Your cart is currently empty!
4 avril 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/02426
PhD/ND
Numéro 23/1239
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 04/04/2023
Dossier : N° RG 21/02426 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H53C
Nature affaire :
Autres demandes relatives au fonctionnement du groupement
Affaire :
[G] [F]
S.A.R.L. FICORVUS
C/
[J] [Z]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 04 avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 07 Février 2023, devant :
Monsieur Philippe DARRACQ, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,
Philippe DARRACQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [G] [F]
né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 3]
[Adresse 3]
S.A.R.L. FICORVUS
immatriculée au RCS de Pau sous le n° 824 492 052, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur [F] [G], en sa qualité de gérant, domicilié és qualités au siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par Me David BONNEMASON CARRERE de la SELARL ACBC, avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur [J] [Z]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Stéphane SUISSA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 01 JUIN 2021
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE PAU
FAITS – PROCEDURE – PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
M. [J] [Z] était l’associé-unique (1000 parts) de la société Agor (sarl) qui détenait elle-même les 14.900 parts sociales, M. [Z] détenant les 100 autres, de la société Roga France (sarl), les sociétés exploitant une activité de commerce de négoce de produits chimiques et de matériels aux professionnels du bâtiment, collectivités et industries.
Par acte sous seing privé du 20 juillet 2018, M. [Z] s’est engagé à céder, sous diverses conditions suspensives, à M. [G] [F] et la société Ficorvus (sarl) :
– les 1000 parts sociales détenues dans la société Agor
– les 100 parts sociales détenues dans la société Roga France
Par acte sous seing privé du 1er octobre 2018, les parties ont régularisé l’acte définitif de cession moyennant un prix de base de 824.000 euros révisable en fonction de certains événements dont l’évolution des capitaux propres entre les bilans au 30 septembre 2017 et ceux au 30 septembre 2018, ceux-ci devant être arrêtés avant le 28 février 2019.
M. [Z] a été embauché par la société Agor en qualité de directeur commercial pour une durée de 18 mois.
Le 5 février 2019, M. [Z] a été licencié pour faute grave.
Par ailleurs, les cessionnaires ont émis des contestations sur la révision du prix de base de la cession des parts sociales.
Par requête du 12 avril 2019, M. [Z] a saisi le président du tribunal de commerce de Pau d’une demande de désignation du tiers-expert prévu par les clauses de l’acte de cession des parts sociales.
Par ordonnance du 18 avril 2019, le président du tribunal de commerce a désigné M. [V] en qualité de tiers-expert avec pour mission irrévocable d’arrêter de manière définitive, sans possibilité d’appel, les capitaux propres de cession et par conséquent le prix en résultant, en tenant compte des règles comptables, mais également de la convention des parties et notamment des corrections extracomptables citées aux termes de l’acte de cession.
Le tiers-expert a déposé son rapport le 18 octobre 2019, rectifié le 13 novembre 2019, arrêtant de manière définitive le bilan de cession et fixant le prix de base définitif de la cession à la somme de 827.704 euros.
Les cessionnaires ont émis de nouvelles contestations susceptibles d’affecter la validité, l’interprétation et l’exécution de l’acte de cession des parts sociales, sollicitant la mise en place d’une procédure de conciliation prévue par ledit acte.
A défaut de tout accord, et suivant exploit du 9 avril 2020, M. [F] et la société Ficorvus (les cessionnaires) ont fait assigner M. [Z] (le cédant) par devant le tribunal de commerce de Pau en indemnisation de leur préjudice pour dol sur le fondement des articles 1131 et suivants, 1178, 1352 et 1240 du code civil.
Par jugement du 1er juin 2021, auquel il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le tribunal a :
– débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes
– dit qu’il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné à parts égales la société Ficorvus et M. [F] aux dépens de l’instance.
Par une première déclaration faite au greffe de la cour le 20 juillet 2021, la société Ficorvus et M. [F] ont relevé appel de ce jugement en omettant de désigner la partie intimée.
