groupe » New York et son obligation de recherche externe,
-de constater que le signataire de la lettre de licenciement n’avait pas le pouvoir de licencier Monsieur [F],
en conséquence,
-de juger que le licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
-de condamner la sarl Los Angeles à payer à Monsieur [F] :
-12 464,30 euros (soit l’équivalent de 3 mois de salaire) à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
-1 246,43 euros au titre des congés payés afférents,
-62 321,55 euros (soit l’équivalent des 15 mois de salaire du barème Macron correspondant à son ancienneté) à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1235-3 du code du travail,
sur l’exécution du travail,
en tout état de cause :
-de juger l’exécution déloyale du contrat de travail caractérisée notamment par la rétrogradation subie par Monsieur [F] au retour de l’arrêt maladie,
-de juger que la société a manqué à son obligation de sécurité de moyen renforcée,
en conséquence,
-de condamner la sarl Los Angeles au paiement de la somme de 24 928,62 euros, soit l’équivalent 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L.1222-1 et L. 4121-1 du code du travail,
-de juger que l’employeur a gravement manqué à ses obligations en instaurant un environnement de travail ‘harcélogène’, tout particulièrement établi par la « mise au placard » du salarié à compter du mois de février 2017, quotidiennement décrié et remis en cause devant ses collaborateurs,
en conséquence,
-de condamner la sarl Los Angeles au paiement de la somme de 24 928,62 euros soit 6 mois de salaire, au bénéfice de Monsieur [F], à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l’article L. 1152-1 du code du travail,
-de juger que Monsieur [F] a accompli 710,5 heures supplémentaires non rémunérées au cours des 3 années précédant la rupture du contrat de travail,
en conséquence,
-de condamner la sarl Los Angeles au paiement de la somme de :
-119 824,40 euros à titre de rappel de salaire,
-11 982 euros de congés payés afférents,
-de juger que les éléments matériel et intentionnel de l’infraction de travail dissimulé sont constitués,
-de juger que la sarl Los Angeles s’est rendue coupable de l’infraction de travail dissimulé,
en conséquence,
-de condamner la sarl Los Angeles au paiement de la somme de 24 928,62 euros, soit l’équivalent 6 mois de salaire, au bénéfice de Monsieur [F] sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail, ou toute autre somme dont la Cour estimera qu’elle indemnise le préjudice subi par Monsieur [F],
-de juger que la classification de Monsieur [F] est sous-estimée,
en conséquence,
-de condamner la société Los Angeles au paiement de la somme de 31 722,48 euros, à titre de rappel de salaire minimum conventionnel (coefficient 180) pour la période allant du mois d’août 2014 à août 2017 au bénéfice de Monsieur [F],
-de juger que la rémunération variable contractuelle de Monsieur [F] n’a jamais été payée,
en conséquence,
-de condamner la sarl Los Angeles au paiement de rappel de salaires relatifs à la rémunération variable (5%) sur les trois dernières années avant la rupture soit 7 408,49 euros,
-de juger que la sarl Los Angeles a manqué à son obligation d’information relative à la portabilité des droits à la complémentaire santé et à la prévoyance en application des dispositions de l’article L. 911-8 6° du code de la sécurité sociale,
en conséquence,
-de condamner la sarl Los Angeles au paiement de la somme symbolique de 1 euro à titre de dommages et intérêts,
-d’ordonner le remboursement par la sarl Los Angeles aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qui ont été versées à Monsieur [F], à compter du jour du licenciement, sur le fondement de l’article L. 1235-4 du code du travail,
-de condamner la sarl Los Angeles à fournir à Monsieur [F] des bulletins de paie afférents au préavis, sous astreinte à déterminer par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir,
-de condamner la sarl Los Angeles à payer les intérêts sur les intérêts dus au taux légal (anatocisme), au bénéfice de Monsieur [F], conformément à l’article 1343-2 du Code civil,
-de condamner la société Los Angeles au paiement de la somme de 5 000 euros au profit de Monsieur [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens et éventuels frais d’exécution.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 15 novembre 2022, la société Los Angeles demande à la cour :
-de confirmer le jugement intervenu,
et :
-de dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, liée à l’inaptitude prononcée par le médecin du travail et non sur un licenciement nul a fortiori,
-de dire et juger qu’il n’existe aucun manquement de la société au titre de l’obligation de sécurité et ou de préservation de la santé,
-de dire et juger que le contrat a été exécuté loyalement,
-de dire et juger qu’aucun harcèlement moral n’est intervenu,
-de dire et juger que Monsieur [F] ne démontre aucune heure supplémentaire, travail dissimulé et repos compensateur,
-de dire et juger a fortiori que Monsieur [F] a été rempli de ses droits en matière salariale toutes demandes confondues,
-de dire et juger qu’aucun préjudice n’existe au titre de la portabilité prévoyance,
en conséquence :
-de confirmer le jugement,
-de rejeter les demandes formulées par Monsieur [F] à l’encontre de la société comme étant parfaitement infondées,
et ainsi,
-de débouter Monsieur [F] de ses entières demandes, fins et prétentions,
-de dire et juger n’y avoir lieu à exécution provisoire,
à titre reconventionnel :
-de condamner Monsieur [F] au versement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance,
-de condamner Monsieur [F] au versement de la somme de 17 880 euros en remboursement des frais engagés au titre du télétravail.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2022 et l’audience de plaidoiries a été fixée à la même date.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la convention de forfait et les heures supplémentaires :
M. [F] soutient que sa durée de travail n’a jamais été décomptée et que le prétendu forfait annuel stipulé à son contrat de travail ne respecte pas les conditions posées par la jurisprudence, à savoir la garantie du respect des durées maximales, des temps de repos journaliers et hebdomadaires, la mise en place de décompte des journées ou encore d’un suivi régulier de l’organisation de son travail. Il considère que le dispositif de forfait-jours ne lui est pas opposable et qu’il peut donc demander le paiement des heures supplémentaires qu’il a effectuées au-delà des 35 heures par semaine.
