Déséquilibre significatif : 14 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11398
Déséquilibre significatif : 14 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/11398
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14 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/11398

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 14 JUIN 2023

(n° 2023/ 101 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/11398 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGKP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de meaux – RG n° 18/04772

APPELANT

Monsieur [K] [T]

[Adresse 3]

[Localité 4]

né le 15 Août 1970 à [Localité 7]

représenté par Me François LA BURTHE, avocat au barreau de MEAUX, toque 32, plaidant par Me Alain THIEBAUD, avocat au barreau de MEAUX, toque 32

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/026745 du 02/10/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉES

GROUPAMA [Localité 9] VAL DE LOIRE – CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES [Localité 9] VAL DE LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro : : 382 285 260

représentée et assistée de Me Nicolas STOEBER, avocat au barreau de PARIS, toque : B0132

LA CAISSE D’ASSURANCE MALADIE SECURITE SOCIALE DES INDÉPENDANTS

[Adresse 2]

[Localité 6]

défaillante

Signification de la déclaration d’appel le 21 octobre 2020, remis à personne

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Julien SENEL, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET

ARRÊT : Réputé Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [K] [T] a conclu avec la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire-Groupama [Localité 8] Val de Loire un contrat d’assurance prévoyance des indépendants, dénommé Energie prévoyance, qui stipule une garantie arrêt de travail prévoyant le versement d’indemnités journalières en cas d’incapacité temporaire totale de travail, ainsi qu’une garantie invalidité prévoyant le versement d’une rente en cas d’invalidité totale ou partielle consécutive à un accident ou une maladie.

Le 16 août 2012, M. [T] a été victime d’un écrasement avec fragmentation de deux disques vertébraux à la suite d’une chute dans un escalier qui l’a contraint à cesser son activité professionnelle de restauration, exercée en nom personnel.

Après expertise et par lettre en date du 17 octobre 2014, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire a accepté de verser des indemnités journalières à M. [T] dès lors que ses arrêts de travail étaient imputables à l’accident du 16 août 2012.

Cependant, la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire a refusé de procéder au règlement de la rente invalidité au motif que le taux d’invalidité de 20% fixé par son expert était inférieur au seuil de 33% fixé par la garantie.

Contestant les conclusions de l’expert, M. [T] a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux la désignation d’un expert judiciaire.

Par ordonnance du 27 septembre 2017, le juge des référés a désigné M. [U] [X] en qualité d’expert, lequel a déposé son rapport le 19 décembre 2017, au terme duquel l’expert propose :

– ‘une première date de consolidation au 30 juin 2014’, qui correspond à la fin de l’arrêt de travail et à la date de mise en invalidité de M. [T], et en se ‘référant strictement au barème d’évaluation du taux d’incapacité en droit commun, l’examen clinique révélant une raideur globale de l’ensemble du rachis lombaire bas avec irradiation fessière, sans sciatique complète, associée à une raideur du rachis dorsal, cette pathologie ne s’accompagnant pas de déficit neurologique’.

– un ‘taux d’incapacité’ à 20 %.

Puis, par acte d’huissier de justice du 7 décembre 2018, M. [T] a assigné la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire-Groupama [Localité 8] Val de Loire devant le tribunal de grande instance de Meaux, devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020, afin d’obtenir le règlement de la rente invalidité à compter de l’accident.

En outre, par acte d’huissier de justice signifié le 7 décembre 2018, M. [T] a assigné en intervention forcée la Caisse primaire d’assurance maladie-Sécurité sociale des indépendants.

Par ordonnance du 24 juin 2019, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.

C’est dans ce contexte que, par jugement réputé contradictoire du 26 mai 2020, le tribunal judiciaire de Meaux a :

– rejeté la demande de M. [T] de condamnation de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire-Groupama [Localité 8] Val de Loire à lui payer la somme de 17,64 euros par jour depuis le 16 août 2012 ;

– rejeté la demande de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire-Groupama [Localité 8] Val de Loire de condamnation de M. [K] [T] à lui payer la somme de 3 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [T] aux dépens avec recouvrement direct au profit de Me Nicolas Stoeber, avocat, et selon la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

– déclaré n’y avoir lieu à rendre le jugement commun à la Caisse primaire d’assurance maladie-Sécurité sociale des indépendants.

