Géolocalisation : 31 mai 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02923

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Géolocalisation : 31 mai 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/02923
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31 mai 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/02923

ARRET

S.A.R.L. FAAJ

C/

[S]

copie exécutoire

le 31 mai 2023

à

Me Larger-Lannelongue

Me Luc

LDS/MR/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 31 MAI 2023

*************************************************************

N° RG 21/02923 – N° Portalis DBV4-V-B7F-ID4E

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 27 MAI 2021 (référence dossier N° RG 19/00276)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. FAAJ agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Audrey BOUDOUX D’HAUTEFEUILLE, avocat au barreau, d’AMIENS, avocat postulant

concluant et plaidant par Me Sylvie LARGER-LANNELONGUE, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIME

Monsieur [T] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2] / FRANCE

représenté par Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant

concluant par Me Stéphanie LUC de la SELARL 2APVO, avocat au barreau de VAL D’OISE, avocat plaidant

DEBATS :

A l’audience publique du 05 avril 2023, devant Mme Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Mme Laurence de SURIREY indique que l’arrêt sera prononcé le 31 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 31 mai 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [S] a été embauché le 1er juin 2017, en qualité de chef des ventes par la société SMM devenue la société FAAJ (la société ou l’employeur) à compter du 1er septembre 2017.

Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait le poste de chef de site.

La société compte plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale du commerce et de la réparation automobile, du cycle, du motocycle et des activités annexes ainsi que du contrôle technique.

À la suite d’un entretien préalable qui s’est tenu le 8 juillet 2019 et mise à pied conservatoire, le salarié a été licencié pour faute grave le 11 juillet 2019.

Contestant la légitimité de son licenciement et ne s’estimant pas rempli de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail, il a saisi le conseil de prud’hommes de Creil le 16 octobre 2019.

Par jugement du 27 mai 2021, le conseil a :

– fixé la moyenne des salaires à 4 901,67 euros,

– condamné la société à payer à M. [S] les sommes de :

– 30 457,12 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires du 1er avril 2017 au 12 juillet 2019 et 3 845,71 euros au titre des congés payés afférents,

– 29 410,02 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 8 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de l’article 4.02 du CNPA,

– 2 228,52 euros à titre de rappel de salaires dominicaux et 222,85 euros au titre des congés payés afférents,

– 8 045,85 euros net à titre d’indemnité de repos compensateur et 804,58 euros au titre des congés payés afférents,

– dit que la procédure de licenciement était régulière,

– dit que le licenciement pour faute grave était sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société à verser à M. [S] les sommes suivantes :

– 1 922,90 euros brut à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et 192,29 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– 552,96 euros brut à titre d’indemnité de licenciement,

– 14 705,01 euros brut au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 14 705,01 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1470,50 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– débouté M. [S] du surplus de ses demandes,

– ordonné la remise au salarié d’une attestation Pôle emploi, d’un certificat de travail et du solde de tout compte rectifiés et conformes à sa décision,

– dit n’y avoir lieu à associer cette remise de documents d’une astreinte,

– condamné la société à verser à Pôle emploi une somme correspondant à six mois d’indemnités de chômage en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail,

– condamné la société à payer à M. [S] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les créances salariales porteraient intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2019, date de la remise du courrier de convocation au défendeur pour l’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation du 5 décembre 2019,

– dit que les créances indemnitaires porteraient intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2021, date de mise à disposition du jugement,

– ordonné l’exécution provisoire de l’intégralité du jugement,

– condamné la société aux dépens de l’instance.

La société FAAJ, qui est régulièrement appelante de ce jugement, par conclusions remises par voie électronique le 17 mars 2023, demande à la cour de :

– Infirmer le jugement en ce qu’il :

– a dit que la convention de forfait jours était nulle et de nul effet ;

– l’a condamnée à verser à M. [S] les sommes suivantes :

– 38 457,12 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires du 1er avril 2017 au 12 juillet 2019,

– 3 845,71 euros au titre des congés payés afférents,

– 29 410,02 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 8 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’article 4.02 du CNPA,