À ce titre, il indique qu’il ouvrait les locaux tous les matins à 7h30 environ, qu’il fermait l’entreprise et ne quittait jamais son lieu de travail avant 19 heures le soir et 17 heures le vendredi soir, comme le confirme sa géolocalisation Google de fin août 2016 à décembre 2016, déjeunant au surplus régulièrement sur son lieu de travail. Considérant, pour les besoins du calcul des heures supplémentaires, qu’il prenait chaque jour une heure pour déjeuner, il estime à 710,5 le nombre d’heures supplémentaires accomplies sur les trois dernières années et sollicite la somme de 119’824,40 € à titre de rappel de salaire, ainsi que les congés payés y afférents.
La société Los Angeles rappelle que le salarié était soumis, pour la période comprise entre octobre 2011 et février 2017, à une convention de forfait sans référence horaire défini par l’article L 3111-2 du code du travail et de l’article 15 de l’accord du 28 juillet 1998, statut applicable aux responsables de site, comme lui, ou aux cadres dirigeants, et, pour la période du 14 février 2017 à la fin du contrat de travail, à un forfait en jours sur l’année conforme à l’article L 3141-3 du code du travail et à la convention collective de la métallurgie, puisque toutes les modalités et garanties requises étaient prévues, d’autant qu’à partir du 21 février, l’avenant télétravail a renforcé l’autonomie du salarié qui se trouvait à son domicile.
La société intimée soutient, en ce qui concerne les heures supplémentaires, que le salarié n’avait pas de rythme de travail régulier, ni des horaires invariables, qu’il a été absent souvent et que les pièces qu’il produit ne permettent de soutenir sérieusement sa demande, de sorte qu’il ne passe pas l’étape préalable requise par la loi.
Selon l’article L. 3121-43 devenu L.3121-58 du code du travail, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année :
– les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés,
– les salariés dont la durée du travail ne peut pas être déterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
La mise en place d’une convention individuelle de forfait en heures ou en jours est subordonnée d’une part, à la conclusion d’un accord collectif déterminant notamment le nombre d’heures ou de jours dans le forfait et les règles de suivi de la charge de travail des salariés, ainsi que la période de référence du forfait et d’autre part, à la conclusion d’une convention individuelle de forfait formalisée par écrit.
À l’appui de sa demande d’inopposabilité du forfait-jours, M. [F] invoque son contrat de travail, l’avenant à son contrat de travail, non daté, ainsi que le compte rendu d’entretien de forfait jours signé par la société le 14 février 2017, non renseigné toutefois.
Le contrat de travail de M. [F] stipule en son article 3, intitulé ‘durée du travail ‘ forfait sans horaire’ que ‘Monsieur [F] est engagé à temps complet.
Compte tenu du niveau de responsabilités de Monsieur [F] et du degré d’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son emploi du temps, de son pouvoir de décision et du niveau de rémunération fixée, Monsieur [F] bénéficie d’un « forfait sans référence horaire » dans les conditions prévues par les dispositions du code du travail ; article 3111-2 et de l’article 15 de l’accord sur l’organisation du travail dans la métallurgie du 28 juillet 1898 modifié. Ce qu’il accepte expressément.
Sans remettre en cause le « forfait sans référence horaire » de Monsieur [F] , la société a décidé, afin de préserver la santé de Monsieur [F], que ce dernier bénéficiera d’un repos quotidien de 11 heures entre deux postes de travail (sauf dérogation), des congés payés et jours fériés applicables dans l’entreprise, du repos hebdomadaire de minimum 24 heures plus 11 heures (sauf dérogation). En outre, Monsieur [F] ne pourra travailler plus de 10 heures par jour de temps de travail effectif, pouvant être porté à 12 heures à titre exceptionnel, mais également de 48 heures par semaine (sauf dérogation).
Enfin, Monsieur [F] fera également un point annuel lors d’un entretien avec le Gérant sur sa charge de travail et l’amplitude de ses journées de travail.
Compte tenu de ses responsabilités et de son autonomie, Monsieur [F] s’engage à respecter les limites fixées ci-dessus dont il est le seul garant au vu de l’organisation de l’entreprise. À ce titre, il tiendra un document relatif au nombre de jours et demi-journées travaillés et des repos et congés divers pris qu’il remettra mensuellement au Gérant.’
Alors que l’employeur ne saurait se retrancher derrière la carence du salarié dans le renseignement du document mensuel relatif à son activité, il ne justifie pas du contrôle du temps, de la répartition du travail de M. [F] au sein de l’entreprise pour la période allant de la signature du contrat de travail au mois de février 2017, ni de sa charge de travail, alors que simultanément, M. [M][I], gérant de la société Los Angeles, l’engageait de façon insistante à prendre des congés payés, à l’issue des deux suspensions de son contrat de travail pour maladie.
En ce qui concerne l’avenant au contrat de travail, en son article 3 intitulé « durée du travail ‘ forfait en jours sur l’année », il stipule (sic):
‘ 3.1 Conformément à l’accord du 3 mars 2006, définit une catégorie de cadres pour laquelle il prévoit la conclusion de forfait en jours, catégorie à laquelle appartient Monsieur [F], compte tenu des caractéristiques de son emploi.
Monsieur [F] reconnaît en effet que ses horaires de travail ne peuvent être déterminés du fait de la nature de ses fonctions, du niveau de responsabilité qui est le sien, et du degré d’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son emploi du temps.
Par conséquent, la gestion du temps de travail de Monsieur [F] sera effectuée en nombre de jours, ce nombre étant fixé par l’accord susvisé à 217 jours par année complète d’activité en tenant compte du nombre maximum de jours de congés défini à l’article
L 3141 -3 du code du travail incluant la journée de solidarité.
Le temps de travail peut être réparti sur certains jours ou sur tous les jours ouvrables de la semaine, en journées ou demi-journées de travail. Le jour de repos hebdomadaire est, en principe, le dimanche, sauf dérogation dans les conditions fixées par les dispositions législatives et conventionnelles en vigueur.
