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20 juin 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
21/01584
COUR D’APPEL
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 20 juin 2023
N° RG 21/01584 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FUPG
-LB- Arrêt n°
[G] [O], S.C.I. / S.A. CNP ASSURANCES
Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AURILLAC, décision attaquée en date du 04 Juin 2021, enregistrée sous le n° 19/00396
Arrêt rendu le MARDI VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
M. Daniel ACQUARONE, Conseiller
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et de Mme Céline DHOME, greffier lors du prononcé
ENTRE :
M. [G] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
et
S.C.I. [O]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Tous deux représentés par Maître Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Maître Kominé BOCOUM, avocat au barreau d’AURILLAC
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
S.A. CNP ASSURANCES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 février 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme BEDOS, rapporteur.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 20 juin 2023, après prorogé du délibéré initiallement prévu le 25 avril 2023 puis le 13 juin 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [G] [O], à l’occasion d’un prêt immobilier d’un montant de 180’000 euros sur une durée de 216 mois souscrit par la SCI [O] auprès de la caisse régionale de Crédit Agricole centre France, a sollicité le 18 juin 2011 son adhésion au contrat d’assurance de groupe de la SA CNP Assurances, garantissant les risques décès, perte totale et irréversible d’autonomie et incapacité temporaire totale.
M. [O], en situation d’arrêt de travail à partir du 27 août 2012, a été indemnisé par la société CNP Assurances dans le cadre de la garantie incapacité temporaire totale à compter du 25 novembre 2012 (date d’expiration du délai de franchise) jusqu’au 20 mai 2015, date de son 60ème anniversaire.
Contestant l’opposabilité des clauses contractuelles fixant à 60 ans l’âge limite d’application de la garantie incapacité temporaire totale, la SCI [O] et M. [G] [O], par acte d’huissier délivré le 17 juillet 2019, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d’Aurillac la SA CNP Assurances pour obtenir notamment sa condamnation à garantir le prêt à compter du 20 mai 2015 jusqu’à la première échéance suivant la date du 65ème anniversaire de M. [G] [O] et la condamnation de l’assureur à rembourser les échéances du prêt supportées par la SCI [O] à compter du 20 mai 2015.
Par jugement du 4 juin 2021, le tribunal judiciaire d’Aurillac a statué en ces termes :
-Rejette la demande de condamnation de la SA CNP Assurances à garantir le prêt n° 52 94 92 conclu par la SCI [O] auprès de la caisse régionale de Crédit Agricole centre France à compter du 20 mai 2015 jusqu’au plus tard la fin du trimestre au cours duquel est intervenu le 62ème anniversaire de M. [G] [O] ;
-Rejette la demande de condamnation de la SA CNP Assurances à rembourser les échéances du prêt supportées par la SCI [O] à compter du 20 mai 2015 jusqu’au plus tard la fin du trimestre au cours duquel est intervenu le 62ème anniversaire de M. [G] [O] ;
-Rejette la demande de condamnation de la SA CNP Assurances à payer la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et pour résistance abusive ;
-Condamne la SCI [O] et M. [G] [O] à payer à la SA CNP Assurances la somme de 1300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamne la SCI [O] et M. [G] [O] aux dépens de l’instance ;
-Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.
La SCI [O], représentée par son gérant M. [G] [O], et M. [G] [O] ont relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 15 juillet 2021.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 15 décembre 2022.
Vu les conclusions en date du 14 octobre 2021 aux termes desquelles la SCI [O], représentée par M. [G] [O], et M. [G] [O] demandent à la cour de :
-Annuler et en tous les cas réformer le jugement du 4 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire d’Aurillac ;
-Les déclarer recevables et fondés en leur appel et en leurs demandes ;
-Déclarer les clauses du paragraphe 8 du contrat abusives et réputées non écrites en ce qu’elles sont contraires à la fixation par la loi de l’âge limite de départ à la retraite ;
-Condamner la SA CNP Assurances à garantir le prêt n° 52 94 92 conclu par la SCI [O] auprès de la caisse régionale de Crédit Agricole centre France à compter du 20 mai 2015 jusqu’au plus tard la fin du trimestre au cours duquel est intervenu le 62ème anniversaire de M. [G] [O], étant rappelé qu’il est né le 20 mai 1955 ;
-Condamner SA CNP Assurances à rembourser les échéances du prêt supportées par la SCI [O] à compter du 20 mai 2015 jusqu’au plus tard la fin du trimestre au cours duquel est intervenu le 62ème anniversaire de M. [G] [O], étant rappelé qu’il est né le 20 mai 1955 ;
-Condamner la SA CNP Assurances à leur payer la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et pour résistance abusive ;
-Rejeter l’intégralité des prétentions, fins et conclusions de la SA CNP Assurances ;
-Rejeter toutes prétentions contraires ;
-Condamner la SA CNP Assurances à leur payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-La condamner aux entiers dépens.
Vu les conclusions en date du 11 janvier 2022 aux termes desquelles la SA CNP Assurances demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
-Débouter la SCI [O] et M. [G] [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
-Les condamner aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 2500 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles ;
-Subsidiairement, et si par impossible la cour devait entrer en voie de condamnation à son encontre, dire que toute condamnation à une prise en charge devrait s’effectuer au profit de l’organisme prêteur, bénéficiaire du contrat d’assurance et non à celui de la SCI [O] ou de M. [G] [O].
