Contrat de franchise : 6 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/19372

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Contrat de franchise : 6 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/19372

6 septembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/19372

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2023

(n° 146 , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/19372 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CET75

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Septembre 2021 – Tribunal de Commerce de Bordeaux, 7ème chambre – RG n° 2021F00265

APPELANTE

S.A.S. S.M.J.P. DIFFUSION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Toulouse sous le numéro 352 032 072

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240, avocat postulant

Représentée par Me Laura SOULIER de la SCP RSG AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE, toque : 386, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.R.L. OPTIQUE MEDICALE DU [Localité 4] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 784 489 510

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Géraldine SITTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : J083

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte Brun Lallemand, première présidente de chambre

Madame Sophie Depelley, conseillère

Monsieur Julien Richaud, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Mianta Andrianasoloniary

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-Annick Prigent, présidente de la chambre 5.5 et par Monsieur Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La SAS SMJP Diffusion, présidée par madame [O] [X], exerce une activité principale de prestation de services à destination des professionnels de l’optique et anime depuis 1989 le réseau “Rien ne va plus” destiné à regrouper les opticiens indépendants et promouvoir des services et produits haut de gamme.

Elle propose dans ce cadre des prestations de communication (charte graphique, packaging, suivi des stocks et assistance au réassort, administration du site accessible sous le nom de domaine riennevaplus.fr destiné à présenter le réseau, opérations promotionnelles) et offre divers services tels l’organisation de showrooms permettant la présentation aux opticiens adhérents de produits préalablement sélectionnés et de séminaires de formation. En contrepartie de ces prestations, l’adhérent s’oblige à payer un droit d’entrée de 7 500 euros à 9 000 euros, une cotisation annuelle assise sur le chiffre d’affaires réalisé ainsi qu’une cotisation de 3 % de ce dernier au titre du budget publicitaire. Les services supplémentaires, tels les prestations d’aménagement intérieur ou de décoration des boutiques, sont facturés séparément, au même titre que les supports publicitaires utilisés dans chaque magasin.

Monsieur [Y] [Z] est le gérant de la SARL Optique Médicale du [Localité 4] qui exploite un fonds de commerce d’optique situé à [Localité 4]. Elle a adhéré au réseau “Rien ne va plus” par contrat conclu le 3 février 2005 pour une durée de trois ans tacitement renouvelable par tranches annuelles à compter de chaque date anniversaire, sauf volonté contraire notifiée avec un préavis de deux mois.

Pour adapter la stratégie de communication du réseau à la dématérialisation croissante des supports et proposer un service de vente en ligne de produits très haut de gamme ou de luxe dans le cadre d’un réseau rebaptisé “Les opticiens haut de gamme”, la SAS SMJP Diffusion a proposé à ses adhérents la conclusion d’un nouveau contrat lors du séminaire organisé le 12 octobre 2020 à [Localité 3]. A cette date, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] a signé ce contrat, conclu pour une durée de trois ans et stipulant le paiement d’un nouveau droit d’entrée de 9 000 euros et de redevances majorées.

Les relations entre les parties se dégradaient immédiatement, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] reprochant à la SAS SMJP Diffusion, par courriel du 16 octobre 2020, un défaut de communication d’un double du contrat ainsi que les conditions de sa signature. L’assistant de madame [O] [X] lui répondait le jour même que le nouveau contrat “serait déchiré” avant de se raviser le 23 octobre suivant en soulignant son absence de pouvoir pour prendre une telle décision.

Après avoir vainement sollicité la communication de la copie du contrat du 3 février 2005 pour connaître les conditions de sa rupture, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] a, par courrier recommandé du 5 novembre 2020, notifié à la SAS SMJP Diffusion sa rupture à compter du 5 janvier 2021. En retour, cette dernière la mettait en demeure le 3 décembre 2020 d’exécuter le contrat du 12 octobre 2020.

Un conflit de même nature a opposé la SAS SMJP Diffusion à d’autres adhérents qui ont à leur tour rompu leurs relations commerciales, cette dernière estimant être une victime d’une stratégie concertée exclusivement destinée à lui nuire.

C’est dans ces circonstances que, autorisée à assigner à bref délai par ordonnance rendue sur requête le 17 février 2021, la SAS SMJP Diffusion a, par acte d’huissier signifié le 11 mars 2021, assigné la SARL Optique Médicale du [Localité 4] devant le tribunal de commerce de Bordeaux, à titre principal, en exécution forcée du contrat du 12 octobre 2020 et, subsidiairement, en indemnisation des préjudices causés par la rupture abusive et à défaut brutale du contrat du 3 février 2005.

Par jugement du 10 septembre 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a rejeté les demandes des parties et a condamné la SAS SMJP Diffusion à payer à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 10 novembre 2021, la SAS SMJP Diffusion a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 mai 2023, la SAS SMJP Diffusion demande à la cour, au visa des articles L 442-1 du code de commerce, 1103 et 1231-1 du code civil et 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016,

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes ;

condamné la SAS SMJP Diffusion à verser à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la SAS SMJP Diffusion aux dépens ;

– de réparer l’omission de statuer du tribunal sur l’irrecevabilité de la demande d’annulation du contrat du 3 février 2005 et de la demande de restitution de sommes versées à la SAS SMJP Diffusion avant avril 2016 ;

– en conséquence, statuant à nouveau, à titre principal, de :

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion une somme de 8 890 euros HT, soit 10 668 euros TTC, au titre du solde de la facture du 16 octobre 2020 ou, subsidiairement, une indemnité de 8 890 euros HT en réparation du préjudice subi entre le 1er mars et le 30 septembre 2021 du fait de la rupture fautive et abusive du contrat du 12 octobre 2020 ;

