Contrat de franchise : 25 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/03902

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Contrat de franchise : 25 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 19/03902

25 mai 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
19/03902

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 19/03902 –

N° Portalis DBV3-V-B7D-TQ3E

AFFAIRE :

Syndicat INFO’COM – CGT/CSTP

[L] [N]

C/

SARL DUBIK

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Septembre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : 17/00385

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

M. [E] [M]

Me Véronique BUQUET-ROUSSEL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 11 mai 2023 et prorogé au 25 mai 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Syndicat INFO’COM – CGT/CSTP

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : M. [E] [M] (Délégué syndical ouvrier)

Madame [L] [N]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : M. [E] [Z] (Délégué syndical ouvrier)

APPELANTES

****************

SARL DUBIK

N° SIRET : 825 072 820

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentants : Me Véronique BUQUET-ROUSSEL de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 et Me Cécile CURT de la SCP FROMONT BRIENS, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 727 substitué par Me Angélique TEZZA, avocat au barreau de Lyon

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Mars 2023, Madame Catherine BOLTEAU SERRE, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN

Vu le jugement rendu le 18 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt,

Vu la déclaration d’appel du Syndicat Info’Com-CGT/CSTP et de Mme [L] [N] du 24 octobre 2019,

Vu l’ordonnance d’incident du 7 juillet 2022,

Vu les conclusions du syndicat Info’Com-CGT/CSTP et de Mme [L] [N] du 14 novembre 2022,

Vu les conclusions de la société Dubik du 13 février 2023,

Vu l’ordonnance de clôture du 15 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE

La société Dubik, dont le siège social est [Adresse 4]), exerce une activité de holding depuis le 1er septembre 2019. Avant cette date, elle exploitait un supermarché sous l’enseigne Carrefour Market dans le cadre d’un contrat de location-gérance. Elle emploie plus de dix salariés.

La convention collective applicable est celle du commerce de détail des fruits et légumes, épicerie et produits laitiers du 15 avril 1988.

Mme [L] [N], née le 29 janvier 1991, a été initialement engagée par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, par la société Myla, à compter du 17 octobre 2016, en qualité de vendeuse qualifiée niveau 4B, pour une rémunération mensuelle brute de 1 645,58 euros hors primes.

Le 1er février 2017, le contrat de travail de Mme [N] a été transféré à la société Dubik.

Par courrier du 13 février 2017, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable assorti d’une mise à pied à titre conservatoire, fixé au 21 février 2017.

Par lettre en date du 24 février 2017, la société Dubik a notifié à Mme [N] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

‘A l’occasion d’un contrôle opéré le 10 février 2017, il m’a été donné de constater la présence à la vente et donc à la clientèle de divers produits périmés à la date de ce constat.

La liste des produits litigieux est définie comme suit :

– 11 unités de lot de 10 feuilles de brick « SAMIA » (170 g) en date limite de consommation le 4 février 2017,

– 1 unité de soupe petits pois & menthe « ALVALLE » (1 litre) en date limite de consommation le 9 février 2017,

– 3 unités de jus multi fruits « CARREFOUR » (1 litre) en date limite de consommation le 9 février 2017,

– 3 unités de crêpes « CRACKY WHAOU » (256 g) en date limite de consommation le 7 février 2017,

– 3 unités de madeleines à l’épeautre « CEREAL BIO » (200 g) en date limite de consommation le 31 janvier 2017,

– 2 unités de brioche vendéenne IGP « Reflets de France » (600 g) en date limite de consommation le 8 février 2017,

– 2 unités de pain de mie bio « LA BOULANGERE » (330 g) en date limite de consommation le 8 février 2017,

– 3 unités de soupe potager bio « GIRAUDET » (50 cl) en date limite de consommation le 9 février 2017,

Il apparait qu’en votre qualité d’employée de vente qualifiée niveau 4, votre niveau de classification tel que défini par la Convention collective applicable à votre entreprise prévoit qu’il vous appartient de ” procéder ou participer à la mise en rayon, dans le respect des règles d’hygiène notamment dans le respect de la rotation des DLC ou des DLUO “.

Nous vous rappelons que la parfaite tenue ainsi que le respect des normes d’hygiène comprenant le strict respect du contrôle des dates de péremption ainsi que du retrait systématique des produits arrivés en péremption fait partie intégrante de notre politique commerciale et reflète notre image de marque auprès de notre clientèle. A ce titre, nous ne pouvons tolérer de tels manquements dans la tenue des rayons.

Je vous rappelle que cette tâche, outre de constituer une consigne de travail élémentaire et impérative donnée par la direction, est motivée par le nécessaire respect des normes légales et réglementaires en vigueur en matière de retrait des produits arrivés à leur date de péremption.

