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28 mars 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/01076
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre commerciale internationale
POLE 5 – CHAMBRE 16
ARRET DU 28 MARS 2023
(n° 35 /2023 , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01076 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFA5I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2020048333
APPELANTE
Société DELTA CAR TRADE
société anonyme de droit suisse
ayant son siège social : [Adresse 2] (SUISSE)
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Fabrice DE KORODI de la SCP AVENS, avocat postulant et plaidant du barreau de PARIS, toque : P0286
INTIMEE
Société ZARK CAPITAL LTD
société ‘limited liability partnership’ de droit anglais enregistrée sous le n° 08203773
ayant son siège social : [Adresse 1] – (ROYAUME UNI)
prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0480
Assistée par Me Elodie MADAR, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : A0469
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Daniel BARLOW, Président de chambre
Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Fabienne SCHALLER dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* *
*
I/ FAITS ET PROCEDURE
1. Le présent litige trouve son origine dans l’exécution d’un contrat de souscription d’obligations entre les sociétés Delta Car Trade (ci-après « DCT »), émetteur, société de droit suisse spécialisée dans la distribution automobile multimarque de véhicules neufs auprès de garages situés en Suisse, en France et en Allemagne et la société Zark Capital Ltd (ci-après « la société Zark »), souscripteur, société de droit anglais ayant pour activité le conseil en produits financiers sur les marchés obligataires.
2. Ayant des besoins de financement réguliers, la société Delta Car Trade a fait appel à la société Zark pour que cette dernière l’accompagne dans le placement de sa dette par le biais d’émissions obligataires.
3. Les parties ont signé le 9 août 2019 une lettre d’engagement par laquelle la société Zark s’engageait à souscrire pour 2 millions d’euros d’obligations et à placer une dette de 30 millions d’euros en trois tranches de 10 millions chacune, pour le compte de DCT, cette lettre d’engagement prévoyant la rémunération de la société Zark pour la souscription d’obligations sous forme d’une commission de 50.000 euros et d’un bon d’option dans le capital de DCT (warrant) d’une valeur de 1 million de CHF en faveur des dirigeants de la société Zark et pour le placement de la dette de 30 M d’une rémunération de 5% sur la dette levée outre l’allocation de warrants d’une valeur de 625.000 CHF par tranche levée.
4. Le 16 septembre 2019, les parties ont conclu le contrat de souscription d’obligations par lequel la société DCT s’engageait à émettre des obligations d’un montant nominal total de 2.100.000 euros portant intérêt au taux fixe de 5% l’an et venant à échéance le 17 septembre 2023, et la société Zark s’engageait à souscrire et à régler la totalité des Obligations à la date de règlement fixée dans le contrat au 17 septembre 2019, les conditions de cet emprunt obligataire faisant l’objet en annexe 1 d’un document intitulé « modalités des obligations ».
5. Un litige est survenu entre les parties sur l’exécution de leurs engagements réciproques au titre du contrat de souscription d’obligations et de la levée de fonds.
6. Indiquant avoir eu des doutes sur le sérieux de la recherche d’investisseurs par la société Zark, la société DCT lui a fait part de sa perte de confiance par courriel du 23 décembre 2019, refusant de lui consentir le warrant prévu par la lettre d’engagement.
7. Estimant de son côté que la société DCT ne lui avait pas fourni les informations demandées sur ses comptes, la société Zark lui a adressé une mise en demeure et, estimant ne pas avoir obtenu communication desdites informations, elle a fait valoir l’exigibilité anticipée de l’emprunt obligataire.
8. Contestant la clause d’exigibilité anticipée, et soutenant que la société Zark l’avait activée de mauvaise foi, la société DCT a, par exploit en date du 9 octobre 2020, assigné la société Zark devant le tribunal de commerce de Paris (13e chambre) pour demander la nullité de ladite clause et des dommages et intérêts pour sa mise en ‘uvre de mauvaise foi.
9. Par jugement du 27 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
‘ débouté la SA de droit suisse Delta Car Trade de sa demande de nullité de la clause 10.3 et de non-justification de son activation ;
‘ débouté la SA de droit suisse Delta Car Trade de sa demande de condamnation de Zark à des dommages intérêts en réparation d’un préjudice,
‘ débouté la société de droit anglais Zark Capital Ltd de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
‘ condamné la SA de droit suisse Delta Car Trade à payer à la société de droit anglais Zark Capital Ltd la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ condamné la SA de droit suisse Delta Car Trade aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.
