Géolocalisation : 11 octobre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/04622

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Géolocalisation : 11 octobre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/04622
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11 octobre 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/04622

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 11 OCTOBRE 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 20/04622 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LZQ3

Monsieur [C] [F]

c/

S.A.S. AGILIS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 novembre 2020 (R.G. n°F19/00198) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PERIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d’appel du 25 novembre 2020,

APPELANT :

Monsieur [C] [F]

né le 05 Novembre 1982 à [Localité 2] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Ingrid DESRUMAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et Me Justine MULTEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Agilis, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social demeurant [Adresse 3]

N° SIRET : 443 222 328

représentée par Me Jean-luc HAUGER de l’AARPI LEGALIS, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 juin 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Séléna Bonnet, greffière

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [F], né en 1982, a effectué des missions d’intérim pour le compte de la société Agilis, spécialisée dans la construction des routes et autoroutes et notamment dans la fabrication des glissières en béton entre le 23 juin 2014 et le 31 mai 2016.

Il a ensuite été engagé au sein de cette société par contrat de travail à durée indéterminée du 20 juin 2016 en qualité de maçon, niveau 2, position 1, coefficient 125 de la classification de la convention collective des ouvriers des travaux publics.

En août 2018, il a été promu chef d’équipe, niveau 2, position 2, coefficient 140.

Le 28 mars 2019, à 5 heures, M. [F] a eu un accident de la circulation au volant d’un véhicule de l’entreprise.

Le lendemain, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 avril avec mise à pied à titre conservatoire.

Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre du 16 avril 2019.

A la date du licenciement, M. [F] avait une ancienneté de deux ans et neuf mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 5 septembre 2019, M. [F] a demandé à la société de lui transmetttre :

– les rapports de chantiers,

– les relevés d’autoroute,

– les bons de livraisons de béton toupie avec heures d’arrivée et de départ sur les chantiers,

– les relevés de géolocalisation.

La société n’a pas répondu à cette demande.

Le 28 novembre 2019, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Périgueux, contestant son licenciement et sollicitant le paiement des sommes suivantes :

– 9.820,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5.244,20 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 524,42 euros pour les congés payés afférents,

– 24.114,732 euros au titre d’un “rappel d’heures” outre 2.411,47 euros pour les congés payés afférents,

– 15.732,60 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 2.884,30 euros à titre de “rappel de coefficient”,

– 786,63 euros à titre de “rappel de salaires/requalification sur la base de l’indice 150”,

– 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 3 novembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement de M. [F] est fondé sur une faute grave,

– débouté M. [F] de toutes ses demandes,

– débouté la société Agilis de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [F] aux frais et dépens.

Par déclaration du 25 novembre 2020, M. [F] a relevé appel de cette décision.

Par avis du 20 mars 2023, les parties ont été informées par le greffe de la fixation de l’affaire à l’audience de plaidoirie du 27 juin 2023, la date de clôture étant prévue au 1er juin 2023.

Par conclusions du 27 mars 2023, M. [F] a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande tendant à la production des bons de livraison des toupies de bétons de tous les chantiers, des relevés d’autoroute et des fichiers de géolocalisation, sous

astreinte de 100 euros par jour de retard suivant l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision.

Par ordonnance rendue le 31 mai 2023, le conseiller de la mise en état a débouté M. [F] de l’ensemble de ses demandes, dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, invité la société à produire les rapports de chantier classés dans un ordre chronologique et lisibles et condamné M. [F] aux dépens de l’incident.

Dans ses dernières conclusions au fond adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 mai 2023, M. [F] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, d’infirmer le jugement et de :

Avant dire droit,

– ordonner à la société Agilis de produire les bons de livraison de toupies de béton de tous les chantiers, les relevés Vinci et l’ensemble des fichiers de géolocalisation sur toute la période de l’exécution de son contrat de travail,

Au fond,

– condamner la société Agilis à lui verser les sommes suivantes :

* 11.612,23 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées non rémunérées outre la somme de 1.161,22 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 6.291,60 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires réalisées non rémunérées,

* 13.492,60 euros bruts au titre des heures de voyages constituant du temps de travail effectif qui n’ont pas été rémunérées outre la somme de 1.349,26 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 9.330,18 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les heures de voyages constituant du temps de travail effectif,

* 4.000 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail hebdomadaire,

* 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’information de la contrepartie obligatoire en repos,

* 13.771,19 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

* 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner à la société Agilis la production de nouveaux bulletins de salaire et de nouveaux documents de fin de contrat,

– condamner la société Agilis à verser à M. [F] le ‘manque à gagner des indemnités journalières’ qu’il aurait dû effectivement recevoir, si ses bulletins de paie n’avaient pas été erronés,

– rejeter l’ensemble des demandes de la société Agilis, notamment celles relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– condamner la société Agilis aux dépens.