Ainsi, en cas de contrôle des agents de la Répression des fraudes ou d’une autre autorité habilitée pour ce type de contrôle, la découverte de ces produits périmés aurait été de nature à exposer la direction de l’établissement à d’éventuelles poursuites pénales.

Cela n’aurait pas seulement manqué de préjudicier à l’image commerciale de notre entreprise auprès de sa clientèle, mais aussi à l’image du reste du personnel du magasin.

Après avoir entendu vos explications et réexamen des faits, aucun élément ne m’a permis de modifier mon appréciation des faits. Je suis donc contraint de procéder par la présente à votre licenciement pour faute.

Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis. Votre licenciement, privatif des indemnités de préavis et de licenciement, prend donc effet à compter de la date d’expédition de la présente lettre recommandée avec avis de réception à votre domicile.

La période de mise à pied conservatoire qui a débuté le 13 février 2017 ne vous sera pas rémunérée.’

Par requête reçue le 28 mars 2017, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement pour faute grave, estimant que celui-ci est nul en raison de faits discriminatoires liés à son état de grossesse. Elle a sollicité sa réintégration et la condamnation de la société Dubik au paiement de dommages-intérêts.

La société Dubik avait quant à elle conclu au débouté des demandes de Mme [N], affirmant que l’état de grossesse n’était pas connu à la date de la notification de la rupture et que la faute grave était établie.

Par jugement rendu le 18 septembre 2019, la section commerce du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :

– dit que le licenciement prononcé le 24 février 2017 n’est pas frappé de nullité,

– dit que la faute grave ne peut être retenue,

– condamné la société Dubik au paiement de la somme de 1 016,32 euros correspondant aux salaires sur la mise à pied,

– condamné la société Dubik au paiement de la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [N] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Dubik de sa demande ‘reconventionnelle’,

– débouté le syndicat Info’com CGT/CSTP de ses demandes,

– condamné la société Dubik aux éventuels dépens.

Par déclaration du 24 octobre 2019, le Syndicat Info’Com-CGT/CSTP et Mme [L] [N] ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe en date du 14 novembre 2022, le Syndicat Info’Com-CGT/CSTP et Mme [L] [N] demandent à la cour de :

– annuler le licenciement de Mme [L] [N],

– faire droit à la demande d’irrecevabi1ité des prétentions nouvelles formées par la société Dubik dans ses conclusions d’intimée récapitulatives n°3 et n°4,

– ordonner la remise en état du contrat de travail de Mme [L] [N] et sa réintégration effective et satisfactoire, y compris le versement du salaire pour la période d’éviction, soit 113 961,43 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d’un mois après la date de noti’cation du jugement à intervenir,

– condamner la SARL Dubik à payer à Mme [L] [N] sur le fondement de l’article L. 1132-1 [sic] la somme de 30 000 euros,

– dire recevable et bien fondée l’intervention volontaire à l’instance du syndicat Info’com CGT/CSTP,

– condamner la SARL Dubik à payer au syndicat la somme de 5 000 euros,

– condamner la SARL Dubik à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile :

– à Mme [L] [N], la somme de 1 500 euros,

– au syndicat, la somme de 1 200 euros,

– condamner la SARL Dubik au versement des intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance respective de chaque mensualité de salaire pour les sommes à caractère salarial, et à compter de la notification de l’arrêt à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire,

– prononcer l’anatocisme,

– condamner la SARL Dubik aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions en date du 13 février 2023, la société Dubik demande à la cour de :

A titre liminaire :

A titre principal,

– se déclarer incompétente à statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prétendue irrecevabilité des demandes prétendument nouvelles formées par la société Dubik au terme de ses conclusions n°3 et n°4 en vertu des dispositions des articles 789 et 907 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour se déclarait compétente,

– constater que les prétentions formulées par la société Dubik sont destinées à répliquer aux conclusions adverses conformément aux dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile,

En conséquence,

– déclarer recevables les prétentions formulées par la société Dubik,

Au fond,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 18 septembre 2019, en ce qu’il a jugé que la faute grave n’était pas caractérisée et en ce qu’il a condamné la SARL Dubik au paiement d’un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire notifiée à Mme [L] [N],

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 18 septembre 2019, en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [L] [N] n’était pas nul,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 18 septembre 2019, en ce qu’il a jugé que Mme [L] [N] ne démontre pas avoir subi un préjudice du fait d’une prétendue discrimination,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 18 septembre 2019, en ce qu’il a jugé que les demandes du syndicat Info’com-CGT/CSTP étaient irrecevables.