3.2 Monsieur [F] veillera à organiser son activité dans le cadre de son forfait annuel en respectant les prescriptions définies par l’accord collectif et notamment :
‘ les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire ;
‘ le respect des coupures de mi-journée ou pause obligatoire ;
‘ amplitude de chaque journée travaillée raisonnablement ;
‘ interdiction d’utilisation des moyens de communication informatique à leur disposition pendant ses temps de repos impératif.
Dans le cadre de son temps de travail Monsieur [F] s’engage à respecter une amplitude maximum quotidienne de 12 heures pour chaque journée travaillée et un temps de repos quotidien de 12 heures. Pour la répartition de son temps de travail, sur les jours de la semaine, en journée ou demi-journée, Monsieur [F] rendra compte, notamment, des nécessités liées à la continuité du service, et au respect des engagements pouvant être pris ; tout en précisant qu’il pourra être prévu des périodes de présence nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. Pour rappel, un temps de repos hebdomadaire de 36 heures consécutives doit être observé.
Le respect des dispositions contractuelles illégales sera suivi au moyen d’un système déclaratif mensuel ; dans le cadre de la bonne exécution du présent forfait, un système de décompte du nombre de journées travaillées mis en place, faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées ainsi que la « qualification » des journées travaillées (repos hebdomadaire, congés payés, jours fériés, jours de repos pris au titre du présent forfait’).
De même Monsieur [F] devra remplir mensuellement le document de comptabilisation des journées ou demi-journées travaillées, des jours de repos hebdomadaire pris, des autres jours non travaillés et des indications du salarié quant au respect du repos quotidien. Lorsque le repos quotidien est inférieur à 12 heures consécutives Monsieur [F] devra indiquer quelle en a été la durée.
Monsieur [F] devra signer ses décomptes et les remettre tous les mois à sa hiérarchie. Un récapitulatif annuel sera remis à Monsieur [F] , dans les trois mois suivant la fin de la période […]’
Si l’employeur verse aux débats diverses fiches individuelles annuelles de décompte de la durée du travail contenant deux paraphes, la date du 14 février 2017 et la signature du supérieur hiérarchique du salarié, force est de constater que ces documents ne sont nullement renseignés et ne permettent donc pas de vérifier la durée du travail de M. [F], sa répartition, la prise de repos, et ce même lorsque le télétravail a été mis en place.
Il en résulte que la convention de forfait initialement mise en place, puis celle issue de l’avenant au contrat de travail, ne sont pas opposables à M. [F], lequel peut donc réclamer, le cas échéant, paiement d’heures supplémentaires qui n’auraient pas été rémunérées.
Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des
exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des
pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
À l’appui de sa demande de rappel de paiement d’heures supplémentaires, M. [F] verse aux débats les relevés de sa ‘géolocalisation Google’ de fin août 2016 au 6 décembre 2016, ainsi qu’un tableau tenant compte d’un horaire d’arrivée à 7h30, d’une pause déjeuner d’une heure et d’un départ à 19 heures, sauf le vendredi ( 17 heures), l’intéressé ayant les clés pour ouvrir et fermer l’établissement.
Ces éléments, partiellement concordants quant à une large amplitude de présence au sein de l’entreprise, identifiée notamment comme ‘Axima Sud’ dans les relevés de géolocalisation produits, sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que M. [F] prétend avoir accomplies pour permettre à la société intimée d’y répondre utilement.
La société Los Angeles conteste le décompte du salarié, soulignant qu’il part d’hypothèses contradictoires avec le rythme de travail qu’il invoque et avec ses responsabilités. Elle souligne les incohérences des relevés de déplacements enregistrés – de façon très partielle sur la période alléguée- sous l’application Google « vos trajets », relève que l’adresse de l’entreprise a changé de façon curieuse et qu’en tout état de cause, des modifications peuvent être apportées facilement aux trajets présentés. Elle fait valoir que M. [F] s’absentait pendant ses horaires de travail pour des rendez-vous personnels et qu’aucune heure supplémentaire ne lui est due.
La société intimée verse aux débats un tableau analysant les déplacements de M. [F] et faisant divers commentaires quant aux horaires allégués par ce dernier, quant aux incohérences constatées et quant à ses arrêts maladie (un avis d’arrêt de travail de décembre 2016 est versé) non pris en compte par l’intéressé. Elle produit également le courrier de la mairie de [Localité 5] relativement au changement de dénomination de la zone dans laquelle se trouve l’entreprise, le procès-verbal d’un huissier, en date du 21 octobre 2021, faisant divers constats, dont celui que des modifications peuvent être apportées sur les horaires des trajets, la destination, ainsi que le mode de transport choisi dans l’application utilisée par le salarié, ainsi que les attestations de Mme [Z] [I], chef de projet, de Mme S [U]., chef de groupe, de Mme [S][P], comptable, faisant état des discussions de M. [F] avec les autres salariés vers 17 heures et de sa demande régulière que les bureaux soient inoccupés vers 18 heures, souhaitant lui-même partir à cet horaire.
Cependant, outre le fait que ces dernières attestations sont dactylographiées et ne remplissent donc pas les conditions requises par l’article 202 du code de procédure civile, la société intimée ne verse aucun élément relatif à la durée précise du travail de M. [F].
Il convient donc de retenir que des heures supplémentaires ont été accomplies, sans être rémunérées comme le montre la lecture des bulletins de salaires versés au débat.
Toutefois, en l’état des incohérences mises à jour par la société intimée, des arrêts maladie subis par le salarié et de diverses anomalies relevées dans les décomptes produits, il convient de fixer à 14’242,80 € le rappel de salaire dû à M. [F] à ce titre.
La société Los Angeles doit également être condamnée aux congés payés y afférents.
Sur le repos compensateur :
M. [F] développe un argumentaire au soutien d’une demande relative au repos compensateur, laquelle ne figure cependant pas dans le dispositif de ses conclusions.
