Contrat de franchise : 13 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05531

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Contrat de franchise : 13 avril 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/05531

13 avril 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/05531

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 13/04/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/05531 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T5YM

Jugement (N° 2019/1513) rendu le 22 septembre 2021 par le tribunal de commerce d’Arras

APPELANTE

Madame [G] [Y]

née le 05 novembre 1973 à [Localité 4], de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Mélinda Leleu, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

INTIMÉE

SAS Distribution Casino France, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège [Adresse 1]

représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Sébastien Semoun, substitué par Me Judith Fontenille, avocats au barreau de Lyon, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 17 janvier 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 décembre 2022

****

La société Distribution Casino France exploite un réseau de franchise alimentaire de proximité sous l’enseigne Vival.

Dans ce cadre, elle a signé un contrat d’approvisionnement avec location d’enseigne avec Mme [Y] le 19 avril 2010 pour une durée de 7 ans renouvelable par tacite reconduction.

Se prévalant de la violation de la clause de non-concurrence prévue par l’article 6 du contrat d’approvisionnement susvisé, la société Distribution Casino France a fait établir 2 constats d’huissier de justice en date des 3 septembre et 27 octobre 2015 confirmant la vente des produits de marque Belle France puis a adressé à Madame [Y] un courrier recommandé le 30 octobre 2015 le lui signifiant et la mettant en demeure de cesser de vendre ces produits sous peine de résiliation du contrat d’approvisionnement à ses torts exclusifs et de règlement de dommages et intérêts évalués à 45 903 euros.

Par courrier recommandé du 12 novembre 2015, Mme [Y] a répondu que le non-respect des engagements à déplorer était celui de la société Distribution Casino France, tous les documents contractuels obligatoires n’ayant pas été signés, de sorte que le contrat d’approvisionnement ne pouvait pas lui être opposé.

La société Distribution Casino France lui a fait délivrer le 29 mars 2017 une assignation devant le tribunal de commerce d’Arras pour obtenir, à raison de la violation de l’obligation de non-concurrence, sa condamnation au titre de sa responsabilité contractuelle à l’indemniser des préjudices subis.

En défense, Mme [Y] a sollicité, à titre principal, la prescription de l’action en justice de la société Distribution Casino France, et à titre subsidiaire, que cette société soit déboutée de ses demandes, fins et conclusions. À titre reconventionnel, elle a demandé que soit prononcée la nullité du contrat d’approvisionnement ou à titre subsidiaire, que sa résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société Distribution Casino France soit prononcée avec condamnation de celle-ci à lui régler notamment des dommages et intérêts d’un montant de 20 000,00 euros.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 22 septembre 2021, le tribunal de commerce d’Arras a statué en ces termes :

« Constate que la première mention de produits « BELLE FRANCE » dans le magasin de Madame [Y] [G] date du 9 novembre 2012 ;

constate que dès lors l’action se serait prescrite le 9 novembre 2017 ;

constate que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a assigné Madame [Y] [G] le 29 mars 2017,

dit et juge que la SAS DISTRIBUTION CASINO n’est pas prescrite dans son action ;

constate que le contrat d’approvisionnement a été conclu le 19 avril 2010 ;

constate que la dernière facture payées par la SAS DISTRIBUTION CASINO France au titre du budget d’enseigne date du 7 septembre 2010

dit et juge que :

-Madame [Y] [G] est prescrite à invoquer la nullité du contrat d’approvisionnement ;

-au titre de son absence d’immatriculation lors de ce dernier ;

-au titre de la non-constitution de garantie

-au titre du prétendu manquement à l’obligation d’information précontractuelle

-Madame [Y] [G] est également prescrite dans son action concernant le budget d’enseigne ;

-sur la validité du contrat d’approvisionnement, constate que Madame [Y] [G] exerce son activité en entreprise individuelle ;

dit et juge que le contrat d’approvisionnement a été valablement conclu par Madame [Y] [G],

constate que l’article 3 ‘garantie’ a été stipulé dans le seul intérêt de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE ;

dit et juge que Madame [Y] [G] ne peut se prévaloir des dispositions de cette clause ;

constate que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a fourni à Madame [Y] [G] des informations précontractuelles sérieuses et sincères ;

constate que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rempli son obligation légale d’information en transmettant dans les délais impartis un document d’information précontractuel conforme aux exigences légales

déboute Madame [G] [Y] de sa demande de nullité du contrat d’approvisionnement ;

sur la responsabilité de Madame [Y] [G], constate la résiliation prématurée du contrat conclu entre la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE et Madame [Y] le 19 avril 2010 ;

condamne Madame [Y] [G] à payer à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 50 172 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice liés à la perte de marge brute ;

condamne Madame [Y] [G] à payer à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 597 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi liés à la perte de redevances de cotisation d’enseigne ;

condamne Madame [Y] [G] à payer à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 1 845,36 euros au titre du remboursement prorata du budget d’enseigne ;

condamne Madame [Y] [G] à payer à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 3 688,72 euros au titre de l’indemnité pénale prévue à l’article 4 de l’annexe 9 du contrat d’approvisionnement ;

constate la violation manifeste par Madame [Y] de la clause de non-concurrence contractuelle figurant sur à l’article 6 du contrat d’approvisionnement conclu le 19 avril 2010 entre la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE et Madame [Y] [G] ;

condamne Madame [Y] à payer à la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

constate que le prévisionnel n’a pas été communiqué par la société SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE ;

constate que par hypothèse, un prévisionnel communiqué avant la signature d’un contrat ne saurait engager la responsabilité contractuelle ;

déboute Madame [Y] [G] de ses demandes au titre des prétendus manquements précontractuels de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

constate que le prévisionnel a été établi de façon sérieuse ;

déboute Madame [Y] [G] de ses demandes à ce titre ;

constate que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rempli son obligation d’assistance découlant du contrat d’approvisionnement ;

constate que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE n’est pas à l’initiative de la rupture du contrat d’approvisionnement

constate que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rempli ses obligations contractuelles relatives au budget d’enseigne ;

déboute Madame [Y] [G] de ses demandes au titre des prétendus manquements contractuels de la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE ;

condamne Madame [Y] [G] à payer à la SAS DISTRIBUTION CASINO la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

déboute la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE du surplus de ses demandes ;

déboute la Madame [Y] [G] de l’ensemble de ses demandes ;

condamne Madame [Y] [G] aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 63,36 euros ».

Par déclaration en date du 29 octobre 2021, Madame [G] [Y] a interjeté appel de la décision reprenant l’ensemble des chefs du jugement précité dans son acte d’appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Par conclusions remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 19 décembre 2022, Mme [G] [Y] demande à la cour de :

« Pour les causes sus énoncées,

Vu l’article 2224 du Code Civil,

Vu les articles 1240 et suivants et 1231-5 du Code Civil,

Dire mal jugé et bien appelé.

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de ARRAS le 22 septembre 2021 en toutes ses dispositions.