Par déclaration électronique du 30 juillet 2020, M. [T] a interjeté appel de ce jugement en mentionnant que l’appel du jugement est limité aux chefs de jugement expressément critiqués, mentionnés dans ladite déclaration.

Par conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 2 septembre 2021, M. [T] demande à la cour, au visa de l’article L. 212-1 du code de la consommation, de :

– infirmer et réformer le jugement ;

– dire et juger que la définition du terme “invalidité ” portée dans les conditions spéciales du contrat – certificat d’adhésion au contrat d’assurance – incluant en vertu de l’article 5 des conditions générales en référence au barème d’un taux d’incapacité est abusive et trompeuse,

– dire cette clause de définition nulle ou en tout état de cause inopposable au consommateur assuré,

– constater que le rapport d’expertise judiciaire rendu le 19 décembre 2017, ne permet pas un contradictoire satisfaisant en ce que l’expert ne dit rien de ce qui lui permet d’aboutir au taux de 20%,

– constater que c’est à tort que le premier jugement à retenu que le taux d’invalidité permanente pouvait être fixé à 20 % alors même que l’expert parle d’un taux d’incapacité, en contradiction avec les termes de sa mission,

En conséquence,

– juger que le taux d’incapacité de M. [T] est au moins de 50 % pour avoir notamment été fixé par une décision du tribunal du contentieux de l’incapacité, passée en force de chose jugée, et rendue opposable à la société GROUPAMA,

– juger que sont réunies les conditions de déclenchement de la garantie prévues par la police d’assurance,

– le cas échéant, avant dire droit, ordonner une nouvelle expertise pour faire estimer par un médecin, le taux “d’invalidité ” de l’appelant selon la terminologie employée dans les conditions spéciales du contrat autrement appelé certificat d’adhésion,

– en conséquence, dans tous les cas, condamner la société GROUPAMA à payer la somme de 17,64 euros par jour à M. [T], à vie, avec rétroactivité depuis la date de l’accident, soit depuis le 16 août 2012.

Par conclusions (n°3) notifiées par voie électronique le 13 septembre 2021, la société GROUPAMA [Localité 9] VAL DE LOIRE ‘ Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles [Localité 8] Val de Loire demande à la cour au visa de l’article 1134 ancien devenu 1103 du code civil, des dispositions du contrat “Energie” (ses définitions figurant page 5 et le tableau page 13) et des conclusions du rapport du docteur [X], de :

– débouter M. [T] de son appel ;

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [T] de sa demande de condamnation de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire-Groupama [Localité 8] Val de Loire à lui payer la somme de 17,64 euros par jour depuis le 16 août 2012 ;

– condamner M. [T] à payer à GROUPAMA [Localité 9] VAL DE LOIRE la somme de 3.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de 1ère instance et d’appel, dont distraction.

La Caisse primaire d’assurance maladie-Sécurité sociale des indépendants, intimée, n’a pas constitué avocat.

M. [T] a fait signifier sa déclaration d’appel le 21 octobre 2020 à la CPAM de la Seine-Saint-Denis (93), à personne habilitée, puis a fait signifier à la ‘compagnie d’assurance maladie sécurité sociale des indépendants’ ses conclusions d’appelant et un bordereau visant 17 pièces, le 29 octobre 2020, à personne habilitée.

Il convient de se reporter aux conclusions pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle à titre liminaire que, hors les cas prévus par la loi, les demandes de ‘dire et juger’, ‘déclarer’ et de ‘constater’ ne la saisissent pas de prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, lequel dispose en son alinéa 3 que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Par ailleurs, la cour observe qu’aucune demande n’est formulée à l’encontre de la Caisse primaire d’assurance maladie-Sécurité sociale des indépendants, intimée.