Par une seconde déclaration faite le 22 juillet 2021, les appelants ont régularisé leur appel à l’égard de M. [Z].
Une ordonnance du conseiller de la mise en état du 31 août 2021 a joint les deux actes d’appel.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 janvier 2023.
***
Vu les dernières conclusions notifiées le 20 décembre 2022 par les appelants qui ont demandé à la cour, au visa des articles 1131 et suivants, 1178, 1352 et 1240 du code civil, d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de :
– débouter M. [Z] de ses demandes
– condamner M. [Z] à leur payer la somme de 891.082 euros ainsi décomposée :
– 439.125 euros au titre du préjudice résultant de la baisse du prix de base
– 440.257 euros à titre de dommages et intérêts
– condamner M. [Z] à payer à M. [F] la somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Si la cour ne devait pas s’estimer suffisamment informée, désigner, au visa de l’article 232 du code de procédure civile, un expert judiciaire afin d’examiner et chiffrer les demandes formulées par chacune des parties relatives au calcul du prix de base de cession, à la rentabilité future, aux points cadeaux consommés et aux créances clients recouvrées, et effectuer les comptes entre les parties.
En tout état de cause, condamner M. [Z] à leur payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
*
Vu les dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2022 par M. [Z] qui a demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté les requérants de leurs demandes et, l’infirmant pour le surplus, de :
– l’autoriser, accompagner de son expert-comptable, à se rendre au siège de la société Roga, dans les 15 jours de la signification de l’arrêt à intervenir, sous réserve de prévenir 48 heures à l’avance, aux fins de procéder à une extraction du logiciel comptable permettant de vérifier la réalité de la livraison des cadeaux correspondants aux points invoqués par la société Ficorvus et M. [F], et de déterminer ainsi le montant indûment provisionné, qui devra être réintégré et faire l’objet d’un complément de prix
– condamner la société Ficorvus et M. [F] à communiquer, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, l’ensemble des pièces permettant de chiffrer le complément de prix auquel M. [Z] a droit au titre de la seconde révision du prix fixée en pages 5 et 6 de l’acte de cession, à savoir : le grand livre des comptes clients, les comptes 416, tous comptes de gestion relatifs aux créances douteuses, irrécouvrables, provisionnées ou reprise de provision, pour la période du 01/10/2018 au 30/09/2019, tant pour Agor que pour Roga, et plus généralement, toutes informations et documents nécessaires ou utiles à l’exécution du mécanisme de révision de prix
– condamner solidairement la société Ficorvus et M. [F] à lui payer les sommes de :
– 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi à la suite de la cession de parts
– 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance
– en toutes hypothèses, condamner solidairement la société Ficorvus et M. [F] et lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel.
MOTIFS
1 – sur les pièces produites après l’ordonnance de clôture
Aux termes de l’article 802 du code de procédure civile, aucune pièce ne peut être produite aux débats après l’ordonnance de clôture, de sorte qu’il y a lieu d’écarter des débats les pièces 65 à 76 produites par l’intimé après l’ordonnance de clôture du 11 janvier 2023.
2 – sur la recevabilité des demandes indemnitaires
Aux termes de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif de leurs conclusions et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
L’intimé a soulevé un moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre en ce qu’elles ont pour objet de remettre en cause le prix de base définitif de la cession des parts sociales tel que déterminé, en dernier ressort, par le tiers-expert, conformément aux clauses de l’acte de cession tenant lieu de loi aux parties.
Cependant, le dispositif des conclusions de l’intimé se borne à conclure à la confirmation du jugement entrepris ayant purement et simplement débouté les cessionnaires de leurs demandes, après avoir examiné les contestations touchant le fond du litige.
Par conséquent, l’intimé n’a pas saisi la cour de la fin de non-recevoir tirée de la fermeture de toute action contre le prix de base définitif.
