Déséquilibre significatif : 28 mars 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01562
Déséquilibre significatif : 28 mars 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/01562
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28 mars 2023
Cour d’appel de Besançon
RG n°
21/01562

ARRÊT N°

JFL/LZ

COUR D’APPEL DE BESANÇON

– 172 501 116 00013 –

ARRÊT DU 28 MARS 2023

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique du 24 janvier 2023

N° de rôle : N° RG 21/01562 – N° Portalis DBVG-V-B7F-ENJY

S/appel d’une décision du JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE VESOUL en date du 21 juin 2021 [RG N° 20/00143]

Code affaire : 50A Demande en nullité de la vente ou d’une clause de la vente

S.A. FRANFINANCE C/ [D] [L] [G], S.A.S. ECO ENVIRONNEMENT

PARTIES EN CAUSE :

S.A. FRANFINANCE

Sise [Adresse 3]

Représentée par Me Valérie GIACOMONI de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON

APPELANTE

ET :

Monsieur [D] [L] [G] SCP [K] [J] (né le 08 Avril 1953 à [Localité 4]

de nationalité française, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Emilie POIROT de la SCP LVL BONNOT- BARRAIL – POIROT, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

Représenté par Me ABBAL avocat au barreau de MULHOUSE

S.A.S. ECO ENVIRONNEMENT

sise [Adresse 2]

Représentée par Me Julien GLAIVE, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

Représentée par Me Paul ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre.

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, Conseillers.

GREFFIER : Madame Leila Zait, Greffier.

Lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

ASSESSEURS : Messieurs Jean-François LEVEQUE et Cédric SAUNIER, conseillers.

L’affaire, plaidée à l’audience du 24 janvier 2023 a été mise en délibéré au 28 mars 2023. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Exposé du litige

M. [D] [G], démarché à son domicile le 15 mars 2016, a commandé à la SAS Eco Environnement (le vendeur) la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques pour un prix de 22 900 euros financé par un prêt de même montant contracté le même jour auprès de la SA Franfinance (le prêteur, la banque). Le 4 mai suivant, il a signé une attestation de livraison valant demande de financement et réception sans restriction ni réserves, ainsi qu’une attestation de fin de travaux. Par mail du 27 juin 2016, il a réitéré son accord au déblocage des fonds.

Puis, par actes des 24 et 25 août 2020, il a assigné le vendeur et le prêteur en annulation des contrats, restitution des mensualités payées et paiement de dommages et intérêts devant le juge des contentieux de la protection de Vesoul qui, par jugement du 21 juin 2021, a :

– prononcé l’annulation de la vente et du prêt ;

– condamné la banque à rembourser au seul M. [G] l’intégralité des sommes perçues en exécution du prêt ;

– condamné la banque et le vendeur à lui payer 2 000 euros pour ses frais irrépétibles ;

– débouté le vendeur de sa demande de dommages et intérêts ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– condamné la banque et le vendeur aux dépens partagés par moitié.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que le contrat était nul au regard de l’article L. 121-23 du code de la consommation faute de comporter les conditions d’exécution du contrat, notamment en ne déterminant le délai de livraison que par les mots ‘max. deux mois’ ; que le crédit était subséquemment nul par application de l’article L. 311-32 du même code ; que la banque devait être privée de son droit à restitution des sommes prêtées en raison de la faute qu’elle avait commise en débloquant les fonds sur la foi d’une attestation de livraison manquant de précision et de crédibilité et sans vérifier l’accomplissement complet de la prestation ; que pour autant la banque restait soumise à l’obligation de restituer les sommes perçues ; et que l’action dirigée par M. [G] contre la société Eco Environnement n’était pas abusive.

La société Franfinance a interjeté appel de cette décision contre M. [G] et contre la société Eco Environnement par déclaration parvenue au greffe le 19 août 2021. L’appel critique expressément tous les chefs de jugement.

