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Clause de non-concurrence : 26 septembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/04558

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Clause de non-concurrence : 26 septembre 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/04558

C4

N° RG 21/04558

N° Portalis DBVM-V-B7F-LC63

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Wolfgang FRAISSE

la SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023

Appel d’une décision (N° RG 21/00147)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 07 octobre 2021

suivant déclaration d’appel du 26 octobre 2021

APPELANTE :

Entreprise [S] & [I]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Wolfgang FRAISSE, avocat au barreau de VALENCE,

INTIMEE :

Madame [D] [O] épouse [F]

née le 30 Septembre 1970 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 1]

représentée par Me Denis DREYFUS de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Béatrice BRUNEAU LATOUCHE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 juin 2023,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport, et Mme Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 26 septembre 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 26 septembre 2023.

Exposé du litige :

Mme [F] a été embauchée par le cabinet [A] [C] selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 13 novembre 2001 en qualité de secrétaire polyvalente.

Le 1er janvier 2019, le cabinet [A] [C] a été racheté par l’EIRL [S] & [I].

Mme [F] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 25 avril jusqu’au 13 juillet 2019.

La salariée a repris le travail à compter du 15 juillet 2019.

Le 9 septembre 2019, Mme [F] a de nouveau fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie.

Par courrier du 20 janvier 2020, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 29 janvier 2020.

Par courrier du 3 février 2020, l’EIRL [S] & [I] a notifié à Mme [F] son licenciement au motif de la désorganisation de l’entreprise résultant de son absence prolongée.

Le 4 mars 2020, Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Valence, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir la condamnation de l’EIRL [S] & [I] à lui payer diverses indemnités afférentes à la rupture de la relation de travail.

Par jugement du 7 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Valence a :

Condamné l’EIRL [S] & [I] à verser à Mme [F] les sommes suivantes :

35 215,18 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 500 euros au titre de l’absence de visite médicale de reprise de travail,

11 euros au titre de l’indemnité de commission non versée,

1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté Mme [F] du surplus de ses demandes,

Débouté l’EIRL [S] & [I] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné l’EIRL [S] & [I] aux dépens de l’instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception.

L’EIRL [S] & [I] en a interjeté appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 26 octobre 2021.

Par conclusions du 22 décembre 2021 transmises par voie électronique, l’EIRL [S] & [I] demande à la cour d’appel de :

Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Valence prononcé le 7 octobre 2021 selon les chefs de demandes critiqués,

Juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

Juger qu’elle a respecté son obligation relative à la visite médicale de reprise,

Juger qu’elle a versé l’intégralité des commissions,

En conséquence,

Débouter intégralement Mme [F],

La condamner aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 21 mars 2022 transmises par voie électronique, Mme [F] demande à la cour d’appel de :

La recevoir en ses conclusions d’intimée et en son appel incident et l’y déclarer bien fondée,

En conséquence,

Débouter l’EIRL [S] & [I] de l’intégralité de ses demandes présentées en cause d’appel,

En conséquence,

Confirmer le jugement de première instance sur les chefs critiqués dans la déclaration d’appel et ainsi débouter intégralement l’EIRL [S] & [I] de ses demandes, et donc :

Confirmer que l’EIRL [S] & [I] n’apporte pas la preuve de la soi-disant désorganisation extrême liée à ses absences ni à la nécessité de la remplacer définitivement,

Confirmer que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Confirmer que l’EIRL [S] & [I] est redevable envers elle d’une indemnité d’un montant de 35 215,18 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirmer que l’EIRL [S] & [I] est fautive de ne pas avoir organisé de visite médicale de reprise pour sa salariée et que celle-ci en a subi un préjudice certain,

Confirmer que l’EIRL [S] & [I] est redevable envers elle d’une indemnité au titre du non-respect de son obligation relative à la visite médicale de reprise,

Confirmer que l’EIRL [S] & [I] est redevable envers elle d’un rappel de commission d’un montant de 11 euros,