– 2 228,52 euros à titre de rappel de salaires dominicaux,

– 222,85 euros au titre des congés payés afférents,

– 8 045,85 euros net à titre d’indemnité de repos compensateur,

– 804,58 euros net au titre des congés payés y afférents,

– a dit que le licenciement pour faute grave de M. [S] était sans cause réelle et sérieuse ;

– l’a condamnée à verser à M. [S] les sommes suivantes :

– 1 922,90 euros brut à titre de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

– 192,29 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– 2 552,96 euros brut à titre d’indemnité de licenciement,

– 14 705,01 euros brut au titre de 1’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 14 705,01 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 470,50 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– l’a déboutée de ses demandes plus amples ou contraires ;

– a ordonné la remise à M. [S] d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et du solde de tout compte, rectifiés et conformes à sa décision

– l’a condamnée à verser à Pôle emploi une somme correspondant à six mois d’indemnité de chômage en application des dispositions de l’article L.1235-4 ;

– l’a condamnée à payer à M. [S] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a dit que les créances salariales porteraient intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2019, date de la remise du courrier de convocation au défendeur pour l’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation du 5 décembre 2019,

– a dit que les créances indemnitaires porteraient intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2021, date de mise à disposition du jugement,

– a ordonné l’exécution provisoire de l’intégralité du jugement,

– l’a condamnée aux dépens de l’instance.

– Confirmer le jugement en ce qu’il en ce qu’il a débouté M. [S] :

– de sa demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement à hauteur de 4 901,67 euros,

– de sa demande de dommages-intérêts de 2 000 euros au titre du non-respect du repos hebdomadaire,

– de sa demande d’astreinte de 50 euros par jour de retard pour la remise des documents de fin de contrat.

Subsidiairement, si par impossible la cour faisait droit à la demande du salarié,

– Confirmer le jugement en ce qu’il fixe le montant de la condamnation en brut et non en net au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant à nouveau :

– Dire que le licenciement est justifié,

– Dire que M. [S] n’apporte pas d’éléments pour justifier de l’accomplissement des heures supplémentaires alléguées, ni des repos compensateurs dont il aurait été privé, ni des dimanches travaillés,

Subsidiairement,

– Débouter M. [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement, si par impossible la cour faisait droit à la demande au titre des heures supplémentaires,

– Limiter la condamnation à la somme de 11 925,87 euros,

Subsidiairement, vu l’article L 1235-3 du code du travail,

– Limiter l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l’équivalent de trois mois de salaire,

– Dire que les condamnations éventuelles au titre des indemnités réclamées ne pourront être prononcées qu’en brut,

– Condamner M. [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel et à 6 000 euros au titre de l’article 700 du CPC.

M. [S], par conclusions remises le 24 février 2023, demande à la cour de :

Sur la forme,

– Déclarer recevable son appel incident,

Sur le fond,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

o Fixé la moyenne des salaires à 4 901,67 euros ;

o Dit et jugé que la convention de forfait jours était nulle et de nul effet ;

o Condamné la Société FAAJ à lui verser les sommes suivantes :

– 38 457,12 euros à titre de rappels d’heures supplémentaires du 1″ avril 2017 au 12 juillet 2019,

– 3 845,71 euros au titre des congés payés afférents,

– 29 410,02 euros net à titre d’indemnité’ pour travail dissimule’,

– 8 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’article 4.02 du CNPA,

– 2 228,52 euros à titre de rappel de salaires dominicaux,

– 222,85 euros au titre des congés payés afférents,

– 8 045,85 euros net à titre d’indemnité’ de repos compensateur,

– 804,58 euros net au titre des congés payés y afférents.

o Dit et jugé que le licenciement pour faute grave était sans cause réelle et sérieuse ;

o Condamné la Société’ FAAJ à lui verser les sommes suivantes :

– 1.922,90 euros brut à titre de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire du 28/06/2019 au 12/07/2019 ;

– 192,29 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– 2 552,96 euros brut à titre d’indemnité’ de licenciement,

– 14 705,01 euros brut au titre de 1’indemnite’ pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 14 705,01 euros brut à titre d’indemnité’ compensatrice de préavis (3 mois de salaire), – 1 470,50 euros brut au titre des congés payés y afférents.