L’infirmant,

Dire et juger la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE prescrite en son action judiciaire à l’égard de Madame [Y].

A titre subsidiaire, dire et juger la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions faites à l’égard de Madame [Y] et par voie de conséquence, l’en débouter.

A titre très subsidiaire, réduire à 1 Euro l’indemnité pénale contractuelle et réduire dans de plus justes proportions la somme allouée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Dire et juger Madame [Y] recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles.

Par voie de conséquence, prononcer la nullité du contrat d’approvisionnement signé entre Madame [Y] et la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE le 19 avril 2010 et condamner la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à verser à Madame [Y] la somme de 20 000,00 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par elle.

A titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du contrat d’approvisionnement signé entre Madame [Y] et la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE le 19 avril 2010 aux torts exclusifs de cette société et en conséquence, condamner la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à régler à Madame [Y] la somme de 20 000,00 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subi par elle.

Condamner la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à régler à Madame [Y] la somme de 3 000,00 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel ».

Elle oppose à l’action judiciaire initiée par la société Distribution Casino France le moyen tiré de la prescription, aux motifs que :

– plusieurs fiches de visites, établies par la société Distribution Casino France les 09 novembre 2012, 20 mars 2013, 10 juillet 2013 et 18 septembre 2013, montrent que dès ces dates, il est expressément constaté qu’il existe des produits de marque Belle France dans les rayons depuis le 28 avril 2010, c’est-à-dire 18 jours après la signature du contrat d’approvisionnement ;

– à partir du moment où il y avait un suivi du magasin de Madame [Y] et que celle-ci avait déjà des produits de marque concurrente quelques semaines après son installation en 2010, la société Distribution Casino France était en mesure de le lui reprocher et de prendre l’initiative d’une procédure judiciaire dès cette date, son délai de 5 ans pour le faire expirant en avril 2015 ;

– elle indique que la société Distribution Casino France après avoir fixé le point de départ de la prescription en 2015 soutient qu’elle aurait en réalité relevé pour la première fois l’existence des produits de marques concurrentes dans le magasin le 09 novembre 2012 ;

– à partir du moment où la société Distribution Casino France avait une obligation contractuelle d’assistance commerciale, elle devait de façon régulière visiter le magasin pour vérifier si la franchise se déroulait correctement et dans le cadre des visites du magasin dès 2010 et des fiches de visite dès 2011, elle ne pouvait que constater la commercialisation des produits de marque Belle France dès la fin avril 2010, peu important le fait que les fiches de visite datées des 16 et 22 novembre 2011 n’en fassent pas mention ;

– l’ensemble des commandes faites par Madame [Y] pour le magasin entre 2010 et fin 2012 (date à laquelle le magasin a été fermé) démontre qu’elle n’a pas commandé de produits des marques qu’elle devait commercialiser en vertu dudit contrat mais uniquement des produits de marque concurrente, ce que la société Distribution Casino France ne pouvait ignorer, se devant au titre du contrat d’approvisionnement, de contrôler les achats effectués.

Elle souligne que la société Distribution Casino France n’ayant pas respecté ses obligations contractuelles à son égard, au bout de quelques semaines et pendant plus de 4 ans, elle ne se sentait pas elle-même tenue de ce fait de la moindre obligation contractuelle à l’égard du fournisseur, raison pour laquelle elle a acheté des produits de marques concurrentes.

Mme [Y] explique qu’elle :

– n’a pas bénéficié du budget d’enseigne et a dû faire elle-même des dépenses pour l’exploitation de son commerce ;

– a très vite, dès fin avril 2010, cessé de commander des marchandises à la société Distribution Casino, via les marques Casino ou Vival, sans que cette dernière ne s’en inquiète et ne le lui reproche pendant 5 ans ;

– n’a en rien bénéficié d’un suivi commercial via un conseiller de la société Distribution Casino France tel que prévu dans le contrat.

Elle rappelle qu’avant son immatriculation, effectuée seulement le 28 avril 2010, elle ne pouvait signer le contrat d’approvisionnement, ce contrat reprenant expressément cette règle des articles L 123-1 et suivants du code de commerce, en page 05 article 8 intitulé ”indépendance juridique”, laquelle pose comme condition que le cocontractant doit avoir la qualité de commerçant indépendant via son inscription au registre du commerce et des sociétés. Or le contrat a été signé le 19 avril 2010.

La nullité est encourue, sans que la société Distribution Casino France puisse se retrancher derrière, d’une part, la qualité de commerçante personne physique, et non d’associée d’une société commerciale, d’autre part, le fait que le contrat d’approvisionnement ne fixe pas comme condition de sa validité ce statut de commerçant.

N’ayant pas la personnalité juridique lors de la signature, le contrat lui est inopposable car il doit être déclaré nul, s’agissant d’une nullité absolue qui implique que ce contrat ne pouvait recevoir exécution.

Elle pointe également que l’avenant au titre de la constitution du dépôt de garantie n’a été ni rempli, ni paraphé ni signé, ce qui justifie d’autant plus la nullité, sans que la société Distribution Casino France puisse lui opposer qu’il s’agit d’une clause en sa seule faveur.

La nullité doit en outre être prononcée pour non-respect de l’obligation de loyauté, due avant la signature du contrat.

Il résulte du document intitulé ”document d’information pré-contractuelle” remis par la société Distribution Casino France le 19 mars 2010 que les articles 330-3 du code de commerce et 1er du décret 91-337 du 4 avril 1991 ne sont pas respectés, puisqu’il ne s’agit que d’un document général comportant 90 % des clauses types pouvant s’appliquer à n’importe quel franchisé sans spécificité aucune par rapport au projet envisagé et avec des documents annexes qui ne correspondent pas à ce qu’ils indiquent.

Elle fait remarquer que le document n’est que la reprise de données générales, avec des chiffres concernant les années 1998 à 2000 pour un projet de 2010, de sorte que la plupart des franchises n’existe plus et qu’en outre le prévisionnel établi en février fait mention de chiffres de vente et de marges irréalisables et non conformes au marché via une clause d’approvisionnement minimum imposant d’acheter une moyenne de 7642 euros HT de produits par mois lissée sur un an.

Elle s’oppose à l’affirmation de la société Distribution Casino France selon laquelle le prévisionnel produit ne serait pas le véritable prévisionnel, ce dernier étant un document interne à ses services qui n’aurait pas vocation à être communiqué à l’exploitante.

Elle critique tout autant l’affirmation de la société Distribution Casino France selon laquelle son obligation ne serait pas une obligation de résultat puisque le chiffre d’affaires dépend de l’exploitante, qui aurait mal géré son commerce.

Mme [Y] conteste la prescription opposée par la société Distribution Casino France à sa demande de nullité du contrat en raison de l’exécution de ce dernier sur la période de 2010 à 2015. Ce contrat n’a jamais été exécuté puisque quelques mois après son émission, les relations contractuelles ont été stoppées.