10. Par déclaration du 10 janvier 2022, enregistrée le 21 janvier 2022, la société DCT a interjeté appel de cette décision.
11. La clôture a été prononcée le 8 décembre 2022 et l’audience de plaidoiries fixée au 17 janvier 2023.
12. Parallèlement, une procédure a été introduite en Suisse par la société Zark portant sur le paiement de ses rémunérations et l’octroi de warrant, en exécution de la lettre d’engagement.
II/ PRETENTIONS DES PARTIES
13. Dans ses dernières conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 25 novembre 2022, la société Delta Car Trade, demande à la cour, au visa des articles 1104 et 1225 du code civil, de :
– RECEVOIR la société Delta Car Trade en son appel et la dire bien fondée ;
– RÉFORMER le jugement rendu le 27 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris (RG n° 2020048333)
Et statuant à nouveau,
– JUGER nulle et de nul effet la clause d’exigibilité anticipée de l’article 10.3 des modalités des obligations ou encore l’activation de cette clause notifiée le 9 juillet 2020 ;
– CONDAMNER la société Zark Capital Ltd à régler à Delta Car Trade les sommes suivantes :
‘ 40 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
‘ 25 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
14. Dans ses dernières conclusions récapitulatives, communiquées par voie électronique le 29 novembre 2022, la société Zark Capital Ltd, demande à la cour, au visa des articles 1104 et 1225 du code civil et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :
– DÉCLARER valide la clause d’exigibilité anticipée stipulée au contrat ;
– DÉCLARER l’absence de mauvaise foi de la société Zark Capital Ltd dans l’activation de la clause d’exigibilité anticipée ;
– DÉCLARER l’absence totale de preuve au soutien du préjudice allégué par la société Delta Car Trade.
En conséquence,
– CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 27 septembre 2021 en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Delta Car Trade,
– CONDAMNER la société Delta Car Trade à verser à la société Zark Capital Ltd la somme de 25 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
III/ MOTIFS DE LA DECISION
15. Le litige porté devant les juridictions françaises est fondé sur le contrat de souscription et ne porte pas sur la lettre d’engagement qui est soumise aux juridictions suisses. Il porte sur la nullité alléguée par la société DCT de la clause de résiliation anticipée contenue dans les « Modalités » annexées au contrat de souscription d’obligations du 16 septembre 2019 et sur la mise en ‘uvre de mauvaise foi de cette clause dont s’est prévalue la société Zark pour demander le remboursement anticipé du financement consenti.
– Sur la loi applicable au litige
16. Le litige revêt un caractère international pour trouver son origine dans un contrat de souscription d’obligations signé entre une société suisse et une société anglaise de conseil en produits financiers, l’émission obligataire étant à destination d’investisseurs sur le marché européen.
17. La détermination de la loi applicable est soumise au règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I, qui selon son article 3, paragraphe 1, prévoit que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».
18. En l’espèce il n’est pas contesté que les parties ont choisi, selon l’article 11 du contrat de souscription, d’appliquer le droit français audit contrat.
19. De plus, aux termes de l’article 16 de l’annexe 1 du contrat, « les Obligations sont régies par le droit français, sous réserve des dispositions obligatoires de droit suisse. Tout différend se rapportant directement ou indirectement aux Obligations ou aux Modalités sera de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Paris, sous réserve des procédures impliquant la compétence exclusive des Tribunaux suisses compétents. ».
20. La société DCT, qui a saisi le tribunal de commerce de Paris d’une demande de nullité de la clause d’exigibilité anticipée contenue dans les « Modalités », s’est fondée sur les articles 1104 et 1225 du code civil pour en demander l’annulation, articles sur lesquels la société Zark s’est également fondée pour contester les demandes.
21. Il en résulte que les parties ont entendu voir appliquer le droit français au présent litige.
– Sur la nullité de la clause d’exigibilité anticipée
22. La clause d’exigibilité anticipée contestée figure dans le contrat de souscription, à l’article 10 de l’annexe 1 « Modalités des Obligations », et notamment à l’article 10.3. desdites Modalités.