– Infirmer le jugement en ce qu’il :

o A dit et jugé la procédure de licenciement régulière,

o L’a débouté du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau,

– Dire la procédure de licenciement irrégulière ;

En conséquence,

– Condamner la Société FAAJ à lui verser la somme de 4 901,67 euros net (1 mois de salaire) à titre d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.

– Condamner la Société FAAJ à lui verser les sommes suivantes :

o 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail ;

o 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire.

En tout état de cause,

– Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir, et

ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

– Assortir les créances salariales du taux d’intérêt légal à compter du 21 octobre 2019, date de la remise du courrier de convocation au défendeur, pour l’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation du 05 décembre 2019 ;

– Assortir les créances indemnitaires du taux d’intérêt légal à compter de la décision à intervenir;

– Condamner la Société FAAJ à lui verser, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur l’exécution du contrat de travail :

1-1/ Sur la violation de l’article 4.02 de la convention collective :

L’employeur fait valoir que le salarié ne saurait sérieusement soutenir qu’il n’avait pas connaissance des caractéristiques principales de sa fonction alors qu’il avait signé une promesse d’embauche et que ses bulletins de paie mentionnent, outre sa rémunération, son degré et niveau de classement et l’organisation de son travail en forfait jours et qu’il n’a pas émis la moindre réclamation ni la moindre réserve sur les sommes qu’il percevait au titre de sa rémunération.

Il ajoute que la démonstration de la réalité d’un prétendu préjudice et de son lien de causalité fait défaut.

Subsidiairement, il affirme que l’absence de signature du contrat de travail n’est pas son fait exclusif mais résulte également de la faute du salarié qui n’a émis aucune demande de régularisation avant le 4 juin 2019 et qui, plutôt que de signer le contrat qui lui était proposé le 28 juin 2019 au sein de ses locaux à [Localité 5] où sont centralisés les services administratifs, a préféré déposer une main courante pour dénoncer l’absence de M. [W] à ce rendez-vous.

M. [S] fait valoir, à juste titre, que l’article 4.02 de la convention collective impose l’établissement d’un contrat de travail écrit portant de nombreuses mentions dont la qualification de branche attribuée au salarié, assortie le cas échéant d’une appellation d’emploi, le niveau et le degré de classement attribués, le lieu où la fonction sera exercée, le mode de rémunération et le montant des appointements réels, la nature, les conditions d’attribution et les modalités de calcul des primes et avantages éventuellement prévus et les modalités d’attribution et de détermination des congés payés ainsi que la remise, lors de l’embauche, d’une lettre de classement exposant les modalités de classement et les éventuelles particularités de l’emploi et permettant d’informer le salarié du salaire minimum conventionnel garanti en fonction du niveau et du degré attribués.

Or, aucun contrat n’a été signé et la lettre de classement n’a pas été remise.

La promesse d’embauche ne peut pas en tenir lieu puisqu’elle ne comporte pas toutes les mentions exigées par l’article précité et que, s’agissant des modalités de rémunération, elle prévoit l’existence d’une part variable de « 24k€ brut/an à définir dans un Payplan basé sur les performances » sans plus de précision. D’ailleurs, ce document n’est pas signé de l’employeur

Il en va de même des bulletins de paie.

L’employeur, qui avait seul la charge de l’établissement et de la remise de ces documents, ne peut utilement invoquer une erreur de son service administratif ou encore l’absence de réclamation du salarié pour s’exonérer de sa responsabilité dans cette carence.

Il ne prouve pas que M. [S] ait refusé de signer le contrat régularisé, le 28 juin 2019. En tout état de cause, cette offre de régularisation était tardive.

Le salarié affirme qu’il a subi un préjudice qu’il évalue à 8 000 euros net correspondant à la prime exceptionnelle de 2 000 euros par mois que l’employeur a cessé de lui verser à compter du mois d’avril 2019.

L’absence d’information du salarié résultant de la non remise d’un contrat de travail écrit et de la lettre de classement consiste en l’impossibilité pour celui-ci de vérifier la régularité de sa rémunération au regard de sa classification.

Néanmoins, ce préjudice n’est pas égal au montant des primes supprimées à défaut de lien de causalité entre la faute de l’employeur et la disparition de ces primes.

La société sera par conséquent condamnée au paiement de la somme de 1 000 euros net laquelle est de nature à assurer la réparation intégrale du dommage subi.