En conséquence :

A titre principal,

– juger que le licenciement de Mme [L] [N] repose sur une faute grave non liée à son état de grossesse,

– juger que la mise à pied conservatoire était parfaitement justifiée,

– condamner Mme [L] [N] au remboursement de la somme de 1 016,32 euros au titre de la mise à pied conservatoire,

– débouter Mme [L] [N] de l’ensemble de ses demandes,

– déclarer irrecevable l’intervention volontaire du syndicat Info’com-CGT/CSTP pour défaut de mandat au motif qu’il n’est pas produit aux débats le mandat de M.[M] lui permettant de représenter le syndicat dans le cadre de la présente procédure d’appel, conformément à ses dispositions statutaires,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire, la cour jugeait que le licenciement de Mme [L] [N] est nul, il est demandé de :

– dire et juger que la réintégration de Mme [N] dans son emploi au sein de la société Dubik, est totalement impossible,

– débouter Mme [N] de sa demande de réintégration effective et satisfactoire, y compris le versement de son salaire depuis le 24 février 2017, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

A titre infiniment subsidiaire,

– limiter le versement du rappel de salaire sollicité par Mme [N] à la période comprise entre le 24 février 2017 jusqu’au 1er septembre 2019, sous déduction des revenus tirés d’une autre activité professionnelle, indemnités ou revenus de remplacement perçus entre son licenciement et le 1er septembre 2019,

En tout état de cause,

– débouter le syndicat Info’com -CGT/CSTP de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [L] [N] au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [L] [N] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur la recevabilité du moyen tendant à voir rejeter les demandes nouvelles formées par la société Dubik dans ses dernières conclusions

Mme [N] soutient que l’employeur dans ses 3èmes et 4èmes conclusions a formé des demandes nouvelles relatives à l’impossibilité absolue d’une réintégration de la salariée, lesquelles sont irrecevables au motif que la société Dubik n’exploite plus le magasin de [Localité 7] depuis le 1er septembre 2019, a changé d’activité et exerce désormais une activité de holding, prétention qui, selon elle, n’était pas comprise dans ses premières conclusions, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile.

La société Dubik fait valoir que la cour n’est pas compétente pour statuer sur le moyen en application des dispositions de l’article 907 dudit code visant les articles 780 à 807 du même code, qui donnent compétence au seul conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile, ‘à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’

L’article 907 dudit code dispose que ‘A moins qu’il ne soit fait application de l’article 905, l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent.’

Il résulte de l’application combinée de ces textes et de l’article 789 du même code que le conseiller de la mise en état, sauf application de la procédure prévue à l’article 905, est seul compétent pour statuer sur l’irrecevabilité soulevée au titre l’article 910-4 précité.

En conséquence, l’appelante n’est pas recevable à soulever devant la cour l’irrecevabilité des demandes nouvelles formées par l’employeur relatives à la réintégration.

Le moyen d’irrecevabilité au titre des demandes nouvelles sera rejeté.

2- sur la nullité du licenciement

Aux termes de l’article L. 1225-4 du code du travail ‘Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.’

Selon l’article R. 1225-1 du dit code, ‘pour bénéficier de la protection de la grossesse et de la maternité, prévue aux articles L. 1225-1 et suivants, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s’il y a lieu, l’existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail.’

En outre, en cas de licenciement, le certificat médical justifiant que la salariée est enceinte prévu à l’article précédent est adressé en lettre recommandée avec accusé de réception (R. 1225-2) et pour l’application des dispositions relatives à la maternité, les formalités sont réputées accomplies au jour de l’expédition de la lettre recommandée avec avis de réception.

Enfin, en vertu de l’article L. 1225-5, ‘le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte.

Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l’état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.’

Il résulte de ces dispositions que l’employeur, lorsqu’il a connaissance de l’état de grossesse de la salariée ne peut la licencier que s’il invoque et démontre l’existence d’une faute grave, non liée à l’état de grossesse. Même si la connaissance de cet état de grossesse intervient après un licenciement pour cause réelle et sérieuse, celui-ci est annulé si la salariée envoie dans les 15 jours de la notification du licenciement un certificat médical justifiant de la grossesse.

Mme [N] fait valoir que la faute grave n’est pas établie, l’employeur ayant entendu rompre le contrat du fait de son état de grossesse dont il avait connaissance et de son refus de se voir imposer de nouveaux horaires, que le licenciement d’une femme enceinte est discriminatoire et est donc nul.

La société Dubik soutient au contraire que la faute grave est établie en raison des conséquences graves des fautes commises engageant la responsabilité pénale de l’entreprise, que l’employeur n’a eu connaissance de l’état de grossesse dont se prévalait la salariée que postérieurement à la lettre de licenciement, le certificat médical produit n’étant ni daté ni signé du médecin.

– sur la faute grave

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

L’employeur fait valoir que Mme [N] a refusé de se conformer à ses directives en ne respectant pas les normes d’hygiène par le contrôle des dates de péremption et le retrait des produits périmés dans le rayon dont elle avait la responsabilité entre le 6 et le 10 février 2017, que contrairement à ce qu’affirme la salariée, si l’employeur a proposé de changer ses horaires – après-midi plutôt que matin – il ne lui a pas imposé ; que la gravité des faits est établie par les risques encourus (sanitaire, amendes, commercial, rupture du contrat de franchise).