Elle estime que la demande de prescription de son action en nullité ne peut courir qu’à compter du jour où elle a eu à nouveau des nouvelles de la part de la société Distribution Casino France, soit à compter du 3 septembre 2015.

Elle plaide à titre subsidiaire sur le non-respect par la société Distribution Casino France de ses obligations contractuelles devant entraîner la résiliation judiciaire du contrat d’approvisionnement aux torts exclusifs de cette dernière.

En effet, la société Distribution Casino France n’a pas respecté ses engagements contenus au niveau des pages 1 et 4 de son contrat dans le préambule et de l’article 4 “Prestations diverses” dont il résulte qu’elle s’était engagée à lui offrir un service performant au niveau commercial dont une assistance publicitaire ; une assistance commerciale ; une assistance lors de la mise en place du concept commercial, dans l’implantation du local et la présentation des produits  ; de même enfin qu’une assistance administrative.

Sur 6 années de suivi, il n’a été établi que 7 fiches de visite du magasin brèves et lacunaires. Elle avait pourtant réclamé des interventions sans obtenir de résultat, que ce soit au niveau du store électrique ou du retour du contrat d’approvisionnement, signé par les deux parties, qu’elle n’a jamais reçu.

Mme [Y] fait remarquer qu’aucune des conditions de résiliation prévues contractuellement n’a été respectée par la société Distribution Casino France (article 13), cette dernière s’étant contentée d’un seul et unique courrier recommandé avec accusé de réception mettant en demeure l’exploitante de cesser les agissements reprochés. Le second courrier prévu n’a jamais été envoyé.

Le même non-respect des dispositions contractuelles peut être déploré pour ce qui concerne le budget d’enseigne. Il en est de même pour le stock réellement constitué, le prévisionnel faisant état d’un stock à constituer pour démarrer son activité de 8 000 euros alors que le stock constitué de la reprise du stock du commerce auquel elle succédait s’élevait à 21 000 euros.

Les manquements à reprocher sont nombreux et graves, d’autant qu’elle était profane en matière de franchise et que c’est le corps de métier de la société Distribution Casino France. Elle expose donc avoir subi un préjudice moral et financier important, à hauteur de 20 000 euros.

À titre très subsidiaire, elle conclut au débouté des demandes de la société Distribution Casino France en indemnisations, faute d’explication tant dans leur réalité que dans leur chiffrage.

En ce qui concerne le préjudice de perte de marge brute jusqu’à la fin théorique du contrat d’approvisionnement, la société Distribution Casino France se contente de reprendre un chiffre global sans aucune précision ni preuve de ce que ce montant correspondrait à un manque à gagner commercial pour elle.

Le préjudice de redevances de location d’enseigne est aussi réclamé avec un montant global sans explication chiffrée ni référence au contrat d’approvisionnement.

En outre, en ce qui concerne les sommes réclamées au titre du solde du budget d’enseigne, si la société Distribution Casino France se réfère à l’article 4 annexe 9 du contrat d’approvisionnement, elle ne justifie aucunement du fait que le budget d’enseigne global pour 6 990,00 euros HT aurait réellement été réglé par ses soins à l’exploitante, ce qui signifie qu’elle ne peut pas, faute de justification, lui réclamer le remboursement du solde.

Il n’est pas plus justifié du préjudice subi à raison de la violation de l’obligation de délivrance, au visa de l’article 6 du contrat.

Elle s’oppose au paiement des indemnités pénales, la société Distribution Casino France ne justifiant pas du mode de calcul. Elle souligne que le juge peut modérer ce qui constitue une clause pénale.

Elle critique le jugement du tribunal de commerce, qui consacre d’importants développements aux moyens et prétentions des parties, mais ne consacre que 14 paragraphes pour rendre sa décision.

Par conclusions remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 25 avril 2022, la société Distribution Casino France demande à la cour de :

« Vu les articles 1134, 1147, 1382, 1184 (ancien) du Code civil,

Vu l’article L 330-3 du Code de commerce

Vu les pièces versées au débat,

Vu la jurisprudence constante,

CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce d’ARRAS en date du 22 septembre 2021 en l’ensemble de ses dispositions, sauf :

– en ce qu’il a condamné Madame [G] [Y] à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 10 000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de la violation de la clause de non-concurrence prévue à l’article 6 du contrat d’approvisionnement ;

Et statuant à nouveau sur ce seul point :

CONDAMNER, par conséquent, Madame [G] [Y] à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 20 000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à ce titre.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

‘ Sur la prescription des actions

D’une part :

– CONSTATER que la première mention de produits « BELLE FRANCE » dans le magasin de Madame [Y] date du 9 novembre 2012 ;

– CONSTATER que dès lors l’action se serait prescrite le 9 novembre 2017 ;

– CONSTATER que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a assigné Madame [Y] le 29 mars 2017 ;

Par conséquent,

– DIRE ET JUGER que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE n’est pas prescrite dans son action ;

D’autre part :

– CONSTATER que le contrat d’approvisionnement a été conclu 19 avril 2010 ;

– CONSTATER que la dernière facture payée par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE au titre du budget d’enseigne date du 07 septembre 2010 ;

Par conséquent,

– DIRE ET JUGER QUE :

o Madame [Y] est prescrite à invoquer la nullité du contrat d’approvisionnement ;

‘ au titre de son absence d’immatriculation lors de la conclusion de ce dernier ;

‘ au titre de la non constitution de garantie ;

‘ au tire du prétendu manquement à l’obligation d’information pré contractuelle ;

o Madame [Y] est également prescrite dans son action concernant le budget d’enseigne ;

‘ Sur la validité du contrat d’approvisionnement,

D’une part :

– CONSTATER que Madame [Y] exerce son activité en entreprise individuelle

Par conséquent,

– DIRE ET JUGER que le contrat d’approvisionnement a été valablement conclu par Madame [Y] le 9 novembre 2012

D’autre part :

– CONSTATER que l’article 3 « Garantie » a été stipulé dans le seul intérêt de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ;

Par conséquent,

– DIRE ET JUGER que Madame [Y] ne peut se prévaloir des dispositions de cette clause ;

Enfin :

– CONSTATER que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a fourni à la Madame [Y] des informations précontractuelle sérieuses et sincères ;

– CONSTATER que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rempli son obligation légale d’information en transmettant dans les délais impartis un document d’information précontractuel conforme aux exigences légales ;

Par conséquent,

– DÉBOUTER Madame [Y] de sa demande de nullité du contrat de d’approvisionnement ;

‘ Sur la responsabilité de Madame [G] [Y],

– CONSTATER la résiliation prématurée du contrat conclu entre la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et Madame [G] [Y] le 19 avril 2010 aux torts exclusifs de Madame [G] [Y],

– CONDAMNER par conséquent Madame [G] [Y] à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 50 172 Euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi liés à la perte de marge brute,

– CONDAMNER par conséquent Madame [G] [Y] à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 597 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi liés à la perte des de redevances de cotisations d’enseigne,

– CONDAMNER par conséquent Madame [G] [Y] à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 1845,36 € TTC au titre du remboursement prorata temporis du budget d’enseigne ;

– CONDAMNER par conséquent Madame [G] [Y] à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 3 688,72 euros au titre de l’indemnité pénale prévue à l’article 4 de l’annexe 9 du contrat d’approvisionnement.