Dans ses dernières conclusions au fond adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 avril 2023, la société Agilis demande à la cour de :

– dire irrecevables les demandes de M. [F] tendant au paiement des sommes suivantes :

* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail,

* 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-information sur la contrepartie obligatoire en repos,

* 13.492,60 euros bruts à titre de paiement des “heures de voyages constituant du temps de travail effectif”,

* 1.349,26 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 6.291,60 euros à titre de dommages et intérêt pour absence de contrepartie obligatoire en repos sur les heures supplémentaires,

* 9.330,18 euros à titre de dommages et intérêt pour absence de contrepartie obligatoire en repos sur les “heures de voyage constituant du temps de travail effectif”,

– dire également irrecevable la demande non chiffrée au titre d’un “manque à gagner” d’indemnités journalières,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et y ajoutant,

– débouter M. [F] de sa demande de rectification des bulletins de paie et documents de fin de contrat,

– condamner M. [F] à lui verser la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [F] aux frais et dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 27 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La contestation du licenciement et les demandes au titre du ‘rappel de coefficient et de ‘rappel de salaires/requalification sur la base de l’indice 150″ ne sont plus soutenues en cause d’appel par M. [F].

Sur les fins de non-recevoir opposées par la société aux demandes nouvelles présentées par M. [F] devant la cour

Invoquant notamment les dispositions des articles 564 et suivants et 910-4 alinéa 1er du code de procédure civile, la société Agilis conclut à l’irrecevabilité des demandes en paiement formulées par M. [F] au titre des “heures de voyages constituant du temps de travail effectif” et des congés payés afférents ainsi qu’à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail, pour non-information sur la contrepartie obligatoire en repos, pour absence de contrepartie obligatoire en repos sur les heures supplémentaires et sur les “heures de voyage constituant du temps de travail effectif”.

Elle soutient d’une part que ces demandes, présentées pour la première fois en cause d’appel, ne sont pas le complément nécessaire des prétentions originaires qui consistaient seulement à obtenir le paiement d’heures supplémentaires, des congés payés afférents et de l’indemnité pour travail dissimulé.

D’autre part, elle fait valoir que les demandes en paiement au titre des “heures de voyages constituant du temps de travail effectif” et des congés payés afférents ainsi qu’à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos sur les heures supplémentaires et sur les “heures de voyage constituant du temps de travail effectif’, n’ont pas été présentées dans les conclusions notifiées le 25 février 2021, n’ayant été formulées que postérieurement au délai de trois mois prévu par l’article 908.

M. [F] conclut à la recevabilité de ses prétentions au visa des dispositions des articles 565 et 566 du code de procédure civile mais n’a pas conclu sur l’irrecevabilité de ses demandes au regard de l’article 910-4.

***

En première instance, M. [F] sollicitait, au titre de son temps de travail, le paiement de la somme de 24.114,732 euros pour un “rappel d’heures” outre 2.411,47 euros pour les congés payés afférents ainsi que la somme de 15.732,60 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

Dans ses premières conclusions adressées le 25 février 2021, M. [F] a demandé à la cour de :

– condamner la société Agilis à lui payer les sommes suivantes :

* 24.114,73 euros au titre des heures supplémentaires réalisées non rémunérées outre la somme de 2.411,47 euros au titre des congés payés y afférents,

* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail hebdomadaire,

* 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’information de la contrepartie obligatoire en repos,

* 13.771,19 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

* 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Dans ses deuxièmes et troisièmes conclusions adressées à la cour le 27 juillet 2021 puis le 22 juin 2022, M. [F] a modifié successivement ses prétentions demandant notamment à la cour de :

– condamner la société Agilis à lui payer les sommes suivantes :

* 11.612,23 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées non rémunérées outre la somme de 1.161,22 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 6.291,60 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires réalisées non rémunérées,

* 13.492,60 euros bruts au titre des ‘heures de voyages constituant du temps de travail effectif’ qui n’ont pas été rémunérées outre la somme de 1.349,26 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 9.330,18 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos pour les ‘heures de voyages constituant du temps de travail effectif’qui n’ont pas été rémunérées,

* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail hebdomadaire,

* 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d’information de la contrepartie obligatoire en repos ;

* 13.771,19 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé ;

