Contrat de franchise : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/02879

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Contrat de franchise : 6 juillet 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/02879

6 juillet 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
21/02879

N° RG 21/02879 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I2RW

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 06 JUILLET 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 10 Juin 2021

APPELANTE :

Me [F] [S], es qualité de mandataire ad hoc de la Société CL SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Emmanuelle DUGUÉ-CHAUVIN de la SCP EMO AVOCATS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Estelle DHIMOLEA, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉES :

Madame [G] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Michel ROSE de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ROUEN

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Guillaume DES ACRES DE L’AIGLE de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 14 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 Juillet 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 06 Juillet 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [G] [X] a été engagée par l’EURL CL Services, exerçant son activité sous la franchise ‘Family-sphère’, en qualité de prestataire de garde d’enfants par contrat de travail intermittent à durée indéterminée du 31 août 2016.

Par jugement du 26 février 2019, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société CL Services, Mme [S] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 14 mai 2019, Mme [S] étant désignée en qualité de liquidateur.

Le licenciement économique a été notifié à la salariée le 27 mai 2019.

Par requête du 4 mai 2020, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en requalification de son contrat de travail, contestation de son licenciement et paiement de rappels de salaires et indemnités.

Par jugement du 10 juin 2021, le conseil de prud’hommes a requalifié le contrat de travail intermittent de Mme [X] en contrat de travail à temps plein, fixé sa créance de rappels de salaire au passif de la liquidation de la société CL Services aux sommes suivantes :

pour l’année 2016 : 4 720,79 euros, outre 472,08 euros au titre des congés payés afférents,

pour l’année 2018 : 14 908,32 euros, outre 1 490,32 euros au titre des congés payés afférents,

pour l’année 2019 : 6 979,17 euros, outre 697,91 euros au titre des congés payés afférents,

– dit que le licenciement de Mme [X] est sans cause réelle et sérieuse, et fixé sa créance salariale comme suit :

3 042,50 euros au titre du préavis, outre 304, 25 euros au titre des congés payés afférents,

1 338,82 euros à titre de solde d’indemnité de licenciement,

3 250 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné qu’il soit fixé au passif de la société le remboursement au bénéfice de Pôle emploi des sommes perçues par Mme [X] de la date de son inscription à la date du jugement dans la limite de six mois, donné acte à l’AGS et au CGEA de Rouen de leur intervention, dit que la présente intervention ne pourra être déclarée opposable au CGEA en qualité de gestionnaire de l’AGS que dans les limites prévues aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, fixé les dépens de l’instance au passif de la liquidation de la société CL Services.

Mme [S], ès qualités, a interjeté appel de cette décision le 12 juillet 2021.

Le 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Rouen a clôturé la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actifs et la société CL Services a été radiée du registre du commerce et des sociétés.

Suivant ordonnance du 8 février 2023, le tribunal de commerce a désigné Mme [S] en qualité de mandataire ad’hoc de la société CL Services.

Par conclusions remises le 22 mai 2023 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens, Mme [S] en qualité de mandataire ad’hoc de la société CL Services, demande à la cour, à titre principal, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, débouter Mme [X] de sa demande de requalification de son contrat de travail et de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et par suite, la débouter de toutes ses demandes de rappels de salaires et d’indemnités, la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour confirmerait la requalification du contrat intermittent en contrat à temps complet, diminuer dans de plus justes proportions le montant des sommes pouvant être accordées à Mme [X], celle-ci n’ayant jamais eu à rester à la disposition de la société le lundi avant 16h30, le mercredi matin, le jeudi avant 16h30, réformer le jugement en ce qu’il a accordé à la salariée l’indemnité compensatrice de préavis et débouter Mme [X] de sa demande à ce titre.

Par conclusions remises le 22 novembre 2021 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens, l’association Unedic Délégation AGS-CGEA de Rouen demande à la cour, à titre principal, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et débouter Mme [X] de toutes ses demandes, à titre subsidiaire, revoir dans de plus justes proportions les sommes pouvant lui être accordées, la mettre hors de cause au titre de la demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en tout état de cause, dire que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D. 3253-5 du code du travail, dire que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, dire que l’AGS ne saurait être tenue aux dommages et intérêts et autres indemnités n’ayant pas le caractère de créances salariales, statuer ce que de droit sur les dépens sans qu’ils ne puissent être mis à sa charge.