– CONSTATER la violation manifeste par Madame [G] [Y] de la clause de non-concurrence contractuelle figurant à l’article 6 du contrat de d’approvisionnement conclu le 19 avril 2010 entre la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et Madame [G] [Y],

– CONDAMNER par conséquent Madame [G] [Y] à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 20 000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

‘ Sur les prétendus manquements contractuels de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

‘ Concernant le prévisionnel :

A titre principal :

– CONSTATER que le prévisionnel n’a pas été communiqué par la société DISTRIBUTION CASINO France ;

– CONSTATER que, par hypothèse, un prévisionnel communiqué avant la signature d’un contrat ne saurait engager la responsabilité contractuelle ;

Et par conséquent :

– DÉBOUTER Madame [Y] de ses demandes au titre des prétendus manquements précontractuels de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ;

A titre subsidiaire :

– CONSTATER que le prévisionnel a été établi de façon sérieuse ;

Et par conséquent :

– DÉBOUTER Madame [Y] de ses demandes à ce titre ;

‘ Concernant les autres prétendus manquements contractuels :

– CONSTATER que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rempli son obligation d’assistance découlant du contrat d’approvisionnement ;

– CONSTATER que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE n’est pas à l’initiative de la rupture du contrat d’approvisionnement

– CONSTATER que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rempli ses obligations contractuelles relatives au budget d’enseigne ;

Et par conséquent,

– DÉBOUTER Madame [Y] de ses demandes au titre des prétendus manquements contractuels de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE ;

En toutes hypothèses :

– CONDAMNER Madame [G] [Y] à payer à la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE la somme de 25 000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER Madame [G] [Y] aux entiers dépens de l’instance ».

Elle revient sur les faits et mentionne que les relations contractuelles se sont déroulées correctement pendant 5 ans et que Mme [Y] n’a jamais émis la moindre contestation à l’encontre des factures de marchandises émises par la société Distribution Casino France.

Concernant la prescription des actions, la société Distribution Casino France expose que :

– l’action en concurrence déloyale initiée par ses soins et la demande reconventionnelle de Mme [Y] en nullité du contrat n’ont pas le même point de départ de la prescription ;

– pour les contrats et leur nullité, la prescription commence à courir à compter du jour où l’acte est passé, soit avril 2010, ledit contrat ayant en outre été exécuté ;

– les premières fiches de suivi établies, dans le cadre d’une assistance spontanée à l’exploitante, et non de visite contractuellement obligatoire comme le soutient Mme [Y], ne font aucune mention des produits ”Belle France”, contredisant l’affirmation mensongère de cette dernière selon laquelle l’intimée aurait été informée de cette infraction depuis avril 2010 ;

– la première infraction relevée date du 9 novembre 2012, ce qu’a justement constaté le tribunal de commerce, ce qui induit que la prescription de son action n’était pas acquise, l’assignation ayant été délivrée le 29 mars 2017 ;

– si les factures d’achat de marchandises auprès des sociétés Rubiacée, Métro, Etablissements Ballescer Sénéchal et Codifrance produites prouvent que Mme [Y] s’est effectivement approvisionnée en marchandises auprès d’autres sociétés que la société Distribution Casino France, elles n’établissent pas, en revanche, que la société Distribution Casino France avait connaissance de cet approvisionnement externe en produits de marque de distributeur concurrent, ni même que les produits étaient effectivement présents dans le magasin lors des visites ;

– concernant les demandes de Mme [Y] au titre du budget d’enseigne, la dernière facture concernant ce budget date du 7 septembre 2010, ce qui induit que toute action au titre du versement de ce budget d’enseigne est prescrite depuis le 8 septembre 2015.

Elle conclut à titre subsidiaire à la validité du contrat d’approvisionnement du 19 avril 20210.

Elle fait ainsi valoir que l’immatriculation au RCS est indifférente, puisque Mme [Y] est une personne physique, dont la personnalité juridique existe du seul fait de sa personne, laquelle n’a pas dès lors besoin d’être immatriculée pour l’acquérir. Le contrat ne fixe pas comme condition de sa validité le fait que Mme [Y] devait justifier de sa qualité de commerçante via la production de son inscription au RCS. Cette dernière avait pleine capacité pour contracter.

Par ailleurs, le défaut de constitution de la garantie ne peut pas plus être utilement excipé. Mme [Y] ne peut se prévaloir d’une nullité, alors même qu’elle n’a pas exécuté son obligation contractuelle de constituer un dépôt de garantie. En outre cette clause ne vise qu’à protéger les seuls intérêts de la société Distribution Casino France. La partie au profit de qui la clause est stipulée peut parfaitement y renoncer, ce qui rend alors le contrat pleinement efficace. Cette clause n’est en rien illégale ou léonine.

La société Distribution Casino France souligne avoir respecté son obligation d’information précontractuelle des articles L 330-3 et R 330-1 du code de commerce. Elle plaide la parfaite conformité du document précontractuel transmis et l’absence de commuication d’un prévisionnel.

La loi n’exige nullement qu’une étude de marché ou qu’un compte prévisionnel d’exploitation soit transmis par le distributeur dans le cadre du document d’information précontractuelle, l’évaluation de la rentabilité du projet et l’analyse d’implantation précise relevant de la seule et unique responsabilité du détaillant. Il n’existe aucune obligation, qu’elle soit contractuelle ou légale, de faire une étude de commercialisation. Il n’est apporté aucun élément probant pour étayer l’affirmation selon laquelle la société Distribution Casino France aurait manqué à son obligation de loyauté.

Concernant le prévisionnel, elle conteste être l’auteur du document produit et l’avoir remis à Mme [Y]. Elle précise que ce type de prévisionnel est un document interne aux services de la société Distribution Casino France et de la société Desrichard, n’ayant pas vocation à être communiqué en dehors des relations d’affaires entre ces deux sociétés. Les prétentions de cette dernière concernant les chiffres mentionnés dans le prévisionnel ne pourront qu’être écartées.

À titre subsidiaire, s’il est considéré qu’elle a communiqué un prévisionnel, cette communication ne saurait engager sa responsabilité, puisque le distributeur n’a pas d’obligation de résultat quant à la réussite du détaillant, lequel exploite son point de vente à ses risques et périls. L’établissement d’un compte prévisionnel ne peut apparaître fautif que lorsque cumulativement les chiffres prévisionnels sont grossièrement inexacts et fantaisistes et que la méthodologie appliquée pour déterminer les comptes prévisionnels ne repose pas sur une démarche sérieuse.