L’appelante allègue que la lettre de licenciement ne fait pas état de la faute grave, que celle-ci porte sur des produits périmés ne relevant pas de son rayon, qu’elle reconnait que les 11 unités de lots de 10 bricks relèvent de son rayon mais invoque une machination de l’employeur qui les a enlevés le 5 février pour les remettre le 10 février et ainsi l’accuser, qu’elle n’était pas la tutrice des salariés en contrat de professionnalisation, qu’un incident est intervenu le 10 février 2017 lorsque l’employeur a ordonné à la salariée de changer ses horaires.

En l’espèce, la lettre de licenciement indique que l’employeur procède au licenciement de Mme [N] ‘pour faute’ et que ‘ compte tenu de la gravité des faits’, le maintien de la salariée dans l’entreprise ‘s’avère impossible y compris pendant la durée de votre préavis’.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est donc bien reproché une faute grave contrairement à ce qu’affirme l’appelante.

Il résulte des pièces produites (pièces n°1 à 3 appelante), que Mme [N] a travaillé au sein de magasins Carrefour depuis février 2014 (société Myladis à [Localité 5], puis société Myla 24 à [Localité 7], magasin repris par la société Dubik à compter du 1er février 2017, le gérant des sociétés Myladis et Myla 24 étant la même personne, M. [T]).

Depuis le 1er avril 2016, elle était vendeuse qualifiée 4 B, la fonction étant définie selon l’avenant n°40 du 5 octobre 2000 annexé à la convention collective de détail des fruits et légumes épicerie et produits laitiers, de la façon suivante :

‘4 A : Employé affecté à la vente. Informe et conseille la clientèle en ayant une connaissance approfondie des produits. Capable d’assumer l’implantation et l’animation d’un rayon sur l’indication de son supérieur hiérarchique. Apte à tenir la caisse et à mesurer les quantités à commander. Participe au nettoyage des rayons du magasin et des réserves. Participe à la mise en rayon, dans le respect des règles d’hygiène notamment dans le respect de la rotation des DLC et des DLUO. Dans l’activité sur marché, doit assurer le montage et démontage des éventaires et la manutention du matériel et des marchandises.’

‘4 B : idem 4A et titulaire d’un bac professionnel ou son équivalent.’

Compte tenu de son expérience dans des magasins Carrefour, Mme [N] était parfaitement informée de la nécessité de respecter les règles d’hygiène et de sécurité alimentaire telles qu’imposées aux magasins franchisés par la société Carrefour, des sanctions pénales encourues par l’employeur en cas de contrôle de l’administration, des risques sanitaires que les produits périmés pouvaient faire courir à la clientèle.

Les attestations produites par l’intimée (pièces n°17, 30, 32, 33) établissent que les consignes, concernant les produits périmés, ont toujours été les mêmes, tant au sein de la société Myla 24 que de la société Dubik.

Ainsi, M. [I], indique avoir ‘été directeur du magasin Carrefour Châtillon sous la gérance de M. [T] avec la même équipe dont Mme [N] [L] faisait partie’ et atteste que ‘l’organisation de ce magasin de petite surface avec une équipe réduite a toujours été la même à savoir : commencer tous les matins par les produits frais (périmés, mise en rayon…). […] Cette organisation toujours axée en priorité sur les produits frais qui a perduré lors de la passation avec la nouvelle gérance de M. [B] est une organisation standard des petites surfaces alimentaires et tous les membres de l’équipe y compris le caissier étaient formés à ce travail. En outre, les EC4 [employé commercial 4] dont la mission élargie de contrôle et de management sur toute l’équipe, étaient parfaitement informés des consignes relevant des normes HACCP [Hygiène alimentaire adaptée à la restauration commerciale]’.

Mme [K] [B], salariée, atteste également que ‘l’organisation du magasin était définie comme dans la plupart des magasins Carrefour Market de cette taille. A mon arrivée dans ce magasin le 1er février 2017, l’organisation du PGC [produits de grande consommation] était déjà mise en place d’une manière que les frais soient traités en priorité et par tous les salariés. Les EC4 [employé commercial 4 dont faisait partie Mme [N]] chapeautaient leurs collègues en contrat pro pour la majorité d’entre eux qui n’avaient pas la compétence nécessaire pour maîtriser la gestion des procédures d’hygiène et sécurité alimentaires des produits mis en rayon. Il était de leur ressort de contrôler, retirer et évacuer les produits périmés et impropres à la vente.’