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion une indemnité de 24 695,03 euros HT au titre de la perte de marge subie entre le 1er octobre 2021 et le 11 octobre 2023, du fait de la rupture fautive et abusive du contrat du 12 octobre 2020 ;

– à titre subsidiaire, de :

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion une indemnité de 8 890 euros HT égale au solde de la facture du 16 octobre 2020, à titre de réparation du préjudice subi entre le 1er mars et le 30 septembre 2021 du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion une indemnité de 12 167,62 euros HT au titre de la perte de marge subie entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, du fait de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

– à titre infiniment subsidiaire, de :

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion une indemnité de 8 890 euros HT égale au solde de la facture du 16 octobre 2020, à titre de réparation du préjudice subi entre le 1er mars et le 30 septembre 2021 du fait du non-respect du préavis contractuel du contrat du 3 février 2005 ;

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion une somme de 4 055,87 euros HT au titre de la perte de marge brute subie entre le 1er octobre 2021 et le 2 février 2022, du fait du non-respect du préavis contractuel du contrat du 3 février 2005 ;

– si par extraordinaire l’un quelconque des contrats liant les parties devait être annulé :

* d’ordonner la compensation entre la somme due au titre de la restitution des versements réalisés en exécution dudit contrat et la somme due au titre de la restitution de la valeur des prestations et livraisons exécutées, évaluées à leur prix contractuel ;

o * de débouter la SARL Optique Médicale du [Localité 4] de toute demande au titre des restitutions ;

– en tout état de cause, de :

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à restituer à la SAS SMJP Diffusion , dans les huit jours de la signification de l’arrêt à intervenir, tous les documents, supports, matériels, obtenus dans le cadre de l’adhésion au club, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l’issue de ce délai ;

* faire interdiction à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] d’utiliser les concepts du club, de faire référence à son adhésion au club, d’utiliser les marques et concepts publicitaires, ainsi que leurs supports, utilisés par la SAS SMJP Diffusion et réservés aux membres du club, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant huit jours après la signification de l’arrêt à intervenir ;

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à verser à la SAS SMJP Diffusion une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice moral subi ;

* déclarer la SARL Optique Médicale du [Localité 4] irrecevable à invoquer la nullité du contrat du 3 février 2005 et à demander la restitution des sommes versées à la SAS SMJP Diffusion avant avril 2016, et à défaut rejeter ces demandes ;

* constater que la SARL Optique Médicale du [Localité 4] la SARL Optique Médicale du [Localité 4] a renoncé à ces demandes ;

* débouter la SARL Optique Médicale du [Localité 4] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

* débouter la SARL Optique Médicale du [Localité 4] de son appel incident ;

* condamner la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

* la condamner au paiement des entiers dépens, dont distraction des dépens d’appel au profit de maître Jean-Didier Meynard en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En réponse, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 mai 2023, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] demande à la cour :

– de confirmer la décision du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a débouté la SAS SMJP Diffusion de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive des relations commerciales et l’a condamné à régler 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– d’infirmer la décision du tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’il a débouté la SARL Optique Médicale du [Localité 4] de ses demandes ;

– statuant à nouveau, à titre principal, de :

* prononcer, à titre principal, la nullité du contrat du 12 octobre 2020 ;

débouter en conséquence la SAS SMJP Diffusion de l’intégralité de ses demandes ;

* juger, à titre subsidiaire, que le contrat du 12 octobre 2020 a été résilié par la SAS SMJP Diffusion ou d’un commun accord ;

* constater, à titre infiniment subsidiaire, que la SAS SMJP Diffusion avait l’intention de substituer le contrat du 12 octobre 2020 à celui conclu le 3 février 2005 ;

* juger en conséquence que les parties ne sont plus liées par le moindre contrat ;

* débouter en conséquence la SAS SMJP Diffusion de l’intégralité de ses demandes ;

– à titre subsidiaire, de :

* constater les graves manquements contractuels de la SAS SMJP Diffusion dans le cadre de l’exécution du contrat du 12 octobre 2020 ;

* prononcer en conséquence la résiliation du contrat du 12 octobre 2020 à effet immédiat ;

* débouter en conséquence la SAS SMJP Diffusion de l’intégralité de ses demandes ;

– à titre infiniment subsidiaire, de :

* constater, à titre principal, que le contrat du 3 février 2005 a été rompu sans faute par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ;

* juger que le respect d’une durée de préavis de 3 mois est suffisant au regard des circonstances de la rupture ;

* débouter en conséquence la SAS SMJP Diffusion de l’intégralité de ses demandes ;

* revoir, à titre subsidiaire, dans de plus justes proportions les demandes de la SAS SMJP Diffusion ;

– en tout état de cause :

* de constater que les manquements contractuels doivent entrainer l’application des dispositions propres à la révision du prix pratiqué ;

* de condamner en conséquence la SAS SMJP Diffusion à procéder au versement de la somme de 46 578 euros TTC au profit de la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ;

* de condamner la SAS SMJP Diffusion à rembourser à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] les sommes de :

° 3 000 euros TTC au titre de l’inexécution du site e-commerce ;

° 3 302 euros TTC au titre des cotisations annuelles pour l’adhésion au club depuis 2016 ;

° 906,66 euros TTC au titre des cotisations afférentes au budget publicitaire pour l’année 2020/2021 – période du 1er octobre 2020 au 29 février 2021 ;

* de condamner la SAS SMJP Diffusion à retirer toute référence la SARL Optique Médicale du [Localité 4] du site internet du réseau ;

* d’assortir ces obligations d’une astreinte fixée à la somme de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

* de condamner la SAS SMJP Diffusion aux entiers frais et dépens ;