1-2/ Sur la convention de forfait :

La société fait valoir que le salarié, qui reconnaît avoir été au forfait jours, revendique ce statut quand cela l’arrange et le dénie quand il s’agit de demander des heures supplémentaires, que des outils de mesure et de contrôle ont bien été mis en place et que la convention de forfait ayant été acceptée et exécutée, elle est opposable à M. [S] ;

Ce dernier réplique qu’à défaut de signature d’une convention individuelle de forfait et de mise en place d’outils et de mesures de contrôle par la société, la convention de forfait est nulle et de nul effet.

Le forfait annuel en jours consiste à décompter le temps de travail en jours ou en demi-journées et non plus en heures. Il fixe le nombre de jours que le salarié doit s’engager à effectuer chaque année.

Sa mise en place, par application des articles L.3121-63 et L.3121-64 du code du travail, est subordonnée à :

– la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, d’une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions ;

– une convention individuelle de forfait passée avec le salarié par écrit.

L’accord collectif permettant le recours aux conventions de forfait en jours doit comporter des stipulations qui assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journalier et hebdomadaire.

Lorsque l’employeur ne respecte pas les stipulations de l’accord collectif qui a pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d’effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.

En l’espèce, M. [S] était soumis au forfait jours alors qu’aucune convention de forfait n’a été signée et l’employeur ne justifie pas avoir mis en place les outils de mesure et de contrôle de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail. Il en résulte que la société ne pouvait soumettre M. [S] au régime du forfait jours. Il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef.

1-3/ Sur les demandes au titre du temps de travail :

– Sur les heures supplémentaires :

En l’absence de convention de forfait, M. [S] est en droit de prétendre au paiement d’éventuelles heures supplémentaires.

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [S] verse aux débats deux tableaux :

– un tableau des jours de présence de l’ensemble des salariés de la société faisant état de ses jours de présence, de formation, de congés, de maladie, de récupération, d’absence et de RTT, dont il indique qu’il a été établi par la société elle-même,

– un tableau journalier, qu’il affirme avoir rempli au jour le jour sur son ordinateur professionnel, faisant état des heures réalisées depuis son embauche, mentionnant ses horaires de travail jour par jour, ses jours de repos et de récupération ainsi que des totaux.

Il produit également des SMS professionnels écrits certains dimanches et jours fériés ainsi que très matinaux, les données de localisation de son téléphone portable pour le 21 mai 2019, l’attestation d’un mécanicien qui affirme qu’il le saluait tous les matins à 8h30 en arrivant et à 18 heures en repartant et une attestation de M. [G], chef de groupe, selon laquelle il était régulièrement présent six jours sur sept sans compter les dimanches travaillés pour les journées portes ouvertes et les expositions extérieures.

Il fait encore référence à ses bulletins de paie qui portent mention de 17,33 heures supplémentaires chaque mois sans que celles-ci fassent l’objet d’une contrepartie financière.

Il précise que les horaires travaillés ne correspondent pas nécessairement à du temps de présence dans les locaux de la concession au regard de la nécessité d’honorer divers rendez-vous extérieurs et que le temps de travail comptabilisé est en deçà des heures réellement accomplies par lui.

Il affirme qu’il était le salarié requis en cas de déclenchement de l’alarme de la concession quelle que soit l’heure et verse aux débats deux SMS en rapport avec des déclenchements d’alarme, l’un un dimanche ou l’autre en pleine nuit.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’apporter les siens, peu important que les tableaux aient été établis pour les besoins de la cause ce qui n’est d’ailleurs pas démontré en l’espèce.

L’employeur conteste la totalité des heures supplémentaires alléguées et met en avant l’absence de réclamation à ce sujet pendant trois ans. Il met en doute la crédibilité des tableaux communiqués dont il affirme qu’ils ont été établis pour les besoins de la cause et pointe ce qu’il considère comme des incohérences

L’employeur étant seul en charge du contrôle du temps de travail du salarié, il ne saurait être reproché au salarié de n’avoir formé aucune réclamation au cours de l’exécution du contrat de travail.