Confirmer la condamnation de l’EIRL [S] & [I] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance,

Et statuant à nouveau,

Infirmer les autres chefs du jugement de première instance et en ce qu’elle a été déboutée du surplus de ses demandes, et donc :

Dire et juger que la procédure de licenciement est irrégulière en l’espèce,

Condamner l’EIRL [S] & [I] à lui verser la somme de 2 428,64 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

Dire et juger que l’EIRL [S] & [I] est redevable de l’indemnisation de la clause de non-concurrence envers la concluante,

Condamner l’EIRL [S] & [I] à lui verser la somme de 10 928,88 euros au titre de l’indemnité de la clause de non-concurrence,

Modifier le quantum de l’indemnité qui lui a été accordée par les juges du fond pour absence de visite médicale de reprise et, en conséquence, porter celui-ci à la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi,

Et en tout état de cause,

Condamner l’EIRL [S] & [I] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner l’EIRL [S] & [I] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande au titre de l’absence de visite médicale de reprise :

Moyens des parties,

Mme [F] fait valoir que :

Elle a été absente pour maladie pour cause d’embolie pulmonaire et épanchement de la plèvre, du 16 avril 2019 au 13 juillet 2019, soit pendant une durée de plus de 30 jours,

A son retour à son poste de travail le 15 juillet 2019, son employeur n’a pas organisé de visite de reprise auprès de la médecine du travail,

L’EIRL [S] & [I] prétend que celle-ci aurait refusé de se rendre à une convocation de la Médecine du Travail, sans en rapporter la preuve, sans communiquer la preuve qu’elle aurait été informée, et qu’elle aurait refusé,

Elle a subi un préjudice résultant de ce manquement de son employeur, le médecin du travail n’ayant pu vérifier si son poste était compatible avec son état de santé lors de sa reprise.

L’EIRL [S] & [I] fait valoir que :

La salariée ne justifie d’aucun préjudice dans la mesure où au jour de sa reprise elle n’a travaillé en réalité que 7 jours à temps partiel sans d’ailleurs apporter la moindre preuve de cela,

Mme [S] et M.[I] étant en congés durant cette période, il revient à la salariée d’apporter la preuve qu’elle a bien travaillé durant cette période de 7 jours,

L’EIRL [S] & [I] a toujours respecté ses obligations s’agissant des visites médicales.

Sur ce,

Aux termes de l’article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version en vigueur à l’époque des faits, le travailleur bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Il ressort des éléments du dossier, non contestés par les parties, que Mme [F] a fait l’objet d’un arrêt de travail pour maladie non professionnelle à la suite d’une embolie pulmonaire à compter du 16 avril jusqu’au 13 juillet 2019.

Il est sans incidence en l’espèce que la salariée n’ait travaillé que du 15 juillet au 29 juillet et qu’elle ait été en congés payés à compter de cette date, l’employeur étant tenu, conformément aux dispositions susvisées de l’article R. 4624-31 du code du travail, d’organiser une visite de reprise dans les huit jours suivant la reprise.

Il ne peut être valablement soutenu par l’EIRL [S] & [I] que Mme [F] n’aurait pas repris le travail à l’issue de son arrêt de travail et qu’il lui incomberait de prouver qu’elle était bien présente à compter du 15 juillet jusqu’au 29 juillet, dès lors que l’employeur ne conteste pas que son arrêt de travail prenait fin le 13 juillet 2019, qu’il a régulièrement rémunéré la salariée durant cette période et qu’il ne produit aucun élément permettant de démontrer que la salariée n’a pas repris le travail.

Il doit être constaté que l’EIRL [S] & [I] ne verse aux débats aucune convocation à une visite de reprise auprès de la médecine du travail dans les huit jours suivants sa reprise, et ne produit aucun courriel ou courrier adressé à la salariée l’informant de sa convocation.