Par conclusions transmises le 28 juillet 2022 visant les articles L. 111-1 et suivants, L. 311-1 et suivants et L. 312-56 du code de la consommation, et les articles 1241 et 1338 du code civil, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté les autres parties de leurs demandes plus amples ou contraires, et de :

à titre principal,

– débouter M. [G] de toutes ses demandes ;

à titre subsidiaire si la nullité des contrats est prononcée,

– condamner M. [G] à lui payer 22 900 euros déduction faite des échéances réglées ;

– condamner la société Eco Environnement ‘à garantir M. [G] de la condamnation prononcée à son encontre au titre du remboursement du capital’ ;

– débouter la société Eco Environnement de ses conclusions contraires ;

à titre plus subsidiaire si la nullité était prononcée et la faute de la banque retenue,

– condamner la société Eco Financement à payer à la banque la somme de 22 900 euros ;

à titre encore plus subsidiaire dès lors que le matériel est conservé ;

– dire que la banque est en droit de conserver les sommes versées au titre du contrat de crédit correspondant à la valeur des panneaux posés ;

– débouter M. [G] de sa demande en restitution des sommes et de ses autres demandes ;

en tout état de cause,

– débouter M. [G] et la société Eco Environnement de toute demande ;

– condamner M. [G] à lui payer 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens, dont distraction au profit de l’avocat de l’appelante.

La société Franfinance soutient que les demandes de M. [G] sont incompréhensibles dès lors que l’installation fonctionne depuis plus de cinq ans et qu’il vend son électricité après avoir profité d’un crédit d’impôts ; qu’il ne cherche en réalité qu’à conserver gratuitement son installation ; que le contrat de vente mentionne les caractéristiques essentielles du produit, qu’il comporte un délai de livraison et qu’il est ainsi conforme aux exigences du code de la consommation ; que M. [G] a reconnu en signant le contrat avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des articles L. 121-23 à L. 121-26 et suivants du code de la consommation reproduits au verso, et avoir reçu l’exemplaire du contrat doté d’un bordereau de rétractation détachable ; qu’en outre la nullité, relative, serait couverte par l’exécution du contrat conformément à l’article 1338 devenu 1182 du code civil ; que M. [G] n’établit pas que la rentabilité de l’installation était incluse dans le champ contractuel ni qu’elle ait été déterminante de son consentement ; que la nullité du contrat emporte restitutions réciproques ; qu’elle-même n’a commis aucune faute de nature à la priver de son droit à restitution des sommes prêtées, n’ayant ni à vérifier la conformité du bon de commande au code de la consommation ni à se livrer à des vérifications complémentaires de la mise en service de l’installation alors qu’elle disposait de l’attestation de livraison, de la demande de déblocage et d’un mail postérieur par lequel M. [G] confirmait sa demande de déblocage des fonds ; qu’en outre l’acquéreur ne démontre pas avoir subi un préjudice consécutif à la faute qu’aurait commise la banque, ce préjudice étant une condition de la dispense de restituer les fonds au prêteur ; qu’enfin permettre à l’acquéreur de conserver le matériel et le prix du même matériel lui procurerait un enrichissement sans cause ; que par ailleurs la société Eco Environnement devra garantir la société Franfinance en application de la convention de partenariat de distribution de crédit passée entre elles, selon laquelle la banque se voyait garantir par le vendeur de tout préjudice issu de la responsabilité contractuelle de celui-ci dans le cadre de l’opération de crédit, cette clause ne créant entre deux commerçants professionnels nul déséquilibre de nature à justifier qu’elle soit écartée, et la notion de tiers intéressé invoquée par la banque étant sans application en matière de crédit affecté.

