Déséquilibre significatif : 16 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01529
Déséquilibre significatif : 16 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01529
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16 mars 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/01529

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 16/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/01529 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TQKS

Jugement n° 2019013700 rendu le 14 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SAS Axecibles prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Guillaume Boureux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

assistée de Me Michel Apelbaum, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉES

Madame [M] [L] exerçant sous l’enseigne Isha

née le 05 avril 1972 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Thomas Carrera, avocat plaidant, substitué par Me Alice Poussier, avocats au barreau de Caen

SAS Locam prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

assistée de Me Eric Bohbot, avocat au barreau de Versailles, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 11 janvier 2023 tenue par Clotilde Vanhove magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 après prorogation du délibéré du 09 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 décembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [L] exploite une boutique de prêt-à-porter féminin située à [Localité 4] sous l’enseigne « Isha ».

Le 26 avril 2018, elle a souscrit avec la SAS Axecibles un contrat « d’abonnement et de location de solution internet » ayant pour objet la mise en place d’une solution internet globale permettant la présentation des produits et services de l’entreprise de l’abonnée sur internet et comprenant notamment la création et la mise en place d’un site internet, sa mise à jour, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de ce référencement d’une durée de 48 mois.

Le même jour, elle a souscrit avec la SAS Locam un contrat de location de site web, prévoyant 48 loyers de 360 euros TTC.

Par acte d’huissier de justice du 23 juillet 2019, Mme [L] a fait assigner la SAS Axecibles et la SAS Locam devant le tribunal de commerce de Lille Métropole en vue d’obtenir l’annulation des contrats et le remboursement des sommes versées.

Par jugement contradictoire du 14 janvier 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

prononcé la nullité du contrat d’abonnement et de location de solution internet souscrit par Mme [L] auprès de la SAS Axecibles le 26 avril 2018 aux torts de la SAS Axecibles,

prononcé l’annulation du contrat de location financière souscrit le 21 mai 2018 (n°1420131) auprès de la SAS Locam,

condamné solidairement la SAS Axecibles et la SAS Locam au paiement de la somme de 8 722,80 euros en remboursement des sommes prélevées en exécution du contrat arrêtées au 31 mai 2020,

condamné solidairement la SAS Axecibles et la SAS Locam au remboursement de toutes sommes complémentaires qui auraient été prélevées au titre des contrats postérieurement au 31 mai 2020,

dit que l’ensemble de ces sommes produiront intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 2 octobre 2018,

débouté Mme [L] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice moral,

condamné la SAS Axecibles et la SAS Locam solidairement à payer à Mme [L] la somme arbitrée à 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné solidairement la SAS Axecibles et la SAS Locam aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 15 mars 2021, la SAS Axecibles a relevé appel du jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 25 août 2022, la SAS Axecibles demande à la cour de :

la dire et juger recevable et bien fondée en ses écritures,

y faisant droit,

réformer le jugement en toutes ses dispositions, sauf à reconnaître l’inapplicabilité des dispositions du code de la consommation,

déclarer Mme [L] irrecevable et mal fondée en ses demandes formées à son encontre et l’en débouter,

à titre reconventionnel,

constater que Mme [L] a porté atteinte à son image de marque,

en conséquence, la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

condamner Mme [L] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

la condamner aux dépens.

Elle fait valoir que :

le droit de la consommation n’est pas applicable puisqu’il s’agit d’un contrat souscrit pour les besoins de l’activité professionnelle de Mme [L] qui ne rentre pas dans les conditions de l’article L.221-3 du code de la consommation,

en tout état de cause, Mme [L] a renoncé expressément à son droit de rétractation, ce qui correspond aux cas dérogatoires introduits par la loi Hamon dans l’actuel article L.221-28 du code de la consommation,

que la demande de résolution ne peut pas plus prospérer que la demande en nullité, dès lors qu’il n’y a pas de clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et qu’il n’y a eu aucune man’uvre dolosive de sa part, étant rappelé que le dol ne se présume pas et doit être prouvé,

elle a en outre correctement exécuté le contrat, ayant créé un site conforme au cahier des charges qui a été réceptionné sans réserves et bénéficie d’un référencement optimal.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 21 novembre 2022, Mme [L] demande à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande pour préjudice moral,

statuant à nouveau de ce chef, condamner in solidum la SAS Axecibles et la SAS Locam au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