* de condamner la SAS SMJP Diffusion à payer à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions visées pour un exposé détaillé du litige et des moyens des parties.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l’arrêt sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1°) Sur la validité du contrat du 12 octobre 2020 et la rupture de la relation commerciale

Moyens des parties

Au soutien de ses prétentions, la SAS SMJP Diffusion expose que la chronologie des faits et la concomitance des ruptures révèlent l’existence d’une stratégie concertée traduisant une intention de nuire et une déloyauté éclairant l’appréciation des faits. Elle conteste toute violence exercée le jour de la signature du contrat du 12 octobre 2020 et explique que ce dernier n’est pas un contrat de franchise, faute de transmission d’un savoir-faire et de signes distinctifs et de stipulation d’une exclusivité portant sur l’activité exercée, mais un contrat de prestation de services de communication et de publicité non soumis aux dispositions de l’article L 330-3 du code de commerce. Elle ajoute que, à supposer ce texte applicable, sa violation n’emporte nullité des contrats que si elle provoque un vice du consentement que la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ne démontre pas.

Elle conteste par ailleurs avoir accordé à tous les adhérents une faculté de rétractation et avoir rompu le contrat du 12 octobre 2020, l’assistant de sa présidente, qui a été trompé par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] sur ses véritables intentions, n’ayant ni la qualité ni le pouvoir de l’engager, les conditions du mandat apparent n’étant pas remplies, comme celles applicables aux notifications entre les parties stipulées par l’article 14 du contrat.

Elle réfute les griefs qui lui sont opposés, qui n’ont pas été invoqués dans la lettre de résiliation et sont de surcroît antérieurs au 12 octobre 2020 à l’exception de celui relatif au nouveau concept qui est infondé puisqu’elle l’a effectivement développé. Soutenant que la résiliation est abusive et que l’exécution forcée du contrat du 12 octobre 2020 est désormais impossible, elle sollicite la réparation de son préjudice qui réside dans le paiement des prestations servies du 1er octobre 2020 au 30 septembre 2021, ou dans une indemnité de même montant, et dans la perte de sa marge brute jusqu’au terme fixé au 11 octobre 2023.

Subsidiairement, elle soutient que la nullité ou la résiliation du contrat du 12 octobre 2020 ne fondait pas la rupture des relations commerciales qui se sont d’ailleurs poursuivies postérieurement. Elle conteste toutes les fautes qui lui sont imputées et ajoute que le préavis accordé ne respecte pas les stipulations contractuelles et qu’il était insuffisant en application de l’article L 442-1 II du code de commerce qui imposait, au regard de la durée de la relation commerciale établie et de l’effet global des ruptures concertées, un préavis effectif, qui devait s’achever en septembre pour tenir compte de l’annualisation des budgets et des règlements, expirant au 30 septembre 2022. Elle évalue son préjudice selon la méthodologie déjà résumée en retenant à titre subsidiaire la durée de préavis contractuel expirant le 2 février 2022. Elle estime par ailleurs que le comportement des intimées lui a causé un préjudice moral.

Elle explique enfin, en réponse aux demandes reconventionnelles, que l’article 1166 du code civil est inapplicable au litige, que la résiliation judiciaire est impossible puisque les contrats ont déjà été rompus et que les demandes de remboursement sont infondées, les augmentations des redevances n’ayant jamais été contestées.

En réponse, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] expose que le contrat du 12 octobre 2020 stipule une exclusivité et la mise à disposition d’une marque et est ainsi soumis aux articles L 330-1 et L 330-3 du code de commerce. Elle en déduit que, faute de transmission, préalablement à sa conclusion, du document précontractuel d’information, son consentement a été vicié et que le contrats est en conséquence nul ou inopposable. Elle soutient qu’il l’est également, pour du vice du consentement, à raison des contraintes subies lors de sa signature exigée avec mauvaise foi dans la précipitation. Elle conteste toute concertation frauduleuse en précisant que seul le comportement de madame [O] [X] est à l’origine des défections successives, constatées dès 2019. A défaut, elle estime que le contrat n’a jamais été conclu, la rétractation étant intervenue le 16 octobre 2020 et ayant été acceptée par la SAS SMJP Diffusion avant son acceptation, ou qu’il a été résilié d’un commun accord, la SAS SMJP Diffusion ayant accepté de le ” déchirer ” ainsi qu’elle l’avait proposé à tous les participants lors du séminaire du 12 octobre précédent. Elle précise à ce titre que l’assistant de madame [O] [X] a engagé la SAS SMJP Diffusion en vertu de la théorie du mandat apparent. Elle ajoute que, le contrat du 12 octobre 2020 s’étant substitué à celui du 3 février 2005, sa résiliation emporte cessation de toute relation contractuelle et que le paiement de l’échéance de février 2021 n’a été effectué qu’à raison de ses doutes sur la date exacte de la rupture du contrat et non pour revenir sur la résiliation.

Subsidiairement, elle estime que les fautes commises par la SAS SMJP Diffusion dans l’exécution du contrat du 12 octobre 2020 (défaut de remise de la copie du contrat, absence de nouveau concept existant au jour de sa signature, comportement agressif et humiliant de sa présidente) fondent sa rupture sans préavis. Concernant la rupture brutale du contrat du 3 février 2015, elle précise que la perte de confiance en la SAS SMJP Diffusion, qui résulte de l’absence d’exécution loyale des relations commerciales et des fautes graves (défaut de communication du contrat, augmentation des redevances sans clause de révision de prix et facturation erronée, perception de commissions occultes et d’une marge excédant les commissions découverte en cours de procédure, absence d’évolution de la marque et du packaging, absence d’utilisation des moyens de communication électronique et des réseaux sociaux, absence de mise en ligne du site marchand facturé dès 2017), fonde la rupture sans préavis. A défaut, elle sollicite une minoration du quantum des préjudices allégués et le rejet de la demande au titre du préjudice moral dont une personne morale ne peut souffrir.