La société Eco Environnement, par conclusions transmises le 21 mars 2022 portant appel incident et visant les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, 1116 et 1338 du code civil, 9 et 32-1 du code de procédure civile, demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité des contrats et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et, statuant à nouveau, de ;

à titre principal,

– débouter M. [G] de sa demande en annulation du contrat de vente ;

à titre subsidiaire,

– débouter M. [G] de sa demande en annulation pour dol ;

à titre plus subsidiaire,

– confirmer le rejet des demandes dirigées contre elle par la société Franfinance ;

en tout état de cause,

– condamner M. [G] à lui payer 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusives ;

– et le condamner à lui payer 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les dépens.

Cette intimée soutient que le contrat est conforme aux exigences de l’article L. 121-23 du code de la consommation dès lors qu’il mentionne les caractéristiques essentielles des biens vendus et dès lors qu’il mentionne un délai de livraison ; que les nullités invoquées, relatives, ont été couvertes par l’exécution du contrat en application de l’article 1338 du code civil, la poursuite et l’exécution du contrat valant renonciation à se prévaloir de leur violation lorsque, comme en l’espèce, il reproduit les articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de la consommation ; que le contrat n’est pas vicié par le dol dès lors qu’il n’est pas démontré que le rendement financier de l’installation soit entré dans le champ contractuel ; que la société Eco Environnement n’a commis aucune faute susceptible d’engager la garantie du vendeur au profit du prêteur, telle que prévue en cas d’annulation du contrat principal par les dispositions de l’article L. 312-56 du code de la consommation ; que la clause de garantie stipulée dans la convention de crédit vendeur contractée par les parties le 3 mars 2016 devra être écartée en raison de son caractère abusif, conformément d’une part à l’article L. 442-6 du code de commerce suivant lequel engage sa responsabilité celui qui soumet un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, et conformément d’autre part à l’article 1171 du code civil, suivant lequel, dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties et créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, est réputée non écrite, ces dispositions étant d’ordre public et applicables aux contrats en cours ; qu’au demeurant cette convention n’a jamais été eté exécutée et est restée lettre morte ; que la garantie n’est pas due non plus au titre de la responsabilité délictuelle de la société Eco Environnement envers la société Franfinance avec qui elle est sans lien contractuel et qui n’apporte pas la preuve d’une faute délictuelle ; que M. [G] deva lui payer 5 000 euros de dommages et intérêts en application de l’article 32-1 du code de procédure civile dès lors que, par une attitude malhonnête et opportuniste, il détourne une procédure judiciaire pour tenter fallacieusement et artificiellement de se soustraire à ses engagements contractuels.

M. [G], par conclusions transmises le 25 janvier 2022 demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité de la vente ;

– prononcer la nullité du contrat de prêt ;

– dire la banque privée de son droit à restitution du capital prêté ;

– la condamner à restituer les sommer perçues en exécution du prêt ;

à titre subsidiaire si la banque était autorisée à recouvrer les fonds prêtés,

– ordonner que le recouvrement des sommes prêtées se fasse uniquement auprès du vendeur ;

– condamner le vendeur à lui payer 5 000 euros de dommages et intérêts ;

– condamner le vendeur à lui payer 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les deux sociétés aux dépens.

M. [G] soutient que le bon de commande ne comporte pas les mentions descriptives essentielles exigées à peine de nullité à l’article L. 111-1 du code de la consommation, faute de préciser la marque des panneaux, la qualité des cellules, la marque de l’onduleur, les taille, poids et modalité de pose des panneaux, la puissance de l’onduleur, les prix unitaires, le nom du démarcheur, qui est illisible, et les délais de livraison et d’exécution qui sont imprécis ; que le bon de commande est également nul pour défaut de rentabilité de l’installation ; que le contrat est également nul du fait que le bordereau de rétractation ne peut être détaché du contrat sans amputer celui-ci ; et que le contrat de prêt est nul par application de l’article L. 332-55 du code précité.