M. [O] indique également dans son attestation qu’il était ‘en contrat pro à Carrefour Market Châtillon de décembre 2016 jusqu’à décembre 2017 au rayon PVP [pain viennoiserie pâtisserie] sous la responsabilité d’un EC4, M. [F]. Mes collègues du PGC commençaient tous les matins par les produits frais en priorité sous la responsabilité des EC4 pour le retrait des périmés, ensuite le remplissage des rayons frais. Puis toute l’équipe fait l’épicerie, DPH [droguerie, parfumerie, hygiène] et liquides (les produits du PGC hors frais) toujours sous la responsabilité des EC4.’

M. [C], responsable qualité Market France de la société Carrefour, rappelle l’importance attachée au respect de la durée de vie d’un produit qui constitue ‘l’un des points fondamentaux du plan de maîtrise sanitaire tel que prévu par le règlement 852/2004 CE’. Il rappelle la différence entre la DLC applicable aux produits très périssables et la DDM (ex DLUO) applicable aux produits moins périssables et ajoute qu’afin ‘de permettre aux collaborateurs Carrefour et aux collaborateurs de nos franchisés de connaître et appliquer les règles sanitaires, l’enseigne met à leur disposition un certain nombre d’outils et de supports. Ainsi chaque année, chaque magasin reçoit un kit qualité actualisé comprenant entre autres le référentiel qualité Market document de référence structuré à partir du référentiel IFS Food store (standard international en matière de sécurité sanitaire/hygiène/réglementation) et intégrant les règles complémentaires propres au concept Market. Parmi ces déclinaisons figurent les modalités d’application du pacte fraîcheur, règle interne prévoyant le retrait des produits avant leur date de péremption dans le but de garantir à nos clients un produit de la plus grande fraicheur et un délai confortable pour le consommer.

A titre d’exemple en 2016, le pacte fraicheur applicable au rayon épicerie est de 30 jours ce qui signifie qu’un produit mentionnant comme DDM ‘à consommer avant le 15 août 2016″ doit être retiré des rayons permanents le 15 juillet 2016 au plus tard.’ Il ajoute que, outre les versions papier (recueil complet, livret par rayon, fiches d’aide…), le référentiel est disponible sur le portail market accessible à tout membre de l’encadrement en magasin au moyen d’un code d’accès personnel, indiquant ‘qu’il est capital que les managers de rayon consultent et s’approprient ce référentiel qualité soit en version papier soit par le biais du portail Market.’

Mme [N] ne prétend pas ne pas avoir été informée du contenu du document ‘référentiel qualité Carrefour market’, les règles édictées destinées aux salariés des différents secteurs étant en outre basiques et évidentes pour une vendeuse qualifiée et expérimentée dans les magasins Carrefour, notamment concernant les dates de DDM (date de durabilité minimale), remplaçant depuis 2015 la DLUO (la date limite d’utilisation optimale) et de DLC (date limite de consommation), date limite impérative au-delà de laquelle la denrée ne peut plus être commercialisée.

Elle affirme en revanche qu’elle n’avait pas la responsabilité des rayons pains et pâtisseries industriels, charcuterie et produits bio mais uniquement de l’épicerie, de sorte qu’en dehors des lots de bricks, les produits périmés litigieux n’étaient pas de sa responsabilité, qu’elle n’était pas la tutrice des salariées en contrat de professionnalisation de sorte qu’elle n’avait pas à contrôler ces personnes.

A l’appui de ces dires, elle produit (pièces n°9 et 10) deux attestations.

L’attestation de M. [H] [F], déjà collègue de la salariée au Carrefour city de [Localité 5], puis de [Localité 7], indique que Mme [N] a toujours eu la mission de gérer le rayon épicerie et n’a jamais eu la responsabilité des pains et pâtisseries industriels ni des produits frais.

Celle de Mme [R], engagée par la société Myla 24 sous contrat de professionnalisation affirme que Mme [N] a toujours été responsable de l’épicerie. ‘Moi, une collègue ([X]) étions au frais depuis que M. [B] arrive je suis restée au frais il demandait à tous les employés du magasin de faire la mise en rayon du frais après que les collègues ont fini la mise en rayon. Il retournait chacun dans leur rayon et moi et [X] nous nous occupons du reste date, facing [sic] et reliquat…[…]

L’employeur verse aux débats les contrats de professionnalisation de Mme [G] [R] et de Mme [X] [S], établis non pas par la société Dubik mais par la société Myla 24, lesquels contrats mentionnent comme tutrice au sein de l’établissement employeur, Mme [N]. Mme [R] n’indique pas dans son écrit daté de fin avril 2017 que Mme [N] n’était pas sa tutrice.

Contrairement à ce qu’affirme Mme [N], l’employeur a produit des exemplaires des contrats de professionnalisation signés par les deux salariées portant cette même mention de la tutrice (pièces n°42 et 43).