Reconventionnellement, elle sollicite la révision du prix à raison des manquements évoqués ainsi que le remboursement des sommes indument perçues et le retrait de tout élément la concernant du site internet riennevaplus.fr.

Réponse de la cour

a) Sur le contrat du 12 octobre 2020

Conformément aux articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer dans le respect du principe de la contradiction leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

En vertu de l’article 1101 du code civil, le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.

La SARL Optique Médicale du [Localité 4] sollicite, à titre principal, la nullité du contrat du 12 octobre 2020 pour violation de l’article L 330-3 du code de commerce et à défaut pour violence, et, subsidiairement, son inopposabilité au motif que, en réponse à sa demande de communication d’une copie des contrats, l’assistant de leur présidente leur a précisé les “déchirer”, ce dont elle déduit que “le contrat n’a jamais été conclu” (page 15 de ses écritures). Or, en toute logique, l’appréciation de l’existence de l’acte doit précéder celle de sa validité et de sa rupture. Aussi, la réalité de la rencontre des consentements sera examinée prioritairement malgré la hiérarchie des demandes de la SARL Optique Médicale du [Localité 4].

Si cette dernière ne conteste pas être l’auteur de la signature du contrat du 12 octobre 2020, elle justifie avoir, dès le 16 octobre 2020, dénoncé les conditions dans lesquelles celle-ci a été obtenue avec précipitation et sous la contrainte et avoir sollicité, pour lui permettre d’examiner l’acte et de donner une réponse “en toute connaissance de cause” ou au contraire de le “déchirer” comme cela lui avait été proposé, la communication d’un double du contrat, requête légitime au sens de l’article 1375 du code civil. Elle confirmait clairement son désir de ne pas s’engager dans le réseau “Les opticiens haut de gamme” et de demeurer pour l’heure dans le réseau “Rien ne va plus” (sa pièce 2). L’assistant de madame [O] [X] répondait le jour même : “suite à notre conversation téléphonique, je vous confirme donc que votre contrat au club “Les opticiens haut de gamme” sera déchiré” (même pièce).

Ces éléments révèlent que la SARL Optique Médicale du [Localité 4] n’avait pas une vision claire de la nature et de la portée des obligations stipulées faute de posséder un exemplaire de l’instrumentum. Ses doutes et interrogations, dont la SAS SMJP Diffusion a eu connaissance avant toute exécution contractuelle, portent à l’évidence sur la possibilité et la réalité de leur consentement et non sur l’exécution ou la rupture du contrat dont elle ignorait une bonne part de la matière. L’idée que, en dépit de la signature de l’intimée, l’engagement n’était pas formé est confortée par le fait que :

– aux termes d’un échange tendu de courriels des 15 et 16 octobre 2020 entre deux autres adhérents et madame [O] [X] portant également sur la nécessité de communiquer un double original du contrat, la seconde, après avoir refusé cette dernière, précisait : “Je crains que cette histoire ne prenne une ampleur remettant en cause notre relation professionnelle. Je déchire les contrats, l’histoire est close”, exécutant ainsi une menace proférée vingt minutes plus tôt (pièce 36 de la SAS SMJP Diffusion). Il était rappelé en cette occasion que l’assistant de madame [O] [X] avait indiqué, lors d’une conversation téléphonique rapportée dans un courriel du 16 octobre 2020 dont le contenu n’est pas critiqué, que cette dernière ne “signerait sa partie qu’au 31 décembre 2020” (même pièce) ;

– un autre adhérent, monsieur [D] [B], dont rien ne permet de douter de la sincérité et de la crédibilité puisqu’il est toujours en relation contractuelle avec la SAS SMJP Diffusion dans le cadre du réseau “Rien ne va plus” (ses écritures, page 19), atteste que, lors du séminaire du 12 octobre 2020, madame [O] [X] a annoncé à tous les adhérents qu’elle se réservait la possibilité de “déchirer” le contrat sur un simple appel de leur part “dans le courant de la semaine” (pièce 16 de l’intimée).

Ces éléments concordants ne sont pas remis en cause par l’attestation de monsieur [N] [P] qui explique que madame [O] [X] lui a indiqué qu’elle déchirerait le contrat si son père, représentant légal de la société adhérente absent lors du séminaire, le souhaitait, cette proposition étant également faite à un autre adhérent placé dans une situation similaire (pièce 28 de la SAS SMJP Diffusion). Contrairement à ce que soutient la SAS SMJP Diffusion, ce témoignage ne précise pas que la possibilité de revenir sur sa signature était réservée à ces deux sociétés puisqu’il introduit ses développements sur cette question par la phrase : “après les explications, un seul opticien a posé une question à laquelle [O] [X] a répondu à l’ensemble des opticiens (sic)”. Aussi, il importe peu que cette dernière ait intimement entendu réserver ce traitement à certains adhérents à raison de leur absence de représentation légale dès lors que sa position publique laissait entendre de manière univoque que tous en bénéficieraient. Son interprétation est d’ailleurs contredite par le fait qu’elle a déchiré les contrats signés par deux sociétés qui n’étaient pas présentes lors du séminaire. Après une telle annonce, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] a pu légitimement penser que l’assistant de madame [O] [X], dont les correspondances produites révèlent qu’il était l’interlocuteur habituel des adhérents, avait la capacité d’engager la SARL Optique Médicale du [Localité 4] pour le compte de sa présidente dont il relayait habituellement les instructions. A ce titre, le fait que la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ait finalement décidé de rompre les relations commerciales dans leur entier postérieurement à la réponse de l’assistant de madame [O] [X] n’induit en rien qu’il ait été trompé sur la possibilité de revenir sur la signature du contrat du 12 octobre 2020.