Il verse aux débats une attestation du chef d’atelier qui affirme ouvrir lui-même la concession tous les matins, que M. [S] arrive la plupart du temps vers 10 heures/10h30 et repart souvent avant 18 heures. Cette attestation est contredite par celle, en sens contraire, d’un mécanicien de sorte qu’elle ne peut à elle seule valoir preuve des éléments qu’elle contient.

L’employeur  communique également trois photographies l’une montrant M. [S] oisif sur le bord de l’Oise à 11h43 le mardi 21 mai 2019, l’autre envoyée de son domicile le 4 mai (année inconnue) à 15h40 depuis le domicile du salarié et la dernière envoyée depuis le magasin Ikéa de la [Adresse 6] le 18 septembre 2018 à 16 heures 31.

S’agissant de la matinée du 21 mai 2019, M. [J], responsable de magasin à l’époque, après vérification de son agenda professionnel, affirme dans une attestation, non utilement critiquée, avoir accompagné M. [S] pour une tournée de garages. Les données de géolocalisation Google, dont l’authenticité n’est pas utilement remise en cause, démontrent que le salarié est parti de chez lui à 7h46 pour arriver à la concession à 8h15, puis qu’il s’est déplacé toute la matinée pour visiter des garages puis s’arrêter pour déjeuner à 13h28.

Ces deux éléments accréditent la version de M. [S] selon laquelle sa halte au bord de l’Oise en fin de matinée était justifiée par la nécessité de satisfaire un besoin physiologique et non pour aller à la pêche.

Les deux autres photographies, en l’absence d’explication convaincante de la part de M. [S], sont de nature à contredire les mentions du tableau journalier produit par le salarié s’agissant des jours et heures où les photographies ont été prises mais ne suffisent pas à le remettre en cause dans son ensemble s’agissant d’une relation de travail qui a duré deux ans.

Il en va de même de la possibilité qu’il y ait une erreur quant à la comptabilisation d’une demi-journée de RTT le 18 mai 2019.

Par ailleurs, c’est par une dénaturation des mentions du compte rendu d’entretien préalable que l’employeur affirme que le salarié se contredit en ayant indiqué « être présent à neuf heures le 7 juin 2019 au bureau » alors que sur son tableau il indique être présent de 8h30 à 12 heures. En effet, la mention figurant sur le compte rendu d’entretien préalable est qu’il est rentré vers une heure du matin d’une soirée professionnelle pour ouvrir la concession à neuf heures le lendemain, ce qui n’exclut pas qu’il soit arrivé avant.

Le salarié a également pu affirmer, sans contredire les mentions de son tableau, qu’il était parti plus tôt le 27 juin 2019 pour se rendre à un événement professionnel dont il est rentré à 23 heures puisque le tableau recense du temps de travail effectué dans la concession mais également en dehors.

Enfin, il ne ressort pas du message adressé par le salarié le 30 novembre 2018 qu’il ignorait où se trouvaient les clés pour ouvrir la concession alors qu’il demande au chef d’atelier de lui indiquer où sont les clés du cadenas du portail arrière de l’atelier.

Ainsi, la société conteste l’accomplissement d’heures supplémentaires mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par M. [S], ni, si ce n’est très à la marge, aucun élément permettant de contredire les relevés de ses horaires de travail dont il résulte qu’il a effectué des heures supplémentaires non payées.

Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’instruction, la cour a acquis la conviction au sens du texte précité que M. [S] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé. Le jugement sera par conséquent également confirmé de ce chef sauf à corriger l’erreur de date qui l’affecte, la période concernée commençant le1er juin 2017 et non le 1er avril 2017.

– Sur la demande de rappel de salaire au titre des dimanches travaillés :

La société soutient que ce sont les vendeurs qui assurent la présence aux manifestations dominicales et non pas le directeur de site et que le salarié ne rapporte pas la preuve de sa présence les jours dits.

M. [S] se prévaut de neuf dimanches travaillés pour des opérations portes ouvertes ou des salons pour lesquels il indique ne pas avoir été rémunéré. Il produit des SMS échangés avec M. [W], le dimanche, dans lesquels il est question du bilan du salon en termes de vente.

L’employeur n’apporte aucun élément de nature à contredire utilement ceux apportés par le salarié. C’est donc à juste titre que les premiers juges l’ont condamné au paiement d’une somme, non spécifiquement contestée dans son montant, de 2 228,52 euros outre

222,85 euros au titre des congés payés afférents.