En tout état de cause, le prévisionnel dont se prévaut Madame [Y] prévoyait un montant de 16 000 euros de stock et non de 8 000,00 euros. Dès lors, la différence entre le prévisionnel et la réalité du stock constitué est moindre. Aucune faute ne saurait lui être reprochée.

La société Distribution Casino France revient sur la marque Belle France, marque du distributeur Francap et l’enseigne Panier Sympa, concurrents directs du groupe Casino. La distribution d’une marque, de distributeur, concurrente par un membre du réseau Casino constitue une violation grave à l’esprit et à la loyauté qui préside à toute relation commerciale.

Il y a violation d’une obligation essentielle par Mme [Y], l’ensemble des dispositions contractuelles stipulées par le contrat d’approvisionnement régularisé entre les parties, lequel a bien été signé et paraphé par les deux parties et figure d’ailleurs dans la propre version de Mme [Y] envoyée par courrier du 12 novembre 2015, étant parfaitement opposable.

En tout état de cause, s’agissant d’un contrat synallagmatique qui a été exécuté par les deux parties et consensuel, quand bien même il n’aurait pas été signé, sa validité est parfaite par la seule rencontre des volontés.

La clause de non-concurrence est donc parfaitement opposable et valable, sa violation ayant été constatée par des procès-verbaux d’huissier.

La société Distribution Casino France souligne avoir mis en garde Mme [Y] du préjudice qu’elle subissait. Elle détaille chacun des préjudices dont elle se prévaut. Elle conteste la limitation par le tribunal de son indemnisation au titre de la violation de la clause de non-concurrence à hauteur de 10 000 euros, soulignant que Mme [Y] a arboré une nouvelle enseigne concurrente et a commercialisé des produits à marque de distributeurs concurrents.

Elle mentionne une résiliation anticipée fautive du contrat, le préjudice lié à la rupture anticipée du contrat devant être évalué en tenant compte de la perte de marge brute. Le contrat a été rompu près de 5 ans après sa conclusion, alors même que Mme [Y] s’était engagée sur une durée ferme de 7 ans. Elle est en droit de réclamer également les redevances perdues et de solliciter le remboursement prorata temporis du budget d’enseigne.

Elle conclut à l’inanité des griefs liés à de prétendus manquements contractuels de sa part. Il est expressément prévu par le contrat que toute assistance publicitaire ou administrative doit être sollicitée par le détaillant, Mme [Y] se gardant bien de produire la moindre sollicitation.

La société Distribution Casino France indique qu’elle n’avait aucune obligation d’établir des fiches de visite et qu’aucune aide n’a été sollicitée. À suivre l’argumentation de Mme [Y], cette dernière s’est unilatéralement considérée comme libérée du contrat d’approvisionnement dès 2010 et ne l’a plus exécuté, sans s’ouvrir de cette situation aux représentants de la société venue la visiter en 2011, 2012 et 2013.

Quant au manquement concernant les conditions de résiliation, elle fait valoir que Mme [Y] est à l’origine de la rupture sans motif légitime du contrat, et ce près de 5 ans après sa conclusion. La rupture est à son initiative et la société Distribution Casino France n’a mis en demeure Mme [Y] de remplir ses obligations contractuelles que dans un esprit de loyauté contractuelle et non par obligation.

Concernant le manquement relatif à l’enlèvement du store, elle conteste en être l’auteur et souligne qu’il n’est apporté la preuve d’aucun paiement d’un nouveau store, lequel a été réglé au vu de la facture par la société Codifrance.

Elle conteste tout préjudice financier ou moral de Mme [Y].

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 décembre 2022.

À l’audience du 17 janvier 2023, le dossier a été mis en délibéré au 13 avril 2023.

MOTIVATION :

Au préalable, il convient de souligner qu’il n’y a pas lieu de reprendre ni d’écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à ‘constater que ” ou ‘dire que”, telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu’elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l’arrêt.

Les développements de Mme [Y] quant à une absence de signature par la société Distribution Casino France du contrat du 19 avril 2010, outre qu’ils sont contredits par la pièce versée par l’intimée, sont inopérants, puisqu’il n’en est tiré aucune conséquence juridique, telle la remise en cause de la validité de la convention, étant observé qu’elle-même reconnaît avoir signé ladite convention et qu’il s’agit d’un contrat consensuel, peu important qu’elle n’ait jamais reçu, à supposer ce fait établi, un exemplaire signé de la société Distribution Casino France, laquelle ne conteste pas être liée par la convention et les obligations qu’elle renferme.

– Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

En vertu des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Conformément aux dispositions de l’article 2224 du code de procédure civile, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Chacune des parties oppose une fin de non-recevoir, qu’il convient donc d’examiner successivement, étant précisé que le point de départ de la prescription varie en fonction de la demande concernée.

1) sur la prescription opposée par Mme [Y] aux demandes de la société Distribution Casino France

Se prévalant de manquements à l’obligation de non-concurrence contenue dans le contrat du 19 avril 2010, la société Distribution Casino France formule à titre principal une demande d’indemnisation de son préjudice, l’action ayant été introduite par acte du 29 mars 2017.

En matière de responsabilité contractuelle, la prescription d’une telle action ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas précédemment connaissance.

S’agissant de la violation invoquée d’une obligation de non-concurrence, qui constitue une infraction continue aux stipulations contractuelles jusqu’à la cessation dudit manquement, la prescription ne peut courir qu’à compter de la date où la société Distribution Casino France a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de ce manquement.

Les pièces des parties établissent que les premières mentions de produits « Belle France » apparaissent sur les fiches datées du 9 novembre 2012, du 20 mars 2013, du 18 septembre 2013.

Il n’est par ailleurs pas soutenu ni démontré que le manquement ait cessé et l’affirmation selon laquelle l’exploitation du magasin aurait pris fin en 2012 est contredite par les deux dernières fiches précitées et les constats d’huissier établis en 2015.

Si Madame [Y] affirme, en produisant factures à l’appui, des achats de produits autres que ceux de la marque du fournisseur, aucun élément objectif du dossier n’établit que la société Distribution Casino France ait eu connaissance de ces faits avant le mois de novembre 2012.

Au contraire, les fiches dressées en 2011 ne mentionnent pas la présence de produits « Belle France » ou autres.

La mention « ”Pdts belle France” dans les rayons 28 avril 2010 » sur la fiche datée du 20 mars 2013 est insuffisante et établit tout au plus que seulement à cette dernière date, la société Distribution Casino France a été informée d’un manquement continu, débuté dès l’origine, du contrat.

Enfin, Mme [Y] ne produisant aucun élément comptable, il n’est pas démontré que la société Distribution Casino France aurait pu en avoir connaissance au vu du montant des achats réalisés auprès de ses services du manquement reproché.

En conséquence, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’aucune prescription ne pouvait valablement être opposée par Mme [Y] à l’action intentée par la société Distribution Casino France en réparation du préjudice subi à raison du non-respect de l’obligation de non-concurrence.

La décision est donc confirmée de ce chef.