Par conclusions remises le 27 mars 2023 à l’association Unedic Délégation AGS-CGEA de Rouen et le 14 avril 2023 à Mme [S], ès qualités, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des moyens, Mme [X] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, débouter Mme [S] ès qualités et l’association Unedic Délégation AGS-CGEA de Rouen de l’intégralité de leurs demandes, condamner Mme [S] ès qualités à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés devant la cour d’appel.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 25 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur la requalification du contrat de travail intermittent

Mme [X] demande la requalification de son contrat de travail au motif que son contrat de travail n’était pas assez précis sur les périodes travaillées et non travaillées, que le nombre d’heures minimum n’était pas cohérent avec cette définition des périodes en référence aux vacances scolaires et que les fiches de prestations démontrent que ces périodes n’ont pas été respectées. Enfin, elle relève que les bulletins de salaires de l’année 2018 démontrent la variabilité de ses horaires et que les fiches d’intervention devaient préciser la répartition de ses horaires.

Mme [S] et l’association Unedic délégation AGS-CGEA de Rouen contestent cette analyse, faisant valoir que les périodes travaillées étaient parfaitement indiquées dans le contrat de travail et précisées par les fiches de missions, qu’en outre les vacances scolaires étant fixées par le ministère de l’éducation nationale, les périodes travaillées étaient parfaitement connues de Mme [X].

Aux termes de l’article L. 3123-34 du code du travail, le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée. Il peut être conclu afin de pourvoir un emploi permanent qui, par nature, comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Ce contrat est écrit. Il mentionne notamment :

1° La qualification du salarié ;

2° Les éléments de la rémunération ;

3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ;

4° Les périodes de travail ;

5° La répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes.

L’article L. 3123-35 du même code précise que les heures dépassant la durée annuelle minimale fixée au contrat de travail intermittent ne peuvent excéder le tiers de cette durée, sauf accord du salarié.

En l’absence de définition des périodes travaillées et non travaillées dans le contrat de travail, ce dernier doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun à temps plein.

En outre, en l’absence de la mention de la durée annuelle minimale de travail du salarié ou de la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes travaillées, le contrat est présumé à temps plein ; il appartient alors à l’employeur qui soutient que le contrat n’est pas à temps plein d’établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu’il n’était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Par ailleurs, indépendamment de la requalification de plein droit et de la présomption de temps plein en l’absence des mentions précises dans le contrat de travail, le salarié est également en droit de solliciter la requalification du travail intermittent en contrat de travail à temps complet dès lors qu’il est dans la nécessité de se tenir en permanence à la disposition de son employeur.

En l’espèce, aux termes du contrat de travail conclu le 31 août 2016, ‘le salarié exerce ses fonctions, pendant une durée minimale annuelle 130 heures par an qui sera atteinte par l’addition des périodes de travail qui alterneront avec des périodes de non-travail. Cette durée minimale annuelle annule et remplace la précédente durée. Cette durée s’entend du 1er janvier au 31 décembre. Il peut être convenu d’effectuer des heures au-delà de la durée annuelle minimale. Le dépassement de plus d’un tiers de cette durée, 169 heures, se fera après accord du salarié. La durée totale ne pourra excéder 1 500 heures sur une période d’un maximum de 44 semaines par an et d’un minimum de 20 semaines par an.’

Les périodes travaillées sont définies comme suit : ‘la durée totale de travail visée ci-dessus sera effectuée en cinq périodes, correspondant aux ‘périodes de travail scolaires’ de la zone B. Les périodes non travailléees sont donc les périodes de congés scolaires de cette zone (congés d’été et les périodes de vacances scolaires dde la Toussaint, Noël, Hiver et Printemps). Les périodes de vacances scolaires, définies par arrêté ministériel, sont consultables sur le site Internet du ministère de l’éducation nationale (http : // www.education.gouv.fr).

La société se réserve toutefois la possibilité de faire varier les dates de ces périodes en fonction des périodes de vacances scolaires du salarié en jours ouvrés, au maximum en début et en fin de période; la durée totale du travail annuel, compte tenu du dépassement qui en résultera, ne pourra en tout état de cause dépasser la durée minimale augmentée d’un tiers.’

Ensuite, l’article 6 du contrat définit la répartition des heures de travail à l’intérieur des périodes de travail et précise les conditions de modification de cette répartition, avec l’existence d’un délai de prévenance conventionnel de trois jours et ses exceptions.

