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19 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/19454
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 19 AVRIL 2023
(n° , 22 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/19454 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2XB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 15/18983
APPELANTS
Monsieur [K] [E]
né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 9] (69), de nationalité française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Madame [L] [E]
née [S] le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 8] (69), de nationalité française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentés par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945. Ayant pour avocat plaidant : Me Charles CONSTANTIN-VALLET de la SELARLU CONSTANTIN-VALLET, avocat au Barreau de Paris,Toque E1759
INTIMEE
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro B 542 097 902
agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d’Administration en exercice et/ou tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125. Ayant pour avocat plaidant : Me Philippe METAIS’ Toque R030
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 06 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD, Présient
Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M.Marc BAILLY, Président de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL,Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
Par offre acceptée le 27 avril 2008, réitérée par acte notarié du 20 février 2009, M. [K] [E], agent de maîtrise, et Mme [L] [E], agent de service, ont souscrit auprès de la société Union de Crédit pour le Bâtiment un prêt immobilier destiné à financer l’acquisition d’un appartement à usage locatif sis à [Localité 7] en Côte d’Or d’un montant de 272 497,05 francs suisses – alors équivalent selon le taux de change indiqué de 1,57 francs suisses pour 1 euro à 173 565 euros – remboursable en euros, initialement, en 25 ans au taux indexé initial de 4,05 %, avec indication d’un TEG de 4,91% l’an.
Par avenant proposé le 24 janvier et accepté le 1er février 2014, le prêt a été convert à compter du 10 mars 2014 en un prêt en euros d’un montant de 161 247 euros remboursable en 190 mois à taux fixe de 3,01 %.
Par assignation délivrée le 23 décembre 2015 à la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de l’UCB, les époux [E] ont contesté devant le tribunal de grande instance de Paris la régularité de l’indication du TEG dans l’offre de prêt en sollicitant la nullité de la stipulation conventionnelle d’intérêt, la restitution des intérêts indûment perçus et l’application de l’intérêt légal pour l’avenir, outre demandes accessoires.
Par jugement en date du 4 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Paris,
outre une irrecevabilité de conclusions, a déclaré les emprunteurs irrecevables en leur demande de nullité à raison de la prescription et les a condamnés à payer à la banque une somme de 1 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe du 17 octobre 2019, M. [K] [E], agent de maîtrise, et Mme [L] [E] ont interjeté appel de ce jugement.
Les époux [E] ont procédé au remboursement par anticipation du prêt au mois de novembre 2019, la somme restant à devoir à la banque le 17 septembre 2019 étant de 195 498,89 francs suisses soit alors 179 488,51 euros outre l’équivalent de 12,47 euros d’intérêts intercalaires et de 1 121,81 euros d’indemnité de remboursement anticipé.
Par ordonnance en date du 4 janvier 2022, le conseiller de la mise en état, sur la demande de la société Bnp Paribas – les appelants s’y opposant tout en demandant alors la fixation des plaidoiries après la survenance prévisible des arrêts à venir de la Cour de cassation -, a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de l’intervention de l’un ou des arrêts à intervenir de la Cour de cassation à la suite de différents pourvois référencés dans la décision.
A la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation les 24 et 30 mars et 20 avril 2022 et par courrier en date du 20 avril 2022, les époux [E] ont sollicité la constatation de la survenance de la cause du sursis et, après leur demande du 1er juillet 2022, un calendrier de procédure a été établi par bulletin du 10 octobre 2022, prévoyant une clôture le 24 janvier 2023 et des plaidoiries à l’audience du 6 mars 2023.
Par leurs dernières conclusions en date du 20 janvier 2023, M. [K] [E] et Mme [L] [E] demandent à la cour de statuer ainsi :
‘À titre principal, sur les clauses abusives :
– JUGER que les demandes formées par les époux [E] sont recevables et bien fondées
– JUGER que les clauses n°1 à 5 du contrat HELVET IMMO souscrit par les époux [E]forment ensemble le mécanisme implicite d’indexation du contrat sur le franc suisse ;
– JUGER que les clauses n°1 à 5 (clause implicite d’indexation) du contrat HELVET IMMO sont abusives en ce qu’elles relèvent de l’objet principal du contrat mais ne sont ni claires ni intelligibles pour les époux [E] et, en tout état de cause, en ce qu’elles créent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment des époux [E] ;
– DÉBOUTER BNP PPF de sa fin de non-recevoir relative à la demande des époux [E] tendant à ce que les clauses de révision des indices de variation du taux d’intérêt du prêt (clauses n°6 à 8) soient jugées abusives et la CONDAMNER à verser aux époux [E] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêt sur le fondement de l’article 123 du Code de procédure civile ;
– JUGER que les clauses n°6 à 8 (clauses de révision des indices de variation du taux d’intérêt) du contrat HELVET IMMO souscrit par les époux [E] sont abusives en ce qu’elles relèvent de l’objet principal du contrat mais ne sont ni claires ni intelligibles pour eux ;
– JUGER que la clause n°9 (clause de reconnaissance d’information) du contrat HELVET IMMO souscrit par les époux [E] est abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties à leur détriment ;
– JUGER que les clauses n°1 à 9 du contrat HELVET IMMO souscrit par les époux [E] sont réputées non écrites ;
– JUGER que le contrat HELVET IMMO souscrit par les époux [E] ne peut subsister sans ces clauses abusives ;
En conséquence, ANÉANTIR RÉTROACTIVEMENT le contrat HELVET IMMO souscrit par les époux [E] ;
– DÉBOUTER BNP PPF de sa fin de non-recevoir relative à la demande des époux [E] tendant à ce que les restitutions réciproques consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat de prêt HELVET IMMO soient ordonnées et la CONDAMNER à verser aux époux [E] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêt sur le fondement de l’article 123 du Code de procédure civile ;
– ORDONNER aux époux [E] de restituer à BNP PPF le montant libéré au titre du prêt,
– ORDONNER à BNP PPF de restituer aux époux [E] l’ensemble des versements qu’ils ont effectués dans le cadre de l’exécution du prêt, depuis sa conclusion jusqu’à son terme anticipé ;
-ORDONNER la compensation entre ces créances réciproques ;
-CONDAMNER BNP PPF à verser aux époux [E] le solde résultant de cette
compensation ;
-JUGER que la somme due par BNP PPF aux époux [E], après compensation des créances de restitution réciproques, portera intérêt au taux légal dès le prononcé de l’arrêt à intervenir et que ces intérêts se capitaliseront dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du Code civil ;
– JUGER que BNP PPF a commis une faute en stipulant les clauses abusives litigieuses;
-JUGER que cette faute de BNP PPF a causé aux époux [E] un préjudice moral;
En conséquence, CONDAMNER BNP PPF à payer à chacun des époux [E] la somme de 20.000 euros au titre de leurs préjudices moraux ;
À titre subsidiaire :
– JUGER que la demande des époux [E] s’agissant de l’erreur affectant le calcul du taux effectif global du prêt qu’ils ont souscrit auprès de BNP PPF est recevable ;
– JUGER que le calcul du taux effectif global du prêt qu’ils ont souscrit auprès de BNP PPF est erroné ;
En conséquence,
PRONONCER la déchéance du droit de BNP PPF aux intérêts du prêt ;
-CONDAMNER BNP PPF à restituer aux époux [E] les intérêts trop perçus ;
En tout état de cause :
– DÉBOUTER BNP PPF de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins, et prétentions ;
– CONDAMNER BNP PPF à payer aux époux [E] la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile’.