Dès lors, les attestations de Mme [S], de M. [I] et de Mme [I], dans lesquelles ceux-ci indiquent que la salariée aurait bien été convoquée à une visite de reprise, mais qu’elle aurait refusé de s’y rendre au motif que son médecin traitant l’aurait autorisée à reprendre le travail, sont insuffisantes pour établir que l’absence de visite médicale serait imputable à la salariée.

Eu égard à la gravité de la pathologie à l’origine du premier arrêt de travail de la salariée, et au fait que Mme [F] a de nouveau été placée en arrêt de travail à compter du 9 septembre 2019, le manquement de l’employeur à son obligation de convoquer la salariée à une visite de reprise lui a causé un préjudice, qui sera justement réparé par la condamnation de l’EIRL [S] & [I] à lui payer la somme de 2 500 euros, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de rappel de commission :

Moyens des parties,

Mme [F] fait valoir que :

Elle a fait la demande à son employeur d’un rappel de commission de 11 euros par courriel en date du 10 octobre 2019, avec une relance le 24 octobre 2019, puis encore une relance le 4 novembre 2019,

Ces commissions ont été finalement réglées sur le salaire du mois de décembre 2019 pour un montant de 131,94 euros, au lieu de 142,94 euros.

L’EIRL [S] & [I] fait valoir que :

La salariée n’apporte aucun élément justificatif démontrant le bien-fondé de sa demande.

Sur ce,

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En droit du travail, il incombe à l’employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

En outre, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, ce qui implique que l’employeur est tenu de lui communiquer l’ensemble des bases de calcul nécessaires à la vérification.

Pour établir son droit à un rappel de commissions, la salariée verse aux débats un tableau intitulé « Production Septembre 2019 » contenant les références des contrats conclus durant ce mois et le montant de la commission due au titre de chacun d’entre eux, le total s’élevant à 142,94 euros, et son bulletin de salaire du mois de décembre 2019, duquel il ressort qu’il lui a été versé la somme de 131,94 euros au titre des commissions du mois de septembre 2019.

L’EIRL [S] & [I], qui soutient dans ses écritures que Mme [F] n’apporte aucun élément justificatif au soutien de sa prétention, ne produit aucun élément permettant de démontrer que le total des commissions qui lui serait dû au titre du mois de septembre 2019 s’élevait bien à 131,94 euros et non à 142,94 euros, et ainsi de contredire le tableau précis produit par la salariée.

Dès lors, il y a lieu de condamner l’EIRL [S] & [I] à payer à Mme [F] la somme de 11 euros à titre de rappel de commissions, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur le bien-fondé du licenciement :

Moyens des parties,

L’EIRL [S] & [I] fait valoir que :

Le motif du licenciement de Mme [F] est l’absence prolongée ou des absences répétées du salarié et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent,

La salariée étant la seule collaboratrice de l’agence [Localité 3], l’EIRL [S] & [I] devait soit fermer cette agence, soit la remplacer,

En raison de son ancienneté et de son expertise dans son poste, il était particulièrement difficile de pouvoir la remplacer, d’autant plus que Mme [S] et M. [I] venaient de prendre la direction de ces deux agences et comptaient ainsi sur Mme [F] pour poursuivre l’exercice de son activité et des relations professionnelles qu’elle a pu établir avec les clients de l’agence de [Localité 3],

L’embauche de M. [V], d’abord en contrat de travail à durée déterminée, puis en contrat de travail à durée indéterminée, a pour seul motif le remplacement de la salariée,

Les fiches de poste de M. [V] et de la salariée sont en tout point identiques.