1) Sur la demande en paiement de la rente invalidité

Après avoir examiné et fixé le taux d’invalidité permanente fonctionnelle et le taux d’invalidité permanente professionnelle, au sens du contrat, le tribunal a, en application du tableau mentionné dans la notice du contrat, retenu un taux d’invalidité de 25%, donc inférieur au seuil de 33% d’intervention de la garantie prévoyant une rente invalidité, et a en conséquence rejeté la demande de M. [T] de condamnation de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire-Groupama [Localité 8] Val de Loire à lui payer la somme de 17,64 euros par jour depuis le 16 août 2012 au titre de la rente prévue par la garantie invalidité du contrat auquel il a adhéré.

En cause d’appel, au soutien de ses prétentions tendant à l’infirmation ‘et’ à la réformation du jugement, l’appelant fait notamment valoir que :

– le contrat dont les conditions spéciales à l’accès direct de l’assuré qui souscrit évoque une garantie “d’invalidité” à un taux de 33%, mais ses conditions générales définissent en réalité celle-ci de manière inadéquate aux terminologies employées qui font aussi l’intention de l’assuré – partie consommateur du contrat – et donc la loi des parties, comme se référant à un taux d’incapacité ;

– c’est ainsi que l’expert a, reprenant la seule définition du contrat, arrêté que le taux d’incapacité était de 20%, et que les premiers juges affectent ce taux au chapitre du taux d’invalidité permanente fonctionnelle ;

– le débat porte en conséquence sur l’utilisation d’une terminologie qui a un sens commun dans les conditions spéciales du contrat souscrites et signées par l’assuré et qui en prend un tout autre dans les conditions générales, au risque de tromper l’assuré, peu important au cas d’espèce que les conditions spéciales signées mentionnent que le certificat d’adhésion est accompagné des documents contractuels définis comme Ref 16104 et non comme les conditions générales du contrat, alors même que les conditions spéciales n’indiquent pas que le document dénommé Ref 16104 est de nature à changer les définitions communes de la terminologie employée dans les conditions particulières ;

– s’agissant d’un contrat d’adhésion, dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties, il s’interprète en cas de doute, en application de l’article 1190 du code civil, contre celui qui l’a proposé, et en application de l’article L. 211-1 du code de la consommation créé par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, ses clauses s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ;

– aux termes de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; le juge doit annuler les clauses du contrat d’assurance qui lui paraissent abusives, à l’égard des consommateurs ou des non professionnels ;

– en fixant le taux ‘d’incapacité’ à 20%, en fonction de la définition exprimée dans le contrat, l’expert judiciaire n’a pas répondu à la mission confiée par le juge des référés, qui évoquait un taux d’invalidité, et n’a pas tenu compte de la terminologie exprimée dans les conditions spéciales ; en réponse au dire qui lui a été adressé sur ce point, l’expert a reconnu qu’il lui était impossible de répondre à la question posée, et qu’il n’était en mesure de mesurer que le taux d’incapacité de M. [T] ;

– le contrat objet du litige ne prévoit comme seuil de déclenchement que l’invalidité, et non l’incapacité ;

– or, concernant le taux d’invalidité, trois décisions sont déjà intervenues : celle de la MDPH, qui a fixé le taux d’invalidité entre 50% et 79%, celle du RSI, qui a fixé le taux d’invalidité à hauteur de 66,66%, et celle du tribunal du contentieux de l’incapacité qui, par jugement du 12 mars 2018, devenu définitif et opposable à GROUPAMA (à défaut de tierce opposition de la part de GROUPAMA à qui le jugement a été signifié le 23 octobre 2018) a fixé le taux d’invalidité ‘entre 50 et 79 %’ ;

– s’agissant du taux retenu par la Caisse primaire d’assurance maladie, les premiers juges ne pouvaient estimer que cela n’avait pas d’incidence au motif qu’il ‘est difficile de déterminer la nature exacte de l’invalidité ainsi évaluée’ dès lors que la définition de ce taux est légale, s’agissant d’appliquer les articles R 434-32 et suivant du code de la sécurité sociale, qui définit en détail le mode de calcul du taux médical et un barème très détaillé ;

– subsidiairement, il convient d’ordonner une expertise et de fixer la mission de l’expert en fonction des conditions spéciales du contrat d’assurance qui évoquent pour l’assuré une garantie d’invalidité partielle permanente de 33%, ‘et non pas un savant calcul qui mélange les terminologies et donc les réalités entre invalidité et incapacité’.