Au demeurant, l’action exercée par les cessionnaires n’a pas pour objet de contester la fixation définitive du prix de base mais de sanctionner, par l’allocation de dommages et intérêts, les fautes pré-contractuelles imputées au cédant, sur le fondement du dol et de l’information pré-contractuelle.
Et, aucune clause du contrat de cession de parts sociales n’a pour objet ou pour effet d’interdire, par principe, aux parties d’exercer une telle action née des faits situés en amont de la formation du contrat.
3 – sur le dol et l’obligation pré-contractuelle d’information
La cour observe que si les appelants visent, in fine, les dispositions générales de l’article 1112-1 du code civil obligeant les parties à un contrat de fournir à leur cocontractant toute information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre, les faits invoqués au soutien de ce moyen ne sont pas différents de ceux invoqués au soutien du moyen spécial tiré du dol au visa de l’article 1137 du code civil.
L’article 1137 du code civil dispose que le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres dolosives et que constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
En l’espèce, les appelants font grief au jugement d’avoir rejeté leurs demandes alors que la réticence dolosive et les fausses déclarations du cédant sont établies par les faits suivants :
– la force de vente de la société Agor était en déliquescence au jour de la cession, information volontairement passée sous silence par M. [Z], dès lors qu’entre la fin du mois de septembre 2018 et le mois de mars 2019, les effectifs commerciaux sont passés de 12 à 5 en seulement six mois
– la dissimulation du débauchage des VRP par des concurrents
– les salariés n’ont été informés de la cession que 15 jours avant seulement, en violation de l’article L. 23-10-1 du code de commerce, M. [Z] les ayant sollicités pour qu’ils antidatent le courrier de réponse pré-établi, de telle sorte que les sociétés Agor et Roga ne se trouvaient pas à tous égards en situation régulière au regard du droit des sociétés commerciales
– M. [Z] n’a jamais entendu s’investir dans le cadre de son contrat de travail, afin d’honorer ses engagements, dès lors qu’il n’a mené aucune action commerciale malgré le salaire confortable qui lui était versé, ni apporté de nouveaux clients ou devis après la cession
– M. [Z] a sollicité que deux rapports d’essais obtenus par la société Agor pour les produits Douche B2142 et Lichen TC144 soient falsifiés pour les reproduire à l’identique pour la société Roga
– un contrôle de l’inspection du travail du 8 mars 2018, notifié le 4 octobre 2018, a relevé que la rémunération minimale conventionnelle pour les VRP n’avait pas été respectée
– le logiciel de comptabilité sage i7 utilisé par Agor et Roga n’était plus aux normes FEC demandées par l’administration depuis le 1er juillet 2017
– la géolocalisation des véhicules de société des VRP avait été mise en place sans respecter le formalisme social applicable en la matière
– la société Agor a souscrit un contrat box office natixis soumis au règlement PEI/PERCO, sans que cela n’ait été porté à la connaissance des cessionnaires aux termes de l’acte de cession.
Au titre du préjudice subi, les appelants font d’abord valoir que la rentabilité de la société Agor, telle que ressortant des bilans des 3 derniers exercices précédant la cession, était faussée en raison du non-respect par M. [Z] des rémunérations minimales des VRP comme cela ressort tant du rapport du cabinet Barthelemy, expert-comptable du cessionnaire, que de celui du tiers-expert.
Ils en déduisent, que, en tenant compte des salaires qui auraient dû être versés au regard des rémunérations minimales des VRP, les titres auraient dû être acquis à une valeur moindre de 439.125 euros, soit un premier chef de préjudice indemnisable en conséquence des manquements susvisés.
En outre, selon les appelants, la rentabilité escomptée lors de la cession pour les 5 exercices à venir, calculée sur la base des informations fournies par M. [Z] et du business plan établi préalablement à la cession, s’en est trouvée sur-évaluée, de sorte qu’il en résulte un second préjudice financier de 440.257 euros tel qu’évalué par leur expert-comptable.