à titre subsidiaire, si la Cour devait retenir les arguments de l’appelante et infirmer le jugement rendu, statuant à nouveau, elle prononcerait la résolution du contrat,

débouter la SAS Axecibles et la SAS Locam de leurs demandes,

prononcer la résolution du contrat d’abonnement et de location de solution internet souscrit par elle auprès de la SAS Axecibles le 26 avril 2018 aux torts de la SAS Axecibles,

prononcer en conséquence la résolution du contrat de location financière souscrit le 21 mai 2018 (n°1420131) auprès de la SAS Locam,

condamner in solidum la SAS Axecibles et la SAS Locam au paiement de la somme de 8 722,80 euros en remboursement des sommes prélevées en exécution du contrat, arrêtées au 31 mai 2020,

condamner in solidum la SAS Axecibles et la SAS Locam au remboursement de toutes sommes complémentaires qui auraient été prélevées au titre des contrats postérieurement au 31 mai 2020,

dire que l’ensemble de ces sommes produiront intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 2 octobre 2018,

en toute hypothèse,

débouter la SAS Axecibles et la SAS Locam de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

condamner in solidum la SAS Axecibles et la SAS Locam au paiement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel, qui comprendront le coût du constat d’huissier du 25 février 2020 pour la somme de 420,09 euros.

Elle fait valoir que :

le jugement doit être confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat dès lors que les dispositions du code de la consommation, applicables sur le fondement de l’article L.221-3 du code de la consommation, n’ont pas été respectées (remise d’un support papier préalablement à la signature du contrat contenant l’ensemble des informations prévues par l’article L.221-5 du code de la consommation, connaissance du prix total de l’opération, mentions relatives à la faculté de rétractation),

elle a clairement fait valoir son droit de rétractation le 15 juin 2018, l’article L.221-20 du code de la consommation prévoyant que lorsque les informations relatives au droit de rétractation n’ont pas été fournies, le délai de rétractation est prolongé de 12 mois à compter de l’expiration du délai initial,

le droit de rétractation ne pouvait être exclu et une clause qui viole les dispositions du code de la consommation est nulle et s’il est prévu que le droit de rétractation n’est pas une obligation légale pour certains contrats, c’est notamment pour la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du client et nettement personnalisés mais pas pour la fourniture d’une prestation de service comme en l’espèce, en outre, la SAS Axecibles ne crée pas de logiciel sur mesure mais adapte les logiciels existants en fonction des options qu’elle présente au client, il ne s’agit donc pas d’un travail spécifique, la prestation n’étant pas suffisamment personnalisée, tant pour le contrat avec la SAS Axecibles que pour celui avec la SAS Locam,

S’agissant du contrat avec la SAS Locam, elle expose que :

– en application de l’article L.221-27 du code de la consommation, la nullité du contrat avec la SAS Axecibles entraîne la nullité du contrat de financement avec la SAS Locam, qui est interdépendant,

– elle n’a pas été informée de l’intervention de la SAS Locam qui n’est pas mentionnée dans le contrat du 26 avril 2018 et ce n’est pas sa signature qui figure sur le PV de réception, cette signature étant totalement différente de celle qui figure sur le contrat papier signé.

Elle ajoute qu’outre les dispositions précédentes, suffisantes à caractériser la nullité du contrat, l’existence d’un dol doit être notée, sur le fondement des articles 1130 et 1137 du code civil, les man’uvres étant constituées par les pratiques particulièrement agressives de la SAS Axecibles.

Elle estime sa demande de dommages et intérêts fondée, les contrats devant être exécutés de bonne foi et l’article L.442-1 I du code de commerce sanctionnant les pratiques abusives d’un commerçant, ajoutant que les dispositions du code de commerce n’excluent pas les dispositions du code de la consommation puisque le code de commerce vise les pratiques d’un commerçant envers l’autre partie. Elle souligne avoir subi un important préjudice moral.