L’intimée réplique que M. [T] a été débouté à juste titre de toutes ses demandes par le jugement entrepris qu’il convient de confirmer en ce qu’il l’a débouté de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 17,64 euros par jour depuis le 16 août 2012, dès lors notamment que :

– l’existence et le contenu des dispositions contractuelles ne sont contestés par aucune des parties, en particulier le certificat d’adhésion signé par M. [T] et la ‘Notice d’information’ (référencée 16014) constituant les Conditions Générales que, dans le certificat d’adhésion, M. [T] a reconnu avoir reçues ;

– il est admis par toutes les parties que le taux d’invalidité professionnelle est inférieur à 80% ; – pour l’application du contrat, il restait donc uniquement à déterminer le taux d’invalidité fonctionnelle permanente par référence au barème indicatif d’évaluation des taux d’incapacité en droit commun édité par le Concours Médical et en vigueur au jour de l’appréciation ;

– à la lecture de la définition contractuelle de l’invalidité fonctionnelle permanente, la réduction de la capacité fonctionnelle permet de fixer le taux d’invalidité fonctionnelle permanente, évalué par rapport au barème indicatif de droit commun du Concours Médical, qui est le barème de référence en droit commun par opposition aux évaluations médico-légales effectuées en matière d’accident du travail ;

– les critiques formulées par M. [T] à l’égard du rapport de l’expert judiciaire ne sont pas pertinentes, d’autant plus qu’elles ne tiennent pas compte des explications fournies par GROUPAMA en cours d’expertise et que l’expert s’est prononcé sur le taux d’invalidité fonctionnelle permanente (20%) dans les termes de sa mission ;

– les définitions contractuelles sont très claires, ne souffrent d’aucune ambiguïté et ne nécessitent pas d’interprétation ;

– il est contractuellement déterminé (tableau des CG page 13) que la combinaison d’un taux d’invalidité fonctionnelle de 20% et d’un taux d’invalidité professionnelle compris entre 61 et 80% aboutissent à un taux de 25%, inférieur au taux de déclenchement de la garantie “rente” de 33%, ce qui justifie que M. [T] soit de nouveau débouté de toutes ses demandes ;

– la clause du contrat ne présente aucun caractère abusif au sens de l’article L 212-1 du code de la consommation créé par ordonnance du 14 mars 2016, qui n’apparaît au surplus pas applicable au regard de la date d’adhésion au contrat (12 août 2015) ;

– les moyens invoqués par M. [T] ne sont au demeurant pas pertinents dès lors, notamment, que le fait que l’expert ait utilisé le terme ” incapacité ” pour mesurer la réduction de la capacité de M. [T] au titre de son invalidité fonctionnelle permanente n’est pas critiquable, que l’expert a agi dans le cadre de sa mission et a bien répondu aux termes de celle-ci, qu’en fixant le taux de réduction des capacités fonctionnelles de M. [T], il a fixé le taux d’invalidité fonctionnelle permanente de celui-ci selon la définition du contrat et qu’ il n’existe aucune contradiction entre le certificat d’adhésion et les dispositions générales “documents contractuels références 16014” dont il est bien précisé qu’il s’agit d’une notice d’information du contrat de prévoyance des indépendants.

Sur ce,

Vu, notamment l’article 1134 ancien et 1103 nouveau du code civil ;

Comme l’a à juste titre relevé le tribunal, le certificat d’adhésion au contrat dénommé Energie prévoyance du 15 août 2015 stipule que M. [T] bénéficie d’une garantie invalidité selon laquelle, en cas d’invalidité consécutive à un accident ou une maladie, il lui est accordé par la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire-Groupama [Localité 8] Val de Loire une rente de 17,64 euros par jour. Le seuil d’intervention de cette garantie est fixé à 33% d’invalidité.