L’intimé ajoute que la banque doit être privée de la restitution des fonds prêtés à titre de sanction du défaut de vigilance sur la régularité de l’opération financée, par application des dispositions combinées des articles L. 312-48, et L. 312-55 du code de la consommation et de l’article 1231-1 du code civil ; que cette sanction relève de l’ordre public de protection du consommateur et doit s’appliquer indépendamment de l’existence d’un préjudice ; que la banque ne devait pas débloquer les fonds sans s’être assurée que le vendeur avait intégralement exécuté ses obligations ; que les nullités n’ont pas été couvertes par l’exécution volontaire du contrat en l’absence chez le contractant de connaissance du vice et de volonté non équivoque de renoncer à la nullité ; et enfin que son action n’est pas abusive en l’absence de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs moyens de fait et de droit, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été clôturée le 3 janvier 2023. L’affaire a été appelée à l’audience du 24 janvier 2023 et mise en délibéré au 28 mars 2023.

Motifs de la décision

La cour adopte les motifs par lesquels le premier juge a exactement retenu que le contrat était nul faute de comporter les conditions d’exécution du contrat avec une précision suffisante, en application de l’article L. 121-23 du code de la consommation, qui énonce les exigences de validité du contrat, et de l’article L. 311-32 du même code qui sanctionne la violation de ces exigences par la nullité, ces articles étant pris dans leur rédaction ancienne applicable à la date du contrat.

La cour y ajoute en revanche que la nullité n’est pas encourue au titre de l’article L. 121-24, dès lors qu’il ne résulte pas de l’examen du bordereau de rétractation figurant au contrat qu’il ne puisse être détaché sans amputer l’acte, l’envers du bordereau ne comportant que des rubriques relatives aux pompes à chaleur, étrangères aux engagements pris par ou envers M. [G].

Toutefois, dès lors que le bon de commande signé par M. [G] stipule que celui-ci reconnaissait avoir pris connaissance des articles L. 123-23 à L. 123-26 précités qui étaient reproduits au verso, ce qu’au demeurant il ne conteste pas, il ne pouvait ignorer la cause de nullité qui affectait le contrat, de sorte qu’en donnant à la banque l’ordre de paiement, en recevant le matériel sans émettre de réserves, puis en l’utilisant pendant les années suivantes, il a volontairement exécuté le contrat et ainsi renoncé aux moyens et exceptions que l’on pouvait opposer contre cet acte, au sens de l’article 1338 du code civil, dans sa rédaction applicable.

Le moyen de nullité tiré du défaut de rentabilité de l’installation, sur un fondement juridique que M. [G] ne précise pas, est inopérant dès lors qu’il n’apporte pas la preuve, qui lui incombait, que la rentabilité de l’installation était entrée dans le champ contractuel et qu’elle constituait pour lui un motif de consentement déterminant susceptible d’avoir été vicié par d’éventuelles tromperies constitutives d’un dol.

En conséquence, aucun des moyens de nullité n’étant opérant, la cour infirmera le jugement et déboutera M. [G] de toutes ses demandes.

La cour confirmera le jugement s’agisant du rejet de la demande en dommages et intérêts pour action abusive formée par la société Eco Environnement, la preuve n’étant pas apportée que l’action exercée par M. [G] procède avec certitude de la malice, de la mauvaise foi ou de l’erreur grossière équipollente au dol qui seules pouvaient faire dégénérer en abus son droit d’agir en justice.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement rendu entre les parties le 21 juin 2021 par le juge des contentieux de la protection de Vesoul, sauf en ce qu’il a rejeté la demande en dommages et intérêts pour action abusive formée par la société Eco Environnement ;

statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute M. [D] [G] de toutes ses demandes ;

Condamne M. [D] [G] aux dépens de première instance et d’appel ;

Déboute M. [D] [G] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne du même chef à payer la somme de 1 500 euros à la SAS Eco Environnement et la somme de 1 500 euros à la SA Franfinance ;

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Leila Zait, greffier.

La greffière Le président de chambre

 


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