23. Aux termes de cet article :
« 10. Le Représentant de la Communauté des Créanciers Obligataires pourra, sur décision selon le cas, du Porteur unique ou de l’assemblée générale des Porteurs statuant dans les conditions de quorum et de majorité prévues par la loi et les règlements applicables, et sur simple notification écrite adressée à l’Emetteur par lettre recommandée avec avis de réception (copie à l’Agent Financier), s’il n’a pas été remédié au Cas d’Exigibilité Anticipée (tel que défini ci-après) considéré à la date de réception de la notification, rendre exigible le remboursement de la totalité, et non d’une partie seulement, des Obligations restant en circulation à un prix égal à leur valeur nominale majoré des intérêts courus (tels que déterminés par l’Agent de Calcul) depuis la dernière Date de Paiement d’Intérêts (ou, le cas échéant, depuis la Date d’Emission) précédant la date de remboursement anticipé jusqu’à la date de remboursement effectif, si l’un quelconque des événements énumérés ci-dessous survient (chacun constituant un « Cas d’Exigibilité Anticipée »). »
« 10.1. Défaut de Paiement
L’Emetteur ne paie pas à sa date d’exigibilité une somme due au titre des Modalités, sauf si le non-paiement résulte d’une erreur administrative ou technique et que le paiement est effectué dans les cinq (5) Jours Ouvrés suivant sa date d’exigibilité ».
« 10.2 Non-respect des engagements financiers
Le Non-respect par l’Emetteur de l’un quelconque des engagements visés à l’Article 7.2.1 (Engagements liés au Ratio de Gearing). »
« 10.3 Non-respect d’engagements au titre des Modalités
Le manquement par l’Emetteur à toute autre stipulation des présentes Modalités, s’il n’est pas remédié à ce manquement dans un délai de vingt (20) Jours Ouvrés à compter de la réception par l’Emetteur de la notification écrite dudit manquement adressée par le Représentant de la Communauté des Créanciers Obligataires »
24. La société DCT soutient que pour être valable, la clause résolutoire doit viser précisément les engagements dont les manquements permettent de prononcer la résolution du contrat, conformément à l’article 1225 du code civil, que la clause 10.3 ne précise aucun engagement de DCT de nature à justifier l’activation de la clause résolutoire mais permet de rendre exigible le remboursement anticipé pour des manquements à toutes les autres stipulations de l’acte sur lesquelles DCT n’a aucune prise.
25. Elle en conclut que cela confère un droit discrétionnaire à la société Zark de mettre fin au contrat à durée déterminée à tout moment et qu’une telle clause est nulle et de nul effet.
26. En réponse, la société Zark fait valoir que si l’article 1225 du code civil dispose que la clause résolutoire doit préciser les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat, une telle clause est valable dès lors que les parties connaissent les obligations dont la violation entraînera la résolution du contrat.
27. Elle indique que l’exigence d’avoir à communiquer des documents comptables est totalement proportionnée au but poursuivi et essentielle pour la bonne poursuite des relations contractuelles.
28. Elle rappelle que cette obligation de communication de pièces comptables mise à la charge de l’émetteur est prévue dans la quasi-totalité des contrats de souscription relatifs à un emprunt obligataire et qu’elle a été élevée au rang d’engagement nécessaire par la Charte relative au « Euro Private Placements », charte non-contraignante délimitant un cadre pour ce type de contrat.
29. Elle conclut qu’en n’exécutant pas les obligations clairement listées au contrat qu’elle a librement conclu et dont elle a accepté les termes, la société DCT ne saurait soutenir une quelconque imprécision et que le grief de nullité de l’article 10.3 de l’annexe 1 est inopérant.
SUR CE
30. Selon l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. ll doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
31. Il est à relever que la société DCT ne fonde plus sa demande d’annulation de la clause sur le déséquilibre significatif invoqué en première instance sur le fondement de l’article L.442-1 du code de commerce, mais sur les seules dispositions des articles 1104 et 1225 du code civil.
32. Or, selon l’article 1225 nouveau du code civil, qui n’a fait que reprendre les conditions qui avaient été établies par la jurisprudence, « la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire ».