Il convient de constater que la cour n’est donc pas saisie de demande à ce titre.
Sur le travail dissimulé :
M. [F], qui affirme rapporter la preuve d’un nombre important d’heures supplémentaires, considère qu’un travail dissimulé est caractérisé de ce fait et sollicite la somme de 24’928,62 € sur le fondement de l’article L8223-1 du code du travail.
La société Los Angeles relève que M. [F] ne démontre pas le caractère intentionnel de la dissimulation, pas plus qu’il ne démontre l’existence d’heures supplémentaires. Il conclut à son débouté.
Selon l’article L 8221-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘est réputé
travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’
Le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de salaire.
L’article L 8223-1 du code du travail prévoit qu’« en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».
En l’espèce, M. [F] ne démontre pas l’intention de dissimulation de la part de la société Los Angeles, ni d’ailleurs ne l’invoque.
La demande de paiement de l’indemnité pour travail dissimulé ne saurait donc aboutir.
Sur le harcèlement moral :
M. [F] soutient avoir fait l’objet d’un harcèlement moral de la part de son employeur, du fait d’une surcharge de travail ayant conduit à son arrêt prolongé à la fin de l’année 2016, le poste d’achat-préparation-lancement ayant été supprimé, la formation de M. [G] à l’utilisation du logiciel de gestion- production ayant dû être effective, le chef d’atelier parti à la retraite en décembre 2015 ayant été remplacé par un salarié inexpérimenté devant être suppléé pour les travaux difficiles. Il fait état également d’un manque de moyens mis à sa disposition et d’une absence de définition claire des fonctions et de l’organisation du travail.
Il reproche également à son employeur de l’avoir rétrogradé à son retour d’arrêt maladie, de l’avoir déchargé de certaines de ses fonctions et mis au placard au profit de Mme [U], devenue chef de groupe, de l’avoir contraint de signer un avenant en date du 17 février 2017 sous la menace illégitime de perdre son emploi. Il se plaint en outre de la manipulation de son employeur, ayant fait preuve d’acharnement à son encontre, en lui adressant des ordres et contre-ordres par mails à toute heure de la journée.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et
L.1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [F] produit, au soutien de son argumentaire, son bulletin de salaire de novembre 2016 sur lequel figurent 30,5 jours de congés payés non pris, un échange de courriels au sujet d’équipements pour le projet ADP montrant que quatre mois après la première demande, des retouches étaient requises par son employeur, un courriel du 9 janvier 2017 au sujet de l’organisation de l’entreprise et alertant sur sa charge de travail et son impossibilité de poser ses congés, indiquant en outre ‘suivant votre proposition de vendredi, je traiterai les appels d’offres dans « mon coin ». Je serais coupé de la production, une frontière s’établira. La production serait privée de mon expérience et de ma connaissance de l’usine. Vis-à-vis des clients je serais en porte-à-faux et je ne me vois pas répondre aux clients sans faire partie de l’équipe de production. Ceci me paraît moins efficace.’
Sont en outre versés aux débats des échanges entre M. [F] et le représentant de l’entreprise contenant les doléances du salarié ‘je me fais jeter par les gens de l’atelier’, ‘vu comme on me respecte par ailleurs et qu’on me prend de haut’,’ oui mais moi j’y laisse ma santé” dont un échange du 24 février 2017 qui, à quelques secondes d’intervalle, évoque la nécessité pour le salarié de prendre des vacances et du recul mais exigeant de lui «maintenant venez pour ADP », ainsi que le certificat de travail de M. [F] mentionnant du 30 septembre 2011 au 30 janvier 2017 son statut de responsable de site et à compter de cette dernière date celui de ‘chargé de projet recherche et développement’ ainsi que le profil linkedin de Mme [U] se présentant comme chef de groupe au sein du groupe New York à compter de janvier 2017.
M. [F] présente également l’avenant à son contrat de travail signé par lui et stipulant son accord pour de nouvelles fonctions de « chargé de projet recherche-développement », statut cadre position IIIA , niveau 135.
M. [F] présente ainsi des éléments de fait, établissant l’absence de congés pendant une période certaine, la modification de son statut dans des conditions décriées par lui, des directives contradictoires de la part du gérant de l’entreprise, notamment sur un gros projet, des critiques sur le comportement de ses collègues à son encontre, lesquels laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.
La société Los Angeles estime que les éléments apportés par M. [F] ne relèvent pas d’un harcèlement moral ou ne sont pas établis. Elle soutient que le salarié exagère la suspension de son contrat de travail pour cause de maladie, ses arrêts de travail ayant duré trois jours et du 6 au 14 décembre 2016, le reste de son absence correspondant à des congés payés, que sa situation n’est due qu’à ses propres carences et notamment à sa mauvaise organisation dans le projet ADP alors qu’il a bénéficié de neuf mois pour préparer l’étude du chiffrage de la tôlerie, qu’il a retrouvé ses fonctions de responsable de site à sa reprise le 23 janvier 2017 mais est convenu, avec son employeur, d’une décharge de certaines de ses fonctions stressantes pour préserver sa santé. La société intimée relève que l’intéressé a pris le temps de la réflexion pour signer cet avenant qui a donné lieu à de longues négociations et qui ne contient aucune donnée imposée.
La société, qui conteste toute rétrogradation, réfute toute surcharge de travail également, M. [F] décidant seul de son emploi du temps sur place et de ses absences, affirme que le salarié était désorganisé, ce qui a expliqué son épuisement professionnel et que depuis février 2017, il envisageait manifestement de quitter la société Los Angeles. Elle souligne qu’il n’a pas été mis à l’écart, mais persistant à dénigrer le travail de l’équipe, s’est vu répondre qu’il devait s’en tenir aux tâches qui lui étaient réservées, que plusieurs mesures ont été mises en ‘uvre pour l’aider (prise de congés pour préserver sa santé, accompagnement et échanges sur Skype à tout moment, aménagement de son poste en février 2017, proposition de travailler pour la société Manhattan, faisant partie du même groupe, en télétravail).