* 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– ordonner à la société la production de nouveaux bulletins de salaire et de nouveaux documents de fin de contrat,

– condamner la société à lui verser ‘le manque à gagner des indemnités journalières’ qu’il aurait dû effectivement recevoir, si ses bulletins de paie n’avaient pas été erronés quant au montant réel de sa rémunération,

– rejeter l’ensemble des demandes de la société Agilis, notamment celles relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Par ailleurs, l’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Les articles 565 et 566 précisent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

*

La demande en paiement de M. [F] au titre ‘des heures de voyage constituant du temps de travail effectif’ et congés payés afférents est recevable dès lors qu’en réalité, elle était incluse dans la demande globale formulée en première instance au titre d’un ‘rappel d’heures’, M. [F] ayant seulement requalifié une partie de ces heures en temps de trajet, considéré par lui comme du temps de travail effectif, en les distinguant des heures supplémentaires stricto sensu et ce, en réponse à l’argumentaire développé par la société dans ses premières conclusions en appel du 5 mai 2021.

*

La demande en paiement à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail est une demande nouvelle comme n’ayant pas été présentée en première instance.

Cependant, contrairement à ce que soutient la société intimée, cette demande à caractère indemnitaire, liée au temps de travail effectivement réalisé, constitue un accessoire de la demande au titre des heures supplémentaires présentée en première instance et sera donc déclarée recevable.

*

La demande en paiement à titre de dommages et intérêts pour absence d’information quant à la contrepartie obligatoire en repos est nouvelle en ce qu’elle a été présentée pour la première fois en cause d’appel dans les conclusions adressées le 25 février 2021 par M. [F] mais, dans la mesure où la contrepartie obligatoire en repos est directement la conséquence de l’accomplissement éventuel d’heures supplémentaires, cette demande sera déclarée recevable.

*

La demande en paiement à titre de dommages et intérêts pour absence de contrepartie obligatoire en repos est également nouvelle pour ne pas avoir été présentée en première instance.

Elle n’a été présentée que dans les conclusions adressées le 22 juin 2022, soit après l’expiration du délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile, et n’a pas été formulée en réplique aux conclusions et pièces adverses ni ne repose sur des questions nées postérieurement aux premières conclusions de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Cette demande doit donc être déclarée irrecevable tant en ce qu’elle porte sur les heures supplémentaires que sur les ‘heures de voyage assimilées à du temps de travail effectif’.

***

La société Agilis demande par ailleurs à la cour de déclarer irrecevable la demande non chiffrée au titre d’un “manque à gagner” d’indemnités journalières.

M. [F] n’a pas conclu sur ce point.

*

Aux termes de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Les conclusions d’appel doivent donc formuler expressément chacune de ces prétentions et les moyens sur lesquels celles-ci se fondent.

Or, ni dans le corps de ses écritures, ni dans le dispositif de ses conclusions, M. [F] n’a chiffré cette demande, sollicitant seulement le paiement du ‘manque à gagner sur les indemnités journalières’ qu’il a perçues au regard de la mention d’un salaire, selon lui erroné, figurant sur ses bulletins de paie, se limitant à produire une attestation de paiement des indemnités journalières perçues entre le 30 juin 2019 et le 31 décembre 2021, sans fournir aucune précision permettant d’évaluer le montant du manque à gagner dont il réclame le paiement.

N’étant pas saisie d’une prétention au sens du texte susvisé, la cour déboutera M. [F] de sa demande à ce titre.

Sur la demande avant-dire droit

M. [F] demande à la cour, avant dire droit, d’ordonner à la société Agilis de produire les bons de livraison des toupies de béton de tous les chantiers, les relevés VINCI et l’ensemble des fichiers de géolocalisation sur toute la période de l’exécution de son contrat de travail.

Cette demande, dont l’appelant a déjà été débouté par l’ordonnance rendue le 31 mai 2023 par le conseiller de la mise en état, ne fait l’objet d’aucune motivation dans les dernières conclusions de M. [F] et sera rejetée.

Sur la demande en paiement au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées.

En l’espèce, au soutien de sa demande en paiement des heures de travail effectuées, M. [F], exposant avoir réalisé des semaines de 50 heures, produit notamment aux débats les éléments suivants :

– un décompte journalier et hebdomadaire distinguant les heures supplémentaires stricto sensu des heures de voyage pour la période du 20 juin 2016 au 31 mars 2019,

– dans ses écritures, un décompte des heures supplémentaires effectuées par mois et, faisant apparaître, compte tenu des heures supplémentaires réglées, le montant des sommes dues par année,

– quelques rapports de chantier.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre.