2) sur la prescription opposée par la société Distribution Casino France à Mme [Y]

En matière de nullité, l’action ne se prescrit à compter du moment où les conditions du droit d’action étaient objectivement réunies et où le demandeur aurait pu agir.

Le point de départ du délai à l’expiration duquel une action ne peut plus s’exercer se situe nécessairement à la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance, soit la date à laquelle l’acte a été passé en l’espèce.

Or, aucune demande en nullité n’a été introduite avant l’expiration du délai de prescription quinquennale commençant à courir à compter de la régularisation de la convention précitée en date du 19 avril 2010, la présente demande se greffant sur une action introduite par la société Distribution Casino France le 29 mars 2017, comme l’ont justement souligné les premiers juges.

Si l’exception de nullité survit malgré l’écoulement du délai de prescription qui a éteint l’action, il faut que cette exception soit invoquée comme moyen de défense destiné, passivement, à paralyser l’exécution sollicitée. Cette exception de nullité ne s’applique qu’à compter de l’expiration du délai de prescription et ne peut jouer que pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas été exécuté.

Mme [Y] ne peut pas exciper valablement d’une exception de nullité puisqu’il ressort tant de ses pièces que de ses écritures que ladite convention a été exécutée, comme en attestent par exemple la réalisation même des fiches de suivi précitées, la facture d’enseigne ou encore la régularisation d’un contrat informatique prévue par le contrat-cadre d’approvisionnement.

L’affirmation de l’appelante selon laquelle « le contrat n’a jamais été exécuté par la concluante puisque quelques mois après son émission les relations contractuelles ont stoppé », outre qu’elle comporte une contradiction flagrante, est démentie par les faits précités, et notamment la réalisation de fiches de suivi en 2012 et 2013.

Elle ne pourrait de toute façon pas conduire à reporter le point de départ du délai de prescription « à compter du jour où elle [Mme [Y]] a eu des nouvelles de la part de la société Distribution Casino France », soit en 2015, ledit contrat ayant bien reçu exécution et n’étant plus susceptible d’être annulé de ce fait par voie d’exception.

En conséquence, à juste titre les premiers juges ont déclaré Mme [Y] prescrite en ce qu’elle sollicite la nullité de la convention d’approvisionnement en date du 19 avril 2010, la confirmation de la décision de ce chef s’imposant.

Cependant, la fin de non-recevoir opposée à la prescription étant retenue, le tribunal ne pouvait examiner la question de la validité même de l’engagement souscrit le 19 avril 2010 et se prononcer sur cette dernière.

La décision du tribunal de commerce d’Arras doit donc être infirmée en ce qu’elle a statué en ses termes :

« -sur la validité du contrat d’approvisionnement, constate que Madame [Y] [G] exerce son activité en entreprise individuelle ;

dit et juge que le contrat d’approvisionnement a été valablement conclu par Madame [Y] [G],

constate que l’article 3 ‘garantie’ a été stipulé dans le seul intérêt de la SAS DISTRIBUTION CASINON FRANCE ;

dit et juge que Madame [Y] [G] ne peut se prévaloir des dispositions de cette clause ;

constate que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a fourni à Madame [Y] [G] des informations précontractuelles sérieuses et sincères ;

constate que la SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE a rempli son obligation légale d’information en transmettant dans les délais impartis un document d’information précontractuel conforme aux exigences légales

déboute Madame [G] [Y] de sa demande de nullité du contrat d’approvisionnement ».

Il n’y a pas lieu de statuer sur la prescription opposée par la société Distribution Casino France concernant la facture de budget d’enseigne, dont il n’est nullement sollicité le règlement.

– Sur la demande de dommages et intérêts de la société Distribution Casino France

En application des dispositions de l’article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le contrat d’approvisionnement en date du 19 avril 2020 comporte une clause de non-concurrence en son article 6 ainsi rédigé :

« Pendant toute la durée du présent contrat, le détaillant s’interdit de créer, participer ou s’intéresser directement ou indirectement par lui-même, ou par personne interposée, à toute entreprise ou société concurrente de la société Distribution Casino France et du réseau du Fournisseur, et en particulier, à tout commerce de distribution de type supérette traditionnelle ou automatique.

Mme [Y] ne conteste pas que ladite clause érige une obligation de se fournir en produits de la marque du fournisseur et interdise la commercialisation de produits de marque d’un réseau concurrent.

Les pièces produites établissent à suffisance que dans le magasin exploité par Mme [Y] ont été retrouvés des produits de la marque « Belle France », comme le révèlent les fiches précitées, contradictoirement réalisées entre Mme [Y] et le directeur commercial, mais également le constat d’huissier du 17 septembre 2015, lequel relève qu’aucun produit de la marque « Vival » n’est plus commercialisé, seuls demeurant des paniers portant l’enseigne « Vival », l’intégralité des produits étant de la marque « Belle France ».

Or, cette marque de distributeur appartient à la société Francap Distribution, adhérente à la centrale d’achat du groupe Cora, concurrent direct de la société Distribution Casino France, et est distribuée par les enseignes du réseau Francap à savoir Cocinelle, Coccimarket, Votre marché et Panier sympa, comme en attestent les pièces versées par l’intimée, et non contestées.

D’ailleurs, Mme [Y] revendique tant dans le courrier en réponse à la mise en demeure qui lui avait été adressée que dans ses écritures, la vente de produits autres que ceux du distributeur, ce dès 2010, comme le corroborent les très conséquentes factures versées aux débats.

Le constat d’huissier en date du 3 septembre 2015 établit en outre, qu’à l’aplomb de la vitrine du commerce, se trouve fixée une enseigne portant la mention « Panier Sympa », outre un panneau indicateur portant cette mention et un panneau portant les horaires d’ouverture à l’enseigne de « Panier Sympa ».

Il s’ensuit que la violation de cette obligation de non-concurrence contractuelle est incontestable, comme l’ont justement pointé les premiers juges.

Par mise en demeure du 30 octobre 2015, la société Distribution Casino France avait mentionné son droit de résilier le contrat mais également de demander réparation du préjudice subi en sollicitant sa perte de marge pour la totalité de la durée du contrat restant à courir au moment de sa rupture, le solde du budget d’enseigne alloué, la perte de redevance et les sommes dues au titre des prestations impayées, soit un montant de 45 903 euros.

Formant appel incident, la société Distribution Casino France sollicite au titre de la réparation de la violation de la clause de non-concurrence en cause d’appel une somme de 20 000 euros.

Toutefois, c’est par une juste appréciation des éléments produits, que les premiers juges ont alloué à la société Distribution Casino France la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi, un préjudice moral s’inférant nécessairement de la violation de la clause de non-concurrence stipulée.

La décision des premiers juges est donc confirmée de ce chef.

– Sur la demande de résiliation du contrat d’approvisionnement

1) sur le bien-fondé de la résiliation

En vertu des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1134 ancien, les conventions ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.