– Sur la demande au titre du repos compensateur :

La société s’oppose à cette demande aux motifs que la preuve du droit invoqué par le salarié n’est pas rapportée et qu’il ressort des bulletins de paie que les repos compensateurs ont été régulièrement accordés à ce dernier. Subsidiairement, il soutient que la condamnation ne pourrait être prononcée que sur la base d’un montant brut, s’agissant de salaire.

M. [S] fait valoir qu’il a accompli chaque année des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel de 220 heures sans bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos.

Aux termes de l’article L.3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale. A défaut d’accord, ce contingent est fixé à 220 heures par l’article D. 3121-24 du code du travail.

En application de l’article L. 3121-28, toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit au salarié à une contrepartie obligatoire en repos qui s’ajoute à la rémunération des heures au taux majoré ou au repos compensateur de remplacement.

Aux termes de l’article L. 3121-38, à défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnés à l’article L. 3121- 30 est fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.

En application de l’article D. 3121-23 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis laquelle comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.

Au cas particulier, s’il existe bien une ligne « repos compensateur » au bas des bulletins de paie de M. [S], celle-ci est systématiquement équivalente à zéro. De plus, les récupérations et les RTT ne sont pas la contrepartie obligatoire en repos prévue par les textes précités.

À défaut pour la société de rapporter la preuve que le salarié a été rempli de ses droits, il y a lieu d’approuver les premiers juges qui ont prononcé une condamnation à ce titre dont le montant n’est pas utilement contesté, sauf à dire que les sommes sont brutes et non nettes.

– Sur les demandes de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail hebdomadaire et non-respect du repos hebdomadaire :

M. [S] soutient qu’il travaillait quasi systématiquement plus de 50 heures par semaine et qu’il n’a parfois pu bénéficier du temps de repos hebdomadaire, citant huit périodes en 2017, 2018 et 2019, ce qui lui a causé une fatigue excessive et des difficultés pour organiser sa vie personnelle et familiale.

La société reprend les motifs du jugement selon lesquels le salarié ne démontre pas s’être organisé en conséquence du non-respect des dispositions légales et conventionnelles par la société ou y avoir été contraint par son employeur alors même que ses fonctions de directeur de site impliquaient qu’il prenne ses responsabilités en organisant sa présence et celle de ses collègues, ni avoir été pénalisé par ce défaut d’organisation dans la prise des repos hebdomadaires. 

En application des articles L.3132-1 et 3132-2 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine et le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévues au chapitre 1er.

Aux termes de l’article L. 3121-20 du même code, au cours d’une même semaine la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.

En l’espèce, la société, qui se borne à contester les tableaux produits par le salarié, n’apporte pas la preuve qui lui incombe.

Au regard de l’importance de l’atteinte portée au droit de M. [S], la cour estime que les demandes de ce dernier sont bien fondées tant dans leur principe que dans leur quantum. Il y sera donc fait droit.

1-4/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :

La société soutient que la nullité de la convention de forfait ne permet pas de déduire le caractère intentionnel du délit, que les heures supplémentaires RTT et jours de rémunération sont mentionnés sur les bulletins, que le salarié n’apporte pas la preuve d’autres heures supplémentaires qui ne seraient pas mentionnées sur le bulletin et que par conséquent l’infraction de travail dissimulé n’est pas caractérisée.

M. [S] fait valoir que l’élément intentionnel de l’infraction de travail dissimulé ne fait aucun doute en ce que le laxisme de la société quant à l’absence de documents contractuels pourtant obligatoires et l’absence de règlement des heures pourtant effectuées traduit une omission nécessairement volontaire.

L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention d’heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l’espèce, le laxisme de l’employeur invoqué par le salarié ne constitue pas un acte volontaire de nature à caractériser une intention de se soustraire à l’obligation de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail équivalent à celui

réellement accompli ce d’autant que la condamnation au paiement d’heures supplémentaires ne résulte que de l’annulation de la convention de forfait.

Il y a lieu, par conséquent, d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement d’une somme de ce chef.

2/ Sur la rupture du contrat de travail :

2-1/ Sur les motifs du licenciement :

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce.