Pour s’opposer à la demande de M. [F], la société Agilis fait tout d’abord valoir qu’en vertu de l’accord de modulation de la durée du travail en vigueur dans l’entreprise :

– les deux premières heures supplémentaires hebdomadaires éventuellement accomplies (36ème et 37ème) incrémentent un compteur dénommé « HRM » [pour heures modulation récupération] remis à zéro chaque année avec paiement du solde en fin de période de modulation s’il est positif,

– les heures accomplies au-delà de 37 heures, soit à partir de la 38ème heure sont payées au terme du mois concerné dans la mesure où le solde de modulation n’est pas négatif ; dans ce dernier cas, les heures supplémentaires réalisées viennent logiquement s’imputer sur le solde du compteur de modulation jusqu’à retour à un solde positif.

La société intimée cite à titre d’exemple les mois de juin 2016, mars, avril, juillet, septembre et novembre 2017 ainsi que chaque mois entre janvier 2018 et mars 2019.

Selon la société, M. [F] n’a pas tenu compte de ces dispositions ni de la totalité des sommes versées au titre des heures supplémentaires, qui ont effectivement été payées et dont la mention figure sur les bulletins de paie.

Elle soutient ensuite que le décompte présenté par M. [F] est fallacieux comme étant démenti par les très nombreux rapports de chantier qu’elle verse aux débats ainsi que par les propres déclarations de l’appelant, citant ‘à titre d’exemples’ :

– pour la semaine du 18 au 24 juin 2018 où il prétend avoir effectué 52 heures, dont 10 heures le vendredi, alors qu’il se trouvait ce jour là à son domicile pour être rentré le jeudi à 23h18 comme en atteste le relevé de péage ;

– pour la semaine du 27 août au 2 septembre 2018, où il retient 51 heures, alors qu’il n’a pas travaillé les jeudi et vendredi et que la durée de travail des trois premiers jours est de 35 heures ;

– pour la semaine du 17 au 21 septembre 2018 où il prétend avoir travaillé 14 heures le lundi, alors qu’il n’a travaillé que 10 heures auxquelles s’ajoutent 3 heures de trajet, puis 11h30 le mardi, alors que le décompte mentionne 10 heures ce jour-là et 12 heures le mercredi mais qu’il indique 15 heures dans son décompte, 8 heures le vendredi bien qu’étant rentré à son domicile dans la nuit du jeudi au vendredi.

Elle fait encore valoir que les heures figurant sur les relevés de télépéage qu’elle produit ne peuvent donner aucune indication sur le temps de travail effectif du salarié.

La société intimée souligne qu’en outre, les heures réalisées la dernière semaine du mois sont décalées au mois suivant dans le compteur de modulation, citant à titre d’exemple le bulletin de paie du mois de septembre intégrant des heures réalisées sur la dernière semaine du mois de juillet 2016 et en août 2016, déduction faite des heures récupérées.

Elle ajoute que jusqu’en 2018, sans plus de précision, elle décomptait une demi-heure par jour du temps de pointage comme temps d’attente et de pause, qu’elle rémunérait au taux normal, mais qui ne doit pas entrer dans le calcul du déclenchement des heures supplémentaires

Au soutien de sa contestation, la société intimée verse notamment aux débats les pièces suivantes :

– les rapports de chantier suivants, produits conformément aux observations faites dans l’ordonnance rendue le 31 mai 2023 par le conseiller de la mise en état :

Année 2016 :

* du 20/06/2016 au 22/06/2016, du 24/06/2016, du 27/06/2016 au 29/06/2016,

* du 25/07/2016 au 29/07/2016,

* du 02/08/2016 (nuit) au 04/08/2016,

* du 05/09/2016 au 09/09/2016, des 12 et 13/09/2016,

* du14/12/2016 au 16/12/2016, du 20/12/2016, du 22/12/2016 ;

Année 2017 :

* du 06/01/2017, du 09/01/2017 au 13/01/2017, du 23/01/2017 au 27/01/2017, du 31/01/2017,

* du 01/02/2017 au 03/02/2017, du 07/02/2017 au 10/02/2017, du 13/02/2017 au 17/02/2017, du 20/02/2017 au 24/02/2017, du 27/02/2017 et du 28/02/2017,

* du 01/03/2017 au 03/03/2017, du 14/03/2017 au 17/03/2017, du 24/03/2017, du 28/03/2018 et 29/03/2018,

* du 10/04/2017 au 14/04/2017, du 18/04/2017 au 21/04/2017,

* du 09/05/2017 au 12/05/2017, du 15/05/2017 au 19/05/2017, du 22/05/2017 au 24/05/2017,