33. En l’espèce, la société DCT conteste l’imprécision de la clause contenue dans l’article 10.3 de l’annexe 1 du contrat, au motif qu’elle renvoie au « non-respect d’engagements au titre des Modalités » et qu’elle permet de rendre exigible le remboursement anticipé en cas de « manquement par l’émetteur à toute autre stipulation des présentes Modalités, s’il n’est pas remédié à ce manquement dans un délai de vingt (20) jours ouvrés à compter de la réception par l’émetteur de la notification écrite dudit manquement adressée par le Représentant de la Communauté des Créanciers Obligataires ».
34. Or, l’article 10.3, qui est un des cas de défaut énumérés par l’article 10, renvoie expressément aux « engagements » convenus par les parties « au titre des Modalités », à savoir les « Engagements de l’Emetteur » précisément listés dans les Modalités à l’article 7 de ladite annexe.
35. C’est donc à tort que la société DCT soutient que la clause serait imprécise ou permettrait de faire jouer la clause résolutoire au-delà des engagements de DCT et que DCT détiendrait un droit discrétionnaire de mettre fin au contrat. La nullité n’est pas encourue de ce chef.
36. De plus, en l’espèce, la lettre de mise en demeure adressée par la société Zark à DCT le 9 juillet 2020 vise expressément les cas de défaut listés dans les Modalités (articles 7.1.1 à 7.1.4 des Modalités par lesquels l’Emetteur s’engage à fournir au représentant de la communauté des créanciers obligataires des « informations » sur les comptes, le budget annuel, l’attestation de conformité et les états financiers).
37. Elle précise dans la lettre que « conformément à l’article 10.3 (Non-respect d’engagements au titre des Modalités), le manquement par l’Emetteur à toute autre stipulation des présentes Modalités, s’il n’est pas remédié à ce manquement dans un délai de vingt (20) Jours Ouvrés à compter de la réception par l’Emetteur de la notification écrite dudit manquement adressée par le Représentant de la Communauté des Créanciers Obligataires, constitue un cas d’exigibilité anticipée du principal et des intérêts dus au titre des Obligations ».
38. Elle fixe un délai de 20 jours ouvrés pour communiquer ces documents et informations, le point de départ étant la « présente notification ».
39. Les conditions légales et contractuelles de mise en ‘uvre de ladite clause étant réunies, et aucun autre fondement juridique au soutien de la demande d’annulation n’étant invoqué, il y a lieu de rejeter la demande de nullité formulée.
40. Il y a lieu par conséquent de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.
– Sur la mauvaise foi dans l’activation de la clause résolutoire
41. La société DCT soutient que la mauvaise foi de la société Zark dans l’activation de la clause est patente et qu’elle s’induit:
– de l’importance des informations et états financiers demandés combinée à la date soudaine de leur demande, alors que rien ne laissait présager cette demande,
– du caractère fautif de la demande de communication des comptes du premier semestre de chaque exercice social, telle que visé à l’article 7.1.1 (b) du contrat, exigée à la date du 9 juillet 2020 alors que DCT avait jusqu’au 30 septembre 2020, en vertu du contrat, pour les communiquer,
42. Plus généralement, elle indique qu’elle a complètement informé la société Zark de sa situation financière et qu’elle en justifie.
43. Enfin, elle invoque l’arrêt de l’économie provoqué par le Covid, qui a retardé l’établissement des comptes, son organe de contrôle n’ayant commencé son travail que le 24 août 2020. Elle fait valoir qu’elle a adressé ses comptes provisoires.
44. S’agissant du budget annuel et des états financiers trimestriels, elle indique qu’elle les a communiqués le 28 août 2020.
45. S’agissant de l’attestation de conformité certifiée par le commissaire aux comptes relative au ratio de Gearing (article 7.1.3), elle relève qu’il y a une contradiction sur le ratio de Gearing et que c’est dès lors de mauvaise foi que la société Zark lui a demandé d’en justifier.
46. Elle précise également que la société Zark s’est abstenue de solliciter en première instance, à titre reconventionnel, la condamnation de DCT au remboursement anticipé intégral de l’emprunt obligataire et des intérêts courus, que l’emprunt est donc toujours en cours et qu’elle règle les intérêts, que le prononcé de la déchéance du terme n’est donc nullement motivé autrement que par la volonté de faire pression sur DCT afin de la contraindre à accepter les conditions financières exorbitantes qui lui sont demandées devant la chambre patrimoniale cantonale de Vaud (Suisse), et procède d’une mauvaise foi justifiant l’allocation de dommages-intérêts à son profit.