A ce stade, la cour constate que le premier chef de préjudice allégué est exclusivement en relation avec la non-conformité légale de la rémunération des VRP et non avec les autres griefs articulés par les cessionnaires, seul le second chef de préjudice étant en relation avec « les informations fournies » lors de la cession.
La cour examinera les fautes pré-contractuelles invoquées par les cessionnaires au titre de chacun des deux chefs de leurs demandes indemnitaires.
3 – 1 – sur la dépréciation des parts sociales cédées du fait de la non-conformité de la rémunération des VRP
Les appelants sollicitent, de ce chef, l’allocation de la somme de 439.125 euros à titre de dommages et intérêts », tout en précisant également « au titre de la baisse de prix de base », entretenant ainsi une équivoque sur la nature de la demande puisque le dol peut être invoqué au soutien d’une demande de réduction du prix de vente, distincte d’une demande de dommages et intérêts.
En tout état de cause, cette demande ne peut être que rejetée.
En effet, il est constant que l’inspection du travail a procédé au contrôle de la société Agor lors d’une visite du 8 mars 2018 et que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2018, la société Agor s’est vu notifier la non-conformité de la rémunération des VRP appliquée dans l’entreprise au regard des accords collectifs de la profession, susceptibles d’entraîner des rappels de salaires et des sanctions financières.
Or, les cessionnaires ne peuvent, sans mauvaise foi, soutenir qu’ils n’auraient été informés du contrôle du 8 mars 2018 que le jour de la signature de la promesse synallagmatique du 20 juillet 2018 alors que le rapport d’audit social de l’entreprise, réalisé en juin 2018 par le cabinet barthelemy, pour leur propre compte, mentionne expressément que : « début mars 2018, l’entreprise a reçu la visite de l’inspectrice du travail, laquelle a réclamé divers. Ces documents lui ont été remis en mains propres par la société le 13 mars 2018. A ce jour et pour l’instant, il n’y a pas eu de suite ».
C’est donc en parfaite connaissance de ce contrôle que les cessionnaires ont signé la promesse synallagmatique de cession de parts sociales du 20 juillet 2018, réitérée le 1er octobre 2018, sans prévoir une quelconque clause en relation avec ce contrôle dont les parties ne pouvaient préjuger de l’issue, étant observé, au surplus, que la clause de révision du prix de base et les garanties d’actif et de passif stipulées en leur faveur, étaient susceptibles, le cas échéant, de préserver les droits des cessionnaires en cas de révélation d’un passif social né antérieurement au 30 septembre 2018.
Et, il ne résulte strictement d’aucun élément que M. [Z] aurait, pendant plusieurs années, délibérément mis en place un système de rémunération des VRP en connaissance de sa non-conformité avec les normes légales et réglementaires en vigueur et qu’il aurait volontairement dissimulé cette information aux cessionnaires.
Par ces seuls motifs, les prétendues incidences de la non-conformité de la rémunération des VRP sur la valeur des parts sociales, à la date de la cession, ne peuvent donner lieu à une quelconque indemnisation ou réduction du prix de cession sur le fondement d’un dol qui n’est pas démontré.
Au surplus, la non-conformité de la rémunération des VRP, dénoncée par l’inspection du travail, a été expressément intégrée dans les contestations soumises au tiers-expert qui a chiffré les rappels de salaires et charges sociales théoriques auxquels étaient exposées les sociétés Agor et Roga avant d’en mesurer les incidences comptables sur la variation des capitaux propres, entre les exercices 2017 et 2018 arrêtés au 30 septembre, et d’en tirer les conséquences sur la fixation du prix de base définitif de la cession des parts sociales.
Enfin, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la question de l’éventuel accroissement de la charge sociale pour l’entreprise intéressait bien la question de la variation des capitaux propres, relevant de la première clause de révision du prix, de sorte qu’il leur appartenait, le cas échéant, de soumettre au tiers-expert la question de l’éventuelle incidence de cette charge sociale supplémentaire sur la valeur des parts sociales au-delà des seules rectifications comptables.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté les cessionnaires de ce premier chef de demande d’indemnisation de leur préjudice.