* des 01/06/2017 et 02/06/2017, du 06/06/2017 au 09/06/2017, du 12/06/2017 au 16/06/2017, du 19/06/2017 au 23/06/2017,

* du 05/09/2017 au 098/09/2017, du 11/09/2017 au 15/09/2017, du 18/09/2017 au 20/09/2017,

* du 08/11/2017 au 10/11/2017,

* du 04/12/2017 au 08/12/2017, du 11/12/2017 , du 13/12/2017, du 15/12/2017 ;

Année 2018 :

* du 09/01/2018 au 12/01/2018, du 15/01/2018 au 19/01/2018, du 22/01/2018 au 26/01/2018,

* des 01/02/2018 et 02/02/2018, du 05/02/2018 au 09/02/2018, du 12 et 13/02/2018, du 20/02/2018 au 23/02/2018, du 26/02/201828/02/2018,

* du 01/03/2018, du 05/03/2018 au 07/03/2018, du 08/03/2018 et 09/03/2018, du 12/03/2018 au 16/03/2018, du 23/03/2018, du 29/03/2018 au 30/03/2018,

* des 09/04/2018 et 11/04/2018, des 12 et 13/04/2018, des 16 et 17/04/2018, du 20/04/2018, du 23/04/2018 au 27/04/2018,

* du 11/06/2018 au 15/06/2018, du 18/06/2018 au 22/06/2018, du 26/06/2018 au 29/06/2018,

* du 02/07/2018 au 06/07/2018, du 09/07/2018 au 13/07/2018 et du 16/07/2018 au 18/07/2018,

* du 08/08/2018 au 10/08/2018, des 13 et 14/08/2018, 16 et 17/08/2018, du 20/08/2018 au 24/08/2018, du 27/08/2018 au 31/08/2018,

* du 03/09/2018 au 07/09/2018, du 10/09/2018 au 13/09/2018, du 17/09/2018 au 20/09/2018,

* du 08/10/2018 au 11/10/2018, du 18/10/2018 au 19/10/2018, du 26/10/2018,

* du 07/11/2018 au 09/11/2018, du 12/11/2018 au 16/11/2018,

* du 03/12/2018 au 07/12/2018, du 10/12/2018 au 13/12/2018 ;

Année 2019 :

* du 15/01/2019 au 18/01/2019, du 21 au 25/01/2019 et du 28 au 31/01/2019,

* du 05/02/2019 au 07/02/2019, du 18/02/2019 au 22/02/2019, du 25/02/2019 et du 28/02/2019,

* du 01/03/2019, du 11/03/2019 au 15/03/2019, du 18/03/2019 au 20/03/2019 et du 22/03/2019 ;

– des documents intitulés “personnel-pointages mensuels par chantier’ correspondant à M. [F] de janvier à décembre 2017,de mars à avril 2018, juin à décembre 2018 et de janvier à avril 2019 ;

– des relevés de télépéage pour la période du 02/05/2018 au 29/03/2019 ;

– les accords de modulation conclus dans l’entreprise ;

– les bulletins de paie du salarié pour l’ensemble de la période concernée par les demandes en paiement de celui-ci.

*

Des accords de modulation produits par la société intimée et de l’analyse des bulletins de paie de M. [F], il convient de retenir que la durée du travail était lissée sur un an, de mars à février de l’année suivante, qu’un compteur de ‘modulation’ enregistrait en positif 2 heures supplémentaires par semaine, en négatif les heures non réalisées, pour cause par exemple d’intempéries ou de transfert, mais aussi les heures de récupération.

L’examen des bulletins de paie démontre par ailleurs que des heures supplémentaires étaient régulièrement payées qu’elles soient majorées de 25% ou 50% et qu’une régularisation du compteur de modulation a été effectuée par l’employeur sur les bulletins de paie des mois de février de chaque année.

Par ailleurs, le décompte établi par M. [F] n’est qu’en partie corrélé par les rapports de chantier, l’affirmation de l’appelant sur la limitation imposée par l’employeur quant aux mentions du nombre d’heures effectuées ne reposant que sur l’attestation imprécise et non circonstanciée à ce sujet émanant de M. [Y], qui avait été un temps son chef d’équipe.

Ce décompte est également erroné en ce qu’il procède d’un décompte journalier des heures de travail réalisées, sans tenir compte par exemple, des jours fériés, de congés partiels sur la semaine, ou encore des retours anticipés du salarié à son domicile le jeudi soir.