Mme [F] fait valoir que :

L’EIRL [S] & [I] avait une prévisibilité rassurante sur la date de son retour au travail lors de l’entretien préalable,

L’EIRL [S] & [I] invoque à tort, sans jamais pouvoir le prouver, « des perturbations considérables » « une désorganisation » « des difficultés dans la gestion de la charge de travail » du fait de son absence,

Les attestations versées aux débats comportent de nombreuses erreurs et approximations,

Compte tenu de l’effectif de la société et de ses fonctions purement administratives, il était aisé de trouver des solutions de réorganisation temporaire, dans l’attente de son retour,

La fermeture de l’agence de [Localité 3] pendant une durée de 80 jours est impossible, et dans tous les cas, non démontrée

A son retour le 15 juillet 2019, la gestion de l’agence était à jour, et elle a été mise en congés, ainsi que sa collègue, pour la période du 29 juillet au 19 août 2019, et la famille [S] a elle-même pris des vacances à cette période, ainsi qu’en décembre 2019 et en janvier 2020, ce qui démontre l’absence de désorganisation de l’entreprise

Elle n’était pas cadre, mais juste employée en qualité de collaboratrice d’agence. Son remplacement temporaire ne nécessitait aucune compétence particulière ni formation spécifique et ses tâches pouvaient aisément être réparties en interne,

L’EIRL [S] & [I] ne justifie absolument pas avoir embauché M. [V] pour la remplacer,

En effet, M. [V] a été embauché le 24 septembre 2019 par l’EIRL [S] & [I] dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, en qualité de Collaborateur Commercial, dans le cadre de la politique de développement commercial affichée et aujourd’hui, l’EIRL [S] & [I] tente de faire croire que cette embauche aurait été faite pour pallier son absence,

En cause d’appel, l’EIRL [S] & [I] produit un contrat de travail à durée déterminée de M. [V] différent de celui produit en première instance, qui est manifestement un faux,

L’EIRL [S] & [I] ne justifie pas du caractère urgent et nécessaire de la licencier.

Sur ce,

Il est de principe que les dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail, qui interdisent à l’employeur de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, ne s’opposent pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.

Il ressort des éléments du dossier, non contestés par les parties, que Mme [F] a fait l’objet d’un arrêt de travail à compter du 16 avril 2019 jusqu’au 13 juillet 2019, qu’elle a ensuite repris le travail à compter du 15 juillet 2019 jusqu’au 9 septembre 2019, date à laquelle elle a été placée en arrêt de travail, renouvelé à plusieurs reprises de manière continue, que l’EIRL [S] & [I] l’a convoquée à un entretien préalable à un licenciement le 20 janvier 2020, qui s’est tenu le 29 janvier 2020, et qu’elle a notifié à la salarié son licenciement au motif de la désorganisation dans le fonctionnement de l’entreprise entraînée par ses absences prolongées par un courrier du 3 février 2020.

L’EIRL [S] & [I], qui allègue que la salariée était la seule salariée affectée en permanence à l’agence de [Localité 3], distante de trente kilomètres de l’agence de [Localité 6], ce qui ressort des pièces versées aux débats et que Mme [F] ne conteste pas, ne produit aucun élément permettant de démontrer que cette agence a dû rester fermée pendant quatre-vingt jours au cours des deux périodes d’absence de la salariée, soit du 16 avril au 13 juillet 2019, et du 9 septembre 2019 jusqu’à la date de son licenciement.

Les attestations de clients de l’agence, qui ne font pas mention de dates de fermeture précises, sont insuffisantes pour démontrer que l’absence de la salariée a eu pour effet d’entraîner la fermeture de l’agence durant le nombre de jours allégués par l’employeur.

Par ailleurs, il doit être relevé que l’EIRL [S] & [I] ne produit aucun détail précis des jours de fermeture.

S’agissant de la désorganisation alléguée du fonctionnement de l’entreprise, la cour d’appel relève que l’employeur ne présente dans ses écritures aucun détail précis des tâches et fonctions dévolues à chacun des membres de l’entreprise et n’explique pas de manière précise de quelle manière elle a cherché à réorganiser la répartition du travail entre ses différents employés pour pallier l’absence de la salariée à l’agence de Crest.