En l’espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée : « vous avez été promu à la fonction de directeur de site depuis le 1er avril 2019 au sein de la concession FAAJ et à ce titre vous êtes notamment tenu de montrer l’exemplarité et d’assurer un travail sérieux de nature à permettre d’obtenir les résultats escomptés.

Or, dans le cadre de nos visites mensuelles auprès de nos entreprises, nous avons constaté, tant [Z] [W] que moi-même, à deux reprises que vous arriviez très tard au bureau à savoir :

– le 21/05/2019, vous êtes arrivé à 11h30,

– le 27/06/2019, arrivée à 10h30.

La première fois, nous avons pensé qu’il s’agissait d’un retard ponctuel, éventuellement dû à un rendez-vous extérieur et nous ne vous en avons pas tenu rigueur.

La seconde fois, j’étais sur place à 9h le 27 juin et j’ai constaté que vous n’arriviez qu’à 10h30.

Après avoir mené mon enquête auprès des différents salariés de la société, j’ai découvert que vos retards étaient systématiques (arrivée vers 10 h/11 h) et que, de surcroît vous en repartiez le soir vers 18 heures c’est-à-dire avant la fermeture de la concession à 19 h.

Ce manque de respect des règles de fonctionnement de la concession constitue un manquement grave à vos obligations et révèle à laxisme général dans votre travail, incompatible avec votre niveau de responsabilité et préjudiciable à l’image de rigueur que vous êtes tenu de montrer en votre qualité de directeur.

Cela entraîne en outre une désorganisation de l’entreprise qui enregistre, du fait de votre manque de travail, de mauvais résultats et génère une démotivation générale des salariés, gravement préjudiciable au bon fonctionnement de l’entreprise.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Le licenciement prend donc effet immédiatement à la date d’envoi du présent courrier. »

La société fait valoir que les trois griefs reprochés à savoir deux retards importants confirmant les informations recueillies auprès des autres salariés selon lesquelles ces retards étaient systématiques, un manque de respect des règles de fonctionnement de la concession et un laxisme général dans le travail, sont clairs, précis et facilement vérifiables et que le niveau hiérarchique du salarié les rend d’autant plus graves.

Elle veut pour preuve des retards, la reconnaissance par le salarié lui-même de son arrivée tardive qu’il tente de justifier par des explications incohérentes, une attestation de son chef d’atelier et une photographie de M. [S] se promenant au bord de l’Oise alors qu’il aurait dû se trouver à son bureau. Elle conteste les attestations versées aux débats par le salarié qu’elle estime mensongères et de pure complaisance.

M. [S] conteste les faits reprochés. Il fournit une explication aux deux retards qui lui sont précisément reprochés en s’appuyant sur des témoignages et les données de géolocalisation de son téléphone portable. Il fait valoir que la société ne rapporte pas la preuve des fautes qu’elle lui impute et qu’en tout état de cause, les deux retards invoqués ne sauraient justifier un licenciement.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

C’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, ainsi qu’il a été dit précédemment, le salarié justifie de ce qu’il était en rendez-vous à l’extérieur le 21 mai 2019 dans la matinée ce qui explique qu’il soit arrivé tardivement à la concession.

S’agissant du retard constaté le 27 juin 2019, il produit une attestation de M. [K] de l’agence AXA, confirmant avoir eu rendez-vous ce jour-là à 9h15 avec lui pour une durée d’environ une heure. Les déclarations qu’il a pu faire à l’occasion de l’entretien préalable ne sont pas contradictoires sur ce point. La cour observe que l’employeur a été, ce jour là, dans l’incapacité lui-même de préciser quels étaient les retards qu’il lui reprochait obligeant le salarié à chercher dans sa mémoire quels jours et pour quelle raison il aurait pu être absent de son bureau aux heures de visite de son supérieur hiérarchique.

Par ailleurs, la seule attestation de M. [B] n’est pas suffisante pour établir des retards systématiques et des départs anticipés, alors que, selon l’employeur, l’ensemble des salariés se serait prétendument plaints d’un tel manque de présence, et que M. [S] produit une attestation en sens contraire d’un mécanicien ainsi que l’attestation de M. [G] selon laquelle il travaillait six jours sur sept et était particulièrement investi dans son travail, la sincérité de ces témoignages n’étant pas utilement remise en cause par l’employeur.