Cependant, la société intimée échoue au moins partiellement à démontrer l’horaire exact et précis de travail de M. [F], des dépassements horaires apparaissant très régulièrement sur les rapports de chantier qui ne sont pas produits en totalité.

Tenant compte de l’ensemble de ces éléments ainsi que des anomalies relevées par l’intimée dans ses écritures, la cour a la conviction que M. [F] a accompli sur la période considérée des heures supplémentaires de travail qui n’ont pas toutes été rémunérées, la créance de l’appelant étant fixée, dans la limite des pièces et explications fournies par les parties, à la somme de 4.329,79 euros bruts que la société Agilis sera condamnée à lui payer outre les congés payés afférents à hauteur de la somme de 432,98 euros bruts.

Sur la demande en paiement au titre des ‘heures de voyage constituant du temps de travail effectif’

M. [F] sollicite le paiement de la somme de 13.492,60 euros au titre des ‘heures de voyage’ effectuées pour se rendre de son domicile aux lieux des chantiers qu’il considère constituer du temps de travail effectif outre celle de 1.349,26 euros pour les congés payés afférents.

Ne contestant pas avoir perçu les indemnités de déplacement correspondantes, M. [F] fait cependant valoir qu’il n’avait pas de lieu de travail fixe et doit donc être considéré comme salarié itinérant ‘conformément aux textes légaux et à la jurisprudence en la matière’, dès lors, qu’au cours de ces trajets, il était à la disposition permanente de son employeur puisqu’il avait la responsabilité de conduire, puis ramener, ses collègues sur les chantiers, avec le véhicule de service, sur la demande de son employeur.

Il ajoute qu’il transportait, outre ses collègues, le matériel de la société et ne pouvait donc librement vaquer à ses occupations personnelles, compte tenu des contraintes auxquelles il était soumis par l’employeur durant ces trajets.

Au soutien de sa demande, il produit le décompte précédemment visé, distinguant les heures de transfert, et a établi dans ses écritures un décompte des heures consacrées au temps de voyage et correspondant, selon lui, à des heures supplémentaires.

Il verse également aux débats l’attestation de son épouse qui déclare que jusqu’en juin 2016, elle devait conduire son mari au point de rendez-vous pour le départ en déplacement et qu’elle devait ensuite venir l’y rechercher le vendredi. Elle précise qu’à partir de juin 2016, son mari a eu lui-même un camion et qu’elle n’a plus eu à l’amener ou venir le chercher, tout en témoignant de ce qu’il devait récupérer les ouvriers de son équipe au point de rencontre fixé pour ensuite les conduire sur le lieu du chantier.

Est également produite l’attestation de M. [Y], ancien chef d’équipe de M. [F], qui témoigne de ce que celui-ci faisait le ramassage des ouvriers le lundi matin.

La société intimée, mettant en doute la sincérité des témoignages de l’épouse du salarié et de M. [Y], fait valoir que si M. [F], affecté sur des chantiers, n’avait pas de lieu de travail fixe, le caractère habituel de son lieu de travail ne peut être discuté car il était affecté pour plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sur le même chantier, sans avoir à se déplacer dans la même journée sur d’autres chantiers, sauf en cas de transfert sur le chantier suivant, dans la même semaine.

Elle invoque par ailleurs le fait que M. [F] faisait le choix, par convenance personnelle, de rejoindre son domicile chaque fin de semaine alors que les dispositions de l’article 8.14 de la convention collective applicable fixent la périodicité des voyages de détente en fonction de la distance entre le domicile du salarié et son chantier d’affectation, précisant que durant les week-end où il rentrait chez lui, M. [F] a néanmoins perçu les indemnités de grands déplacements.

Sont cités à titre d’exemple des retours hebdomadaires en juin et juillet 2018 alors que l’éloignement des chantiers (entre 201 et 500 km ou plus de 500) n’autorisait un voyage de détente que tous les 15 jours, voire toutes les trois semaines.

La société ajoute d’une part que, durant les temps de trajet, les salariés restent libres de vaquer à leurs occupations personnelles et que, d’autre part, M. [F], comme ses collègues, n’avait pas l’obligation de se présenter au siège de l’entreprise avant de se rendre sur le chantier qu’il pouvait regagner directement par ses propres moyens.

Elle précise que les ouvriers, qui n’ont pas la qualité de chef d’équipe et n’ont donc pas de véhicule de service, font le choix, soit de se rendre sur le lieu du chantier par leurs propres moyens et bénéficient dans ce cas du remboursement des frais de transport, soit de rejoindre le trajet du chef d’équipe afin de profiter du déplacement de celui-ci au moyen du véhicule de service, ce que faisait M. [F] avant d’être chef d’équipe et ce dont atteste son épouse.