Subsidiairement, elle soutient que :

la résolution du contrat doit être prononcée sur le fondement de l’article 1224 du code civil en raison des manquements graves dans l’exécution du contrat par la SAS Axecibles,

s’agissant d’un contrat interdépendant, le contrat avec la SAS Locam sera également résolu.

Enfin, sur la demande de dommages et intérêts formée par la SAS Locam, elle soutient qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion soumis aux articles 1110 et suivants du code civil et que la clause imposant à la client le règlement des sommes réglées par la SAS Locam à la SAS Axecibles crée manifestement un déséquilibre significatif. La clause lui imposant le règlement de sommes supplémentaires aux loyers réglés en cas de résiliation fait peser sur elle une contrainte excessive et devra être réputée non écrite.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 8 mars 2022, la SAS Locam demande à la cour de :

infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

en conséquence,

débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

dire et juger que le contrat Locam doit se poursuivre normalement jusqu’à son terme, et que Mme [L] doit continuer le règlement des loyers,

à titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour prononcerait l’annulation ou la résolution du contrat conclu avec la SAS Axecibles et par voie de conséquence l’annulation ou la résolution du contrat conclu avec elle,

condamner Mme [L] à lui payer la somme de 13 049,64 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

en tout état de cause,

condamner Mme [L] aux dépens,

la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

les dispositions du code de la consommation ne s’appliquent pas au litige, dès lors que Mme [L] a contracté en qualité de commerçante, ce dont elle a expressément attesté lorsqu’elle a signé le contrat de location de site web prévoyant que le contrat était en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette activité, une telle clause étant largement validée par la jurisprudence,

en outre, l’article L.121-4 du code de la consommation fait échapper certaines dispositions du code de la consommation, dont celles qui concernent le droit de rétractation et l’obligation d’information, à tous les contrats portant sur « les services financiers »,

Mme [L] a choisi de louer auprès d’elle le site web commandé auprès de la SAS Axecibles et que c’est de manière parfaitement limpide qu’elle a signé avec elle le contrat de location de site web, que ce contrat fait la loi des parties sur le fondement des articles 1103 et 1104 du code civil, qu’il n’y a pas de clause créant un déséquilibre significatif entre les parties susceptible d’être déclarée non écrite et que le dol ne se présume pas et doit être prouvé.

Subsidiairement, si la Cour confirmait la nullité du contrat, elle sollicite l’octroi de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier, sur le fondement des articles 1217 et 1231-1 du code civil. Elle précise que l’article 18-4 des conditions générales du contrat prévoit les conséquences de la résiliation du contrat suite à la résiliation du contrat entre le loueur et le fournisseur et en ce cas, le locataire doit verser au loueur une indemnité égale au montant des sommes versées par le loueur au fournisseur pour la concession de droits, objet du contrat sans déduction des loyers échus et payés jusqu’au prononcé judiciaire de la résiliation. Dès lors, si le contrat est annulé en conséquence de l’annulation du contrat conclu avec le fournisseur, elle en subit un préjudice financier qui doit être réparé par l’allocation de cette somme à titre de dommages et intérêts.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2022. Plaidé à l’audience du 11 janvier 2023, le dossier a été mis en délibéré au 9 mars 2023.

MOTIVATION

Sur la demande de nullité du contrat d’abonnement et de location de solution internet conclu entre Mme [L] et la SAS Axecibles et de nullité subséquente du contrat de location de site web conclu entre Mme [L] et la SAS Locam

Aux termes de l’article L.221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés est inférieur ou égal à cinq.

En l’espèce, pour déterminer si les dispositions du code de la consommation applicables pour les contrats conclus hors établissement s’appliquent, seul est discuté entre les parties le point de savoir si l’objet du contrat entre dans le champ de l’activité principale de Mme [L]. Il n’est en effet pas contesté que le contrat conclu entre la SAS Axecibles et Mme [L] est un contrat conclu hors établissement, ni que le nombre de salariés employés par Mme [L] est inférieur à cinq.