Par ses dernières conclusions en date du 18 janvier 2023, la société Bnp Paribas Personal Finance demande à la cour de :
‘- Confirmer le Jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris en date du 4 juillet 2019 (RG n°15/18983) en toutes ses dispositions,
Et par substitution de motifs :
Sur les demandes formées par Monsieur et Madame [E] sur le fondement du droit des clauses abusives :
– A titre liminaire, juger que Monsieur et Madame [E] ne démontrent pas l’existence d’un déséquilibre significatif de sorte qu’ils sont irrecevables à invoquer le caractère abusif des clauses relatives à la variation du taux d’intérêt ;
En conséquence,
– Juger irrecevable la demande de Monsieur et Madame [E] sur le fondement du caractère abusif des clauses d’intérêt ;
– A titre principal :
– Juger que les stipulations prévoyant que les remboursements s’imputent en priorité sur les intérêts sont le reflet de l’ancien article 1254 du Code civil (aujourd’hui 1343-1) qui est une règle supplétive au sens de l’article 1 paragraphe 2 de la Directive 93/13 ;
En conséquence, juger que ces stipulations sont exclues du champ d’application de la Directive 93/13 ;
– Juger que les clauses relatives au risque de change et les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt relèvent de l’objet principal et qu’elles sont rédigées de manière claire et compréhensible ;
En conséquence, juger que les clauses relatives au risque de change et les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt ne relèvent pas du contrôle des clauses abusives et débouter Monsieur et Madame [E] de leurs demandes sur le fondement des clauses abusives ;
– Juger que la « clause de reconnaissance d’acceptation du bordereau d’acceptation » n’est pas abusive ;
En conséquence, débouter Monsieur et Madame [E] de leurs demandes sur le fondement des clauses abusives ;
– A titre subsidiaire, juger que les clauses relatives au risque de change, les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt et la clause de reconnaissance d’information ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
En conséquence, débouter Monsieur et Madame [E] de leurs demandes sur le fondement des clauses abusives ;
– A titre encore plus subsidiaire,
– Si par extraordinaire la Cour jugeait que le prêt Helvet Immo ne comporte pas de plafond, juger que seules les stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances pourraient créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ;
En conséquence, ordonner la suppression des seules stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances et juger que les autres stipulations peuvent être maintenues, le Contrat de prêt pouvant continuer d’être exécutées ;
– Si par extraordinaire, la Cour jugeait les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt abusives, juger que le taux d’intérêt conventionnel initial devra s’appliquer rétroactivement ;
A titre infiniment subsidiaire, sur les sanctions sollicitées par Monsieur et Madame [E] sur le fondement des clauses abusives :
– A titre principal, juger que l’action en restitution de Monsieur et Madame [E] est prescrite ;
– A titre subsidiaire, la Cour ordonnera la restitution par Monsieur et Madame [E]:
– de la contrevaleur en euros des montants empruntés en francs suisses ;
– de la valeur du service fourni par BNP Paribas Personal Finance consistant en la mise à disposition d’un capital, laquelle sera calculée au jour de la restitution par application du taux d’intérêt moyen dont les Emprunteurs ont bénéficié au titre du prêt qui leur a été accordé par la Banque ; et
– des sommes versées par BNP Paribas Personal Finance en exécution du Jugement pénal rendu le 26 février 2020 par la 13ème chambre correctionnelle 1 du Tribunal judiciaire de Paris, à titre provisoire ;
– La Cour ordonnera la restitution par BNP Paribas Personal Finance de toutes les sommes perçues au titre des prêts ;
– A titre infiniment subsidiaire, la Cour ordonnera la compensation entre les restitutions réciproques à opérer ;
– La Cour prononcera le maintien des inscriptions hypothécaires sur le Bien Immobilier objets du financement jusqu’au parfait remboursement par Monsieur et Madame [E] des sommes dues au titre des restitutions ;
Sur la demande subsidiaire de Monsieur et Madame [E] sur le fondement du caractère prétendu erroné du TEG stipulé dans leur prêt :
A titre principal :
– Juger irrecevable car prescrite la demande de Monsieur et Madame [E] sur le fondement du caractère prétendument erroné du TEG stipulé dans leur prêt ;
A titre subsidiaire :
– Juger que Monsieur et Madame [E] ne rapportent pas la preuve du prétendu caractère erroné du TEG mentionné dans l’Offre de prêt ;
– Juger que le TEG mentionné dans l’Offre de prêt n’est pas erroné et conforme aux dispositions légales ainsi qu’à la jurisprudence en vigueur ;
En conséquence :
– Débouter Monsieur et Madame [E] de leur demande relativement au TEG de l’Offre de prêt ;
En tout état de cause :
– Débouter Monsieur et Madame [E] de l’intégralité de leurs demandes ;
– Condamner Monsieur et Madame [E] au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;’
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023.
MOTIFS
Sur le caractère abusif des clauses litigieuses
Le époux [E] poursuivent, sur le fondement de l’article L132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable, la reconnaissance du caractère abusif des clauses 1 à 5 du contrat de prêt qu’ils appellent la ‘clause implicite d’indexation’, les clauses 6 à 8 prévoyant les révisions des taux d’intérêt dans différentes hypothèses et la clause 9 relative à la reconnaissance de la réception d’information par les emprunteurs figurant dans le document d’acceptation de l’offre.
Ils font valoir, sans être contredits à cet égard par la banque, de sorte que cette question n’est plus litigieuse, que leur action en reconnaissance du caractère abusif des clauses n’est pas prescrite dès lors qu’il ressort notamment de deux arrêts rendus par la CJUE le 10 juin 2021 qu”une demande introduite par le consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne saurait être soumise à un quelconque délai de prescription’.
Ils exposent ensuite :
– qu’à la suite de plusieurs questions préjudicielles posées par des juridictions françaises à la CJUE, cette dernière, par ses arrêts des 10 juin 2021 et 24 mars 2022 portant sur le contrat de prêt Helvet Immo a ‘entièrement remis en cause les décisions rendues par la Cour de cassation et certaines juridictions du fond en faveur de Bnppf, en matière de clause abusive dans l’affaire Helvet Immo’, que la Cour de cassation a ensuite opéré un ‘revirement de jurisprudence’ en jugeant que ‘ l’obligation d’information du banquier en présence d’un prêt en devise étrangère est une obligation d’information renforcée ‘en ce qu’elle ne consiste pas seulement à décrire le mécanisme d’un prêt qui expose l’emprunteur au risque important de l’évolution des taux de change, mais aussi à lui expliquer son fonctionnement concret, de telle sorte qu’il puisse réellement être en mesure d’évaluer les conséquences pendant toute la durée du contrat,
– s’agissant des ‘clauses implicites d’indexation’ que le contrat litigieux, sur la forme, n’est ni clair ni intelligible pour un consommateur, que le langage utilisé par le prêteur ne contient aucun avertissement explicite sur les risques encourus parle consommateur, qu’il ne comporte pas d’avertissement clair et explicite sur l’existence du risque de change mais, au contraire, que l’information à ce sujet est dissimulée et inintelligible pour le consommateur, que le contrat ne comporte pas d’information quant aux possibles variations de change, qu’il ne contient pas d’avertissement sur la possibilité d’une dépréciation importante de la monnaie de paiement et les risques économiques potentiellement significatifs qui en découlent pour le consommateur ni sur l’ensemble des risques inhérents à un prêt en devise étrangère,
– que la banque a commercialisé le prêt grâce à un discours basé sur la stabilité du cours de change, qu’elle n’a pas informé les consommateurs du contexte économique connu, prévisible et susceptible d’avoir une incidence sur la portée de leur engagement, qu’elle a caché aux consommateurs les anticipations de marché alors disponibles et ses propres anticipations de change, qu’elle a intégré à ses offres de prêt postérieures au 1er octobre 2008 une simulation de l’impact des variations de change qui est insuffisante, inexacte, trompeuse et qui nuit à l’information du consommateur sur la portée de son engagement mais que tel n’est pas le cas du présent prêt, qui ne présente aucune simulation annexe, l’offre ayant été éditée le 14 avril 2008,
La banque expose :