La société souligne enfin que le départ prétendu, avant 5 heures du matin le lundi, n’était pas systématique, de même que les retours tardifs le vendredi soir, citant, au vu des relevés de télépéage (et non de géolocalisation), et à titre d’exemples non exhaustifs, 11 départs le lundi après 5 heures, 14 retours dans l’après-midi du vendredi outre 8 retours dès le jeudi soir ou dans la nuit du jeudi au vendredi voire dans celle du mercredi au jeudi.

***

Aux termes des dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

S’il dépasse le temps normal de trajet, il doit faire l’objet d’une contrepartie qui, en l’espèce, résulte des dispositions de la convention collective applicable, qui prévoient notamment le versement d’indemnités de grand déplacement dans ses articles 8.10 à 8.13.

Dans ses articles 8.14 à 8.16, la convention collective prévoit également un régime dit de voyages de détente, pris en charge par l’employeur, selon une périodicité fonction de l’éloignement du chantier ; il est ainsi accordé :

– un voyage aller et retour toutes les semaines jusqu’à une distance de 250 kilomètres ;

– un voyage aller et retour toutes les 2 semaines de 251 à 500 kilomètres ;

– un voyage aller et retour toutes les 3 semaines de 501 à 750 kilomètres ;

– un voyage aller et retour toutes les 4 semaines au-dessus de 750 kilomètres.

A l’examen des bulletins de paie produits par M. [F], celui-ci a bénéficié du régime de indemnités de grand déplacement ainsi que du paiement des heures de ‘transfert’ en cas de changement de lieu des chantiers en cours de semaine.

Il lui appartient dès lors de démontrer que durant les trajets accomplis pour se rendre aux chantiers et en revenir, il n’était pas libre de vaquer à ses occupations personnelles et était amené, ainsi qu’il le soutient, à transporter des collègues ainsi que du matériel de l’entreprise.

Au vu de quelques rapports de chantier, la cour observe que la mission de conduire des véhicules de l’entreprise ou des véhicules de location incombait aux chefs de chantier ou d’équipe, expressément nommés.

Certains des rapports de chantier produits font en effet apparaître le nom des conducteurs de ces véhicules : or, par exemple, en août 2016, M. [F] décompte 57 heures de voyages alors que les rapports de chantiers mentionnent d’autres salariés comme étant les chauffeurs des véhicules utilisés à cette fin.

Il en est de même :

– en septembre 2016 où M. [F] comptabilise 30 heures de voyage,

– en janvier 2017, où il comptabilise 18 heures de voyages,

– en avril 2017 où il comptabilise 24 heures de voyage,

– en septembre 2017 où il comptabilise 18 heures de voyage,

– en décembre 2017, où il comptabilise 24 heures de voyage,

– en janvier, février, mars, avril 2018 où il comptabilise 24 heures de voyage chaque mois alors que le conducteur de l’unique véhicule figurant sur les rapports de chantier est M. [Y] qui était son chef d’équipe.

Au regard de ces éléments, il sera considéré que jusqu’en juin 2018, date à partir de laquelle M. [F] figure comme chef d’équipe sur les rapports de chantier, l’appelant n’est pas fondé dans sa demande en paiement de ses temps de trajet qui ne peuvent être qualifiés de temps de travail effectif, son épouse ne pouvant pas utilement témoigner de ce que, depuis juin 2016, il véhiculait d’autres salariés alors qu’elle n’a pu personnellement en faire le constat, déclarant elle-même avoir cessé, à partir de cette date, de conduire son époux au lieu de rencontre.

A partir de juin 2018, M. [F] a exercé les fonctions de chef d’équipe qui, selon les propres écritures de la société, était amené à transporter, dans le véhicule de service qui lui était confié, des collègues ainsi que du matériel : s’agissant des collègues, si, ainsi que le soutient la société, il n’est pas démontré que le covoiturage résultait d’instructions de sa part, en revanche, les rapports de chantier démontrent que du matériel de la société était régulièrement transporté à l’aide du véhicule de l’entreprise et il sera en conséquence considéré qu’il s’agit d’un temps de travail qui doit être rémunéré comme tel.

Dans la limite des pièces dont dispose la cour et au vu des indemnités de grand déplacement versées ainsi que des temps de transfert payés au salarié figurant sur les bulletins de salaire, il sera retenu un volume horaire de 144 heures dues à ce titre, soit en tenant compte du taux horaire et des majorations applicables, une somme due de 2.282,59 euros bruts que la société sera condamnée à payer à M. [F] outre la somme de 228,26 euros bruts pour les congés payés afférents.