Il en résulte qu’en cette qualité, Mme [N] était tenue de contrôler le travail de ses collègues en formation, dont il est établi par l’attestation qu’elle produit que les deux salariées étaient au rayon frais.

L’employeur produit en outre le planning de Mme [N] pour la période litigieuse du 6 au 11 février 2017, ainsi que les plannings de trois autres salariés, sur la même période et le plan du magasin avec l’indication des rayons (pièces n°20 à 24).

Le planning de Mme [N] mentionne une activité de 7 heures à 12 heures sauf le mercredi de 8 heures à 12 heures aux rayons PGC (produits de grande consommation) qui ne correspond pas uniquement à l’épicerie.

Celui de M. [F] – même qualification que Mme [N] – indique une activité entre 6 heures et 12 heures sauf le mardi jusqu’à 11 heures aux rayons FLE (fruits et légumes). L’employeur indique dans ses conclusions (p.22) qu’il était également en charge du PVP (pain viennoiserie pâtisserie).

Le planning de M. [D] dont il est mentionné dans les écritures de l’employeur qu’il était sous la responsabilité de M. [P], indique une activité de 7 heures à 12 heures, et 12 heures 30 le lundi, sauf le mercredi aux rayons PGC. Selon les conclusions, il s’agissait des yaourts et fromages (PGC) et de l’épicerie salée.

Celui de M. [A], assurant l’accueil et l’encadrement (ACC) fait état d’un horaire l’après-midi de 14 heures à 20 heures du mercredi au samedi sauf le dimanche de 12 heures à 19 heures.

L’ensemble de ces éléments établit que Mme [N], programmée aux rayons PGC, avait à tout le moins la responsabilité d’une partie de l’épicerie, celle du ‘frais’ en supervision de ses collègues. En revanche, les rayons concernant l’épicerie salée et les produits frais pour lesquels sont exclus les yaourts et fromages, la viennoiserie, la pâtisserie et le pain frais, les fruits et légumes étaient sous la responsabilité d’autres salariés.

La preuve n’est cependant pas rapportée par l’employeur sur lequel repose la charge de celle-ci, que la salariée avait la responsabilité de la totalité des produits périmés tels que le pain et la pâtisserie industriels, les attestations produites par l’appelante affirmant le contraire.

Or, M. [D], employé, atteste le 11 février 2017 avoir constaté le 9 février 2017 la présence de ‘PPI’ (pain pâtisserie industriels) datant du 7 février (crêpes) et 8 février (brioches vendéennes).

M. [A], responsable, atteste le 12 février 2017 avoir constaté lors d’une mise en rayon, des produits périmés depuis le 4 février 2017, 11 lots de 10 feuilles de brick et depuis le 31 janvier 2017, 3 sachets de madeleines Bio.

L’employeur produit des photographies (pièces n°19) des produits périmés tels que visés dans la lettre de licenciement, le produit et la date étant parfaitement lisibles. Les dates de constat telles qu’attestées correspondent à la période où Mme [N] avait la charge des rayons PGC et de la supervision des produits frais définis ci-dessus selon le planning.

Celle-ci a reconnu uniquement que les 11 lots de feuilles de brick Samia étaient de sa responsabilité mais que ces produits ont été retirés du rayon par le gérant M. [B] lui-même le 4 février 2017 et remis ensuite pour l’en accuser.

Cependant aucun élément du dossier ne permet d’imputer à l’employeur une telle démarche.

En outre, est inopérant le fait que l’employeur reconnait dans ses écritures que le gérant M. [B] faisait quotidiennement des contrôles mais n’a pas été à même selon la salariée de constater lui-même les produits périmés pendant plusieurs jours. En effet, en tant que gérant, son contrôle ne pouvait être exhaustif sur tous les rayons, les employés qualifiés tels que Mme [N] étant tenus d’exercer ce contrôle pour les rayons sous leur responsabilité.

Cependant, même à considérer que l’ensemble des produits périmés se trouvait dans des rayons gérés par Mme [N] – ce qui n’est pas démontré avec certitude par l’employeur – et à prendre en compte les conséquences non négligeables pour le magasin et les clients de la consommation de tels produits, le licenciement pour faute grave apparait comme une mesure disproportionnée et injustifiée à l’égard d’une salariée dont l’employeur ne démontre pas qu’elle aurait fait l’objet d’une sanction disciplinaire antérieurement aux faits litigieux par le précédent employeur la société Myla 24.

Il est également établi que le contrat de travail avec cette société avait été conclu quatre mois avant le licenciement et qu’à la date des faits, le nouvel employeur, la société Dubik n’avait repris la gestion du magasin que depuis dix jours.

De même, la cause réelle et sérieuse du licenciement, au regard des incertitudes concernant les responsabilités des rayons de chaque salarié, dont il est attesté que chacun d’entre eux intervenait sur différents rayons même ceux dont il n’avait pas la responsabilité et du contexte rappelé ci-dessus, n’est pas établie et la sanction apparait disproportionnée et injustifiée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a considéré que la faute grave ne pouvait être retenue et que le licenciement de Mme [N] était sans cause réelle et sérieuse.