Le certificat d’adhésion du 12 août 2015, signé par M. [T], indique que ‘Le présent certificat d’adhésion est accompagné et complété :

– des documents contractuels (Réf 16014) et du tableau des montants de garantie et des franchises (Réf 223556) et dont l’adhérent reconnaît avoir reçu un exemplaire, pris connaissance et accepté intégralement les dispositions,

– des statuts de la caisse locale.’

La notice d’information du contrat Energie Prévoyance, référencée ‘16014’, prévoit quant à elle :

– la garantie du versement d’une rente en cas d’invalidité totale ou partielle consécutive à un accident ou une maladie ;

– la détermination du taux d’invalidité, ‘après stabilisation supposée définitive de l’état de santé’ de l’assuré et expertise médicale par leur médecin-conseil, qui fixe la date de consolidation et détermine le taux d’invalidité qui résulte de ‘la combinaison des taux d’invalidité permanente fonctionnelle et professionnelle’ selon le tableau indiqué en page 13 de la notice.

L’invalidité fonctionnelle permanente est définie dans le lexique, en page 5 de la notice d’information du contrat Energie Prévoyance, comme étant un ‘état physiologique dans lequel vous vous trouvez lorsque, après stabilisation, supposée définitive, de votre état de santé suite à un accident ou une maladie, votre capacité fonctionnelle, physique ou mentale, reste réduite.

Le taux d’invalidité fonctionnelle permanente est déterminé en référence au ‘Barème indicatif d’évaluation des taux d’incapacité en droit commun’ édité par le Concours médical et en vigueur au jour de l’appréciation’.

L’invalidité professionnelle permanente est quant à elle définie dans ce même lexique comme étant la ‘réduction partielle ou totale de la capacité à exercer l’activité professionnelle déclarée, consécutive à l’altération supposée définitive de vos capacités physiques ou mentales, médicalement constatée.

Le taux d’invalidité professionnelle permanente est apprécié :

– par rapport à l’activité professionnelle indiquée sur le certificat d’adhésion et effectivement exercée au moment du sinistre,

– à partir des documents produits et des éventuelles expertises, en tenant compte de vos capacités restantes à exercer votre activité professionnelle.’

* sur la demande tendant à ‘dire nulle ou inopposable au ‘consommateur assuré’ la clause contenant la définition du terme ‘invalidité’ portée dans les conditions spéciales du contrat ‘ certificat d’adhésion au contrat d’assurance ‘ incluant en vertu de l’article 5 des conditions générales en référence au barème d’un taux d’incapacité’, qui est une définition ‘abusive et trompeuse’

Comme le réplique à juste titre l’assureur, les conditions particulières par lesquelles M. [T] reconnaît avoir reçu un exemplaire, pris connaissance et accepté intégralement les dispositions générales référencées 16014 lui sont de ce fait opposables.

Par ailleurs, il n’existe aucune contradiction entre le certificat d’adhésion et les dispositions générales ‘documents contractuels références 16014’ dont il est bien précisé qu’il s’agit d’une notice d’information du contrat de prévoyance des indépendants, dès lors que :

– dans le certificat d’adhésion, il est mentionné : ‘Rente invalidité accident/maladie 17,64 €/jour’ et ‘seuil d’intervention 33% INVALIDITE’ ;

– dans les dispositions générales, il est fait état clairement de la combinaison des taux d’invalidité permanente fonctionnelle et professionnelle.

Enfin, les clauses contractuelles invoquées par l’assureur, stipulées dans un document dénommé ‘notice d’information’, de sorte qu’il attire particulièrement l’attention du lecteur, sont claires et dénuées d’ambiguïté, de sorte qu’elles ne nécessitent aucune interprétation.

En effet, comme rappelé ci-dessus, le contrat comporte la définition précise, en des termes clairs, de :

– l’invalidité fonctionnelle permanente,

– l’invalidité professionnelle permanente.

En page 13, sous le titre ‘Modalités d’indemnisation’ consacré à la garantie invalidité, il est clairement exposé que :

– le taux d’invalidité résulte de ‘la combinaison des taux d’invalidité permanente fonctionnelle et professionnelle’ ;

– et que ‘si celui-ci est (ou devient) inférieur au seuil d’intervention indiqué sur votre certificat d’adhésion, la rente n’est pas due (ou cesse d’être versée)’.