La société Los Angeles verse aux débats plusieurs attestations de salariés, dont celle de Mme [U], chef de groupe, s’étant heurtée après l’annonce du changement de poste de M. [F] à une grande désinvolture de ce dernier qui refusait de travailler en équipe, qui se montrait extrêmement critique vis-à-vis des membres du personnel, dont celle de M. [Y][O]., salarié de l’entreprise, affirmant que M. [F] lui avait demandé ‘avant de partir en congé fin octobre 2016’ ‘de ne pas toucher le dossier ADP en fabrication avant son retour’ alors qu’il était désoeuvré au sein de l’atelier.
Par ailleurs, les extraits d’échanges Skype entre M.[M] [I], gérant, et M. [F] de 2013 à 2017 montrent de nombreuses interactions ne différant pas des échanges ordinaires d’un salarié avec son employeur sur des dossiers posant des questionnements nombreux, notamment fin novembre- début décembre 2016 à l’occasion de difficultés rencontrées avec des connexions leds ‘ tridonic’.
Il résulte également des échanges Skype que le salarié s’est plaint régulièrement du ton employé à son encontre de la part des gens de l’atelier ‘maintenant je me fais jeter par les gens de l’atelier’ (17 février 2017) ; cependant, divers témoignages critiquent le comportement de M. [F] avec certains membres du personnel, ce que confirme indirectement un courriel d’un salarié, M. [E][A], en date du 13 décembre 2016, ayant visité l’usine, dans le Sud, et relatant que ‘l’équipe s’est soudée autour de [D] qui gère [E], [Y] le chef d’atelier et l’ensemble du personnel’, ‘ [B] peut se reposer’ et indiquant ‘il serait bien d’ailleurs que [D] continue à gérer la production, les délais, les hommes. [B] pourrait alors se concentrer en tant que responsable de site, aux nouveaux clients, appel d’offres, devis’ sans avoir la pression du quotidien’, après avoir décrit le désordre, le délabrement et la saleté importante existant au sein – comme à l’extérieur- de l’établissement dont M. [F] était le responsable.
Il est versé aussi des courriels échangés entre l’appelant et Mme [U] en date du 2 février 2017 relativement au ton utilisé envers lui, lequel a stigmatisé les expressions ‘dans votre grande bonté’, ‘rapidement sur ce sujet-là au moins’; il en résulte que des réponses ont été apportées sur ces points par l’intéressée.
S’il a sollicité que les rôles de chacun dans l’entreprise soient précisés, il est manifeste pourtant que M. [F] a accepté de parler à son retour de maladie de ses nouvelles fonctions à l’équipe de l’établissement dont il avait été le responsable, que dans les échanges Skype du 21 février 2017, ce dernier qui questionnait ‘qui décide de mes priorités’ [W] ” avait reçu la réponse ‘ensemble’ et que l’avenant au contrat de travail modifiant les fonctions de M. [B] [F] a été signé par ce dernier, après négociations entre les parties et après propositions du salarié qui émettait diverses suggestions dans un courriel du 9 janvier 2017 sur la nouvelle organisation à mettre en place. En outre, la demande qui a été faite à l’appelant de signer ledit avenant dans la journée s’inscrit à la fin desdites négociation, et ne saurait constituer une pression sur l’intéressé.
Enfin, l’avenant ‘télétravail’, conforme à la demande de l’intéressé, a été signé le 21 février 2017.
En ce qui concerne les conditions de travail dégradées ainsi que les mauvaises relations à l’intérieur de l’équipe, le salarié se plaignant d’avoir été ‘bousculé’ et traité de ‘sale con’, estimant être ‘arrivé à un point de non-retour’dans son échange du 24 février 2017, l’employeur qui lui demandait de ‘laisser du temps au temps’, de ‘prendre vos distances pendant un certain temps’, de ne pas retourner à l’usine et organisant son télétravail, justifie que certaines réactions intervenaient consécutivement au comportement de l’appelant; la société Los Angeles produit en effet la copie de la main courante de M.[E][G], salarié de l’entreprise qui, informant son supérieur hiérarchique, M. [F], d’une agression survenue avec un collègue le 18 novembre 2015, a constaté que ‘ cela l’a fait rire’, ainsi que la copie d’une main courante du 1er mars 2017 du même salarié se plaignant de l’attitude ‘menaçante’ du chef de site à qui il a demandé à plusieurs reprises ‘de le laisser tranquille de ne pas se comporter de la sorte envers lui comme il le fait régulièrement mais sans résultat’ et estimant que ‘cette situation avec son employeur empire de jour en jour et qu’il serait victime de harcèlement moral’.
La société Los Angeles verse également aux débats le courriel de Mme [S][P], comptable, adressant à M. [F] un courriel suite au comportement de ce dernier le 27 janvier 2017, comportement qualifié d”incorrect, irrespectueux. Je ne pense absolument pas être en tort. Vous m’avez posé une question par Skype auquel je vous ai répondu par une autre question effectivement pour répondre au mieux à votre question. Suite à cela vous avez déboulé dans mon bureau en me disant que je cherchais que des problèmes et jamais les réponses. […] Vous m’avez parlé comme à une « merde » je ne tolère absolument pas que vous me parliez comme ça en criant[…] J’estime que vous pouvez me présenter vos excuses pour votre comportement c’est un minimum. Je ne souhaite pas continuer à travailler dans ces conditions avec vous car pour moi c’est intolérable je suis pas un chien.[…] Sachant que dans le passé, il y a déjà eu un problème avec vous quand j’étais déléguée du personnel, vous m’avez traité de « petite conne », donc c’est la deuxième fois’.