Il sera également confirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement du salaire de mise à pied, soit 1 016,32 euros.

– sur la protection spéciale de la salariée en état de grossesse médicalement constatée

Conformément aux textes précités, l’employeur, sauf en cas de faute grave sans lien avec l’état de grossesse, ne peut licencier la salariée même s’il a eu connaissance de cet état postérieurement à la lettre de licenciement.

L’employeur soutient cependant que la validité et l’authenticité du certificat médical dont il a eu connaissance le 25 février 2017 postérieurement au licenciement, sont contestées car il n’est ni daté ni signé et n’est pas conforme aux règles générales d’établissement des certificats fixées par l’ordre national des médecins.

La salariée fait valoir qu’elle justifie que la lettre contenant le certificat a été déposée le 21 février 2017 à la poste, est partie le 22 février ce qui lui donne une date certaine, qu’elle bénéficie de la protection légale dès que l’employeur a eu connaissance de l’état de grossesse, le certificat médical attestant de son état et de la date présumée de l’accouchement ne constituant pas une formalité substantielle. Elle affirme en outre avoir informé l’employeur de son état dès la remise de la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement et allègue que la lettre recommandée contenant le certificat a été présentée une première fois le 23 février à l’employeur qui n’a pas réclamé volontairement le pli avant d’envoyer lui-même la lettre de licenciement le 24 février 2017.

En l’espèce, le certificat médical produit (pièce n°6 appelante) n’était accompagné d’aucune lettre de couverture de la part de la salariée. Il indique que celle-ci ‘est actuellement enceinte. Le début de grossesse est estimé au 8 décembre 2016 et l’accouchement est prévu vers le 8 septembre 2017”. Il ne comporte ni date ni signature.

Au regard de son aspect et du contenu laconique, ne répondant pas aux règles édictées par l’ordre des médecins sur la rédaction des certificats médicaux (pièce n°18 intimée), ne serait-ce que la date et la signature du médecin, le certificat dont l’authenticité et la validité ont été à juste titre remis en cause par les premiers juges, ne constitue pas effectivement un document probant.

Dès le 28 mars 2017, l’employeur répondant au courrier de Mme [N] en date du 17 mars 2017 suite à son licenciement, a contesté la validité et l’authenticité du certificat médical (pièce n°7 appelante et 11 intimée).

Cette lettre du 28 mars 2017 indique notamment : ‘vous faites état dans votre courrier de la connaissance que je pouvais avoir de votre état de santé grossesse. Comme d’une part vous l’avez rappelé vous-même, cet état de fait n’a été porté à ma connaissance qu’à la réception le 25 février 2016 d’une copie d’un courrier rédigé de manière non manuscrite, ni daté, ni signé : ce qui permet de s’interroger quant à sa réelle validité.’ (pièce n°12 intimée).

Or, suite à ce courrier, la salariée n’a adressé à l’employeur ni confirmation du médecin sur l’authenticité du document ni aucun autre élément relatif à son état de grossesse à la date de l’entretien préalable ou du licenciement ou dans les 15 jours de celui-ci. Devant les premiers juges, la salariée n’a pas justifié de l’authenticité du document. Malgré la décision du conseil de prud’hommes remettant en cause la validité du certificat, aucun élément n’est produit devant la cour démontrant qu’à la date de la procédure de licenciement, elle était bien enceinte.

De même, la salariée n’a jamais contesté que le document envoyé à l’employeur n’était qu’une copie, alors que la production de l’original aurait permis d’éclairer le conseil de prud’hommes et aujourd’hui la cour.

Elle affirme n’avoir eu connaissance de la lettre de convocation à l’entretien préalable du 13 février 2017 que le 20 février 2017 et avoir informé l’employeur de son état de grossesse lors de la remise de la lettre en mains propres ce même jour.

Cependant, la lettre de convocation à l’entretien préalable contenant mise à pied conservatoire à compter du 13 février 2017 est datée de ce même jour (pièce n°3 appelante).

Il est établi par les écritures des parties et les pièces produites notamment l’arrêt de travail de Mme [N] (pièce n°37 intimée), que cette dernière n’est pas venue travailler le lundi 13 février 2017, alors que son arrêt de travail ne commençait que le 14 février et finissait le 18 février 2017 et non comme elle l’affirme du 13 au 19 février 2017, de sorte qu’elle était informée de la convocation contenant mise à pied conservatoire à compter du 13 février.