Conformément aux dispositions de l’article 1184 ancien du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Il s’ensuit que pour les contrats à durée indéterminée, chaque partie possède une faculté de résiliation unilatérale, du fait de la prohibition des engagements perpétuels, à condition toutefois de respecter un délai de préavis.

Au contraire, est en principe interdite la résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, en raison de la limite temporelle fixée, les parties pouvant toutefois, par dispositions supplétives de volonté, prévoir dans la convention des cas de résiliation unilatérale.

Cependant, la gravité du comportement de l’une des parties au contrat peut permettre à l’autre d’en obtenir la rupture avant terme par l’intermédiaire de la résolution du contrat pour inexécution.

La résolution unilatérale se produit alors « aux risques et périls » du créancier. Ainsi, le débiteur mécontent pourra, « à tout moment », saisir le juge afin qu’il vérifie que les conditions de la résolution unilatérale étaient réunies, le contrôle du juge s’exerçant alors a posteriori.

En l’espèce, le contrat d’approvisionnement Vival souscrit le 19 avril 2010 est un contrat à durée déterminée, conclu pour une période initiale de 7 ans, devant expirer le 18 avril 2017, suivant les stipulations de l’article 2 relatif à la durée.

Il y est également expressément prévu que « passée cette date et sauf dénonciation de l’une des parties adressée à l’autre par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au moins trois mois avant l’arrivée du terme, le contrat sera reconduit par périodes triennales successives.

Dans le cadre de la reconduction, chacune des parties pourra y mettre fin, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, moyennant le préavis de trois mois avant l’arrivée de chaque terme ».

L’article 13- conditions de résiliation, prévoit :

« – Résiliation après mise en demeure :

Le fournisseur sera en droit de mettre fin au présent contrat, de plein droit et sans formalité judiciaire, en cas de défaillance du détaillant dans l’exécution de ses obligations, et après mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse après un délai de 8 jours.

La résiliation prend effet par l’envoi d’une nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception, la date d’envoi faisant foi.

– Résiliation sans mise en demeure :

Enfin le présent contrat pourra également être résilié par le fournisseur de plein droit sans mise en demeure préalable dans les cas suivant : ‘ »

Ainsi, la convention litigieuse s’analyse bien en un contrat à durée déterminée, lequel ne comporte une clause de résiliation unilatérale anticipée qu’au profit de la société Distribution Casino France.

Contrairement à ce que soutient Mme [Y], la société Distribution Casino France ne sollicite pas la résiliation à raison d’un manquement sur le fondement de l’article 13 mais uniquement qu’il soit constaté la résiliation prématurée du contrat conclu par Mme [Y], rendant inopérante l’argumentation de Mme [Y] quant au non-respect par la société Distribution Casino France de la lettre de l’article 13, pour ne pas avoir envoyé la seconde lettre recommandée avec accusé de réception.

Mme [Y] quant à elle sollicite en raison des manquements commis par la société Distribution Casino France que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat souscrit, ce qui lui impose conformément aux dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, d’apporter la preuve de l’existence des manquements et de leur gravité, justifiant l’arrêt des relations commerciales.

En premier lieu, Mme [Y] se prévaut d’un manquement aux « engagements contenus au niveau des pages 1 et 4 de son contrat au niveau du préambule du contrat et de l’article 4 ”Prestations diverses” » , en égrainant la reprise des postes prévus par l’article 4 « assistance publicitaire, assistance dans la stratégie commerciale, assistance lors de la mise en place du concept commercial, assistance administrative », se contentant d’affirmations générales non étayées et sans nullement apporter une preuve des reproches invoqués à l’encontre de la société Distribution Casino France.

Or, il ressort des pièces que des visites de suivi de magasin ont eu lieu et ont donné lieu à des fiches de suivis.

L’appelante ne peut pas plus utilement arguer d’une absence d’assistance dans la mise en place du concept, alors même que ledit commerce préexistait et n’est pas une installation, mais une reprise, et qu’elle a bénéficié d’une assistance par le biais du système de caisse informatique, qui a d’ailleurs donné lieu, conformément aux stipulations contractuelles, à une convention distincte qui a été signée par les parties.

En outre, elle ne justifie pas d’avoir sollicité une quelconque assistance auprès de la société Distribution Casino France, demande qui n’aurait pas reçu de réponse.

Or, il résulte des dispositions des articles 4 du contrat et 6 de l’annexe 2, concernant notamment l’assistance publicitaire, la publicité d’enseigne et l’assistance administrative qu’il convient pour nombre des prestations stipulées que le détaillant sollicite le fournisseur.

En outre, Mme [Y] ne peut à la fois reprocher, d’une part son isolement, l’absence d’assistance dans la commercialisation des produits, d’autre part, l’interventionnisme de la société Distribution Casino France, qui lui aurait imposé des prix distincts de ceux d’autres points de vente.

Enfin, les réclamations de Mme [Y], relayées par les fiches de suivi relatives au retour du contrat signé et au store électrique, ne sont pas suffisantes pour établir un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation unilatérale anticipée du contrat, d’autant plus les pièces produites n’établissent aucunement que le store ait été retiré par la société Distribution Casino France et aurait été changé aux frais de Mme [Y].

Concernant le manquement au budget d’enseigne invoqué par Mme [Y], ses explications sont confuses, aucun élément ne venant établir que ladite facture de 4 452 euros ait été honorée par ses soins, et non par la société Distribution Casino France, étant observé que l’annexe 9 de la convention sur le budget d’enseigne mettait à la charge du détaillant, l’obligation de fournir la facture à la société Distribution Casino pour que le prestataire soit réglé d’ordre et pour son compte.

Enfin, les arguments peu cohérents relatifs au prévisionnel ne sont nullement pertinents dans le cadre d’un contentieux relatif à l’exécution du contrat, sans même qu’il y ait lieu de s’interroger sur l’auteur dudit prévisionnel, la société Distribution Casino France déniant en être le rédacteur, puisqu’ils concernent la remise en cause de la validité de la convention, question dont la cour n’est pas saisie pour être prescrite.

Ainsi, n’est-il pas établi par Mme [Y] une faute d’une gravité suffisante de la part de la société Distribution Casino France justifiant le prononcé aux torts exclusifs de cette dernière de la résiliation du contrat litigieux.

Sa demande subséquente de dommages et intérêt pour préjudice moral et financier à raison de la rupture fautive par la société Distribution Casino France du contrat ne peut qu’être rejetée.

La confirmation de la décision déférée sur ces deux points s’impose, notamment en ce qu’elle déboute Mme [Y] de ses demandes au titre des prétendus manquements contractuels de la SAS Distribution Casino France.

Par contre, la violation des engagements contractuels, notamment en arborant une enseigne d’une franchise concurrente et en présentant à la vente des produits de marque d’un distributeur concurrent, comme ci-dessus démontré, justifie la résiliation du contrat aux torts de Madame [Y] à compter de la date du manquement établi de manière certaine, à savoir le 3 septembre 2015, date du constat d’huissier réalisé, comme le sollicite la société Distribution Casino France.