Contrairement à ce qu’affirme la SAS Axecibles, il ne s’agit pas ici de déterminer si le contrat a été régularisé pour la fourniture d’un service en rapport direct avec l’exercice de la profession de Mme [L], critère qui résultait de l’ancien article L.121-22 4° du code de la consommation, avant l’entrée en vigueur de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, mais de déterminer si l’objet du contrat entre dans le champ de l’activité principale du professionnel concerné.

L’activité principale de Mme [L] est la vente de vêtements féminins et de chaussures. Le contrat litigieux a été souscrit dans le cadre de cette activité, en vue de mettre en place un nouveau site internet de vente en ligne remplaçant celui qu’elle utilisait auparavant. L’objet du contrat litigieux est défini contractuellement comme « la mise en place d’une solution internet globale permettant la présentation des produits et services de l’entreprise de l’abonné sur internet et comprenant notamment la création et la mise en place d’un site internet, sa mise à jour, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de ce référencement ». L’objet du contrat (des prestations techniques relatives au site internet) n’entre donc pas le champ de l’activité principale de Mme [L]. La proposition de la SAS Axecibles et l’acceptation par Mme [L] d’une formation « internet entreprise » qui, bien que mentionnée comme offerte à Mme [L] à titre commercial, est normalement facturée 538,80 euros TTC confirme l’absence de qualification de Mme [L] en ce qui concerne l’objet du contrat.

Dès lors, les sections sus-visées du code de la consommation sont applicables au contrat conclu entre la SAS Axecibles et Mme [L], peu important que le contrat indique que « l’abonné reconnaît contracter pour les besoins de son entreprise et souscrire le présent contrat à titre professionnel ».

Mme [L] relève deux manquements aux dispositions du code de la consommation sur les contrats conclus hors établissement : d’une part l’absence de remise sur support papier préalablement à la signature du contrat de l’ensemble des informations prévues par l’article L.221-5, dont la mention du prix total de l’opération, et de fourniture d’un exemplaire du contrat contenant toutes ces informations, et d’autre part, le non-respect de son droit de rétractation.

Aux termes de l’article L.221-8 du code de la consommation, dans le cas d’un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l’accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l’article L.221-5. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.

L’article L.221-5 du même code prévoit que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, de contenu numérique ou de services numériques, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : notamment le prix du bien, du service, du service numérique ou du contenu numérique, en application des articles L.112-1 à L.112-4 et lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation.

L’article L.221-9 du même code ajoute que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes informations prévues à l’article L.221-5. Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique sans support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation. Ces dispositions sont prévues à peine de nullité du contrat, conformément aux dispositions de l’article L.242-1.

S’agissant de la mention du prix du service, point sur lequel la SAS Axecibles ne s’explique pas, le prix global du bien ou du service doit être mentionné. Or, Mme [L] soutient à juste titre qu’en l’espèce, le contrat ne mentionne que le montant de la « mensualité totale TTC » pour 360 euros et le montant du forfaire de mise en ligne, pour lequel est précisée la mention « une seule fois », sans aucunement indiquer le prix total de la prestation de service.

En outre, il résulte des pièces produites qu’aucun formulaire de rétractation n’a été joint au contrat signé et que le contrat ne mentionne aucunement les conditions, délai et modalités du droit de rétractation.

Contrairement à ce qu’avance la SAS Axecibles, aucune des situations visées à l’article L.221-28 du code de la consommation, excluant le droit de rétractation, n’est démontrée en l’espèce. En effet, il s’agit d’un site internet professionnel conçu selon une trame propre à la SAS Axecibles, qui ne démontre pas avoir fait préciser à Mme [L] des spécifications nettement personnalisées, comme le requiert le 3° de ce texte invoqué. Le cahier des charges que produit la SAS Axecibles consiste simplement en des réponses à des questions type préparées par le vendeur. Au surplus, l’objet du contrat constitue une prestation de service et non un bien, qui est seul visé par cette dérogation. La dérogation invoquée par la SAS Axecibles n’est donc pas démontrée.