Or, ce positionnement est le signe que, dans l’esprit de la présidente de la SAS SMJP Diffusion également, ces discussions étaient préalables à un engagement ferme auquel elle n’avait elle-même pas souscrit au jour de ces échanges, l’exemplaire signé de sa main ayant été adressé postérieurement, en novembre 2020 (pièce 117 de la SAS SMJP Diffusion).

En pareil contexte, qui correspond à celui de pourparlers précontractuels, le fait de “déchirer” les contrats exprime cette volonté partagée d’anéantir le negotium par destruction de l’instrumentum, précisément pour “clore” les débats. Cette réaction, dont les sociétés Maud Opticiens et Mondoptic ont pour leur part souligné la brutalité (pièce 36 de la SAS SMJP Diffusion), traduit l’intention claire de la SAS SMJP Diffusion de ne pas conclure le contrat et de renoncer à s’en prévaloir, et non de le résilier en l’absence par ailleurs de tout commencement d’exécution, peu important de ce fait l’absence de respect des formes stipulées en son article 14.

Dès lors, faute de rencontre effective des consentements mais au regard de l’accord définitif des parties sur ce constat, le contrats est inexistant, analyse qui prive d’objet les moyens, par ailleurs inadéquats, de la SARL Optique Médicale du [Localité 4] au titre de la rétractation de l’offre avant son acceptation. Tardif et à l’évidence opéré en réaction à l’expression de son intention de rompre les relations commerciales antérieures par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] (pièce 45 de la SAS SMJP Diffusion), le revirement unilatéral de la SAS SMJP Diffusion, qui a retourné un exemplaire du contrat signé en novembre 2020 mais manifestement antidaté au 1er octobre 2020 (sa pièce 117), est inefficace.

L’absence de formation du contrat du 12 octobre 2020 privant d’objet et de fondement les demandes et moyens des parties relatives à sa nullité, son exécution et sa rupture, le jugement entrepris sera confirmé, mais par substitution de motifs, en ce qu’il a rejeté :

– les demandes principales de la SAS SMJP Diffusion au titre du paiement des factures du 16 octobre 2020 et à défaut de l’indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture fautive et abusive des contrats du 12 octobre 2020 par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ;

– la demande de nullité du contrat du 12 octobre 2020 présentée par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ainsi que celle relative à sa résiliation ou à sa résolution judiciaire.

b) Sur l’exécution du contrat du 3 février 2005 et la rupture des relations commerciales

Conformément à l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 fixant son entrée en vigueur au 1er octobre 2016 et prévoyant que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public, le contrat du 3 février 2005 conclu par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] est soumis aux dispositions antérieures.

A titre liminaire, la Cour précise que, le contrat du 12 octobre 2020 étant inexistant, le moyen tiré de sa substitution au contrat antérieur et de la résiliation du second par celle du premier est inopérant.

– Sur l’exécution du contrat

Conformément à l’article 1134 du code civil (devenu 1103 et 1194), les conventions légalement formées, qui tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, doivent être exécutées de bonne foi. Et, en vertu des dispositions des articles 1147, 1149 et 1150 du code civil (devenus 1231-1 à 3), le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part, les dommages et intérêts dus au créancier étant, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé et le débiteur n’étant tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée.

La SARL Optique Médicale du [Localité 4] oppose trois manquements pour fonder la rupture du contrat du 12 octobre 2020 (absence de remise d’un double original, inexistence du nouveau concept au jour de sa signature et comportement de madame [O] [X]). Etrangers à l’exécution du contrat du 3 février 2005, ils sont sans pertinence.

Sur les inexécutions contractuelles

Aux termes du contrat du 3 février 2005, la SAS SMJP Diffusion s’engageait à fournir à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] les services suivants (article 3) :

– “produits : information et sélection des marques – organisation de showrooms privés et analyse – suivi et aide à la gestion du stock ;

– Personnel : séminaires [‘] – organisation de séjours en France et à l’étranger à l’occasion de salons professionnels ;

– Publicité : protection juridique et développement de la marque Rien Ne Va Plus et des concepts publicitaires associés – élaboration d’une charge graphique (papier à lettre, enveloppes, cartes de visite’) – conception du packaging (pochettes, chamoisines, étuis’) – conception d’outils publicitaires (vitrine, PLV, marketing direct, site web, magasine’)”.

Alors que le contrat a été exécuté sans heurt pendant près de 15 ans, l’absence de remise d’un double original sollicitée seulement en octobre 2020 dans un contexte de dégradation rapide des relations n’est pas fautive.