Si l’employeur fait lui-même le constat du risque pris par le salarié, dans un contexte de pression subie dans un dossier difficile et d’une charge de travail importante (cf les échanges Skype : ‘Je ne souhaite pas prendre le moindre risque. Vous avez accumulé trop de vacances qui sont nécessaires’), ayant conduit à deux arrêts de travail du salarié en décembre 2016, les messages du représentant de la société Los Angeles, comme ceux échangés avec Mme [U], sont empreints d’empathie ‘prenez vos vacances’,’je pense que ce serait mieux que vous preniez vos vacances. Je vous le demande pour que vous ne preniez pas de risque’ et ‘ce qui compte c’est que ça se passe bien’, ‘appelez-moi quand ça va pas’, loin d’une situation de harcèlement moral.
Au vu des pièces produites par l’employeur, les faits établis par le salarié étaient justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.
Les demandes relatives à un licenciement nul, parce que consécutif à du harcèlement moral,et d’indemnisation d’un tel harcèlement, ne sauraient donc prospérer.
Sur l’obligation de sécurité :
M. [F] soutient, à titre subsidiaire, que la société Los Angeles a manqué à son obligation de santé et de sécurité. En effet, l’appelant indique que son employeur n’a pris aucune mesure pour préserver sa santé, alors qu’il était un salarié dont il connaissait l’état particulièrement dégradé.
La société intimée affirme ne pas avoir manqué à son obligation de sécurité.
En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, il appartient à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. Il s’agit notamment pour lui de prévenir les risques professionnels, d’informer et de former les salariés sur ces risques, et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés à la situation de travail. La violation de cette obligation peut conduire l’employeur à indemniser le préjudice qui en est résulté pour le salarié.
En l’espèce, il a été vu que la convention de forfait n’avait donné lieu à aucun contrôle de la durée et de la répartition du temps de travail du salarié, pas plus que de sa prise de congés payés, et que M. [F] avait accompli de nombreuses heures supplémentaires. Différents échanges quant à un gros dossier devant être prêt à une date particulière, malgré différents ajustements à mettre en ‘uvre, ont montré en outre la pression subie par M. [F].
Toutefois, il n’est justifié de la part de la société Los Angeles d’aucune mesure prise pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de M. [F], alors qu’elle avait identifié le ‘risque pris par le salarié’, selon sa propre expression dans un message Skype, et l’avait engagé à prendre des congés après deux arrêts maladie, puis à les prolonger.
En effet, les seules propositions faites par l’employeur au salarié de prendre des congés, puis celle de collaborer dans le cadre d’un télétravail, lequel a été mis en place tardivement au surplus, ne sauraient constituer des mesures prises dans le cadre de l’obligation de sécurité, en prévention et donc en amont du risque.
La chronologie des arrêts de travail, des congés payés, de la reprise et de l’inaptitude temporaire, suivie de nouvelles suspensions du contrat de travail, jusqu’à l’inaptitude définitive du salarié à tout poste dans l’entreprise permet, dans un contexte de défaut de contrôle de sa charge de travail et d’absence de mesure évitant la pression subie par l’intéressé, de relever des manquements de la société Los Angeles à son obligation de sécurité.
Le préjudice subi par le salarié de ce fait doit être réparé à hauteur de 4’000 €.
Sur le licenciement :
M. [F] soutient que son licenciement est dû au manquement de la société Los Angeles à son obligation de sécurité et ajoute au surplus que son employeur a manqué à son obligation de reclassement dans la mesure où aucun poste ne lui a été proposé.
Il invoque en outre l’absence de délégation de pouvoir entre le gérant et la signataire de la lettre de licenciement, rendant la rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse.
La société Los Angeles conclut au rejet de la demande. S’agissant du reclassement, elle affirme en avoir été dispensée par le médecin du travail. Elle précise avoir toutefois mené une procédure complète de reclassement, en vain.
Les manquements constatés de l’employeur à son obligation de sécurité ont été, eu égard à la chronologie des événements, manifestement à l’origine de l’inaptitude constatée et de la rupture de la relation de travail.
Par ailleurs, la lettre de licenciement doit être signée et émaner de la personne ayant qualité pour prononcer le licenciement. Le pouvoir de licencier peut être délégué par l’employeur à son représentant.
Alors que la notification du licenciement incombe à l’employeur, il n’est pas justifié d’une délégation de pouvoir – même tacite – (nonobstant l’attestation en ce sens de M. [M][I], sujette à caution en raison de la qualité de son auteur, et en l’absence de tout élément objectif pour le corroborer) ou d’une compétence particulière attribuée en matière de ressources humaines à la chef de groupe, lui donnant pouvoir de rompre le contrat de travail de M. [F], lequel – selon les termes de l’avenant du 14 février 2017, en sa qualité de ‘chargé de projets recherche et développement’, rendait compte directement au gérant de la société, M.[M][I]- , ni donnant valeur à sa signature sur la lettre de licenciement, en lieu et place de celle du représentant légal de l’entreprise.
Il convient donc de dire, pour ces deux raisons, que le licenciement de M. [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il convient par conséquent d’accueillir la demande d’indemnité compensatrice de préavis, à hauteur du montant réclamé, correspondant à trois mois de salaire, ainsi que les congés payés y afférents.
Tenant compte de l’âge du salarié (58 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté (de 20 ans et 10 mois), de son salaire moyen mensuel brut (soit 4 154,77 €), de l’absence de justification de sa situation professionnelle après la rupture, il y a lieu de fixer à 60 000 € la réparation de ce licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, par application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige.
Sur le salaire minimum conventionnel :
M. [F] considère qu’il aurait dû bénéficier au moins du coefficient 180 au regard de la réalité de ses fonctions depuis 2011 et de sa qualification (ingénieur diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers). Il sollicite la somme de 31’722,48 à titre de rappel de salaire sur les trois dernières années.
La société Los Angeles fait valoir que le salarié a accepté le coefficient 135 qui lui a été appliqué et que sa demande qui porte donc sur les années 2008 à 2011 est prescrite, d’autant qu’un juriste du syndicat patronal de la métallurgie a confirmé l’utilisation du coefficient correspondant à l’emploi de M. [F]. Elle souligne que l’intéressé n’a apporté qu’un seul client, qu’il n’avait que ses équipes à gérer, qu’il était simple responsable de production et qu’il n’a jamais assuré de réunions de délégués du personnel, partie assurée par sa binôme Mme [U], qui se chargeait également des recrutements et de la gestion du personnel.