Sur la demande en paiement à titre de dommages et intérêts pour absence d’information quant à la contrepartie obligatoire en repos

Les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel ouvrent droit pour le salarié à une contrepartie obligatoire en repos, telle que prévue par l’article L. 3121-11 du code du travail, devenu l’article L. 3121-30, et l’employeur est tenu d’informer les salariés de leurs droits acquis en la matière.

Le salarié qui n’a pas été mis en mesure de formuler une demande de repos compensateur a droit à l’indemnisation du préjudice en résultant qui comporte à la fois l’indemnité de repos due et les congés payés afférents.

Sur la période de la relation contractuelle, la convention collective applicable ne comporte pas de disposition spécifique au contingent annuel en sorte que doit s’appliquer celui prévu par les dispositions légales et réglementaires, résultant de l’article D. 3121-14-1 du code du travail devenu l’article D. 3121-24, soit un contingent de 220 heures par an.

Au vu du nombre d’heures supplémentaires précédemment retenues par la cour au titre du temps de travail effectif, puis, en outre, à compter du mois de juin 2018, au titre des temps de trajet assimilés à du temps de travail effectif, le contingent annuel n’a pas été dépassé en 2016, 2017 et 2019 mais l’a été à compter du mois de juillet 2018 et ce, à hauteur de 214 heures.

L’attestation Pôle Emploi délivrée au salarié ne mentionne pas l’effectif de la société qui a précisé à l’audience employer environ 600 salariés.

Par conséquent, il sera alloué à M. [F] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande en paiement au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

M. [F] sollicite le paiement de la somme de 13.771,19 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, estimant que la société Agilis ne pouvait ignorer les nombreuses heures supplémentaires qu’il réalisait.

La société intimée n’a pas conclu sur cette demande autrement qu’en contestant la réalité du nombre d’heures de travail effectuées.

***

Aux termes des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, l’indemnité forfaitaire n’est prévue qu’en cas dissimulation d’emploi salarié intentionnellement commise par l’employeur.

En l’espèce, M. [F], qui, au cours de la relation contractuelle, n’a formulé aucune demande en paiement au titre des heures de travail effectivement réalisées, n’obtient gain de cause à ce sujet que très partiellement et au terme d’un long débat judiciaire au cours de laquelle il a modifié à la fois le fondement juridique de ses demandes et le montant de ses prétentions.

La preuve de l’élément intentionnel de la dissimulation d’emploi n’est ainsi pas rapportée et M. [F] sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande en paiement à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail

M. [F] sollicite le paiement de la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du dépassement régulier de la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures, au visa de l’article L. 3121-35 du code du travail..

La société conclut au rejet de cette demande, soutenant que le manquement de ses obligations à ce titre n’est pas établi.

***

Aux termes de l’article L. 3121-35 du code du travail, devenu depuis le 10 août 2016 l’article L. 3121-20, la durée maximale hebdomadaire de travail est fixée à 48 heures.

Lors de l’examen de la demande de M. [F] au titre des heures supplémentaires réalisées ainsi que des heures consacrées aux temps de trajet assimilés à des temps de travail effectif, la cour a constaté le dépassement fréquent de cette durée.

Les dispositions précitées étant destinées à assurer la protection de la santé des salariés, qui est mise à mal par de tels dépassements, il sera fait droit à la demande indemnitaire de M. [F] à ce titre.

Sur les autres demandes

La société intimée devra délivrer à M. [F] un bulletin de salaire récapitulatif des créances salariales allouées par le présent arrêt ainsi qu’un reçu pour solde et une attestation Pôle Emploi rectifiés et ce, dans le délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt.

Partie perdante à l’instance, la société sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à M. [F] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare irrecevables les demandes en paiement pour absence de contrepartie obligatoire en repos sur les heures supplémentaires et sur les heures de voyage et du manque à gagner au titre des indemnités journalières,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [F] de sa demande avant-dire droit de production de pièces,

Condamne la société Agilis à payer à M. [F] les sommes suivantes :

– 4.329,79 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées outre 432,98 euros bruts pour les congés payés afférents,

– 2.282,59 euros bruts au titre des heures de voyage constituant du temps de travail effectif outre la somme de 228,26 euros bruts pour les congés payés afférents,

– 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’information sur les droits à la contrepartie obligatoire en repos,

– 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail,

– 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société Agilis aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire

 


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