3 – 2 – sur le préjudice financier pour perte de rentabilité de la société
Les appelants ont confusément saturé les débats d’une infinité de faits sans lien avec l’objet de leur demande d’indemnisation au titre d’une perte de rentabilité imputable à un dol du cédant.
En premier lieu, il convient d’emblée d’évacuer les griefs tirés du manque d’implication de M. [Z] dans ses fonctions de directeur commercial, de tentative d’obtention de faux rapports d’essais de produits et de non-respect de l’obligation d’information des salariés en vue de la reprise de l’entreprise cédée, prévue à l’article L. 23-10-1 du code de commerce.
En effet, les deux premiers griefs sont tirés de faits postérieurs à la cession des parts sociales, relevant de l’exécution du contrat de travail conclu entre M. [Z] et la société Agor ayant donné lieu au licenciement pour faute soumis à la juridiction prud’homale.
Ces faits sont donc, par nature, exclusifs d’un quelconque dol antérieur à l’acte de cession.
Le troisième grief, de pure forme, ne présente strictement aucun intérêt, quand bien même il viendrait révéler une éventuelle non-conformité des déclarations du cédant concernant la conformité de la situation de la société avec le droit commercial, dès lors que les salariés n’ont ni exprimé leur intention d’acquérir les parts sociales ni entendu remettre en cause la cession au profit de la société Ficorvus et M. [F].
De même les griefs tirés de la non-conformité légale de la géolocalisation des véhicules de société des VRP et de la souscription d’un contrat box office natixis soumis au règlement PEI/PERCO ne présentent aucun intérêt, sous l’angle du dol, puisque, outre l’absence d’intention démontrée de dissimuler ces informations, celles-ci n’ont eu aucune conséquence dommageable pour les cessionnaires, le dispositif de géolocalisation n’ayant jamais été activé et le contrat box office natixis ayant pu être résilié.
Au surplus, ces faits n’ont aucun lien de causalité avec la prétendue perte de rentabilité de la société cédée.
S’agissant de la non-conformité du logiciel de comptabilité sage i7 utilisé par Agor et Roga avec les normes FEC demandées par l’administration depuis le 1er juillet 2017, le caractère intentionnel d’une information erronée du cédant sur la conformité des équipements d’exploitation n’est en rien établie alors qu’il avait obtenu une attestation de la société Sage en date du 15 septembre 2017 certifiant que les logiciels étaient conformes à la réglementation applicable à la production des fichiers des écritures comptables (FEC) à compter des versions indiquées dans l’annexe.
M. [Z] ne peut donc se voir imputer un dol de ce chef.
Au surplus, le tiers-expert a également examiné la réclamation des cessionnaires de ce chef, avant de la rejeter en considérant que le coût supplémentaire de 1.700 euros n’était pas imputable au cédant dès lors que la version adoptée par les cessionnaires était plus élaborée que celle qui équipait la société à la date de la cession.
Et, les cessionnaires ne peuvent sérieusement soutenir que ce coût supplémentaire est en relation avec la perte alléguée de rentabilité de la société.
S’agissant du grief tiré de la dissimulation de la concurrence déloyale de la société Euro Dorthz, par débauchage des salariés et détournement des clients Agor le moyen est tout aussi peu sérieux puisque les faits litigieux sont circonscrits à l’année 2016, M. [Z] ayant mis en garde son concurrent sur des pratiques de concurrence déloyale, aussitôt réfutées par celui-ci, et aucun litige n’ayant opposé les parties à la suite du courrier de la société Agor du 9 mai 2016 mettant fin à l’incident.
M. [Z] n’était donc pas tenu d’informer les cessionnaires de ces faits demeurés sans suite ni conséquence pour la société à la date de la cession.