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
Déterminer la classification dont relève un salarié suppose donc l’analyse de la réalité des fonctions par lui exercées, au vu des éléments produits par les parties, et leur comparaison avec la classification de la convention collective nationale applicable.
Les mentions portées sur le bulletin de paie ou même celles du contrat de travail ne sont que des indices, non déterminants à eux seuls.
Il convient de relever, tout d’abord, que la demande de M. [F] portant sur les trois dernières années de la relation de travail, aucune prescription n’est encourue en l’espèce.
Par courrier du 30 mai 2011, M. [F] a listé les différentes activités et responsabilités lui incombant et sollicité, pour son poste de responsable de production, le coefficient 135, estimant être en réalité un responsable de site, comme indiqué sur les documents commerciaux et administratifs.
Selon l’article 22 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie, le coefficient 135 correspond à la position repère IIIA, c’est-à-dire à un ‘ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en ‘uvre non seulement des connaissances équivalentes à celles sanctionnées par un diplôme mais aussi des connaissances fondamentales et une expérience étendue dans une spécialité. Ces activités sont généralement définies par son chef qui, dans certains entreprises, peut être le chef d’entreprise lui-même.
Sa place dans la hiérarchie le situe au-dessus des agents de maîtrise et des ingénieurs et cadres placés éventuellement sous son autorité ou bien comporte dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités exigeant une large autonomie de jugement et d’initiative dans le cadre de ses attributions’.
Le coefficient 180 revendiqué par M. [F] correspond à la position repère IIIB, c’est-à-dire à un ‘ingénieur ou cadre exerçant des fonctions dans lesquelles il met en ‘uvre des connaissances théoriques et une expérience étendue dépassant le cadre de la spécialisation conduisant à une haute spécialisation.
Sa place dans la hiérarchie lui donne le commandement sur un ou plusieurs ingénieurs ou cadres des positions précédentes dont il oriente et contrôle les activités, ou bien comporte, dans les domaines scientifique, technique, commercial, administratif ou de gestion, des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d’initiative.’
Si M. [F], qui a exercé les fonctions de responsable de site, devait :
‘ « assurer la production en quantité et en qualité des produits confectionnés dans l’usine, en respectant les délais de production en fonction des impératifs commerciaux et de production,
‘ animer et organiser le travail des personnels placés sous son autorité hiérarchique et ce, en s’appuyant sur les cadres et agents de maîtrise, à l’exception du responsable administratif et financier,
‘ suivi des prix de revient, élaboration des tarifs, contrôle des marges,
‘ présentation mensuelle au Gérant sous forme de tableaux des éléments de gestion (chiffre d’affaires, marge, résultats d’exploitation, analyse des écarts, plans de trésorerie),
‘ entreprendre toutes actions visant à l’amélioration de la productivité, du respect des règles d’hygiène, de sécurité, de la bonne conduite des matériels et au respect des consignes d’entretien courant des machines, bâtiments et tous équipements de l’usine,
‘ animer les réunions de délégués du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail le cas échéant,
‘ contrôler la sous-traitance de produits distribués sous les aspects qualité, prix et marges,
‘ participer à l’élaboration des plannings de travail,
‘ veiller scrupuleusement à la qualité du travail accompli et apporter les corrections nécessaires pour que soient respectés les objectifs,
‘ veiller au respect de la discipline dans l’atelier,
‘ assurer la mise en ordre, ouverture et la fermeture des portes de l’atelier avant et après le départ des ouvriers », selon les termes mêmes de son contrat de travail, il ne justifie pas avoir accompli de mission sociale auprès des délégués du personnel ou membre du CHSCT par exemple, cette mission incombant à Mme [U], selon les attestations produites par la société intimée.
Il résulte par ailleurs de l’organigramme de l’entreprise que M. [F] dirigeait et encadrait les salariés de l’atelier ; cependant, il n’est pas justifié d’un nombre important de personnel ainsi encadré, ni de leur niveau de compétences. Si l’intéressé justifie d’une large autonomie dans ses attributions, il résulte des pièces produites que ses activités étaient précisément définies par le chef d’entreprise.
Enfin, si le bulletin de salaire de M. [E][Z], au coefficient 240, est produit par la société Los Angeles qui invoque qu’il est entaché d’une erreur matérielle, le niveau de rémunération de ce salarié n’apparaît pas supérieur, ni égal à celui de M. [F] à la période considérée. Ce dernier ne saurait donc valablement se prévaloir de ce document, ni d’une différence de traitement.
L’appelant ne justifie donc pas de l’exécution, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, de tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique, à savoir le coefficient 180.
Sa demande de rappel de salaire ne saurait donc prospérer.
Sur la rémunération variable :
M. [F] affirme que la clause de son contrat de travail relative à la rémunération variable n’a jamais été mise en ‘uvre, pas plus que les critères afférents, et qu’il aurait dû percevoir 5 % du résultat d’exploitation de la société Los Angeles. Il réclame la somme de 7408,49 €
à ce titre, pour les trois dernières années avant la rupture de son contrat de travail.
La société Los Angeles affirme que l’article 4 du contrat de travail du 20 octobre 2011 prévoyait une rémunération variable seulement pour les années 2011et 2012, égale à 5 % du résultat d’exploitation supérieur à 50’000 €, rien n’ayant été prévu pour la suite. En tout état de cause, elle souligne que les résultats au cours des trois dernières années avant la rupture du contrat de travail de M. [F] ont été au 30 avril 2015 de 84’131 €, au 30 avril 2016 de 20’805 € et au 30 avril 2017 de ‘ 386 261 €.