La clause litigieuse apparaît ainsi intelligible pour le consommateur sur un plan grammatical, et c’est à juste titre que l’assureur soutient que le contrat expose de manière transparente le fonctionnement concret du mécanisme auquel se réfère la clause concernée, de sorte qu’il s’agit d’une clause claire et compréhensible, dépourvue de toute ambiguïté qui ne nécessite aucune interprétation.

Par ailleurs, l’article L. 212-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur depuis le 10 octobre 2016, applicable aux contrats en cours pour ce qui concerne les ‘clauses noires’, prohibées, énonce que ‘dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible’.

En l’espèce, non seulement M. [T] ne démontre pas que la clause en cause serait une clause prohibée, soumise à l’application immédiate des dispositions qu’il invoque pour un contrat souscrit antérieurement à leur entrée en vigueur, mais comme le réplique l’assureur, elle ne crée en toute hypothèse aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, cette clause se contentant de définir les limites de l’intervention de l’assurance en cause.

Les moyens tendant à interpréter la clause, ou à la déclarer ‘abusive et trompeuse’ et donc inopposable, sont ainsi rejetés.

Le tribunal a déduit exactement de ces éléments contractuels qu’afin d’évaluer le taux d’invalidité de M. [T] pour apprécier s’il atteint le seuil de 33% d’application de la garantie invalidité, il convient de déterminer au préalable le taux de son invalidité permanente fonctionnelle ainsi que le taux de son invalidité permanente professionnelle.

* sur les conditions de mise en oeuvre de la garantie

En l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation sur ce point, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, notamment quant au respect par l’expert de la mission qui lui a été confiée par le juge des référés, notamment en page 5 de l’ordonnance de référé, point déjà examiné à l’occasion d’un dire de l’avocat de M. [T].

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point, la cour ajoutant uniquement pour ce qui concerne le taux d’invalidité permanente fonctionnelle, que ni le taux d’invalidité déterminé par la Maison départementale des personnes handicapées de seine-et-Marne le 31 août 2015, ni celui fixé par le tribunal du contentieux de l’incapacité le 12 mars 2018, ou encore le taux d’invalidité fixé par la caisse primaire d’assurance maladie-Sécurité sociale des indépendants, ne permettent de satisfaire aux conditions contractuelles de mise en jeu de la garantie, dont l’objet, tel que fixé par le contrat d’assurance qui fait la loi des parties, diffère, seul le ‘taux d’incapacité de 20%’ proposé par l’expert judiciaire au regard d’une part du ‘syndrôme rachidien sans séquelle neurologique entraînant des douleurs permanentes thoraciques et lombaires’ constaté par l’expert judiciaire, et d’autre part du barème indicatif d’évaluation du taux d’incapacité en droit commun, ceci au terme d’une mission exercée dans le respect du principe de la contradiction, qui a permis au tribunal de fixer le taux d’invalidité fonctionnelle permanente, ayant été fixé conformément aux conditions dudit contrat.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. [T] de condamnation de la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles [Localité 8] Val de Loire-Groupama [Localité 8] Val de Loire à lui payer la somme de 17,64 euros par jour depuis le 16 août 2012.

Enfin, pour les motifs exposés ci-dessous, il n’y a pas lieu d’ordonner de nouvelle expertise aux fins d’estimer le taux d’invalidité selon la terminologie employée dans les conditions spéciales du contrat.

2) Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution retenue par la cour, le jugement est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

M. [T] sera par ailleurs condamné aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions sur l’aide juridictionnelle, et de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour des motifs d’équité, il ne sera pas fait application en cause d’appel de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société GROUPAMA [Localité 9] VAL DE LOIRE ‘ Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles [Localité 8] Val de Loire, qui sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire, publiquement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant :

Déboute M. [T] de sa demande de nouvelle expertise judiciaire ;

Condamne M. [T] aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et sur l’aide juridictionnelle ;

Déboute la société GROUPAMA [Localité 9] VAL DE LOIRE ‘ Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles [Localité 8] Val de Loire de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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