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il sera rappelé en premier lieu qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu’elle n’a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que… » ou de « dire et juger que…» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.
-Sur la garantie de la SA CNP Assurances :
Les appelants considèrent que les clauses contractuelles fixant la limite de couverture de la garantie incapacité temporaire totale au 60ème anniversaire du souscripteur sont abusives et doivent être réputées non écrites en ce qu’elles sont contraires aux dispositions d’ordre public régissant l’âge légal de départ à la retraite, dès lors qu’elles ne tiennent pas compte de son évolution alors que cette notion « sous-tendait tout le contrat », précisant que l’âge légal de départ à la retraite était fixé à 60 ans au moment de la souscription du contrat et a été ensuite repoussé à 62 ans. Il soutient que selon l’accord des parties, la garantie souscrite avait vocation à intervenir pour compenser l’absence de revenus du travail jusqu’à la perception de la pension de retraite.
Aux termes de l’article L.132-1, alinéa 1er, devenu L.212-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Selon l’alinéa 7 du même article, devenu l’alinéa 3 de l’article L. 212-1, l’appréciation du caractère abusif des clauses, au sens du premier alinéa, ne porte pas sur la définition de l’objet principal du contrat pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Il en résulte que les clauses rédigées de façon claire et compréhensible échappent à l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, au sens des dispositions précitées.
En l’espèce, il ressort de l’article 8 de la notice d’information constituant les conditions générales du contrat d’assurance que l’existence d’une cessation des garanties en fonction de l’âge de l’assuré est expressément mentionnée en ces termes : « Les garanties souscrites cessent au plus tard à la limite de couverture fixée pour chaque garantie dans les dispositions particulières ». Les dispositions particulières prévoient, au sein d’un tableau présenté de manière très lisible, garantie par garantie que, s’agissant du risque incapacité temporaire totale, l’âge limite de garantie est fixé à 60 ans.
M. [O] a certifié dans sa demande d’adhésion signée le 18 juin 2011 avoir reçu un exemplaire de la notice d’information et des dispositions particulières et attesté en avoir pris connaissance.
Ainsi, les clauses litigieuses du contrat souscrit par M. [O], en ce qu’elles délimitent le risque assuré et l’engagement de l’assureur, définissent l’objet principal du contrat. Rédigées de façon claire et compréhensible, elles échappent en conséquence à l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles, au sens de l’article L. 132-1, alinéa 7, devenu L. 212-1, alinéa 3, du code de la consommation.
Par ailleurs, le premier juge a exactement retenu que ces clauses n’ont pas pour effet de priver le contrat d’efficacité alors que si le risque incapacité temporaire totale est couvert jusqu’à 60 ans, les autres risques sont couverts jusqu’au 65ème anniversaire de l’assuré.
Il a également relevé à juste titre que la garantie incapacité temporaire totale contractuellement prévue ne fait aucune référence à la date de départ à la retraite, même si celle-ci était fixée à 60 ans au moment de la souscription du contrat, et n’a ainsi pas vocation à intervenir jusqu’au départ à la retraite mais tant que l’incapacité perdure, avec un seuil fixé à 60 ans.
Il convient d’observer d’ailleurs que la notice d’information, en son article 6-2 relatif aux pièces justificatives à fournir en cas d’incapacité temporaire totale, envisage l’application de la garantie pour « les retraités et les personnes sans profession », ce qui démontre que le terme d’application de cette garantie n’est pas nécessairement corrélé avec le moment du départ à la retraite de l’assuré.
En considération de ces explications, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la SCI [O] et de M. [G] [O] de condamnation de la SA CNP Assurances à garantir le prêt à partir du 20 mai 2015 et à rembourser les échéances supportées par la SCI [O] depuis cette date.
-Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et résistance abusive :
Les appelants évoquent dans leurs écritures, préalablement à la partie consacrée à la « discussion », la responsabilité de la société CNP Assurances qui n’aurait pas satisfait à son obligation d’éclairer M. [O] sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle dans l’hypothèse d’un changement de l’âge légal de départ à la retraite.
Il sera rappelé toutefois que l’obligation d’informer l’adhérent sur les garanties souscrites et les conditions de leur mise en ‘uvre et d’éclairer ce dernier sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur incombe au seul établissement de crédit souscripteur du contrat d’assurance et non à celle de l’assureur de groupe qui ne se trouve lié à l’emprunteur qu’à compter de l’adhésion.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire présentée par la SCI [O] et M. [G] [O].
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le jugement sera confirmé sur la charge des dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Les appelants supporteront les dépens d’appel et seront condamnées à payer à la SA CNP Assurances la somme de 1300 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne la SCI [O], représentée par M. [G] [O], et M. [G] [O], aux dépens d’appel ;
Condamne la SCI [O], représentée par M. [G] [O], et M. [G] [O], pris ensemble, à payer à la SA CNP Assurances la somme de 1300 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Le greffier Le président