47. En réponse, la société Zark rappelle qu’il appartient à celui qui s’en prévaut de rapporter la preuve de l’abus ou de la mauvaise foi invoquée.
48. Elle souligne que les informations demandées sont strictement limitées à la communication des documents telle que prévue à l’article 7.1.1 (a) de l’Annexe 1 du contrat.
49. Elle rappelle qu’un délai de six mois ayant été laissé à DCT pour communiquer ces documents, mais en vain, la société Zark a valablement mis en demeure DCT le 9 juillet 2020 d’avoir à s’exécuter dans un délai de vingt jours, comme prévu au contrat.
50. S’agissant de la mise en ‘uvre de la clause d’exigibilité anticipée, la société Zark indique qu’elle a introduit une action devant les juridictions suisses pour demander l’indemnisation de son préjudice et que ce n’est pas elle qui a introduit l’action devant les juridictions françaises, qu’il ne saurait être tiré aucun argument de ses choix procéduraux.
SUR CE
51. Aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.
52. Le juge est tenu de rechercher, quand cela lui est demandé, si la clause résolutoire a été mise en oeuvre de mauvaise foi.
53. En l’espèce, il résulte des éléments versés aux débats et des motifs évoqués ci-dessus que la société Zark a fait une application proportionnée des dispositions contractuelles, les demandes d’information portant uniquement sur les documents expressément visés à l’article 7.1 de l’annexe 1.
54. Alors que le contrat de souscription a été conclu en septembre 2019, il résulte des dispositions contractuelles à l’article 7.1.1 de l’annexe 1 que « l’Emetteur s’engage à fournir par courriel au Représentant de la Communauté des Créanciers Obligataires pour transmission au(x) Porteur(s), dès qu’ils seront disponibles et au plus tard dans les 180 jours calendaires suivant la clôture de chaque exercice social, et pour la première fois au titre de l’exercice social clos le 31 décembre 2019, une copie, certifiée conforme par un représentant habilité de l’Emetteur, de ses Comptes, certifiés par ses commissaires aux comptes, relatifs à l’exercice concerné, accompagnés du rapport des commissaires aux comptes y afférent et d’un commentaire synthétique portant sur l’activité de l’exercice écoulé (notamment par rapport au budget) ».
55. Le délai maximum expirant selon cet article 180 jours maximum suivant la clôture de l’exercice, à savoir le 30 juin 2020 et la société DCT n’ayant produit aucun desdits documents dans les délais prévus (20 jours ouvrés), c’est sans abus que la société Zark a formulé une demande d’information sur le fondement de l’article 7.1.1 le 9 juillet 2020 en visant la clause résolutoire et en ouvrant le délai pour s’exécuter, et qu’elle a considéré la transmission du 28 août 2020 non seulement comme tardive, mais également comme incomplète, faute pour la société DCT de produire les informations financières demandées.
56. C’est également sans abus qu’elle a, par courriel du 31 août 2020, considéré que le Covid ne pouvait valablement être invoqué pour excuser ce retard, puisque la société DCT n’a à aucun moment invoqué des difficultés relatives au Covid pour la production des documents comptables. Il s’agit en outre d’un argument postérieur à la mise en ‘uvre de la clause.
57. La société DCT n’établit aucun autre agissement qui aurait pu constituer un manquement à l’obligation de bonne foi qui découle de l’article1104 du code civil.
58. Il est enfin à noter qu’à ce jour la société Zark n’a pas exigé le remboursement effectif de l’emprunt obligataire et que la société DCT continue de payer uniquement les intérêts.
59. Il y a lieu par conséquent de confirmer la décision des premiers juges sur ce point, par motifs propres et adoptés.
– Sur les autres demandes
60. La société DCT succombant sera condamnée aux dépens selon les modalités du dispositif.
61. En outre elle doit être condamnée à verser à la société Zark qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 15 000 euros.
IV/ DISPOSITIF
Par ces motifs, la Cour,
1- Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris 27 septembre 2021 dans toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant :
2- Condamne la société DCT à payer à la société Zark la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
3- Condamne la société DCT aux dépens.
LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,