Elle avait donc la faculté de remettre le certificat médical dont on ignore la date lors de l’entretien préalable qui s’est déroulé le 21 février 2017, l’arrêt de travail du 14 février 2017 établi par un médecin ne faisant aucune mention de l’état de grossesse, de sorte que pour affirmer le 20 février à son employeur qu’elle était enceinte, elle disposait du certificat médical au plus tard à cette date.

Le fait que l’employeur ait réceptionné à [Localité 7], le courrier contenant le certificat médical le 25 février 2017 – ce que ne conteste pas l’employeur dans son courrier du 28 mars 2017 -, soit un court délai, ne permet pas d’en déduire comme le fait la salariée que la société Dubik a volontairement retardé la réception du courrier afin d’envoyer la lettre de licenciement.

Enfin, il n’est pas démontré, par des attestations du personnel à l’époque du licenciement et jusqu’à 15 jours après le licenciement, que l’employeur était parfaitement informé de l’état de grossesse, étant observé que selon les dires de la salariée celle-ci aurait été enceinte de seulement deux mois à l’époque des faits.

En conséquence, il résulte de ces éléments que la salariée ne peut se prévaloir de la protection légale.

Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a rejeté la demande tendant à voir déclarer nul le licenciement de Mme [N] et l’a déboutée de sa demande de réintégration et de sa demande de condamnation au titre des salaires pour la période d’éviction.

– sur la discrimination

L’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce, dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de l’un des motifs énoncés à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée.

L’un des motifs énoncés à ladite loi est l’état de santé, auquel peut être assimilé l’état de grossesse d’une salariée.

Aux termes de l’article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [N] invoque que :

– l’employeur a fait preuve d’acharnement à son égard en retirant les feuilles de brick périmées de ses rayons pour les remettre et l’accuser ensuite, alors qu’il avait connaissance de son état de grossesse. Or, il résulte de ce qui précède que la preuve d’une telle démarche de la part de l’employeur n’est pas établie et qu’en outre, à la date de faits ce dernier n’avait pas connaissance de cet état.

– l’employeur a voulu lui imposer le 10 février 2017 un changement dans ses heures de travail qu’elle a refusé, ce comportement étant lié à sa connaissance de son état de grossesse. Or, l’employeur n’avait pas connaissance d’un état de grossesse de la salariée à cette date.

L’employeur justifie que la mesure de licenciement était fondée sur des faits objectifs – la présence de produits périmés dans les rayons se trouvant sous sa responsabilité – à la date des faits litigieux soit du 6 au 11 février 2017, où il n’était pas informé de l’état de grossesse supposé de la salariée.

S’agissant des horaires de travail, il résulte des termes de la lettre de la salariée du 17 mars 2017 que l’employeur a certes proposé le 10 février 2017 à la salariée un changement de ses horaires, ce qui était expressément prévu par son contrat de travail sans constituer une modification du contrat, en lui donnant un temps de réflexion de 8 jours. Il n’est pas établi que l’employeur a voulu contraindre la salariée à modifier ses horaires du fait de la connaissance d’un état de grossesse qui lui a été notifié le 25 février 2017 soit quinze jours plus tard.

La salariée ne démontre donc pas l’existence d’actes discriminatoires commis par l’employeur qui aurait fait montre d’acharnement à son égard du fait de sa grossesse.

Le jugement sera confirmé en ce que les premiers juges ont débouté Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination.

Il sera observé que la salariée ne forme pas, même à titre subsidiaire, de demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2- sur l’intervention du syndicat

L’employeur soutient que l’intervention du syndicat est irrecevable au motif qu’il n’est pas produit de mandat du défenseur syndical lui permettant de le représenter et au surplus que le syndicat ne justifie pas d’un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente.

Le syndicat fait valoir que le pouvoir permanent de représentation du syndicat, ainsi que la déclaration de ce dernier sont produits, qu’au visa de des articles L. 2131-1 et suivants du code du travail, le syndicat est recevable, s’agissant d’un manquement de l’employeur constituant une atteinte au principe d’égalité des droits entre l’homme et la femme, ce qui cause un préjudice direct ou indirect à la profession représentée par le syndicat.

En l’espèce, il est justifié du mandat pour représenter le syndicat Info’com CGT/CSTP et de la déclaration d’appel dudit syndicat.

Aux termes de l’article L. 2131-1 du code du travail, ‘les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts.’

L’article L. 2132-3 dudit code dispose que ‘les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice.

Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.’

En l’espèce, en l’absence de manquement de l’employeur en lien avec un état de grossesse quelle que soit la qualification du licenciement, l’action du syndicat est recevable mais sa demande de dommages-intérêts au titre d’un préjudice subi à l’intérêt collectif n’est pas fondée.

4- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Au regard de la situation économique des parties, il ne sera pas fait droit à leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Rejette le moyen d’irrecevabilité soulevé par Mme [N] au titre de prétentions nouvelles de la société Dubik,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 18 septembre 2019,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d’appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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