La confirmation de la décision du tribunal de commerce d’Arras s’impose en ce qu’elle consacre une résiliation prématurée du contrat aux torts exclusifs de Mme [Y], sauf à préciser qu’il ne s’agit pas d’un constat, mais d’un prononcé de la résiliation par la juridiction.

2) sur les conséquences de cette résiliation prématurée

Aux termes de l’article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La résiliation en cours d’exécution d’un contrat à durée déterminée constitue une faute ouvrant droit à réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée constitué de la perte des avantages que le cocontractant était en droit d’espérer de la continuation du contrat jusqu’à son terme.

Le contrat, qui devait expirer le 18 avril 2017, a été résilié aux torts de Mme [Y], à compter du 3 septembre 2015, ce qui induit qu’elle se doit de réparer le préjudice subi par la société Distribution Casino France, sur qui pèse toutefois la charge de l’existence et de la réalité de ce préjudice.

Par mise en demeure du 30 octobre 2015, la société Distribution Casino France avait mentionné son droit de résilier le contrat mais également de demander réparation du préjudice subi en sollicitant sa perte pour la totalité de la durée du contrat restant à courir au moment de sa rupture, le solde du budget d’enseigne alloué, la perte de redevance et les sommes dues au titre des prestations impayées, soit un montant de 45 903 euros.

Il est indéniable qu’au vu des dispositions du contrat, la société Distribution Casino France pouvait escompter recevoir des redevances en contrepartie de la concession de l’enseigne Vival France, lesquelles, au vu du montant des cotisations de 31,44 euros et des 19 mois restant à courir, auraient été de 597 euros.

Concernant la réparation du préjudice consistant dans un manque à gagner se résumant en la perte de marge brute sur le restant des mois à courir jusqu’au terme du contrat d’approvisionnement, les éléments versés aux débats par la société Distribution Casino France sont nettement insuffisants pour établir une quelconque perte de marge.

La seule pièce versée est constituée d’une fiche de « calcul préjudice subi du fait de la rupture anticipée du contrat de franchise Magasin [Localité 3] », (pièce 10), qui est une pièce que la partie se délivre à elle-même et qui n’est corroborée par aucun élément, ladite pièce se référant au titre de la marge réelle sur achat en euros (taux 30 %) au prévisionnel, comme année de référence, alors même que la supérette est exploitée depuis 2010, et que le chiffre réellement réalisé par la société durant sa période d’exploitation doit être connu.

S’agissant du budget d’enseigne de 6 990 euros, l’article 4 de l’annexe 9 prévoit que « si le contrat d’approvisionnement venait à être rompu avant le terme fixé pour son expiration pour quelque cause que ce soit ou s’il venait à être rompu avant le délai de 7 ans précisé à l’article 1, le détaillait sera tenu de rembourser le budget d’enseigne selon les modalités suivantes : ‘ si la rupture intervient avant l’expiration de la sixième année d’application du contrat d’approvisionnement le détaillant aura l’obligation de rembourser 25 % du budget d’enseigne [‘] Au cas où la rupture interviendrait du fait du « détaillant », celui-ci s’engage en outre à payer au fournisseur à titre d’indemnité pénale, une somme correspondant au double pourcentage restant dû au fournisseur en application des dispositions précédentes ».

Le fait que l’article 3 de l’annexe 9 prévoit que le reliquat du budget d’enseigne doit être viré au compte du détaillant dans les 30 jours du paiement de la dernière facture, sous réserve que la totalité des garanties consenties par le contrat d’approvisionnement ait été définitivement constituée, est totalement étranger à l’indemnisation convenue au titre des conséquences de la rupture anticipée du contrat d’approvisionnement sur le budget d’enseigne.

La société Distribution Casino France limite sa demande de remboursement au prorata du budget d’enseigne versé, soit 6 990 euros (1581,31 euros + 4 552,02 euros).

Au vu du montant dû en cas de résiliation anticipé avant la fin de la 6ème année et du pourcentage du budget versé par la société Distribution Casino France, cette dernière est fondée à solliciter le remboursement de la somme de 1 533,33 euros HT (1633,33 ×25 %) soit 1840 euros euros TTC.

Mme [Y] se contente de solliciter la réduction de la clause pénale à 1 euro, sans nullement établir en quoi cette dernière serait excessive. En conséquence et au vu des stipulations contractuelles précitées, par une juste appréciation, les premiers juges ont retenu la somme de 3 688,72 euros à titre d’indemnité forfaitaire due.

La décision du tribunal de commerce d’Arras est donc confirmée en ce qu’elle a :

– condamné Madame [Y] [G] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 597 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la perte de redevances de cotisation d’enseigne ;

– condamné Madame [Y] [G] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 3 688,72 euros au titre de l’indemnité pénale prévue à l’article 4 de l’annexe 9 du contrat d’approvisionnement.

Elle est en revanche infirmée en ce qu’elle a condamné Madame [Y] [G] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 50 172 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de marge brute et en ce qu’elle a condamné Mme [Y] à payer le remboursement de la somme de 1 537,80 euros, ainsi qu’en tous ces chefs relatifs à de purs moyens, n’ayant dès lors pas à figurer dans son dispositif.

– Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [Y] succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont infirmés, la condamnation au titre de l’indemnité procédurale de première instance étant ramené à de plus justes proportions, à savoir la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le sens de la présente décision commande de condamner Mme [Y] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

La demande d’indemnité procédurale de Mme [Y] est rejetée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement du tribunal d’Arras en date du 22 septembre 2021 en ce qu’il a :

– rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par Mme [Y] à l’action intentée par la société Distribution Casino France

– fait droit à la fin de non-recevoir opposée par la société Distribution Casino France à l’action en nullité de Mme [Y]

– dit et jugé que l’action de Mme [Y] est prescrite ;

– condamné Madame [Y] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

– condamné Madame [Y] [G] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 50 172 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice liés à la perte de marge brute ;

– constate la résiliation prématurée du contrat conclu entre la SAS Distribution Casino France et Mme [Y] le19 avril 2010, sauf à préciser que la résiliation prématurée de la convention du 19 avril 2010 aux torts exclusifs de Madame [Y] n’est pas constatée mais prononcée par la juridiction

– condamné Madame [Y] [G] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 597 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la perte de redevances de cotisation d’enseigne ;

– condamné Madame [Y] [G] à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 3 688,72 euros au titre de l’indemnité pénale prévue à l’article 4 de l’annexe 9 du contrat d’approvisionnement.

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE la SAS Distribution Casino France de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de marge brute ;

CONDAMNE Mme [Y] à payer à la SAS Ditribution Casino France l la somme de 1 533,33 euros HT au titre du solde du budget d’enseigne ;

CONDAMNE Mme [Y] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’indemnité procédurale de première instance ;

CONDAMNE Mme [Y] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;

LA DEBOUTE de sa demande d’indemnité procédurale ;

LA CONDAMNE aux dépens d’appel.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

[V] [B]

 


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