De plus, la lecture du compte rendu de l’entretien préalable ne fait pas apparaître d’aveu par le salarié de ce qu’il arrivait à 9h et non à 8h30.

Enfin, la société n’apporte pas d’élément au soutien du grief selon lequel le prétendu comportement du salarié entraînerait une désorganisation de l’entreprise qui enregistrerait, du fait de son manque de travail, de mauvais résultats et générerait une démotivation générale des salariés, gravement préjudiciable au bon fonctionnement de l’entreprise.

Il résulte de ce qui précède que les pièces et documents versés aux débats ne permettent pas de tenir pour établis les griefs énoncés dans le lettre de notification du licenciement. Le licenciement doit par conséquent être considéré comme non justifié par une faute grave ni même une cause réelle de sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Le licenciement étant injustifié, le salarié peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également au paiement de la période de mise à pied injustifiée et à des dommages et intérêts à raison de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient de confirmer le jugement s’agissant de l’indemnité compensatrice et de congés payés afférents, du salaire pour la période de mise à pied ainsi que de l’indemnité de licenciement, ces sommes justifiées dans leur principe n’étant pas critiquées dans leur quantum.

L’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, M. [S] peut prétendre à une indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d’un montant compris entre 3 et 3,5 mois de salaire.

M. [S] justifie qu’il s’est trouvé au chômage pendant deux ans à la suite de son éviction.

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l’entreprise (2 ans) et de l’effectif de celle-ci, la cour confirmera le jugement en ce qu’il a alloué à M. [S] une somme correspondant à trois mois de salaire, sauf à préciser que la somme allouée est nette et non brute.

Les premiers juges doivent également être approuvés en ce qu’ils ont ordonné la remise au salarié des documents de fin de contrat conformes à sa décision sans assortir cette obligation d’une astreinte.

M. [S] ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne Pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations. Le jugement sera infirmé de ce chef.

2-2/ Sur la demande au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement :

Dès lors que le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L. 1235-2 du code du travail, le salarié ne peut solliciter d’indemnité pour irrégularité de la procédure de sorte que sa demande doit être rejetée, peu important le bien-fondé ou non de celle-ci.

3/ Sur les autres demandes :

Il est rappelé que, ainsi que l’a dit le conseil de prud’hommes, les condamnations de nature salariale portent de plein droit intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et que, par application de l’article 1231-7 du code civil, les demandes de nature indemnitaire, si la demande en est faite, portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

L’issue du procès conduit à confirmer le jugement s’agissant des dépens et frais irrépétibles.

La société, qui perd le procès en appel, sera condamnée aux dépens et à verser à M. [S] la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour en ce qu’il a condamné la société à payer à M. [S] une somme au titre du travail dissimulé et la somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de l’article 4.02 du CNPA, en ce qu’il a rejeté ses demandes pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail, non-respect du repos hebdomadaire, en ce qu’il a condamné la société FAAJ à verser à Pôle emploi une somme correspondant à six mois d’indemnité de chômage, en ce qu’il a dit que la période concernée pour le paiement des heures supplémentaires commençait le 1er avril 2017 et en ce qu’il a dit que le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse était une somme brute et les sommes allouées au titre de la contrepartie obligatoire en repos étaient des sommes nettes,

le confirme pour le surplus,

statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

dit que les sommes dues par la société FAAJ au titre des heures supplémentaires concernent la période du 1er juin 2017 au 12 juillet 2019,

rejette la demande présentée par M. [S] au titre du travail dissimulé,

condamne la société FAAJ à payer à M. [T] [S] les sommes de :

– 1 000 euros net à titre de dommages intérêts pour non-respect de l’article 4.02 du CNPA,

– 2 000 euros net à titre de dommages intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

– 2 000 euros net à titre de dommages intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire,

dit que l’indemnité légale de licenciement est une somme brute,

dit que les sommes allouées au titre de la contrepartie obligatoire en repos sont des sommes nettes,

ordonne à la société FAAJ de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de trois mois d’indemnités,

condamne la société FAAJ aux dépens d’appel,

la condamne à payer à M. [T] [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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