– que les clauses 1 à 5 dénommées ‘clause de monnaie de compte’ – correspondant aux stipulations intitulées ‘Description de votre crédit, Financement de votre crédit, Ouverture d’un compte interne en euros et d’un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit, Opérations de change et Remboursement de votre crédit’- ne peuvent pas être soumises au contrôle des clauses abusives dès lors que l’article L132-1 du code de la consommation devenu L 212-1 prévoit que cette ‘appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible’, qu’il n’est pas contesté que ces clauses forment l’objet principal du contrat, puisqu’elles ‘ont trait à la nature même de l’obligation du débiteur de rembourser le montant mis à sa disposition par le prêteur’,
– que ‘la CJUE n’a nullement remis en cause la jurisprudence des juges français’, qu’elle a rappelé qu’elle devait ‘se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée’,
– que le contrat de prêt litigieux répond à tous les critères posés par la CJUE quant à la transparence de l’information dispensée, le juge national devant également considérer les autres clauses du contrat et toutes les circonstances qui entouraient sa conclusion, que les stipulations permettaient au consommateur ‘ moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé(…) de connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, [de la clause litigieuse] sur ses obligations financières’ puisqu’au-delà de la parfaite description du mécanisme du prêt, l’explication du risque de change pouvant conduire à un allongement de la durée d’amortissement du prêt pour 5 ans, qui correspond à une augmentation de 20 à 25 % est précisément exposée, d’autant plus que sont également décrites les hypothèses dans lesquelles une augmentation des mensualités peut intervenir à l’issue de cette nouvelle période, qu’ainsi que l’ont décidé à de multiples reprises les juges nationaux l’accent est mis par le contrat sur la variabilité, par nature, du taux de change et de l’incidence de cette donnée essentielle, sur la structure et la consistance du prêt accordé, que les informations sont suffisantes comme l’a encore reconnu le tribunal judiciaire de Paris saisi d’une action en suppression des clauses abusives dans son jugement du 22 novembre 2022,
– qu’aucun des éléments factuels de nature à asseoir l’exigence de transparence posé par la CJUE ne fait défaut pour le contrat Helvet Immo dès lors que les informations fournies par Bppf aux emprunteurs étaient fondées sur l’hypothèse que la parité évoluerait tout au long de la durée du contrat, que ni la Bnppf ni aucun acteur du marché, n’ont anticipé la dépréciation significative de l’euro qui s’est réalisée durant l’exécution du prêt de sorte que les emprunteurs n’ont pas pu en être avertis, que la condamnation pénale de la banque, contestée en appel, n’est qu’un élément parmi d’autre d’appréciation,
– subsidiairement, que les clauses relatives au risque de change ne créent pas de déséquilibre significatif au détriment du consommateur qui ne peut découler du seul défaut de transparence qui serait retenu, qu’il y a lieu de distinguer, en effet, ‘une clause contractuelle est porteuse d’un déséquilibre entre les parties qui ne se manifeste qu’en cours d’exécution du contrat de celui où, bien qu’il n’existe pas de clause abusive, les obligations pesant sur le consommateur sont, en raison d’une modification des circonstances postérieurement à la conclusion d’un contrat et qui est indépendante de la volonté des parties perçues par ce dernier comme étant plus lourdes’, qu’en l’espèce la banque n’était pas en mesure d’anticiper le décrochage de l’euro par rapport au franc suisse et que le risque de change ne pèse pas exclusivement sur l’emprunteur dès lors que la variation du taux de change impacte l’amortissement dans les deux sens et que le contrat, qui prévoit une conversion en euro ou un remboursement anticipé, permet d’en limiter les effets défavorables pour les emprunteurs, qu’enfin le contrat a permis à ces derniers de bénéficier d’un taux d’intérêt particulièrement favorable par rapport à ceux proposés à la même période, qu’il ressort des arrêts du 10 juin 2021 que le risque de change, lorsqu’il est plafonné, n’entraîne pas de déséquilibre significatif qui n’existerait que s’il était disproportionné, or le prêt comporte les facultés de conversion en euro et de remboursement anticipé, qu’une étude comparative des effets de l’exécution des prêts Helvet Immo avec des prêts contemporains montre l’absence de déséquilibre significatif,
– plus subsidiairement, que la sanction applicable devrait consister à réputer non écrites les stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances après la première période d’allongement du prêt de 5 ans puisque ce sont elles qui sont susceptibles d’induire un déséquilibre significatif caractérisé par l’absence de plafond à l’obligation, le reste du contrat pouvant et devant être maintenu puisque n’ayant pas d’effet sur les clauses subsistantes, dont elle est divisible, en vertu de la jurisprudence dite du ‘blue pencil’ puisqu’après que les emprunteurs auront versé des échéances constantes en euros pendant la période initiale d’amortissement prévue puis continué à verser ces échéances constantes en euros pendant une durée complémentaire maximale de 5 ans si la période initiale d’amortissement ne permet pas l’apurement de la dette et versé des échéances d’un montant plus important ‘ plafonné pendant la période initiale d’amortissement par l’indice INSEE – la suppression de l’obligation de ceux-ci à verser des échéances sans plafond pendant la période complémentaire de 5 ans n’affectera pas les précédentes obligations en exécution des clauses non abusives du contrat, solution non contraire à l’effet dissuasif de la sanction des clauses abusives sans révision judiciaire du contrat.
Sur les clauses de remboursement
Les clauses critiquées par les époux [E] sont les suivantes :
‘DESCRIPTION DE VOTRE CREDIT
Le montant du crédit est de 272 497,05 francs suisses
Il correspond au montant du financement en euros de votre projet et des frais de change relatifs à l’opération de change du montant de votre crédit en euros qui seront prélevés lors du déblocage des fonds au notaire.
La durée initiale est égale à 25 ans (voir “remboursement de votre crédit”).
L’objet est le suivant : Acquisition d’un appartement à usage locatif (…)
FINANCEMENT DE VOTRE CREDIT
Votre crédit est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le Préteur sur les marchés monétaires internationaux de devises.
Cet emprunt en francs suisses vous permet de bénéficier du taux d’intérêt défini aux présentes (voir “Charges de votre crédit”).
Selon les modalités définies à l’article “Opérations de change”, le montant en francs suisses de votre crédit permettra de libérer la somme de 171 000 euros chez le notaire le jour de la signature de l’acte de prêt et de payer les frais de change correspondant à cette opération, soit 2 565 €.
OUVERTURE D’UN COMPTE INTERNE EN EUROS ET D’UN COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES POUR GERER VOTRE CREDIT
Votre crédit sera géré :
– d’une part, en francs suisses (monnaie de compte) pour connaître à tout moment l’état de remboursement de votre crédit,
– et d’autre part, en euros (monnaie de paiement) pour permettre le paiement de vos échéances de votre crédit.
Dés réception de votre acceptation de l’offre, le Prêteur ouvrira un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses à votre nom pour gérer votre crédit. Ces comptes ne constituent pas des comptes de dépôt. ( en gras dans le texte )
* COMPTE INTERNE EN EUROS
Y seront inscrits en euros :
* au crédit,
– vos règlements mensuels en euros, valeur au jour de la réception des fonds par le Prêteur. Le montant de vos règlements, après paiement des charges annexes ci-dessous, sera converti en francs suisses, selon les modalités définies à l’article “Opérations de change”, et inscrit au crédit du compte interne en francs suisses.
* au débit,
– les charges annexes :
– les primes d’assurance, valeur au jour de l’arrêté de compte,
-les frais de tenue de compte, au jour de l’arrêté de compte
– les frais de change, valeur au jour des versements effectués par le Préteur au titre du versement du crédit et valeur au jour de la réception de vos règlements par le Prêteur.
– en cas d’exercice d’une des options de changement de monnaie de compte selon les modalités définies au paragraphe “Options pour un changement de monnaie de compte”;
– le solde débiteur du compte interne en francs suisses converti en euros, et les frais de change, selon les modalités définies au paragraphe “Opérations de change”, valeur au jour de son inscription par le Prêteur au débit du compte interne en euros.
– les intérêts, valeur du jour de l’arrêté de compte,
La date d’arrêté de compte est fixée au 10 de chaque mois.
Avant le 15 février de chaque année, vous recevrez une situation de compte vous donnant le solde débiteur de votre compte interne en francs suisses et le montant des intérêts payés en francs suisses et en euros au titre de l’année civile écoulée.
* COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES
Y seront inscrits en francs suisses :
* au crédit,
– les sommes en francs suisses correspondant au solde de vos règlements mensuels en euros après opération de change en francs suisses selon les modalités décrites au paragraphe “Opérations de change”, valeur au jour de la réception de vos règlements en euros par le Prêteur.
* au débit,
– les versements effectués par le Prêteur, via le compte interne en euros, au titre du déblocage du crédit, valeur à la date d’émission des chèques
– les frais de change liés au déblocage de votre prêt en euros.
– les intérêts, valeur au jour de l’arrêté de compte.
OPERATIONS DE CHANGE
Le prêt, objet de la présente offre, est un prêt de francs suisses. Ne s’agissant pas d’une opération de crédit international, vos versements au titre de ce prêt ne peuvent être effectués qu’en euros pour un remboursement de francs suisses.
En conséquence, il est expressément convenu et accepté que les frais de change occasionnés par les opérations décrites ci-dessous font partie intégrante des règlements en euros et des opérations de changement de monnaie de compte, frais sans lesquels le prêt n’aurait pas été octroyé en francs suisses.
En acceptant la présente offre de crédit, vous acceptez les opérations de change de francs suisses en euros et d’euros en francs suisses nécessaires au fonctionnement et au remboursement de votre crédit tels que précisés au sein de cette offre.
Le montant de votre prêt, qui comprend les frais de change relatifs à l’opération de change du montant de votre crédit de francs suisses en euros est fixé selon le taux de change de 1 euro contre 1,57 francs suisses . Ce taux est invariable jusqu’au déblocage complet de votre crédit de sorte que le montant du financement en euros est arrêté définitivement.
Le tableau d’amortissement joint à la présente offre de prêt a été audible sur la base de ce mime taux de change.
Il est précisés que le taux de change applicable à la fixation du financement en euros de la présente opération nest valuable que 40 hours à dater de la réception de la présente offre par vous-mime de sorte que touts nouvelle offre radiata au titre de la présente opération postérieurement à ce délai comporter une nouvelle fixation du taux de change dans les conditions ci-dessus.
Par ailleurs, les opérations de change suivantes seront réalisées par le Prêteur au cours de la vie de votre crédit :
– la conversion en francs suisses du solde de vos règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes de votre crédit. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant l’arrêté de compte.
– la conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses en cas d’exercice d’une des deux options définies à l’article ‘options pour un changement de monnaie de compte’. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.
– la conversion en francs suisses de votre remboursement en euros en cas de remboursement anticipé total ou partie de votre crédit, à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse selon les modalités définies au paragraphe’remboursement anticipé’.
Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de réception de votre remboursement anticipé.
– en cas de défaillance de l’emprunteur (…) à une période où la monnaie de compte de votre crédit est toujours le franc suisse, cette monnaie de compte pourra à tout moment et unilatéralement être changée par le prêteur et remplacée par l’euro. Ainsi votre crédit sera transformé d’office en prêt à taux révisable en euros suivant les conditions décrites au paragraphe ‘options pour un changement de monnaie de compte’. Cette opération de change sera effectuée au taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date du changement de monnaie de compte.
Le taux de change applicable à toutes les opérations de change intervenant au cours de la vie de votre crédit sera le taux de change de référence, publié sur le site Internet de la Banque Centrale Européenne ( suit l’adresse mail)
Les frais de change appliqués à chaque opération de change sont égaux à 1,50 % toutes taxes éventuelles comprises du montant à convertir.
REMBOURSEMENT DE VOTRE CREDIT
montant de vos règlements mensuels
>monnaie de paiement
La monnaie de paiement de votre crédit sera l’euro. Vos règlements mensuels se feront en euros
>règlements mensuels
– de la date d’ouverture du compte jusqu’au 3ème mois de différé total suivnat le premier versement du crédit, vous réglerez la prime d’assurance d’un montant intial de 49,90 euros
Ce montnat évoluera en fcontion des révisions des primes d’assurance selon les modalités prévues dans la notice assurance jointe à l’offre.
La commsiion d’ouverture de 750,00 euros est payables avce les 20 échénaces suivant immédiatement la première utilisation du crédit par fraction d’un montnat unitaire de 37,50 euros.
Ensuite vos règlements seront :
– pendant les 297 mois suivants d’un montant initial de 999,67 € (assurance initiale et frais de charge inclus).
Vous pourrez si vous le souhaitez et sur simple demande ne pas attendre le terme des 12 mois suivant le premier versement du crédit pour commencer à effectuer les règlements ci dessus. En utilisant cette possibilité vous rembourserez plus rapidement le solde de votre compte.
Ces montants sont déterminés par application d’un taux de change de 1euro contre 1,57 francs suisses sur le montant des échéances en francs suisses en capital et intérêts auquel sont ajoutées les charges annexes de votre crédit telles que déterminées ci-dessous.
>Amortissement du capital
L’amortissement du capital de votre prêt évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué à vos règlements mensuels après paiement des charges annexes selon les modalités définies au paragraphe ‘opérations de change’
– s’il résulte de l’opération de change une somme inférieure à l’échéance en francs suisses exigible ( en gras dans le texte )l’amortissement du capital sera moins rapide et l’éventuelle part de capital non amorti au titre d’une échéance de votre crédit sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en francs suisses,
– s’il résulte de l’opération de change une somme supérieure à l’échéance en francs suisses exigible ( en gras dans le texte) l’amortissement du capital sera plus rapide et vous rembourserez plus rapidement votre crédit,
En tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement :
– au paiement des intérêts de l’échéance ;
– à l’amortissement du prêt,
> Impact des variations de taux d’intérêt sur le montant de vos règlements en euros.
A chaque 5ème anniversaire de votre premier règlement au titre du présent crédit, le taux d’intérêt de votre crédit sera révisé (voir “Charges de votre crédit”), et vous en serez avisé un mois à l’avance.
Sur la base des sommes restant dues sur le compte en francs suisses, de la durée résiduelle initiale de votre crédit, et du nouveau taux d’intérêt applicable, sera déterminé un nouveau montant d’échéance théorique en francs suisses.
Cette nouvelle échéance théorique sera alors convertie en euros, sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de la révision du taux d’intérêt de votre crédit, pour obtenir un nouveau montant de règlement mensuel théorique en euros.
– Si le montant de ce règlement mensuel théorique est inférieur au règlement mensuel en euros précédemment payé, (en gras dans le texte) le montant de vos règlements en euros restera néanmoins inchangé, la durée de votre crédit sera raccourcie et vous rembourserez plus rapidement.
– Si le montant de ce règlement mensuel théorique est supérieur au règlement mensuel en euros précédemment payé (en gras dans le texte) le montant de vos règlements en euros restera également inchangé mais la durée de votre crédit sera allongée.
Néanmoins si le maintien du montant de vos règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale majorée de 5 années, vos règlements en euros seraient alors augmentés.
Dans cette hypothèse, cette augmentation de vos règlements en euros sera établie de manière à permettre de régler le solde de votre compte sur la durée résiduelle initiale du crédit majorée de 5 années.
Toutefois, cette majoration ne pourra être supérieure à l’augmentation annuelle de l’indice INSEE des prix à la consommation (série France entière hors tabac) sur la période des 5 dernières années précédant la révision du taux.
Si au terme de la durée initiale de votre crédit, le solde de votre compte n’était pas apuré, la durée de votre crédit sera allongée dans la limite de 5 ans. Le taux d’intérêt de votre crédit sera alors révisé (voir “Charges de votre crédit”) et vos échéances en francs suisses et vos règlements en euros correspondants, déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la fin de la durée initiale de votre crédit, seront recalculés pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans (hors report éventuel au titre du report chômage et/ou de l’arriéré résultant de règlements impayés).
Puis, le cas échéant, à chaque date anniversaire de votre crédit et pour la première fois à la fin de la première année de prolongation, toujours pour permettre le remboursement en totalité de votre crédit au plus tard à la fin de la période complémentaire de 5 ans :
– vos échéances en francs suisses seront augmentées en nombre et/ou en montant si vos règlements effectifs en euros de l’année écoulée n’ont pas permis de les régler intégralement compte tenu du taux de change applicable durant cette période,
– vos règlements en euros correspondant aux échéances en francs suisses seront déterminés sur la base du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant chaque date anniversaire de votre crédit.
Durant cette période complémentaire de 5 ans, le montant de vos règlements ne pourra être inférieur à celui de l’année précédente. Si à la fin de la 5ème année de prolongation, il subsiste un solde débiteur sur votre compte provenant d’un report éventuel au titre du chômage et/ou de l’arriéré résultant de règlements impayés, vous poursuivrez vos règlements jusqu’au paiement complet du solde.’
( …)
L’article L 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995 devenu L 212-1, dispose que ‘dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat’.
L’article L 132-1 alinéa 7 dans sa rédaction issue de la loi du 1er février 1995 du code de la consommation prévoit toutefois que ‘L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert’ et c’est l’ordonnance du 23 août 2001 qui a ajouté à ce dernier texte la mention finale ‘pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.’
Les parties conviennent que les clauses reproduites ci-dessus, clauses de remboursement, définissent l’objet principal du contrat dès lors qu’elles décrivent et déclinent l’obligation principale de l’emprunteur, de sorte qu’il revient à la cour d’examiner si elles sont rédigées de façon claire et compréhensible et, si tel n’est pas le cas, si elles créent un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur.
La CJUE a dit pour droit, notamment dans ses arrêts C-609/19 du 10 juin 2021 et C-288/20 , que : ‘- l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat, qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite dès lors que le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives’ et il ressort également de cet arrêt que la charge de la preuve de ce caractère clair et compréhensible incombe au prêteur.
Il résulte de la lecture de l’entièreté des clauses reproduites ci-dessus, issues des différentes stipulations litigieuses qui ne se suivent pas strictement, que l’emprunteur est notamment informé :
– que le crédit, remboursable en euros, est financé par un emprunt souscrit en francs suisses par le prêteur sur les marchés monétaires internationaux de devises, qu’il sera ouvert un compte interne en euros et un compte interne en francs suisses au nom de l’emprunteur dont le fonctionnement est expliqué, que les frais de change occasionnés par les opérations de change rendues nécessaires entre les deux monnaies incombent à l’emprunteur, nécessaires au fonctionnement et au remboursement du crédit et font partie intégrante des règlements en euros,
– que le taux de change initial cité est invariable jusqu’au déblocage des fonds et sert à l’établissement du tableau d’amortissement, qu’au cours de la vie du crédit, les opérations de conversion en francs suisses du solde des règlements mensuels en euros après paiement des charges annexes, de conversion en euros du solde débiteur du compte interne en francs suisses, en cas d’option de changement de monnaie, et de conversion en francs suisses du remboursement en euros en cas de remboursement anticipé, seront réalisées par le prêteur,
– des modalités de remboursement du crédit, le système d’amortissement du capital étant décrit en stipulant qu’il évoluera en fonction des variations du taux de change appliqué aux règlements mensuels de l’emprunteur, que, s’il résulte de l’opération de change une somme inférieure à l’échéance en francs suisses exigible, l’amortissement du capital sera moins rapide et l’éventuelle part de capital non amorti au titre d’une échéance du crédit sera inscrite au solde débiteur du compte interne en francs suisses, tandis que, s’il résulte de l’opération de change une somme supérieure à l’échéance en francs suisses exigible, l’amortissement du capital sera plus rapide, ainsi que le remboursement, et qu’en tout état de cause, les opérations de crédit sur le compte en francs suisses seront affectées prioritairement au paiement des intérêts de l’échéance et à l’amortissement du prêt,
– qu’il y a un effet des variations du taux d’intérêt, tous les cinq ans, sur le montant des mensualités de remboursement, qui reste inchangé, ainsi que sur la durée du crédit, qui, dans l’hypothèse d’un règlement mensuel théorique supérieur à celui payé précédemment, sera allongée de cinq ans avec des mensualités inchangées mais que si néanmoins le maintien des règlements ne suffisaient pas, une augmentation des règlements serait prévue pour régler le solde pendant la durée allongée de cinq ans – en étant toutefois plafonnée par référence à un indice des prix publié par l’Insee – puis que, dans l’hypothèse d’un non apurement après révisions annuelles des échéances pendant la période complémentaire déplafonnée et s’il subsiste un solde débiteur, que les règlements seront poursuivis jusqu’à l’apurement du solde.
Il doit être ajouté que le contrat prévoit des modalités d’option, tous les cinq ans, lors de la révision du taux, pour une conversion en une monnaie de compte en euros, soit avec un taux fixe en euros, soit avec un taux variable en euros et qu’il prévoit également une faculté de remboursement par anticipation, total ou partiel pour peu qu’il soit supérieur à 10 %, moyennant paiement du solde du compte en francs suisses ou en euros selon les cas, avec exonération d’indemnité de résiliation dans certains cas (changement d’activité professionnelle, revente en période de taux révisable, décès, cessation d’activité professionnelle) et application d’une indemnité dans les autres cas (équivalente à un semestre d’intérêts au taux du crédit en vigueur plafonné à 3 % du solde débiteur du compte).
S’il résulte de ces stipulations une énonciation, compréhensible sur les plans formel et grammatical, des conditions et modalités d’exécution du prêt, il n’en reste pas moins qu’au-delà de cette description de ses caractéristiques – se voulant exhaustive sur le plan technique au prix d’une prise de connaissance de longues stipulations non dénuées de complexité -, les effets de l’évolution de la parité entre l’euro et le franc suisse n’y sont pas mis en relief ni même explicités en eux-mêmes de telle sorte que l’emprunteur puisse envisager concrètement l’impact économique, potentiellement significatif, d’une évolution défavorable de la parité des monnaies sur ses obligations et évaluer, en toute connaissance de cause, le risque auquel il accepte de s’exposer, le cas échéant.
En conséquence, les clauses litigieuses ne forment pas un ensemble clair et compréhensible au sens de la disposition rapportée ci-dessus, de sorte qu’il convient d’examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l’emprunteur.
La CJUE a également dit pour droit, dans les mêmes arrêts C-609/19 du 10 juin 2021 et C-288/20 , que ‘l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt, qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses’.
Il résulte des stipulations du contrat de prêt que l’emprunteur s’expose à un risque financier, tributaire de la parité des monnaies de compte et de paiement, et ce, sans que ce risque ne soit plafonné lors de la dernière période additionnelle éventuelle de remboursement comme en convient d’ailleurs la société Bnppf, risque en regard duquel cette dernière ne supporte que l’aléa tenant à la durée de perception des intérêts sans qu’il n’existe de mesure entre l’accroissement significatif du capital à rembourser pour l’emprunteur et le manque à gagner en intérêts pour la banque qui voit le capital en francs suisses remboursé par équivalent en euros selon le cours du change au moment de chaque paiement.
Il doit donc être considéré que la Bnppf ne pouvait s’attendre, si l’emprunteur avait été normalement informé du fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et mis en mesure d’évaluer les conséquences économiques négatives potentielles selon les exigences ci-dessus, à ce qu’il accepte le risque disproportionné qui résulte de ces clauses.
A supposer même qu’il doive être tenu compte, par comparaison avec des taux d’intérêts de prêt en euros à taux fixe existant alors sur le marché, du taux d’intérêt offert à l’emprunteur dont le caractère avantageux est mis en avant par la Bnppf – alors qu’il s’agit d’un élément extrinsèque aux droits et obligations des parties au contrat qui constituent le champ dans lequel doit être apprécié le déséquilibre significatif – il ne ressort pas de la note technique Finexi produite aux débats que l’emprunteur n’était pas, seul, exposé au risque d’augmentation de la monnaie de compte.
Ladite étude, outre qu’elle traduit elle-même un surcoût non négligeable du crédit, ce qui constitue une réalisation significative du risque, doit être regardée en considération de l’espèce dans laquelle, les consommateurs, ayant emprunté l’équivalent de la somme de 173 565 euros au mois d’avril 2008 dont 171 000 euros de capital et des frais de change de 2 565 euros et remboursé les échéances et frais – qu’ils exposent avoir été d’un total de 135 196,48 euros – jusqu’à la date de remboursement par anticipation au mois de novembre 2919 se sont vus réclamer la somme de 180 622,78 euros dont 179 488,51 euros de capital restant dû.
C’est également vainement que la Bnppf objecte au risque caractérisé ci-dessus la faculté pour l’emprunteur d’opter soit pour un prêt en euro, à taux fixe ou variable, soit pour un remboursement anticipé dès lors – outre le fait que le contrat est, en principe, exécuté en dehors des levées d’option-, que lesdites options ne sont pas nécessairement de nature à gommer les effets de réalisation du risque au moment de leur exercice, lequel est, de plus, contraint par de multiples conditions, premièrement, de nature juridique, imposées par le contrat en terme de période pendant lesquelles il est rendu possible (quelques jours lors des échéances de trois ou cinq ans), deuxièmement, de nature économique qui le rendent tributaire des capacités financières de l’emprunteur, comme le montrent les données financières ci-dessus.
La Bnppf n’établit donc pas que le déséquilibre en défaveur de l’emprunteur, que ce dernier n’a pu mesurer de manière transparente, ne serait pas significatif comme étant contrebalancé par le taux d’intérêt ou la faculté d’opter pour un prêt à taux fixe ou encore de rembourser le crédit pas anticipation.
Le cantonnement de la reconnaissance du caractère abusif à la seule clause, additionnelle et éventuelle, de remboursement de 5 années supplémentaire non plafonnée, revendiqué par la Bnppf, ne saurait être retenu dès lors que l’exécution de cette clause n’est pas la seule manifestation, selon le mécanisme du contrat, de la réalisation éventuelle du risque, les emprunteurs faisant valoir, à juste titre, que ne seraient concernés que ceux qui ont poursuivi l’exécution du contrat en francs suisses sans pour autant qu’ils soient remis dans la situation qui aurait été la leur en l’absence des clauses abusives ci-dessus caractérisées.
En conséquence de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer abusives toutes les clauses reproduites ci-dessus qui sont indivisibles en ce que le principe descriptif de l’emprunt en francs suisses remboursable en euros est décliné par le fonctionnement de deux comptes dans chacune des devises, par les opérations de change et par les modalités de remboursement dans le temps.
Sur les conséquences de la reconnaissance du caractère abusif des clauses litigieuses
Les époux [E] font valoir :
– que, dès lors que les clauses litigieuses ont été déclarées abusives, elles sont réputées non écrites en vertu de l’article L241-1 du code de la consommation c’est à dire privées d’effet pour l’avenir mais également rétroactivement depuis l’origine du contrat, qu’ils doivent donc être replacés dans la situation de droit et de fait dans laquelle ils se seraient trouvés en leur absence,
– que la Directive 93/13 interdit au juge national de compléter ou de réviser le contenu d’une clause qu’il juge abusive pour laisser subsister le contrat, que lorsque la clause abusive participe de l’objet principal du contrat, le maintien de ce dernier ne paraît pas juridiquement possible puisqu’à l’instar de l’ancien article L132-1, l’article L 241-1 du code de la consommation précise que ‘ le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses’,
– que la ‘clause implicite d’indexation’ formant l’objet principal du contrat, ce dernier ne peut subsister sans cette clause qui, de plus, est en réalité éclatée en de nombreuses stipulations, sans lesquelles le contrat devient inexécutable,
– que, lorsqu’une clause d’intérêts est abusive, la CJUE considère que, soit le contrat peut subsister sans cette clause et un indice légal de substitution doit remplacer le taux conventionnel soit le contrat ne peut subsister sans cette clause et doit être annulé dans son ensemble, qu’en l’espèce aucun indice légal de substitution n’est prévu par le contrat, de sorte qu’il doit être anéanti dans son ensemble,
– que l’anéantissement rétroactif de l’entièreté du contrat est la seule sanction commandée par la directive comme de nature à mettre fin aux effets des clauses abusives,
– qu’en conséquence, des restitutions réciproques doivent être ordonnées, celle de la créance de la banque correspondant au capital emprunté en euros et celle des emprunteurs correspondant à l’ensemble des versements qu’ils ont effectués en euros,
– qu’en vertu de l’article 1240 du code civil anciennement 1382, la stipulation d’une clause abusive constitue une faute de violation de l’ordre public, l’anéantissement rétroactif du contrat ne pouvant exclure la responsabilité de la banque dès lors qu’il subsiste un préjudice non réparé, qu’en l’espèce, ils ont particulièrement souffert de cette violation dès lorsqu’ils ont été exposés durant toutes ces années à une dette pouvant évoluer sans limite, puis par le fait de devoir supporter un endettement très élevé après le rachat du crédit pour sortir de l’exposition au risque illimité, qu’il en est résulté pour eux une angoisse permanente ainsi qu’une gêne excessive dans leur quotidien depuis plus de 10 ans, leur ayant causé un préjudice moral substantiel, devant être évalué à la somme de 20 000 euros par appelant soit 4 euros par jour,
– que, contrairement à ce que soutient subsidiairement la Bnppf, les demandes de restitutions consécutives à l’anéantissement rétroactif du contrat ne sont pas prescrites puisque, si, à l’inverse du droit de faire reconnaître le caractère abusif de la clause, la CJUE juge que la prescription des demandes de restitution relève de l’autonomie procédurale des Etats, cette dernière est limitée par le principe d’effectivité et le principe d’équivalence issus du droit de l’Union, que si le délai français de 5 ans peut être appliqué, son point de départ ne peut être fixé au jour de la conclusion du contrat ni au jour où il a pris fin ni même au jour de l’enrichissement injustifié du prêteur, ce qui n’est pas contesté par la banque,
– que la banque ne peut faire valoir utilement que le point de départ doit être fixé à une date de quelques semaines postérieures à la souscription du contrat (en l’espèce du premier envoi relatif à l’exercice de l’option par lettre du 10 mai 2013 ) et en tout état de cause antérieure à son anéantissement par l’effet de la reconnaissance du caractère abusif des clauses puisque c’est précisément cet événement qui fait naître le droit à restitution et que le délai d’action en restitution n’est imputable qu’à la banque qui a créé le déséquilibre prolongeant ses effets,
– que le principe d’équivalence, qui impose au juge national de s’assurer que les modalités procédurales d’exercice d’une demande sur le fondement du droit de l’Union européenne ne soient pas moins favorables pour le consommateur que celles mises en ‘uvre pour les recours internes similaires, s’y oppose également car en droit interne, le délai de prescription qui s’applique aux restitutions consécutives à l’annulation d’un contrat ne peut pas courir antérieurement au prononcé de l’annulation du contrat,
– qu’il en est de même du caractère dissuasif de la sanction et du principe d’effectivité qui impose, quant à lui, que les modalités procédurales d’exercice d’un recours sur le fondement du droit de l’Union européenne ne le rendent pas, en pratique, impossible ou excessivement difficile, ce qui exige de soumettre la fixation du point de départ du délai de prescription à la vérification du moment auquel le consommateur a pris connaissance du caractère abusif de la clause et du moment auquel le consommateur a pris connaissance de l’étendue de ses droits au titre de la directive, et ce, d’autant que la banque a été condamnée pénalement et a poursuivi ses informations trompeuses en cours d’exécution du contrat en passant systématiquement sous silence l’aggravation de la dette,
– que c’est à tort que la banque estime que les fonds devraient lui être restitués par ‘contrevaleur en euros du montant emprunté en francs suisses’, au ‘ taux de change applicable au jour du paiement’, ce qui revient à lui faire conserver le bénéfice de la réalisation du risque de change,
– que c’est encore à tort que la Bnppf entend obtenir le bénéfice d’une ‘valeur de service’ qu’elle estime avoir fourni sur le fondement de l’article 1352-8 du code civil – non applicable au litige comme issu de l’ordonnance du 1er février 2016 – et qui ne concerne pas les restitutions consécutives à un anéantissement rétroactif mais les restitutions des prestations excluant une restitution en nature de services,
– qu’ils n’entendent pas donner suite à la demande de la banque tendant à ce que les modalités relatives au risque de change soit renégociée, dès lors que la CJUE réserve cette faculté aux situations dans lesquelles une autre solution serait gravement préjudiciable au consommateur, ce qui n’est pas le cas de la réparation complète qu’ils sollicitent en conséquence de l’annulation rétroactive du contrat,
– que la créance de restitution devra concerner l’ensemble des versements effectués, soit la commission d’ouverture de compte, l’ensemble des mensualités, en ce comprises les primes d’assurance, les frais de gestion, les éventuels frais d’étude de dossier lors de la conversion du prêt, l’éventuel montant de remboursement par anticipation partiel ou total effectué, y compris toute indemnité de remboursement par anticipation payée à cette occasion et de manière générale tous les paiements effectués à l’occasion de l’exécution du prêt ou en remboursement de la créance invoquée par la Banque au titre du prêt.
La société Bnp PARIBAS Personal Finance soutient :
– que l’action en restitution des sommes payées sur le fondement des clauses relatives au risque de change est irrecevable car prescrite dès lors que si la CJUE a reconnu le caractère imprescriptible de l’action en reconnaissance du caractère abusif d’une clause, elle a admis que l’action consécutive en restitution pouvait être soumise à la prescription sous réserve d’un délai raisonnable de nature à assurer la sécurité juridique comme en l’espèce le délai de 5 ans prévu par l’article 2224 du code civil reconnu conforme au principe d’effectivité pour autant que le consommateur a connu ses droits avant le point de départ du délai comme le prévoit d’ailleurs cette disposition du droit national qu’il revient au juge national d’appliquer, dans les limites énoncées,
– qu’en l’espèce, il est patent que si les emprunteurs ont pu méconnaître le caractère abusif des clauses lors de la souscription même du contrat, ils en ont eu connaissance, en revanche, à la date de l’information sur l’ouverture de la période d’option pour un taux en euros selon le courrier du 10 mai 2013 puis à celle de l’information annuelle du 10 septembre 2013 qui fait manifestement état de l’impact de la dépréciation de l’euro sur leurs obligations financières et de l’allongement consécutif prévisionnel de la durée du prêt, passant de 2033 à 2038, de sorte que l’action introduite le 23 décembre 2015 est prescrite,
– que juger que la prescription de l’action en restitution ne court qu’à compter de la reconnaissance judiciaire du caractère abusif de la clause reviendrait à rendre l’action en restitution imprescriptible également, portant gravement atteinte au principe de sécurité juridique,
– que s’il était jugé que les stipulations relatives au risque de change était abusives et que le maintien du prêt n’était pas possible, les parties devraient être invitées par le tribunal à renégocier les termes de la clause,
– que les emprunteurs, en l’absence de clauses abusives, sont mal fondés à demander que le contrat soit annulé dans son ensemble et toutes ses clauses réputées non écrites, les demandes de restitutions étant sans objet,
– subsidiairement, que si le contrat devait être annulé, les emprunteurs seraient redevables de la contre valeur en euros du montant emprunté en francs suisses par application du taux de change au jour du paiement en vertu du principe du nominalisme monétaire, étant observé que le contre valeur en euros des francs suisses empruntés était, selon le change de l’époque de la souscription,
– qu’en outre, le prêt leur a permis d’acquérir un bien immobilier, que le service rendu par la mise à disposition de fonds à cet effet doit être restitué par eux par application de l’article 1352-8 du code civil et équivaut à l’application d’un taux d’intérêt qui peut être celui prévu par le contrat ou, à défaut le taux légal,
– qu’elle devra quant à elle restituer les sommes reçues à hauteur de 314 290,15 euros (au titre de la commission d’ouverture de compte, des échéances et frais de change et des frais de tenue de compte, de l’origine de prêt jusqu’à ce jour, les sommes étant à parfaire au jour où la nullité sera prononcée),
– que c’est en revanche en vain que les emprunteurs évaluent le montant des versements qu’ils ont effectués comme ils le font puisque le tribunal correctionnel leur a attribué, à titre provisoire, la somme de 63 302,56 euros en réparation du préjudice financier outre celle de 20 000 euros, à chacun, au titre du préjudice moral, les dommages-intérêts devant être déduits des sommes qu’elle doit encore restituer, avec compensation et maintien consécutif de l’inscription d’hypothèque provisoire jusqu’à parfait paiement des sommes qui lui sont dues,
– que les emprunteurs sont mal fondés en leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, non justifié, qu’en effet la variation du cours du change ne lui est pas imputable, que les emprunteurs ont connu cette dernière très tôt, que le prêt a été converti en euros, les sommes octroyées à ce titre par le tribunal correctionnel devant venir en déduction en tout état de cause.
L’article L 132-1 devenue L241-1 du code de la consommation dispose notamment que :
‘Les clauses abusives sont réputées non écrites.
(…)
Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses.’
Les clauses litigieuses, reconnues abusives ci-dessus, doivent donc être réputées non écrites et les emprunteurs doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n’avaient jamais existé.
Dès lors qu’il est constant que les clauses litigieuses, jugées abusives en ce qu’elles font encourir à l’emprunteur, en méconnaissance de cause, un risque tenant à la parité des monnaies de compte et de paiement, définissent l’objet principal du contrat, que leur lecture et analyse montrent qu’elles sont indivisibles et que le contrat énonce que le montant du crédit est en francs suisses alors que ses modalités de remboursement et les opérations de change nécessaires ne sont pas maintenues, c’est l’entièreté du contrat de prêt qui est affectée.
En effet, à moins d’une substitution de dispositions ou d’une révision prohibée du contrat et en l’absence de dispositions nationales supplétives, le contrat ne peut subsister sans elles puisqu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de décider qu’il s’agirait d’un prêt en euros affecté de l’un quelconque des taux d’intérêts stipulés, y compris le taux fixe initial prévu pour une durée de cinq ans.
Il en résulte que l’examen du caractère abusif des clauses sur les intérêts, d’une part, et de la clause de reconnaissance de la réception de certaines informations, d’autre part, n’est pas nécessaire à la solution du litige alors qu’en tout état de cause, la clause d’information reçue est sans portée sur l’appréciation de l’exécution de leurs obligations par les parties.
En conséquence du caractère non écrit des clauses essentielles du contrat l’affectant dans son entièreté, les emprunteurs sollicitent des restitutions réciproques auxquelles la Bnppf oppose la prescription quinquennale courant à compter du moment où ils ont pu se convaincre des effets défavorables de l’évolution de la parité entre les monnaies, soit à compter de lettres comportant ces informations des 10 mai et 10 septembre 2013.
Il doit d’abord être observé que la date de l’assignation retenue par la banque du 23 décembre 2015 ne rendrait pas l’action prescrite par application du délai quinquennal s’il était tenu compte du point de départ qu’elle propose mais que les demandes fondées, en première instance sur une erreur de TEG, n’ont été formulées sur le fondement des clauses abusives, en revanche, que par les premières conclusions d’appel du 15 janvier 2020.
Si, en vertu de l’autonomie procédurale des Etats, l’action aux fins de restitution de sommes indûment versées peut être soumise à une prescription de nature à répondre au principe de sécurité juridique, la CJUE a notamment dit pour droit, dans un arrêt du 10 juin 2021, que la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 sur les clauses abusives doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à un délai de prescription de cinq ans, dès lors que ce délai commence à courir à la date de l’acceptation de l’offre de prêt de telle sorte que le consommateur a pu, à ce moment-là, ignorer l’ensemble de ses droits découlant de cette directive.
Il en résulte que l’action en restitution peut être soumise par le droit national à une prescription, en l’espèce quinquennale de l’article L 110-4 du code commerce – dont le point de départ court, tout comme celui de l’article 2224 du code civil, à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, – ce qui correspond à un impératif de sécurité juridique, et ce, sans contrevenir à l’effectivité des droits garantis par la directive pour autant qu’elle ne court pas à compter de l’offre de prêt elle-même ou qu’elle prive le consommateur, éventuellement alors dans l’ignorance des vices dénoncés, de son action.
Mais c’est à juste titre que les emprunteurs font valoir que la conséquence du caractère non écrit d’un contrat dans son ensemble impose de considérer qu’il n’a jamais existé, que l’emprunteur doit être replacé dans la situation dans laquelle il aurait été en l’absence de telles clauses qui, si elles ont imposé un paiement devenu indu entraîne sa restitution et que ce droit à restitution, comparable, en droit interne, à celui issu des effets de l’annulation d’un contrat, naît de la reconnaissance du caractère abusif des clauses considérées.
En conséquence, la fin de non recevoir tirée de la prescription des demandes de restitution des emprunteurs doit être rejetée.
C’est vainement que la Bnppf entend obtenir la rémunération d’une valeur de service, ayant consisté en la mise à disposition des emprunteurs de la somme prévue au prêt en application de l’article 1352-8 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 1er février 2016 dès lors, d’une part, que cette disposition n’est applicable qu’aux obligations contractées postérieurement au 1er octobre 2016 et, d’autre part, qu’il ressort des articles 1352 et suivants, qui distinguent les restitutions en somme d’argent, en nature et en valeur qu’elle n’est pas applicable à la restitution d’une somme d’argent.
C’est à juste titre que les emprunteurs font valoir que la somme qu’il leur revient de restituer est l’équivalent en euros de la somme empruntée en francs suisses, selon le cours du change alors appliqué au contrat de 1,57 euros, qui est la seule reçue par eux.
Dès lors que les emprunteurs sollicitent que les conséquence soit tirées du caractère abusif des clauses affectant l’entièreté du contrat de prêt, il n’existe aucun fondement juridique en l’absence d’accord entre les parties, investissant le juge du pouvoir de les contraindre à renégocier le contrat, l’arrêt invoqué de la CJUE du 25 novembre 2020 étant relatif à l’hypothèse spécifique et non avérée en l’espèce où l’annulation dudit contrat aurait des conséquences particulièrement préjudiciables pour le consommateur.
Dès lors qu’il n’est pas contesté que le prêt a été remboursé par anticipation après la revente du bien financé, la banque ne justifie pas que le maintient des inscriptions hypothécaires – dont l’existence n’est pas établie, aurait encore un objet.
Il résulte de ce qui précède que la compensation doit être ordonnée comme demandé au dispositif des conclusions des emprunteurs et, comme sollicité, la somme due après compensation portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt et la capitalisation est ordonnée.
Compte tenu de l’évolution du litige depuis la première instance, la demande de dommages-intérêts des emprunteurs fondées sur l’article 123 du code de procédure civile doit être rejetée, le caractère dilatoire comme tardif de la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la banque n’étant pas établi.
S’agissant des dommages-intérêts sollicités, il doit être relevé que le tribunal correctionnel, dans son jugement en date du 26 février 2020, a retenu, d’une part, le principe suivant d’indemnisation des emprunteurs dont le prêt a été converti en euros ‘le préjudice est constitué par le montant du capital restant dû à la date à laquelle la partie civile a arrêté ses comptes, duquel il convient de soustraire le montant du capital restant dû indiqué à la même date sur le tableau d’amortissement prévisionnel intégré à l’offre de prêt (ce montant en capital restant dû étant stipulé en francs suisses, il convient auparavant de le convertir en euros sur la base du taux de change indiqué à l’offre), les frais payés pour convertir le prêt en euros devant encore s’ajouter au montant déterminé’, ce qui a conduit, selon la banque non contredite puisque la décision était exécutoire par provision, au versement par elle de la somme de 40 560,52 euros au titre du préjudice financier et, d’autre part, l’existence d’un préjudice moral – nécessairement issu de la commission de l’infraction retenue de pratique commerciale trompeuse mais aussi décrit comme résultant des effets de la souscription du contrat de prêt dans ces conditions- à celle de 20 000 euros au titre du préjudice moral.
La demande de la Bnppf tendant à ce que la somme versée au titre du préjudice financier soit ‘soustraite’ des sommes qu’elle doit restituer aux emprunteurs n’est pas fondée en droit et se heurte à la nature juridique distincte des condamnations considérées: restitution de sommes à la suite de la reconnaissance du caractère non écrit des clauses, d’un côté, et indemnisation d’un préjudice, de l’autre.
La banque ne peut donc qu’être déboutée de cette prétention, étant observé que les obligations de restitution ordonnées dans la présente décision ne sont pas tributaires du sort de la procédure correctionnelle alors qu’au contraire, au-delà des dispositions pénales du jugement correctionnel, l’évaluation du dommage effectivement subi par les emprunteurs dans le cadre de leurs demandes en qualité de parties civiles est, quant à elle, dépendante du sort donné au contrat dans le cadre du présent litige civil sur le fondement des clauses abusives.
En revanche, les époux [E] ne justifient pas de l’existence d’un préjudice moral distinct de celui indemnisé par la somme versée en exécution du jugement correctionnel, de sorte qu’ils doivent être déboutés de leur prétention à ce titre.
La solution apportée au litige n’exige pas que soient examinés les moyens et prétentions subsidiaires relatifs à la régularité du TEG indiqué dans l’offre et dans l’avenant, le jugement devant, par seule voie de conséquence, être infirmé.
Il y a lieu de condamner la société Bnppf aux entiers dépens ainsi qu’à payer aux époux [E] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau ;
DIT que les clauses contractuelles, intitulées ‘Description de votre crédit, Financement de votre crédit, Ouverture d’un compte interne en euros et d’un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit, Opérations de change et Remboursement de votre crédit’ reproduites ci-dessus sont abusives et réputées non écrites ;
DIT n’y avoir lieu de statuer sur le caractère abusif des clauses de fixation d’intérêts et de réception d’information ;
REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription opposée par la société Bnp PARIBAS Personal Finance aux demandes de restitution de M. [K] [E], et Mme [L] [E] ;
CONDAMNE M. [K] [E], et Mme [L] [E] à restituer à la société Bnp PARIBAS Personal Finance le montant libéré au titre du prêt en euros selon le taux de change en vigueur au moment de la souscription ;
CONDAMNE la société Bnp PARIBAS Personal Finance à restituer à M. [K] [E] et Mme [L] [E] la totalité des sommes perçues par elle en exécution du prêt en principal, intérêts et frais depuis sa conclusion jusqu’à son terme anticipé ;
ORDONNE la compensation entre les sommes dues au titre des deux chefs de condamnation ci-dessus et dit que la somme porte intérêts au taux légal, avec capitalisation, à compter de la signification du présent arrêt ;
DÉBOUTE la société Bnp PARIBAS Personal Finance de sa demande tendant à voir soustraire des montants dus par elle les sommes versées en exécution du jugement correctionnel au 26 février 2020 ainsi que de sa demande relative à l’inscription hypothécaire ;
DÉBOUTE M. [K] [E] et Mme [L] [E] de leur demande au titre du préjudice moral et de leur demande de dommages-intérêts fondée sur l’article 123 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Bnp PARIBAS Personal Finance à payer à M. [K] [E] et Mme [L] [E] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Bnp PARIBAS Personal Finance aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,