Par ailleurs, les critiques relatives aux outils publicitaires et marketing, dont la fourniture est acquise, et aux packagings et produits marqués ” Rien ne va plus “, dont l’existence est reconnue, sont développées en termes vagues et subjectifs ne permettant d’objectiver aucun manquement précis. Et, la SAS SMJP Diffusion démontre au contraire avoir évoqué les modalités de développement de la stratégie de communication du réseau avec ses adhérents (ses pièces 104 à 109) et avoir fait évoluer les gammes de produits proposés lors des showrooms (sa pièce 110 non contestée en sa teneur). Aussi, le seul grief opposé à ce titre et reposant sur des faits tangibles réside ainsi dans le défaut de mise en service du site marchand facturé dès 2017. Mais, la SAS SMJP Diffusion prouve avoir créé le site e-commerce le 9 mars 2017 puis engagé un graphiste dès le 1er novembre 2018 pour en modifier le contenu et avoir assumé les frais de diverses prestations web, d’hébergement et de maintenance (sa pièce 18). Elle justifie également avoir adhéré à un système de paiement en ligne (sa pièce 20). Elle démontre enfin que des difficultés dans la récupération des adresses électroniques des clients fournies par les adhérents ont entravé la mise en ligne effective du site (ses pièce 21 et 106), pourtant déjà alimenté en produits (sa pièce 19 non contestée en son authenticité). Aussi, aucune faute imputable à la SAS SMJP Diffusion n’est caractérisée de ce chef, constat qui prive de fondement la demande en remboursement de la somme de 3 000 euros versée à ce titre, et ce d’autant moins que le contrat de 2020 avait précisément pour objet de permettre sa mise en service ainsi que le confirment de nombreux adhérents qui évoquent des discussions régulières et anciennes sur le sujet (pièces 28 à 33 de la SAS SMJP Diffusion).

Outre le fait que le “refus d’utiliser les moyens de communication mail et réseaux sociaux” ne contrevient à aucune stipulation contractuelle, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] se contente d’évoquer en termes vagues une opposition de la SAS SMJP Diffusion qui ne ressort pas des pièces invoquées à ce titre (pièces 18 et 19 de la SARL Optique Médicale du [Localité 4] et pièce 62 de la SAS SMJP Diffusion). Ce grief est infondé.

Demeure la question des “rétrocommissions occultes” et des marges. La dissimulation de la perception par la SAS SMJP Diffusion de commissions sur les commandes passées auprès des fournisseurs mis en relation avec les adhérents est contredite par le témoignage de l’un d’eux qui précise que le réseau en a été informé courant 2019 (pièce 111 de la SAS SMJP Diffusion). Et, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ne démontre pas que cette pratique ponctuelle ait eu la moindre incidence sur la relation contractuelle alors que les collections des deux fournisseurs pour lesquels elle est établie, n’ont pas été reconduites l’année suivante, signe que la rémunération accordée ne déterminait pas le choix des produits présentés lors des showrooms (pièce 115 de la SAS SMJP Diffusion). Cette analyse vaut pour la perception d’une marge sur la vente de lunette qui n’est en réalité pas établie par la pièce 29 produite par la SARL Optique Médicale du [Localité 4].

Sur les surfacturations

La SAS SMJP Diffusion reconnaît au sens de l’article 1383-2 du code civil avoir procédé d’initiative à une augmentation des redevances d’adhésion sans toutefois en préciser la mesure (page 55 de ses écritures). Pour autant, celle-ci, pratiquée d’année en année, a été graduelle et transparente. Elle était aisément identifiable par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] en son principe et sa mesure puisque le paiement était forfaitairement fixé, la différence apparaissant ainsi avec évidence, même dans le cadre d’une mensualisation. Or, quoique la relation fût encadrée par un contrat écrit, celui-ci n’était pas formaliste, l’acceptation d’une modification contractuelle pouvant ainsi être implicite tant qu’elle est certaine. En réglant sans la moindre réserve les sommes réclamées dont elle avait nécessairement perçu l’écart avec les montants stipulés, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] les a tacitement acceptées.

Par ailleurs, ainsi que le révèlent les factures produites, la redevance de participation au budget publicitaire annuel était assise sur le chiffre d’affaires dégagé, non sur une année civile, mais sur la période septembre-août. Aussi, les calculs proposés sont erronés et n’établissent aucune surfacturation à ce titre.

En l’absence de toute faute de la SAS SMJP Diffusion, les demandes la SARL Optique Médicale du [Localité 4], qui s’appuient exclusivement sur les manquements qu’elle allègue, doivent être intégralement rejetées, qu’elles portent sur la réduction du prix au sens de l’article 1166 du code civil, de surcroît inapplicable au contrat, ou sur la demande de remboursement du trop-perçu.

En conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la SARL Optique Médicale du [Localité 4] de l’intégralité de ses demandes, exception faite de sa demande de retrait de toute référence la concernant sur le site internet du réseau.

– Sur la rupture de la relation commerciale

Ainsi qu’il a été dit, l’inexistence du contrat du 12 octobre 2020 prive de pertinence le moyen tiré de sa substitution au contrat antérieur pour fonder la résiliation de l’entière relation contractuelle.

La SAS SMJP Diffusion sollicite à titre principal le bénéfice d’un préavis suffisant au sens de l’article L 442-1 II du code de commerce et, subsidiairement, celui du préavis contractuel.

En application de l’article L 442-1 II du code de commerce dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois. Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Au sens de ce texte, la relation, notion propre du droit des pratiques restrictives de concurrence qui n’implique aucun contrat (en ce sens, Com., 9 mars 2010, n° 09-10.216) et n’est soumise à aucun formalisme quoiqu’une convention ou une succession d’accords poursuivant un objectif commun puisse la caractériser, peut se satisfaire d’un simple courant d’affaires, sa nature commerciale étant entendue plus largement que la commercialité des articles L 110-1 et suivants du code de commerce comme la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service (en ce sens, Com., 23 avril 2003, n° 01-11.664). Elle est établie dès lors qu’elle présente un caractère suivi, stable et habituel laissant entendre à la victime de la rupture qu’elle pouvait raisonnablement anticiper, pour l’avenir, une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial (en ce sens, Com., 15 septembre 2009, n° 08-19.200 qui évoque ” la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale “).