En effet, l’allégation de l’employeur selon laquelle les dirigeants ont dû se rendre en urgence quand ils le pouvaient à l’agence de [Localité 3] pour éviter que celle-ci ne soit fermée en continu est imprécise, et ne permet pas à la cour de déterminer dans quelle mesure il n’était pas possible de répartir différemment les tâches et fonctions au sein de l’équipe, afin de permettre le maintien de l’ouverture de l’agence de [Localité 3] à ses horaires habituels durant l’absence de la salariée.

Au surplus, la cour d’appel relève que l’EIRL [S] & [I] ne répond pas précisément à l’allégation de la salariée selon laquelle avant le rachat du cabinet [C] par Mme [S] et M. [I], les deux agences de Valence et de Crest étaient gérées par 3 salariés (2,9 employés équivalent temps plein), et qu’après le rachat, le cabinet comptait un effectif de 4 personnes, soit Mme [S], M. [I], Mme [L] et Mme [F], et qu’ainsi, ses fonctions, qu’elle n’exerçait pas en totale autonomie, mais sous le contrôle des agents généraux, pouvaient être réparties sans difficulté entre les différents membres de l’entreprise durant son absence.

En outre, l’EIRL [S] & [I] ne verse aucun élément précis permettant à la cour d’appel de constater que l’absence de la salariée aurait eu pour effet de créer une surcharge de travail pour les autres salariés.

L’attestation de la collaboratrice de l’agence de [Localité 6], Mme [Y] [L], qui expose qu’elle a subi une surcharge de travail, sans aucune explication précise sur les tâches qui lui auraient été confiées en surplus durant l’absence de Mme [F], et ce qu’elles représentaient par rapport à sa charge de travail normale, n’est pas suffisante, faute d’être corroborée par des éléments objectifs versés aux débats, pour établir l’existence d’une surcharge de travail.

L’employeur ne démontre pas non plus que le déplacement de Mme [S] ou de M. [I] sur l’agence de [Localité 3] les aurait empêchés de remplir l’ensemble de leurs missions, comme il le soutient dans ses écritures.

La cour d’appel relève que l’EIRL [S] & [I] n’apporte aucune réponse précise aux allégations de la salariée selon lesquelles, d’une part, lors du rachat du cabinet [C], son précédent employeur, par Mme [S] et M. [I], ses tâches ont été réduites de 50 % en raison du statut d’agents généraux stagiaires des deux gérants, lesquels ne pouvaient pas réaliser en interne certaines tâches de gestion, directement réalisées par la société Allianz, et d’autre part, qu’il n’y avait aucun retard dans l’exécution des tâches qui relevaient de l’agence de Crest lors de sa reprise après son premier arrêt de travail à compter du 15 juillet 2019.

Enfin, l’EIRL [S] & [I], qui allègue dans ses écritures qu’il était primordial que l’agence de [Localité 3] réalise certains objectifs, afin que les deux gérants, Mme [S] et M. [I], soient titularisés en tant qu’agents généraux auprès de la société Allianz, ne produit aucun élément chiffré permettant de démontrer que durant l’absence de la salariée le chiffre d’affaires réalisé par cette agence aurait baissé.

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il doit être retenu que l’EIRL [S] & [I] échoue à démontrer que le fonctionnement de l’entreprise a été perturbé par l’absence prolongée de la salariée nécessitant pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié.

Dès lors, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le point de savoir si le recrutement d’un nouveau salarié à compter du 24 septembre 2019, M. [V], avait bien pour but de procéder au remplacement définitif de la salariée ou si son recrutement s’inscrivait dans une démarche de développement de l’entreprise, il y a lieu de retenir que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

Eu égard à l’ancienneté de la salariée dans la société au moment de son licenciement et à la rémunération qu’elle percevait, le préjudice subi par Mme [F], dont elle fait la démonstration par la production d’attestations de Pôle emploi établissant qu’elle a été inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi à la suite de son licenciement, sera justement réparé par la condamnation de l’EIRL [S] & [I] à lui payer la somme de 35 215,18 euros, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur l’indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement :

Moyens des parties,

Mme [F] fait valoir que :

La procédure de licenciement est irrégulière puisque l’employeur n’a pas cru devoir attendre le délai de deux jours francs entre le jour où s’est tenu l’entretien préalable (le 29 janvier 2020) et le jour où a été envoyé le courrier de notification du licenciement (le 29 janvier 2020), et qu’elle s’est vue remettre ladite lettre de licenciement par un tiers,

Le courrier de notification était prêt à l’envoi, sans que l’employeur ne se soit donné le temps nécessaire à sa prise de décision,

Le respect du délai de 2 jours franc est impératif et l’employeur ne peut pas réparer cette irrégularité par l’envoi postérieur d’une lettre de licenciement dans le délai légal,

Il a été particulièrement vexant et humiliant pour elle de prendre connaissance de son licenciement de cette façon.

L’EIRL [S] & [I] fait valoir que :

Le courriel intercepté par un client de l’entreprise contenant le projet de lettre de licenciement était une erreur, et ce client n’aurait pas dû transmettre ce projet à la salariée,

La salariée a bien été destinataire de sa lettre de licenciement le 4 février 2020, de sorte que le respect du délai de jours ouvrables minimum a bien été respecté.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail, alinéa 5, si le licenciement d’un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Dès lors que le licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [F] ne peut, en application des dispositions susvisées de l’article L.1235-2 du code du travail, prétendre à l’indemnité prévue en cas de non-respect de la procédure de licenciement et à la réparation du préjudice subi en raison de son licenciement abusif.

Ainsi, sans qu’il y ait lieu d’étudier les moyens soulevés par les parties, Mme [F] est déboutée de sa demande d’indemnité formulée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande au titre de la clause de non-concurrence :

Moyens des parties,

Mme [F] fait valoir que :

L’EIRL [S] & [I] n’a pas dénoncé la clause de non-concurrence dans le délai imparti de 15 jours après le 3 février 2020,

Il s’en est suivi un véritable préjudice pour elle, dès lors qu’elle s’est trouvée de ce fait, empêchée de trouver un nouvel emploi dans son domaine d’activité et d’expérience et ce jusqu’au mois d’octobre 2021 (durée limitée par la convention collective à 18 mois),

Elle a droit au paiement de la contrepartie financière prévue par la clause.

L’EIRL [S] & [I] fait valoir que :

La demande de la salariée est irrecevable, en que la salariée s’est contredite au cours de la procédure (principe de l’estoppel),

La clause de non-concurrence n’est pas valide et doit être déclarée nulle, dès lors qu’elle ne prévoit aucune contrepartie financière,

La salariée ne détaille pas le calcul de sa demande,

Dans tous les cas, la salariée n’a pas respecté ladite clause.

Sur ce,

Aux termes de l’article 14 du contrat de travail du 13 novembre 2001, intitulé « Clause de non-concurrence », les parties ont prévu qu’en cas « de rupture du contrat après la période d’essai, pour quelque cause que ce soit, Madame [D] [F] s’interdit de s’intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement à toute entreprise ayant en tout ou partie une activité semblable à celle de la société située à une distance inférieure à 25 kilomètres de chaque agence de l’entreprise.

Cette interdiction est limitée à la durée de 24 mois, à compter de la date de rupture effective du contrat.

En cas de violation de cette interdiction, Madame [D] [F] s’expose au paiement d’une indemnité forfaitaire égale à la rémunération de ses 6 derniers mois d’activité, ou, si ce départ a lieu moins d’un an après le début, au salaire global perçu par Madame [D] [F] depuis son entrée dans l’entreprise, sans préjudice du droit pour la société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation du préjudice subi.

La société se réserve la possibilité de délier Madame [D] [F] de son obligation de non-concurrence.

En pareil cas, Madame [D] [F] en sera informée par courrier recommandé au plus tard dans les 15 jours suivant la rupture effective du contrat de travail ».