Alors qu’il ressort de manière explicite et sans aucune équivoque possible du contrat de travail que les périodes travaillées étaient les périodes d’activités scolaires et par suite, que les périodes de vacances scolaires constituaient les périodes non travaillées, qu’en outre, ces dernières sont fixées plusieurs mois, voire plusieurs années à l’avance par le ministère de l’éducation nationale, Mme [X] ne peut sérieusement prétendre que cette indication est insuffisante pour remplir l’obligation de définition des périodes travaillées et non travaillées du contrat de travail intermittent.

Il ne peut donc y avoir de requalification de plein droit du fait de l’absence de cette mention, le fait que cette définition des périodes travaillées n’aient, le cas échéant, pas été respectée, n’étant pas suffisant, sauf à ce qu’il soit démontré que le salarié se trouvait à disposition permanente de son employeur, pour entraîner la requalification du contrat de travail à temps plein.

Or, c’est de manière infondée que Mme [X] soutient qu’elle s’est trouvée à disposition permanente de son employeur.

En effet, dans la mesure où le contrat prévoit un minimum de 130 heures par an de travail pouvant être dépassé jusqu’au tiers, soit 169 heures, sans accord du salarié, puis au-delà, dans la limite de 1 500 heures avec accord du salarié, le fait que la moyenne de 8,17 heures par semaine exposée dans la répartition du temps de travail sur la semaine correspondent à plus de 130 heures par an sur 36 semaines de périodes scolaires n’est pas opérant pour démontrer que les périodes travaillées et non travaillées n’étaient pas respectées. Cette indication n’est qu’une prévision moyenne, et ce d’autant que le contrat de travail précise expressément que ‘les fiches de prestation en cours d’exécution déterminent les jours et horaires d’intervention’.

De même, l’argument fondé sur les dates de missions précisées sur les fiches de prestations, qui correspondent aux dates de l’année scolaire (01/09/2017 au 30/06/2018 ou 04/09/2018 au 30/06/2019) n’est pas pertinent pour établir que la salariée était constamment à la disposition de son employeur puisque non seulement, elles mentionnent toutes expressément que les interventions se déroulent uniquement hors périodes de vacances scolaires, mais surtout, il s’agit de fiches de prestations qui ne sont signés ni par Mme [X], ni par le client, ni, pour certaines par la société CL Services, de sorte qu’il n’est pas avéré qu’il s’agit de missions qui ont été exécutées.

Enfin, l’analyse des quelques bulletins de salaires produits aux débats sur l’année 2018 ne permet pas de démontrer que les périodes travaillées et non travaillées n’étaient pas respectées, compte tenu du peu d’heures travaillés par mois, la variation constatée tendant plutôt à établir le contraire en ce que Mme [X] travaillait en moyenne 18 heures sur les mois sur lesquelles il y avait des vacances scolaires et 26 heures pour les mois complet (tel le mois de juin ou de septembre).

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter Mme [X] de sa demande de requalification de son contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet.

II – Sur le licenciement économique

Mme [X] soutient que la liquidation judiciaire de la société CL Services qui a conduit à son licenciement trouve son origine dans le fait que le dirigeant de la société, M. [N], a fait l’objet d’une interdiction de gérer d’une durée de 6 ans prononcée le 28 mai 2018 par le tribunal de commerce de Pontoise, dans les fautes de gestion de ce dernier commis au cours des années 2018-2019 (problèmes de paiement des créanciers, absence de rattachement au site web Family Sphere, résiliation du contrat de franchise en juillet 2018) ainsi que dans son comportement lors de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, puisque M. [N] n’a jamais honoré les rendez-vous donnés par le mandataire judiciaire, de sorte qu’aucune information n’a pu être recueillie pour éviter la liquidation judiciaire.

Mme [S] conteste cette analyse, relevant que la liquidation judiciaire trouve son origine dans les difficultés financières caractérisées par le bilan clos au 30 juin 2018 et par la perte de la franchise Family Sphère le mois suivant, peu important que M. [N] ne se soit pas présenté aux rendez-vous fixés lors de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et ce d’autant qu’il avait perdu sa capacité de gestion. L’association Unedic Délégation AGS-CGEA de Rouen conclut dans le même sens.

La cessation totale d’activité de l’employeur constitue en elle-même une cause économique de licenciement sous réserve qu’elle ne soit pas due à la faute ou à la légèreté blâmable de l’employeur.