Par ailleurs, L 442-1 II du code de commerce sanctionne non la rupture, qui doit néanmoins être imputable à l’agent économique à qui elle est reprochée, mais sa brutalité qui résulte de l’absence de préavis écrit ou de préavis suffisant. Ce dernier, qui s’apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les critères pertinents sont notamment l’ancienneté des relations et les usages commerciaux, le degré de dépendance économique, le volume d’affaires réalisé, la progression du chiffre d’affaires, les investissements effectués, l’éventuelle exclusivité des relations et la spécificité du marché et des produits et services en cause ainsi que tout obstacle économique ou juridique à la reconversion. La rupture peut être totale ou partielle, la relation commerciale devant dans ce dernier cas être modifiée substantiellement (en ce sens, Com. 31 mars 2016, n° 14-11.329 ; Com 20 novembre 2019, n° 18-11.966, qui précise qu’une modification contractuelle négociable et non imposée n’est pas la marque d’une rupture partielle brutale).

La SARL Optique Médicale du [Localité 4] ne conteste pas le caractère établi des relations commerciales, qui ont duré 15 ans et 9 mois au jour de la notification, le 5 novembre 2020, de la rupture avec un préavis de deux mois (pièce 46 de la SAS SMJP Diffusion). Par ailleurs, il est acquis que les fautes imputées à la SAS SMJP Diffusion dans l’exécution du contrat du 3 février 2005 ne sont pas établies, les griefs tenant à la perception de commissions occultes et de marges sur les ventes de lunettes ayant de surcroît été découverts postérieurement à la rupture et ne pouvant ainsi ni la fonder ni éclairer la durée du préavis suffisant (pages 28 et 29 des écritures des intimées). Et, ni les tensions nées lors du séminaire du 12 octobre 2020 ni l’annonce le 22 octobre 2020 par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] de son intention de rompre le contrat (sa pièce 3) ne sont de nature à tempérer le caractère établi des relations ou à rendre la rupture plus prévisible puisque celle-ci a été notifiée dès le 5 novembre 2020, soit à une date trop rapprochée pour que les évènements puissent avoir modifié la croyance raisonnable de la SAS SMJP Diffusion dans la poursuite des relations. Aussi, son comportement n’est pas de nature à affecter la durée du préavis auquel elle pouvait prétendre.

A cet égard, la SAS SMJP Diffusion ne fournit pas d’élément ou d’analyse sérieux sur la structuration du réseau, qui apparaît cependant modeste puisque le départ de six adhérents a entrainé une chute de son chiffre d’affaires de près de 50 %, sur la part que représente le chiffre d’affaires spécifiquement généré par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] dans son propre chiffre d’affaires ainsi que sur les possibilités pour le réseau pour se réorganiser en cas de départ brutal et sur le trouble réel qu’engendrent celui-ci et la recherche d’un remplaçant. Cette carence est d’autant plus sérieuse que ce regroupement est exclusivement destiné à mutualiser des opérations promotionnelles et publicitaires, secteur d’activité s’agissant duquel les caractéristiques du marché ne sont pas précisées.

Les critères qu’elle entend employer sont en outre inadéquats. En effet, l’argument relatif à l’annualisation des budgets et des règlements, qui n’est d’ailleurs pas cohérent avec la possibilité d’une non-reconduction des contrats à leurs termes qui sont fixés indépendamment de ces considérations, est inopérant : outre le fait qu’il s’inscrit dans une logique de réparation du préjudice causé par la cessation de la relation elle-même et non par sa brutalité, une proratisation assise sur la moyenne des sommes perçues les années précédant la rupture permet une indemnisation intégrale du préjudice effectivement subi. Par ailleurs, l’existence d’une éventuelle concertation entre les différents adhérents ayant rompu le contrat, qui peut trouver sa cause dans l’attitude de madame [O] [X] lors du séminaire du 12 octobre 2020 et n’implique pas en soi une intention de nuire que rien n’étaye, n’autorise pas la prise en compte globale des ruptures pour apprécier le préjudice causé par chacune d’elle qui s’apprécie concrètement en considération des critères propres à chaque relation.

Au regard du peu d’éléments dont dispose la Cour, la durée du préavis raisonnable qui aurait dû précéder la rupture sera fixé à huit mois, soit une insuffisance de six mois au regard du préavis accordé et exécuté. Le préjudice subi par la SAS SMJP Diffusion est constitué de son gain manqué qui correspond :

– à la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d’affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la baisse d’activité résultant de la rupture, appliquée au chiffre d’affaires moyen hors taxe qui aurait été généré pendant la durée du préavis éludé. En l’absence de débat entre les parties sur ce point, la marge brute sera néanmoins retenue. Le préjudice est ainsi égal à sa perte de marge brute sur les redevances qu’elle aurait dû percevoir durant l’exécution du préavis aux conditions antérieures (article 6), et non au montant intégral de ces dernières puisque les prestations dont elles sont la contrepartie n’ont pas été servies ;

– au montant des redevances proportionnelles dues sur la même période (article 7) si celles-ci sont intégralement réemployées pour la réalisation de publicités profitant à l’ensemble du réseau. Cependant, la SAS SMJP Diffusion admet qu’elle perçoit sa marge également sur le budget publicitaire (pages 38 et 51 de ses écritures).

En revanche, rien ne démontrant que les frais que la SAS SMJP Diffusion prétend avoir engagés et dont elle sollicite le remboursement et, subsidiairement, l’indemnisation, se rattachent spécifiquement à la période de préavis non exécutée, certains étant d’ailleurs à l’évidence exclusivement liés à la négociation du contrat du 1er octobre 2020, son raisonnement est sans pertinence.