Quant aux dérogations prévues aux 1° et 13° de l’article L.221-28 sur le renoncement exprès au droit de rétractation, elles sont subordonnées à la délivrance par le vendeur des informations prévues à l’article L.221-5, qui n’apparaissent à aucun moment sur le contrat signé. Elles ne peuvent donc être valablement invoquées par la SAS Axecibles. En outre, le procès-verbal de réception n’ayant été signé que le 21 mai 2018, de telle sorte que la fourniture de services n’était pas pleinement exécutée avant la fin du délai de rétractation. Mme [L] n’a donc pu valablement renoncer à son droit de rétractation.

Il résulte de ces éléments que la nullité du contrat conclu entre Mme [L] et la SAS Axecibles doit être prononcée et le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Mme [L] sollicite la nullité du contrat souscrit avec la SAS Locam en conséquence de la nullité du contrat souscrit avec la SAS Axecibles.

Cependant, l’interdépendance des deux contrats, qui n’est pas discutée, a pour conséquence que la nullité du premier entraîne la caducité du second conformément aux dispositions de l’article 1186 du code civil.

Dès lors que l’article 12 du code de procédure civile prévoit que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et qu’il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé, c’est bien la caducité du contrat conclu entre Mme [L] et la SAS Locam qui sera constatée en raison de son interdépendance avec le contrat conclu entre Mme [L] et la SAS Axecibles, et non sa nullité, le jugement devant être réformé en ce qu’il en a prononcé la nullité.

L’annulation entraîne la remise des parties en l’état antérieur à la conclusion du contrat.

La SAS Axecibles sera condamnée à payer à Mme [L] la somme de 442,80 euros, correspondant au forfait de mise en ligne qui lui a été payée et la SAS Locam condamnée à payer à Mme [L] la somme de 8 280 euros (23X360 euros) correspondant aux sommes versées au titre des mensualités jusqu’au 31 mai 2020. Il n’y a pas lieu de prononcer une condamnation solidaire entre ces deux sociétés. Mme [L] ne justifiant d’aucun paiement postérieur au 31 mai 2020, il n’y a pas lieu non plus de condamner ces sociétés au remboursement de toute somme versée à compter du 31 mai 2020. Le jugement sera réformé en ce qu’il a statué sur les condamnations en restitution.

Mme [L] ne peut solliciter la majoration des intérêts telle que prévue par les dispositions de l’article L.242-4 du code de commerce, dès lors qu’elles sont prévues expressément pour le cas où le professionnel est un consommateur. Mme [L] sera donc déboutée de sa demande de majoration de l’intérêt légal.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [L]

Mme [L] sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral. Elle ne justifie cependant aucunement de la réalité du préjudice dont elle se prévaut et le jugement sera donc confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande.

Sur les demandes reconventionnelles

sur la demande de dommages et intérêts formée par la SAS Axecibles

L’issue du litige commande de débouter la SAS Axecibles de sa demande de condamnation de Mme [L] au paiement de dommages et intérêts pour atteinte à son image de marque.

sur la demande en paiement de l’indemnité de résiliation formée par la SAS Locam

En raison de la caducité du contrat conclu entre Mme [L] et la SAS Locam, cette dernière ne peut solliciter la condamnation de Mme [L] à lui verser l’indemnité contractuellement prévue en cas de résiliation du contrat ensuite de la résiliation du contrat entre le loueur et le fournisseur, pas plus qu’elle ne peut solliciter le versement de cette somme à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande.

Sur les prétentions annexes

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Axecibles et la SAS Locam seront également condamnées in solidum aux dépens de la procédure d’appel. Il n’y a pas lieu en revanche, en équité, d’allouer à Mme [L] une somme supplémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat conclu entre Mme [L] et la SAS Axecibles, en ce qu’il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et en ce qu’il a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant,

Constate la caducité du contrat conclu entre Mme [L] et la SAS Locam ;

Condamne la SAS Axecibles à payer à Mme [L] la somme de 442,80 euros en restitution des sommes versées ;

Condamne la SAS Locam à payer à Mme [L] la somme de 8 280,00 euros ;

Déboute Mme [L] de sa demande de majoration de l’intérêt légal en application des dispositions de l’article L.242-4 du code de la consommation ;

Déboute la SAS Axecibles de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute la SAS Locam de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum la SAS Axecibles et la SAS Locam aux dépens de la procédure d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d’appel.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles

 


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