A la date de la cession, il existait un seul litige concernant des faits de concurrence déloyale reprochés à la société Atochim, lequel avait été notifié aux cessionnaires et intégré dans une des clauses de révision du prix de base (page 7 du contrat du 1er octobre 2018).
S’agissant du grief tiré de l’environnement social délétère laissé par M. [Z], par fausses promesses et manipulations du personnel, à l’origine d’une hémorragie des forces vives de la société cédée, ce grief ne repose sur aucun fait sérieux susceptible de caractériser un dol imputable à M. [Z] alors que les attestations versées aux débats par les cessionnaires visant à stigmatiser le management erratique de M. [Z] sont largement contredites, non seulement par les témoins ayant reconnu avoir fait certaines déclarations sous la pression de M. [F], que seuls deux salariés ont démissionné en janvier 2019, tandis que les attestations précises et concordantes produites par l’intimé mettent en cause, à l’inverse, le management brutal de M. [F] à l’orgine de certains départs.
Au surplus, les cessionnaires ont bénéficié du plus large accès à la société, dans le cadre des pourparlers pré-contractuels, en faisant auditer notamment son environnement social, ce qui leur permettait d’évaluer exactement l’état des ressources humaines.
En tout état de cause, il n’est pas démontré que, à la date de la cession, il existait un quelconque risque de départ massif de salariés susceptible de désorganiser la société cédée et que M. [Z] connaissait un tel risque.
Enfin s’agissant du grief tiré de la surestimation du potentiel de rentabilité de la société, il ne résulte d’aucun élément que M. [Z] aurait produit des bilans, comptes ou prévisionnels insincères ou frauduleux, tandis que l’acte de cession ne met pas à la charge du cédant une obligation de garantir les résultats futurs de la société cédée.
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les cessionnaires ne rapportent pas la preuve du dol invoqué au soutien de leur demande d’indemnisation d’un préjudice financier pour perte de rentabilité.
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté les cessionnaires de ce chef de demande.
La demande d’expertise judiciaire sur le préjudice est donc sans objet.
4 – sur les autres demandes des cessionnaires
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande d’indemnisation de son préjudice moral, les fautes imputées au cédant n’ayant pas été caractérisées.
La cour doit constater que la demande de condamnation au paiement de la somme de 24.191,18 euros, après compensation entre les créances réciproques au titre des points cadeaux et des créances clients, n’a pas été reprise dans le dispositif des conclusions des appelants, de sorte que la cour n’est pas saisie de cette demande.
5 – sur les demandes reconventionnelles du cédant
Les appelants ont produit les pièces sollicitées par l’intimé au titre des points cadeaux et des créances clients.
L’intimé, qui n’a pas conclu sur ces pièces, sera débouté de ses demandes de ces chefs.
S’agissant de l’indemnisation du préjudice « moral et financier » du fait des contestations abusives des cessionnaires, l’intimé a présenté une demande globale de 60.000 euros en se bornant à faire état de certificats médicaux établis en 2019.
Mais, non seulement le préjudice financier allégué n’est caractérisé ni dans sa consistance ni dans sa matérialité, tandis que le présent litige s’inscrit dans un conflit plus large dont les aspects prud’homaux, contemporains aux certificats médicaux, ont tourné au désavantage du cédant.
Par ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] de ses demandes reconventionnelles.
6 – sur les frais de justice
Le jugement sera infirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Ficorvus et M. [F] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel et à payer une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
ECARTE des débats les pièces 65 à 76 produites par M. [Z] postérieurement à l’ordonnance de clôture,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Ficorvus et M. [F] de leurs demandes et en ce qu’il a débouté M. [Z] de ses demandes,
INFIRME le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles,
et statuant à nouveau de ces chefs, et y ajoutant,
CONDAMNE in solidum la société Ficorvus et M. [F] aux dépens de première instance et d’appel,
CONDAMNE in solidum la société Ficorvus et M. [F] à payer à M. [Z] une indemnité de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente