Déséquilibre significatif : 5 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04188
Déséquilibre significatif : 5 mai 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04188

5 mai 2023
Cour d’appel de Rennes
RG
20/04188

2ème Chambre

ARRÊT N°219

N° RG 20/04188

N° Portalis DBVL-V-B7E-Q4IK

(3)

S.A. COFIDIS

C/

M. [D] [N]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me DEMIDOFF

– Me DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 MAI 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Février 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Mai 2023, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. COFIDIS

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Xavier HELAIN de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, plaidant, avocat au barreau de l’ESSONNE

INTIMÉ :

Monsieur [D] [N]

né le 02 Juin 1962 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]/FRANCE

Représenté par Me Céline DENIS de la SELARL DENIS & HERREMAN-GAUTRON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

2

EXPOSE DU LITIGE :

Le 13 avril 2016, M. [D] [N] a régularisé un bon de commande avec la Société Ate-Isoleo France portant sur la mise en place de panneaux photovoltaïques sur la toiture de son habitation comprenant la pose et l’installation de panneaux photovoltaïques outre le raccordement pour un montant de 22 900 euros.

Suivant contrat en date du 13 avril 2016, M. [N] et son épouse ont souscrit auprès de la Société Cofidis un crédit de 29 000 euros, au taux de 4,95 %, prévoyant un remboursement en 120 mensualités, d’un montant de 291,23 euros, assurance comprise, après un report de douze mois.

La Société Ate-Isoleo France a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement en date du 31 juillet 2017.

Faute de règlement des échéances, la société Cofidis a prononcé la déchéance du terme et par acte d’huissier du 14 mai 2019, le prêteur a fait assigner M. [D] [N] par devant le Tribunal d’Instance de Dinan afin de le faire condamner à lui payer le solde du crédit.

Par jugement du 2 juillet 2020, le tribunal de proximité de Dinan a débouté le prêteur de sa demande, ordonné à la SA Cofidis de procéder à la radiation de l’inscription au FICP sous astreinte et condamné la société Cofidis à payer à M. [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Cofidis est appelante du jugement et par dernières conclusions notifiées le 2 décembre 2022, elle demande de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamner M. [D] [N] à payer à la SA Cofidis la somme de 28 226,69 euros au taux contractuel de 4,55% l’an, à compter du 17 avril 2019.

A titre subsidiaire, si la cour devait estimer que les obligations de M. [D] [N] n’avaient pas pris effet :

Condamner M. [D] [N] à restituer à la SA Cofidis le capital emprunté d’un montant de 22 000 euros au taux légal à compter de I’arrêt à intervenir,

A titre infiniment subsidiaire

Condamner M. [D] [N] à restituer à la SA Cofidis le capital d’un montant de 22 900 euros déduction faite des frais de tranchée, de raccordement de mise en service de l’ installation,

En tout état de cause :

Condamner M. [D] [N] à payer à la SA Cofidis une indemnité d’un montant de 2 500 euros sur le fondement de I’article 700 du Code de Procédure Civile.

Ordonner I’exécution provisoire des seules demandes de la SA Cofidis,

Condamner M. [D] [N] aux entiers dépens

Par dernières conclusions, notifiées le 22 juin 2021, M. [N] demande de :

A titre principal,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Proximité de Dinan le 2 juillet 2020 ;

Débouter la Société Cofidis de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la Société Cofidis a commis une faute dans l’exécution de ses obligations,

Constater que M. [N] n’a commis aucun manquement grave et réitéré à son obligation contractuelle de remboursement du prêt,

En conséquence,

Débouter la SA Cofidis de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

Condamner SA Cofidis à verser à M. [N] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner SA Cofidis aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions visées.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.

La société Cofidis a été invitée à présenter ses observations par note en délibéré sur le caractère abusif de la clause de l’offre de prêt stipulant que ‘ En cas de défaillance de votre part dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus et impayés. (…) Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, si bon semble au prêteur, sans formalité ni mise en demeure, si l’emprunteur est en retard de plus de trente jours pour le paiement d’un terme en principal, intérêts ou accessoires au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts des 26 janvier 2017 C-421/14 et 8 décembre 2022 C-600/21) ainsi que de la Cour de cassation (arrêt du 22 mars 2023 21-16.044).

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Cofidis fait grief au jugement d’avoir rejeté ses demandes et fait droit aux demandes de M. [N] qui s’oppose à l’action en paiement en soutenant que le prêteur se serait fautivement dessaisi des fonds empruntés entre les mains du fournisseur, alors que la prestation d’installation des panneaux photovoltaïques n’a jamais été achevée.

Conformément aux dispositions de l’article L. 311-31 devenu L. 312-48 du code de la consommation, l’obligation de remboursement du crédit affecté au financement de l’installation ne prend effet qu’après complète installation.

Il n’est pas discuté que l’installation n’a pas été raccordée alors même que la société Isoleo s’était engagée à entreprendre les démarches administratives, obtenir l’attestation de conformité et le contrat auprès d’ERDF et supporter les frais de raccordement.

Il conviendra cependant de constater que le prêteur s’est dessaisi des fonds au vu d’un certificat de livraison en date du 26 mai 2016 par lequel M. [N] a indiqué par une mention manuscrite : ‘Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés. En conséquence je demande à Cofidis de bien vouloir procéder au décaissement de ce crédit et d’en verser le montant directement entre les mains de la société Isoleo.’.

Dès lors, s’il apparaît que l’installation n’était en réalité pas raccordée au réseau, la société Cofidis qui n’avait pas à assister l’emprunteur dans le déroulement du chantier et les opérations de réception, et qui n’a pas davantage à garantir le bon fonctionnement de l’installation, n’a commis aucune faute en libérant les fonds entre les mains du fournisseur au vu d’un certificat attestant de la livraison des panneaux et de l’achèvement de la prestation accessoire d’installation.

Le fait pour le prêteur d’avoir postérieurement au déblocage mandaté une entreprise tierce afin de permettre l’achèvement des travaux, à des emprunteurs dont l’installation n’avait pas été terminée du fait de la défaillance du vendeur ne constitue pas, dans les rapports entre les parties la preuve de la reconnaissance non équivoque par le prêteur de sa responsabilité lors d’un déblocage prétendument prématuré des fonds.

M. [N] conteste les conditions dans lesquelles le prêteur a prononcé la déchéance du terme le 19 février 2019 faute d’avoir été précédé d’un courrier de mise en demeure explicite sur l’arriéré et ses conséquences.

Il est de principe que, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l’espèce, la société Cofidis a bien fait précéder la déchéance du terme notifiée le 19 février 2019 par une lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure du 6 février 2019 de régler dans un délai de 11 jours, l’arriéré s’élevant à la somme de 4 381,79 euros sous peine de résiliation des contrats de prêt.

M. [N] conteste la valeur de ce courrier de mise en demeure faute de libellé explicite la somme de 4 381,79 euros étant présentée comme étant ‘la mensualité attendue’ ce qui ne correspond aucunement au montant des échéances et les références du contrat de vente faisant référence à ‘Amelio Transfo Extension’ qui lui est totalement étranger.

La société Cofidis soutient la régularité de la déchéance du terme prononcée après mise en demeure de l’emprunteur.

Cependant, il résulte de l’article R. 632-1 du code de la consommation que le juge doit écarter d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. 

Or, la question de la validité de la déchéance du terme ressort des éléments du débat comme ayant été expressément invoquée par l’emprunteur.

Il est de principe que, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement, la clause d’un contrat de prêt qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, une telle clause étant abusive au sens de l’article L. 132-1 devenu L. 212-1 du code de la consommation.

À cet égard, les conditions générales de l’offre de prêt stipulent que ‘En cas de défaillance de votre part dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus et impayés. (…) Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, si bon semble au prêteur, sans formalité ni mise en demeure, si l’emprunteur est en retard de plus de trente jours pour le paiement d’un terme en principal, intérêts ou accessoires’.

Une telle clause, qui laisse croire à l’emprunteur qu’il ne dispose d’aucun délai pour régulariser l’arriéré ou saisir le juge des référés en suspension de l’obligation de remboursement du prêt sur le fondement de l’article L. 314-20 du code de la consommation, et que le prêteur peut se prévaloir sans délai de la déchéance du terme pour une seule échéances impayée, sans considération de la gravité du manquement au regard de la durée et du montant des prêts consentis pour une somme de 22 900 euros sur une période de dix ans, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur exposé à l’obligation de rembourser immédiatement la totalité du capital restant dû.

Il convient en conséquence de déclarer cette clause de déchéance du terme abusive et de l’écarter d’office après que les parties ont été invitées à présenter leurs observations.

Il en résulte que le prêteur ne peut se prévaloir de la déchéance du terme du contrat et prétendre au paiement du capital restant dû cette demande étant irrecevable la société Cofidis ne pouvant agir qu’en paiement des échéances échues impayées dont elle a saisi le premier juge.

Selon le décompte produit, il apparaît qu’à la date de la déchéance du terme le montant des échéances échues et impayées s’élevait à la somme de 3 620,88 euros. Ne pouvant se prévaloir de la défaillance de l’emprunteur, la société Cofidis ne peut prétendre au paiement des indemnités prévues à l’article L. 312-39 du code de la consommation.

M. [N] sera donc condamné, après réformation du jugement attaqué, au paiement de la somme de 3 620,88 euros avec intérêts au taux de 4,55 % à compter du 6 février 2019.

Succombant en cause d’appel, M. [N] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel mais il n’y a pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIF, LA COUR :

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Dinan.

Déclare abusive et écarte la clause du contrat de prêt formé par offre acceptée le 13 avril 2016 stipulant que ‘En cas de défaillance de votre part dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus et impayés. (…) Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, si bon semble au prêteur, sans formalité ni mise en demeure, si l’emprunteur est en retard de plus de trente jours pour le paiement d’un terme en principal, intérêts ou accessoires’

En conséquence, déclare irrecevable la demande de la société Cofidis en paiement du capital restant dû ;

Condamne M. [D] [N] à payer à la société Cofidis la somme de 3 620,88 euros et ce avec intérêts au taux contractuel de 4,55 % à compter du 6 février 2019.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] [N] aux dépens de première instance et d’appel.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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