La SAS SMJP Diffusion justifie par la production d’une attestation de son expert-comptable et de ses comptes annuels 2020 (ses pièces 76 et 77) que son taux de marge brute, hors activité distincte de décoration, atteignait 79,84 % en 2020. Et, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ne conteste pas que son chiffre d’affaires moyen dégagé durant l’exécution du contrat du 3 février 2005 était compris entre 225 000 euros et 300 000 euros et commandait le règlement d’une redevance forfaitaire de 500 euros par mois, ce que confirme la facture pour l’année 2019/2020 qu’elle produit (pièce 17 de la SAS SMJP Diffusion). Les factures produites révèlent également que la cotisation due au titre de la participation au budget publicitaire était identique à celle retenue par la SAS SMJP Diffusion pour calculer son préjudice, soit 770 euros par mois.

Dès lors, au regard de ces éléments, le gain manqué causé à la SAS SMJP Diffusion par la rupture brutale de la relation commerciale par la SAS SMJP Diffusion atteint 6 083,81 euros.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de la SAS SMJP Diffusion au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies par la SARL Optique Médicale du [Localité 4] et celle-ci sera condamnée à payer à celle-là la somme de 6 083,81 euros en réparation intégrale de son préjudice. Subsidiaire, la demande au titre du non-respect du préavis est sans objet et ne sera pas examinée, la Cour constatant à titre surabondant que la date anniversaire du contrat était fixée au 5 février 2021 et que la rupture a été notifiée le 5 novembre 2021, soit avec un préavis de plus de mois conforme à l’article 8 : la notification était efficace et le contrat n’aurait pas été reconduit tacitement, les calculs de la SAS SMJP Diffusion étant ainsi erronés et le montant auquel elle aurait pu prétendre si sa demande subsidiaire avait été satisfaite étant inférieur à celui obtenu.

Par ailleurs, conformément à l’article 10 du contrat et faute de preuve d’une remise antérieure au sens de l’article 1353 alinéa 2 du code civil, la SARL Optique Médicale du [Localité 4] sera condamnée à restituer à la SAS SMJP Diffusion, dans les quinze jours de la signification de l’arrêt, tous les documents, supports et matériels obtenus dans le cadre de l’adhésion au réseau “Rien ne va plus”, interdiction lui étant faite d’user ces éléments et des signes distinctifs du réseau pour l’avenir. La SARL Optique Médicale du [Localité 4] souhaitant sortir du réseau, aucune astreinte ne sera prononcée conformément à l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution.

En outre, par l’effet même de la résiliation des contrats, et peu important sur ce plan son absence de faute, la SAS SMJP Diffusion est privée du droit de faire référence à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] dans le cadre de l’animation de son réseau et dans l’exploitation de son site internet. Aussi, sans qu’il soit à nouveau nécessaire de prononcer une astreinte à ce titre, injonction lui sera faite de retirer de son site internet toute référence à cet ancien adhérent.

– Sur le préjudice moral de la SAS SMJP Diffusion

S’il est exact qu’une personne morale peut souffrir d’un préjudice moral (en ce sens, Com., 15 mai 2012, n° 11-10.278), celui-ci ne peut être de même nature que celui éprouvé par une personne physique, la fiction juridique n’impliquant aucune assimilation des modalités concrètes d’existence et des aptitudes à pâtir (en ce sens, pour l’exclusion d’un préjudice d’angoisse, Com., 27 janvier 2021, n° 18-16.784). Or, la SAS SMJP Diffusion n’explique pas en quoi ces dissensions internes au réseau ont pu dégrader son image ou sa réputation dans l’esprit du public, heurter les valeurs commerciales qu’elle défend ou entraver son activité économique sur un autre plan que celui déjà réparé au tire de son préjudice matériel, qui comprend la désorganisation de l’entreprise à nouveau opposée. Elle n’établit en outre ni la “calomnie” ni les “procédés innommables” qu’elle évoque, le seul fait d’user en justice d’arguments ou de moyens finalement infondés ne caractérisant pas en soi une faute. Aussi, le préjudice allégué est inexistant.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la SAS SMJP Diffusion au titre de son préjudice moral.

2°) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.

Succombant, la SARL Optique Médicale du [Localité 4], dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à la SAS SMJP Diffusion la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens d’appel qui seront recouvrés directement par Maître Jean-Didier Meynard conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la Cour, sauf en ce qu’il a :

– rejeté les demandes de la SAS SMJP Diffusion en réparation du préjudice matériel causé par la rupture brutale des relations commerciales établies par la SARL Optique Médicale du [Localité 4], ainsi que ses prétentions corrélatives tendant à la restitution des éléments d’appartenance au réseau et à l’interdiction de leur usage ;

– rejeté la demande de la SARL Optique Médicale du [Localité 4] tendant au retrait de toute référence les concernant du site internet riennevaplus.fr ;

– condamné la SAS SMJP Diffusion à payer à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens de première instance ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion la somme de 6 083,81 euros en réparation intégrale du préjudice causé par la rupture brutale des relations commerciales établies ;

Enjoint à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] de restituer à la SAS SMJP Diffusion, dans les quinze jours de la signification de l’arrêt, tous les documents, supports et matériels obtenus dans le cadre de l’adhésion au réseau “Rien ne va plus” ;

Interdit à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] d’user des éléments dont la restitution est ordonnée ainsi que des signes distinctifs du réseau “Rien ne va plus” ;

Enjoint à la SAS SMJP Diffusion de retirer du site internet riennevaplus.fr qu’elle exploite toute référence à la SARL Optique Médicale du [Localité 4] ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte à ces titres ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de la SARL Optique Médicale du [Localité 4] au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à payer à la SAS SMJP Diffusion la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Optique Médicale du [Localité 4] à supporter les entiers dépens d’appel qui seront recouvrés directement par Maître Jean-Didier Meynard conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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