Il doit être relevé à titre liminaire que l’EIRL [S] & [I], qui demande que la prétention de Mme [F] soit déclarée irrecevable sur le fondement du principe de l’estoppel, n’énonce pas cette fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions, conformément aux dispositions de l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile.

Dès lors, la cour d’appel n’est pas saisie de cette fin de non-recevoir.

S’agissant de la demande formulée par l’EIRL [S] & [I] dans le dispositif de ses conclusions visant à ce que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail de Mme [F] soit déclarée nulle, il doit être rappelé que seul le salarié est habilité à agir en nullité à l’encontre de la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail, l’employeur n’étant pas recevable à soulever cette nullité.

Dès lors, il y a lieu de déclarer la demande de nullité de la clause de non-concurrence formulée par l’employeur irrecevable.

Il n’est pas contesté par les parties que l’EIRL [S] & [I] n’a pas renoncé à l’application de la clause de non-concurrence lors de la rupture de la relation de travail.

Il est de principe qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Il ressort des termes de la clause de non-concurrence prévue par le contrat de travail que celle-ci ne prévoit aucune contrepartie financière.

Dès lors, il y a lieu de constater que cette clause est illicite.

Toutefois, il résulte du principe susvisé que le salarié, qui a respecté une clause de non-concurrence illicite en l’absence de contrepartie financière, peut prétendre à des dommages-intérêts.

Il ne ressort pas de l’attestation produite par l’employeur que la salariée aurait violé la clause de non-concurrence, le fait pour la salariée de se renseigner sur l’existence éventuelle d’un emploi de collaboratrice d’agence n’étant pas un comportement interdit par la clause. Au surplus, il doit être relevé que dans l’attestation susvisée, il est indiqué que la salariée a mentionné un secteur géographique bien plus large que celui prévu par la clause.

L’EIRL [S] & [I] ne verse aux débats aucun élément permettant de démontrer que la salariée aurait exercé un emploi visé par la clause de non-concurrence.

La salariée démontre qu’elle n’a pas retrouvé un emploi avant le mois d’octobre 2021, alors qu’elle disposait d’une ancienneté de dix-huit ans dans son emploi.

L’EIRL [S] & [I] ne soutient pas que cet emploi serait contraire à la clause.

Eu égard à l’ensemble de ces constatations, il doit être retenu que Mme [F] fait la démonstration d’un préjudice résultant du respect par elle de la clause de non-concurrence durant la période prévue par ladite clause, qu’il y a lieu d’évaluer, eu égard à la rémunération qu’elle percevait et à la durée d’application de la clause, à la somme de 10 928,88 euros.

Dès lors, l’EIRL [S] & [I] doit être condamnée à payer à Mme [F] la somme de 10 928,88 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

L’EIRL [S] & [I], partie perdante, est condamnée aux dépens d’appel et à payer à Mme [F] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, cette condamnation emportant nécessairement rejet de sa demande formulée à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT qu’elle n’est pas saisie de la fin de non-recevoir formulée par l’EIRL [S] & [I] à l’encontre de la demande de Mme [D] [O] épouse [F] au titre de la clause de non-concurrence,

DECLARE irrecevable la demande de l’EIRL [S] & [I] visant à ce que la clause de non-concurrence soit déclarée nulle,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

Condamné l’EIRL [S] & [I] à verser à Mme [F] les sommes suivantes :

35 215,18 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2 500 euros au titre de l’absence de non visite médicale de reprise de travail,

11 euros au titre de l’indemnité de commission non versée,

1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Débouté Mme [F] de sa demande au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

Débouté l’EIRL [S] & [I] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné l’EIRL [S] & [I] aux dépens de l’instance.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE l’EIRL [S] & [I] à payer à Mme [D] [O] épouse [F] les sommes suivantes :

10 928,88 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence,

2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE l’EIRL [S] & [I] aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Gwenaëlle Terrieux, Conseillère, en remplacement de Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente légitimement empêchée, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère,

 


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