De même, le fait que la cessation d’activité de l’entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d’invoquer l’existence d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La légèreté blâmable, qui suppose une décision prise de manière inconsidérée ou avec désinvolture en dépit des conséquences graves qu’elle peut entraîner, doit être distinguée de la simple erreur d’appréciation du risque, inhérent à tout choix de gestion, du chef d’entreprise dont les prévisions peuvent être déjouées par les aléas de la vie économique. Elle ne prive le licenciement économique d’un motif réel et sérieuse, en cas de liquidation, que si elle est à l’origine de celle-ci et par voie de conséquence du licenciement.

En l’espèce, à titre liminaire, il convient de relever le caractère contradictoire de l’argumentation tenue par Mme [X] qui, bien que rappelant que M. [N] est sous la sanction d’une interdiction de gérer prononcée le 28 mai 2018, lui reproche de ne plus avoir exercé ses fonctions de gérant à compter de cette date et plus particulièrement à partir de l’ouverture de la procédure collective. De même, tout en invoquant de nombreuses fautes de gestion de la part de M. [N] au cours des années 2018 et 2019, notamment la création d’un passif par non-paiement des créances, Mme [X] conclut que le bilan clos au 30 juin 2018 présentait une situation financière non obérée, le passif n’étant finalement pas important eu égard aux résultats d’exploitation et que ce n’est qu’en raison de la carence de M. [N] dans le cadre de la procédure collective que la liquidation judiciaire a été prononcée.

Il est constant que suivant jugement rendu le 28 mai 2018 par le tribunal de commerce de Pontoise dans le cadre de la clôture pour insuffisance d’actifs de la SARLU Bambins-services, une interdiction de gérer de six ans a été prononcée à l’encontre de M. [N] sur le fondement de l’article L. 653-8 du code du commerce. Toutefois, en l’absence de production dudit jugement, et alors que cette disposition vise de nombreux cas de figure, cet élément ne permet pas de caractériser une incompétence généralisée, et généralisable à la société CL Services, de M. [N] dans la gestion des sociétés qu’il dirige. De surcroît, il convient de relever que dans le cadre de la clôture de la procédure collective de la société CL Services pour insuffisance d’actifs, aucune sanction personnelle n’a été prononcée à son encontre.

En outre, s’il est exact que le bilan clos au 30 juin 2018 montrait une augmentation du chiffre d’affaires de l’ordre de 12 %, le résultat d’exploitation était cependant parfaitement stable, variant d’une centaine d’euros et les charges financières (emprunts) avaient augmenté de manière significative. Ainsi, alors que le bilan de l’année précédente était positif, ce bilan était déficitaire de plus de 16 000 euros. Huit mois plus tard, lors de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la situation était très obérée, puisque la société CL Services, n’avait plus aucune trésorerie, un découvert en banque de l’ordre de 15 000 euros, de sorte qu’elle n’avait aucun moyen de financer sa période d’observation et notamment de payer les salaires et charges des 24 salariés.

Enfin, la centaine de pièces versées aux débats par la salariée, concernant le litige opposant la société CL Services à Mme [J], la responsable d’agence, confirme parfaitement cette analyse, à savoir que ce n’est qu’à compter de l’interdiction de gérer prononcée à l’encontre de M. [N], suivie de la perte de la franchise Family Sphère le mois suivant, que les difficultés de gestion vont apparaître et que les difficultés financières et économiques vont s’accroître, Mme [J] ne disposant plus d’aucun interlocuteur pour gérer l’activité et régler les salaires et autres charges sociales.

Aussi, ainsi que l’analyse justement Mme [S], la liquidation judiciaire de la société CL Service ne trouve pas son origine dans une faute ou une légèreté blâmable imputable au gérant, mais dans un exercice clos au 30 juin 2018 déficitaire, situation qui sera aggravée quelques semaines plus tard par l’absence de gérance, M. [N] ayant perdu toute capacité à ce titre, puis la perte de la franchise Family Sphère pour des raisons inconnues et qui imposera, très rapidement après l’ouverture de la procédure collective, le constat d’une situation irrémédiablement compromise, l’activité de la société CL Services ne pouvant être maintenue, peu important dès lors de savoir si l’importance du passif par rapport au résultat d’exploitation aurait pu ou non permettre l’établissement d’un plan.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter Mme [X] de toutes ses demandes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires subséquentes.

III – Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner Mme [X] aux entiers dépens, et de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité et la nature du litige commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S], ès qualités.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [G] [X] de toutes ses demandes,

Condamne Mme [G] [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Déboute Mme [S], ès qualités, de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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