Le contrat de travail signé par les parties le 20 octobre 2011 stipule en son article 4 ‘une augmentation de son salaire fixé forfaitaire (ci-dessus), déterminé selon les modalités suivantes :
Modalités générales :
– Chaque année, par lettre avenant, en fonction du résultat d’exploitation envisagée pour l’exercice de la société SARL NIM, un pourcentage d’augmentation du salaire fixe forfaitaire sera déterminé.
‘ Ce pourcentage sera arrêté, d’un commun accord et chaque année, en fonction, du contexte économique général, des résultats de la société SARL NIM et des perspectives pour l’année à venir.
Augmentation fixée pour l’exercice comptable 2011 :
‘ 5 % d’augmentation du salaire mensuel forfaitaire, si et seulement si, le résultat d’exploitation de la société SARL NIM atteint 50’000 euros au terme de l’exercice 2011.
Augmentation fixée pour l’exercice comptable 2012 :
5 % d’augmentation du salaire mensuel forfaitaire, si et seulement si, le résultat d’exploitation de la société SARL NIM atteint 50’000 euros au terme de l’exercice 2012.
Les parties conviennent que cette modalité ne doit être établie au détriment de la sécurité des personnes et des biens de la société.’
Si des exemples de la rémunération variable sont fixés pour l’exercice 2011 et l’exercice 2012, force est de constater que le contrat de travail a stipulé une rémunération variable ‘chaque année’, déterminée d’un commun accord et en fonction du contexte économique général, des résultats de l’entreprise et des perspectives d’avenir.
En l’absence de fixation de tout critère d’appréciation de cette rémunération variable, il convient d’appliquer l’augmentation prévue pour les exercices envisagés.
Si la société Los Angeles produit plusieurs comptes de résultat au 30 avril, elle ne produit pas ceux correspondant au terme des exercices 2015, 2016, 2017; il convient donc d’accueillir la demande à hauteur du montant réclamé correspondant à 5 % de la rémunération de M. [F] pour la période considérée.
Sur la portabilité des droits à la prévoyance :
M. [F] invoque un préjudice distinct relatif au déficit d’information qu’il a subi quant à la portabilité de ses droits santé et prévoyance, son employeur ayant d’ailleurs manqué à ses obligations dans la transmission du dossier à la mutuelle. Il réclame la somme symbolique d’un euro à titre de dommages-intérêts.
La société Los Angeles invoque un courriel du 21 février 2018 et la carence du salarié dans les démarches à ce titre, soutient ne pouvoir être tenu pour responsable et conclut au rejet de la demande.
Il n’est pas justifié, ni dans la lettre de licenciement, ni dans un document postérieur, de l’information du salarié quant à la portabilité de ses droits santé et prévoyance.
S’il résulte d’un échange de courriels entre la mutuelle et la société Los Angeles que M. [F] devait fournir une attestation d’indemnisation de Pôle Emploi pour pouvoir bénéficier de la prolongation de ses droits au-delà du 1er mai 2018, il y est indiqué que ‘ le nécessaire a été fait le 23/02′; force est de constater qu’il n’est pas justifié de la part de l’entreprise de l’envoi à l’intéressé du document relatif à la portabilité de ses droits et qu’une relance a été nécessaire de la part de M. [F] en février 2018.
L’indemnisation du préjudice qui en est résulté pour lui (courriel à la mutuelle et relance) doit être indemnisé à hauteur d’un euro.
Sur l’installation du serveur :
La société Los Angeles affirme avoir dû dépenser près de 18’000 € pour installer un serveur et permettre à M. [F] de travailler à son domicile. Invoquant ces circonstances mais aussi la mauvaise foi et la déloyauté du salarié, elle sollicite le remboursement de la somme de 17’880 €.
M. [F] conteste devoir prendre en charge le coût de son outil de travail, d’autant que le serveur, devenue obsolète, devait être remplacé et que l’accès à distance a été potentiellement utile à d’autres salariées. Considérant la demande dénuée de tout fondement juridique et destinée à l’intimider, le salarié conclut à son rejet et à la confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Le coût d’une installation au profit d’un salarié incombe à l’employeur, et ce même dans le cas où la rupture du contrat de travail l’aurait rendue non nécessaire.
La demande présentée par la société Los Angeles doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur les intérêts :
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil et R1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil, courent sur les créances de sommes d’argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi ( rappels de salaire, indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis) à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et sur les autres sommes à compter du présent arrêt.
Sur la remise de documents :
La remise d’un bulletin de salaire rectificatif conforme à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la société Los Angeles n’étant versé au débat.
Sur le remboursement des indemnités de chômage:
Les dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d’espèce, le licenciement de M. [F] étant sans cause réelle et sérieuse, d’ordonner le remboursement par la société Los Angeles des indemnités chômage perçues par l’intéressé, dans la limite de six mois d’indemnités.
Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de Pôle Emploi, conformément aux dispositions de l’article R 1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.
L’équité commande d’infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile également en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 3 000 € à M. [F].
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la nullité du licenciement, au harcèlement moral, au travail dissimulé, au minimum conventionnel, au remboursement des frais engagés au titre du télétravail, aux frais irrépétibles de la société Los Angeles,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT le licenciement de M. [B] [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Los Angeles à payer à M. [F] les sommes de :
– 14’242,80 € à titre de rappel d’heures supplémentaires,
– 1 424,28 € au titre des congés payés y afférents,
– 12 464,30 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1 246,43 € au titre des congés payés y afférents,
– 60 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 4 000 € de dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité,
– 1 € de dommages-intérêts au titre de l’information sur la portabilité des droits,
– 7 408,49 € à titre de rappel de rémunération variable,
– 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil, sont dus à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation pour les créances de sommes d’argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi, et à compter du présent arrêt pour le surplus,
ORDONNE la remise par la société Los Angeles à M. [F] d’un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,
ORDONNE le remboursement par la société Los Angeles aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à M. [F] dans la limite de six mois,
ORDONNE l’envoi par le greffe d’une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de Pôle Emploi,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE la société Los Angeles aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE