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21 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/01636
AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/01636 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M4TQ
Société SECURITE PROTECTION
C/
[J]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON
du 20 Février 2020
RG : 18/01278
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 21 JUIN 2023
APPELANTE :
Société SECURITE PROTECTION
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Me Nazanine FARZAM de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Laetitia PIERRE, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[X] [J]
né le 16 Mai 1973 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Yann BARRIER, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Avril 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [X] [J] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée le 1er avril 2010 par la société BYBLOS EVENTS avec une reprise d’ancienneté au 1er juillet 1999.
A la suite d’une reprise du marché par la société SECURITE PROTECTION à compter du 1er novembre 2016, le contrat de travail de M. [J] a été transféré au sein de ladite société avec une reprise de son ancienneté au 1er juillet 1999.
M. [J] occupait les fonctions de Chef de poste, statut agent de maîtrise, Niveau 1, Echelon 1, coefficient 150 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
Il exerçait ses fonctions au sein du site CARREFOUR HYPER de [Localité 5] (38).
Par courrier du 14 novembre 2017, la société SECURITE PROTECTION, arguant de ce que le client ne souhaitait plus que M. [J] soit affecté sur le site de [Localité 5], a informé le salarié de sa nouvelle affectation, à compter du 22 novembre 2017, sur le site de Carrefour [Localité 7], dans le département du Gard.
Par courrier du 16 novembre 2016, M. [J] a refusé cette nouvelle affectation, qu’il n’a pas rejointe.
Par lettre recommandée du 22 décembre 2017, la société SECURITE PROTECTION a convoqué M. [J] à un entretien préalable à une mesure pouvant aller jusqu’au licenciement, fixé au 3 janvier 2018.
Par lettre recommandée du 8 janvier 2018, la société SECURITE PROTECTION a notifié à M. [J] son licenciement pour faute grave.
Le 30 avril 2018, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de LYON de diverses demandes indemnitaires et salariales.
Le 26 avril 2019, le conseil de prud’homme s’est déclaré en partage de voix.
Par jugement du 20 février 2020, le juge départiteur, statuant seul, après avoir recueilli l’avis des conseillers présents a notamment :
dit que le licenciement dont M. [X] [J] a fait l’objet de la part de la société SA SECURITE PROTECTION est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
condamné la S.A. SECURITE PROTECTION à verser à M. [X] [J] les sommes de :
avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2019, date de réception de la convocation par l’employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure.
4 444,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, et 444,46 euros au titre des congés payés afférents,
11 852,22 euros à titre d’indemnité de licenciement,
3 172,87 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 22 novembre 2017 au 4 janvier 2018, outre 317,25 euros au titre des congés payés afférents,
481,54 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté et 46,15 euros au titre des congés payés afférents,
463,71 euros au titre de congés payés non décomptés de septembre à décembre 2017,
avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
32 223,49 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause et sérieuse,
1 000,00 euros de dommages et intérêts pour absence de fourniture de travail,
700,00 euros de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
dit qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1154 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus ;
débouté les parties du surplus de leurs demandes
condamné la SA SECURITE PROTECTION à verser à M. [X] [J] la somme de 1 600 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
condamné la SA SECURITE PROTECTION aux dépens.
Le 27 février 2020, la SA SECURITE PROTECTION a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2023, la S.A. SECURITE PROTECTION demande à la cour de :
Confirmer le jugement de départage du Conseil de Prud’hommes de Lyon du 20 février 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire au titre de prétendues heures supplémentaires et congés payés afférents, la demande au titre du travail dissimulé, la demande au titre du non-respect du coefficient hiérarchique ;
L’infirmer pour le surplus et débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes
Condamner M. [J] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 16 février 2023, M. [J] demande à la cour de
Confirmer le jugement en ce qu’il a
dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et
condamné la société SECURITE PROTECTION au paiement de 4 444,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 444,46 euros au tire des congés payés afférents, 11 852,32 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 3 172,87 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 22 novembre 2017 au 4 janvier 2018, outre 317,28 euros au titre des congés payés afférents ; 481,54 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté et 48,15 euros au titre des congés payés afférents; 463,71 euros au titre des congés payés non décomptés de septembre à décembre 2017 ; 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de fourniture de travail et 1 600 euros d’article 700 du code de procédure civile ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a
rejeté sa demande de rappels au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, sa demande de travail dissimulé, sa demande de rappels de salaire au titre du non-respect du coefficient hiérarchique ;
limité les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 32 223,49 euros ;
limité les dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail à la somme de 700 euros ;
Statuant à nouveau de ces chefs :
Condamner la société SECURITE PROTECTION à lui payer les sommes suivantes :
*outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud’hommes
68 670 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
1 608 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 160 euros au titre des congés payés afférents
13 734 euros nets de dommages et intérêts pour travail dissimulé
8 294 euros bruts de rappel de salaire au titre du non-respect du coefficient hiérarchique outre 829 euros au titre des congés payés afférents
10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l’article 1343-2 du code civil
Condamner la Société SECURITE PROTECTION à lui remettre les documents de rupture et des bulletins de salaire rectifiés conformes à la décision, dans les 15 jours de la notification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 150 euros par jour de retard
Se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte
Condamner la Société SECURITE PROTECTION à lui payer une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure ;
Condamner la Société SECURITE PROTECTION aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023.
SUR CE,
Sur la cause du licenciement
La société SECURITE PROTECTION soutient que le contrat de travail inclut une clause de mobilité lui permettant de changer le lieu de travail du salarié en cas de perte de marché ou à la demande du client. Elle affirme qu’en raison des relations conflictuelles entre les responsables du magasin CARREFOUR de [Localité 5] et M. [J], elle a dû mettre en ‘uvre cette clause ; que, confrontée à des pertes de marché, il ne lui a pas été possible de transférer M. [J] sur un site plus proche de son domicile.
Elle ajoute que comme M. [J] n’a pas rejoint sa nouvelle affectation, elle l’a licencié pour absences injustifiées.
M. [J] réplique :
que la clause de mobilité vise la zone géographique couverte par la direction régionale Nord ;
qu’elle crée un déséquilibre significatif en faveur de l’employeur et doit être réputée non écrite en application de l’article 1171 du code civil ;
que l’employeur ne justifie pas d’un intérêt légitime de le muter à 200 kilomètres de son domicile ;
que le motif invoqué par l’employeur est fallacieux ;
que la mutation aurait entrainé de sérieux problèmes de transport et familiaux et que l’employeur ne lui a pas laissé le temps de trouver une solution ;
que cette mutation constituait une rétrogradation au poste d’agent de sécurité ;
qu’il n’a pas reçu de planning pour le mois de décembre de sorte qu’il ne peut pas lui être reproché ses absences injustifiées.
*************
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, pendant la durée du préavis. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
Il ressort de la lettre de licenciement que M. [J] a été licencié au motif qu’il n’avait pas rejoint sa nouvelle affectation indiquée, par courrier du 14 novembre 2016, en exécution de la clause de mobilité contenue au contrat. Le salarié admet n’avoir pas rejoint cette nouvelle affectation mais conteste les conditions de mise en ‘uvre de la clause de mobilité.
La bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié de prouver l’abus de droit de l’employeur dans la mise en ‘uvre de la clause de mobilité prévue dans son contrat de travail, en démontrant que la décision de ce dernier de faire jouer cette clause a été prise, en réalité, pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou qu’elle a été mise en ‘uvre dans des conditions exclusives de toute bonne foi.
La mise en ‘uvre par l’employeur de la clause de mobilité ne doit pas porter atteinte au droit du salarié au respect de sa vie privée et familiale, à moins que cela ne soit justifié par les tâches ou fonctions du salarié et proportionné au but recherché
L’avenant de transfert du contrat de travail en date du 25 octobre 2016, contient une clause de mobilité « Le salarié exercera ses fonctions sur un ou plusieurs sites dépendant de la Direction Régionale SUD EST.
Ainsi, en raison de la spécificité de la profession, et, conformément à l’article 6.01 alinéa 6 de la Convention Collective applicable, le salarié pourra être appelé à changer de lieu de travail à l’intérieur de la zone géographique couverte par la Direction régionale Nord dont il dépend sans que ces changements puissent s’analyser comme une modification du présent contrat.
La mise en ‘uvre de la clause de mobilité pourra se faire notamment dans les cas suivants :
– Perte de marché (même partielle notamment en cas de modification des commandes des heures prestées)
– Demande du client
Le salarié est informé que le périmètre de la Direction dont il dépend s’entend des départements suivants : 69,01,42,74,13,38,26,13,83,06,30,34,84 ».
La clause fixe une zone géographique et la liste des départements concernés. Le département du Gard, où se situe le lieu de la nouvelle affectation de M. [J], figure dans cette liste.
La société SECURITE PROTECTION ne justifie pas de la demande du client de voir M. [J] affecté en un autre lieu ni des relations conflictuelles entretenues par le salarié avec les responsables du magasin de [Localité 5] puisqu’elle se borne à verser aux débats ses propres courriers, notamment celui du 14 novembre 2017, annonçant au salarié sa nouvelle affectation.
Les conditions de mise en ‘uvre de la clause de mobilité ne sont pas réunies.
Le salarié a fait part, dès le 16 novembre 2017, de sa situation personnelle (jeunes enfants scolarisés, impossibilité de son épouse de le suivre, distance de plus de 200 kilomètres entre son domicile et sa nouvelle affectation). L’employeur n’a pas recherché d’autre solution et a reproché au salarié, par courrier du 4 décembre 2017, ses absences injustifiées, or ce dernier avait un motif valable de ne pas rejoindre sa nouvelle affectation.
Dès lors, le premier juge a relevé à juste titre que le licenciement de M. [J] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur la fourniture de travail
La société SECURITE PROTECTION soutient qu’en raison du conflit entre les responsables du magasin Carrefour de [Localité 5] et M. [J], elle n’avait pas d’autres choix que de dispenser le salarié de l’exercice de ses fonctions ; tout en continuant de le rémunérer, de sorte que M. [J] ne peut se prévaloir d’aucun préjudice.
Elle conteste avoir procédé à une rétrogradation du salarié et s’appuie sur les fiches de paie postérieures au mois de novembre 2017.
M. [J] répond qu’à compter du 5 septembre 2017, son employeur a cessé de lui fournir du travail puis qu’à compter du 22 novembre 2017, il l’a rétrogradé en l’affectant à un poste d’agent de sécurité ; qu’il était en droit de refuser cette modification de son contrat de travail et est fondé à solliciter le paiement des salaires à compter du 22 novembre outre des dommages-intérêts.
*************
En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il incombe à l’employeur de fournir au salarié le travail convenu, pour la durée d’emploi convenue et de lui payer la rémunération convenue.
L’employeur ne peut valablement réduire le montant de la rémunération ou opérer une retenue sur salaire qu’en cas d’absence injustifiée, de congé sans solde demandé et autorisé, de mise à pied conservatoire ou disciplinaire.
Il est constant qu’à compter du 5 septembre 2017, l’employeur a cessé de fournir du travail au salarié, sans lui fournir d’explications, et qu’à compter du 22 novembre 2017, il a cessé de le payer, alors que le salarié avait, à juste titre, refusé de rejoindre sa nouvelle affectation.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société SECURITE PROTECTION à payer à M. [J] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de la non fourniture de travail et la somme de 3172,87 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du novembre 2017 au 4 janvier 2018, outre celle de 317,28 euros pour congés payés afférents.
Sur les heures supplémentaires
M. [J] soutient avoir effectué des heures supplémentaires non rémunérées. Il estime que l’accord d’entreprise lui est inopposable car la société SECURITE TRANSPORTS n’en démontre pas la validité.
La société SECURITE PROTECTION objecte que le salarié n’a jamais fait de réclamation à ce titre au cours de la relation contractuelle et souligne qu’il ne produit aucun élément précis quant aux horaires qu’il aurait effectués.
Elle ajoute que le décompte des heures supplémentaires doit se faire sur une période de trois mois, conformément à l’Avenant du 8 septembre 2008 à l’Accord d’Entreprise du 26 janvier 2001 relatif à l’aménagement et la modulation du temps de travail.
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Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
La société SECURITE PROTECTION verse aux débats l’avenant n°1, sur l’accord d’entreprise du 26 janvier 2001 relatif à l’aménagement et la modulation du temps de travail, signé le 8 septembre 2008, avec le délégué syndical CGT et le récépissé de dépôt délivré le 16 septembre 2008 par la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.
Cet accord est opposable au salarié. Il prévoit en son article 2 que l’organisation du travail se fera sur une période de trois mois ; que la durée moyenne effective de travail ne devra pas dépasser 35 heures et en son article 3, que constituent des heures supplémentaires, les heures effectuées au-delà de la moyenne de 35 heures calculée sur la période de référence.
Le salarié verse aux débats un tableau des heures supplémentaires qu’il aurait effectuées sans en être rémunéré qui ne tient pas compte des dispositions de l’avenant n°1 et ne fait apparaitre que les semaines où le temps de travail aurait dépassé 35 heures et pas les autres semaines, alors que ces éléments sont indispensables à la détermination de l’existence d’heures supplémentaires.
L’employeur verse aux débats le bulletin de paie du mois de mars 2017, sur lequel apparaissent les heures supplémentaires rémunérées pour la période du 1er janvier au 31 mars 2017 : 57,99 heures ont été payées à M. [J]. Il est établi que l’employeur a rémunéré les heures supplémentaires conformément à l’avenant du 8 septembre 2008.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande à ce titre.
Sur le travail dissimulé
Le salarié affirme que la société SECURITE PROTECTION a volontairement mentionné sur les fiche de paie un nombre heures inférieur à celui réellement accompli.
La société SECURITE PROTECTION s’oppose à la demande, faisant valoir que le salarié n’a pas réalisé d’heures supplémentaires non rémunérées.
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La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 2°du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l’espèce, l’existence d’heures supplémentaires non rémunérées n’étant pas établie, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts.
Sur le coefficient hiérarchique
Le salarié s’appuie sur l’arrêté du 2 mai 2005 définissant les missions du personnel des services de sécurité incendie des établissements recevant du public et notamment celles du chef d’équipe et sur la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité. Il affirme que le chef d’équipe a la qualité d’agent des services de sécurité incendie SSIAP 2, ce qui correspond au grade au coefficient 185.
La société SECURITE PROTECTION objecte que le salarié n’a jamais émis de réclamation à ce titre. Elle conteste que le niveau de formation de M. [J] impose de le classer au coefficient 185 et ajoute que ce dernier ne démontre pas les responsabilités qu’il aurait assumées et qui justifieraient un tel coefficient.
***
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
M. [J] était classé à l’échelon 150, qui correspond à agent de maitrise niveau 1 (encadre un groupe de salariés, dispose d’instructions précises et détaillées, un programme et des objectifs lui sont fixés, les moyens adaptés lui sont fournis) échelon 1, (responsable de la conduite de travaux dont la nature répond aux définitions des échelons des niveaux I et II du personnel d’exécution).
Il ne décrit pas ses fonctions et se contente d’affirmer qu’elles correspondraient au coefficient 185 (niveau 2, échelon 1), c’est-à-dire un agent de maîtrise qui encadre un groupe de salariés soit directement, soit par l’intermédiaire d’agents de maîtrise de niveau I et qui est responsable de la conduite de travaux répondant aux définitions des échelons des niveaux I à IV du personnel d’exécution.
Il n’établit pas qu’il assurait effectivement les tâches et responsabilités d’un agent de maîtrise niveau 2 échelon 1.
Le jugement sera confirmé.
Sur la prime d’ancienneté et les congés payés
La société SECURITE PROTECTION expose avoir cessé de régler la prime d’ancienneté lorsque le salarié a cessé de se présenter à son poste.
Elle admet avoir fait une erreur portant sur le calcul de la prime d’ancienneté du mois d’octobre 2017 et estime que M. [J] peut prétendre à la somme de 97,44 euros.
Sur les congés payés, elle considère que, compte tenu de ses absences injustifiées, M. [J] n’a pas acquis de droit à compter du 22 novembre 2017.
M. [J] objecte que, compte tenu de son ancienneté, il devait percevoir une prime à ce titre d’un montant de 210,99 euros par mois ; qu’il n’a reçu que la somme de 113,55 euros entre octobre 2017 et janvier 2018, soit un manque à gagner de 519,42 euros.
Il ajoute que l’employeur n’a pas mentionné de droit à congés de septembre à décembre 2017.
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Le premier juge a pertinemment relevé que, l’absence du salarié n’étant pas injustifiée, l’employeur ne pouvait ni diminuer la prime d’ancienneté à compter du mois d’octobre 2017, ni cesser de décompter les congés payés acquis. Les fiches de paie des mois d’octobre et décembre 2017 ne mentionnent pas d’acquisition de congés payés par rapport au mois précédent.
Le jugement sera confirmé sur ces chefs de demande.
Sur les indemnités de rupture
La société SECURITE PROTECTION s’oppose à la demande d’indemnité compensatrice de préavis au motif que le salarié a été licencié pour faute grave et affirme qu’il n’a pas droit à l’indemnité de congés payés sur préavis au motif que l’indemnité compensatrice de préavis a un caractère indemnitaire.
Elle fait valoir que, compte tenu de son ancienneté, l’indemnité octroyée doit être comprise entre 3 et 14,5 mois.
Elle estime que la conventionalité du barème prévu à l’article L1235-3 du code du travail ne peut être remise en cause. Elle ajoute que l’article 10 de la Convention de l’OIT n°158 n’interdit pas un plafonnement ; que l’article 24 de la charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en droit interne.
Elle fait remarquer que pour justifier du préjudice, M. [J] ne verse aux débats qu’une attestation Pôle emploi.
Le salarié objecte que la charte sociale européenne est un traité du conseil de l’Europe.
Il ajoute que la Cour de Justice de l’Union Européenne reconnaît un effet direct à tous les traités internationaux qui définissent une obligation précise, claire et inconditionnelle, ce qui est le cas pour l’article 24 de la charte sociale européenne.
Il soutient :
qu’il ressort des dispositions combinées des article 30 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 151 du traité de fonctionnement de l’Union Européenne que l’article 24 de la charte sociale européenne est d’application directe ;
que le barème viole l’article 6-1 de la convention de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme ;
que pour l’OIT, le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail comporte un risque de violation de la garantie du droit à une indemnité adéquate pour les salariés licenciés sans motif valable ;
qu’aucun examen, à intervalles réguliers par le Gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux, des modalités du dispositif d’indemnisation prévu à l’article L 1235-3 du code du travail n’a eu lieu, de façon à assurer que les paramètres d’indemnisation prévus par le barème permettent une réparation adéquate su préjudice subi ;
que le Comité Européen des droits sociaux a confirmé que le barème ne peut assurer une indemnisation adéquate ;
que le barème soit écarté en cas de licenciement nul n’est aucunement pertinent pour apprécier s’il respecte la garantie du droit à une indemnité adéquate pour les salariés licenciés sans motif valable ;
que le critère de l’ancienneté n’est pas le plus déterminant pour évaluer les préjudices de la perte d’emploi ;
que les plafonds, ainsi fixés aussi bas, font obstacle à des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur ;
que le barème porte atteinte au principe d’égalité et de non-discrimination.
Il précise qu’il avait 19 ans d’ancienneté, deux enfants à charge, a connu une période de chômage de deux ans et que l’indemnité allouée en première instance est inadéquate.
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Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié est en droit de réclamer une indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents. Le jugement, qui a accordé des sommes à ce titre, sera confirmé.
Il est également en droit de recevoir une indemnité de licenciement, le jugement sera confirmé.
Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.
Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Par ailleurs, les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.
Le non-respect éventuel par le gouvernement français, de la recommandation visant à examiner, à intervalles réguliers, en concertation avec les partenaires sociaux, les modalités du dispositif d’indemnisation prévues par l’article L.1235-3 du code du travail, de façon à assurer que les paramètres d’indemnisation prévus par le barème permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement abusif, ne suffit pas à démontrer que l’application du barème ne permet pas une indemnisation adéquate en cas de licenciement injustifié.
En tout état de cause, l’absence d’évaluation périodique n’est pas démontrée par le salarié dès lors qu’il existe à ce jour plusieurs études destinées à mesurer les premiers effets économiques et sociaux du nouveau barème. Ainsi, la mission « Droit et justice » a soutenu deux recherches dépassant ce seul sujet mais qui l’intéressent directement et dont les rapports ont été publiés en 2019 : « Les barèmes (et autres outils techniques d’aide à la décision) dans le fonctionnement de la justice » et « La barémisation de la justice : une approche par l’analyse économique du droit ».
En outre, le gouvernement a mis en place un comité d’évaluation des ordonnances publiées le 22 septembre 2017, sous la direction de France Stratégie, institution publique placée auprès du Premier ministre. Un rapport intermédiaire a été publié le 28 juillet 2020, ainsi qu’un rapport établi par les cabinets Orseu et Amnyos en septembre 2019, suivis d’un rapport publié le 16 décembre 2021.
Il en résulte que l’examen régulier des modalités d’indemnisation de l’article L. 1235-3 du code du travail est effectif.
Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l’indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Il en résulte que M. [J] n’est pas fondé à demander que le barème de l’article 1235-3 du code du travail soit écarté, barème en vertu duquel il peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 mois et 18 mois de salaire, en fonction du préjudice qu’il a subi.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [J] âgé de 44 ans lors de la rupture, de son ancienneté de près de 19 années, de ce qu’il justifie avoir été inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi en date du 11 janvier 2018 et jusqu’au mois de juillet 2021, avoir deux enfants à charge, la cour estime que le préjudice résultant de la rupture a été justement évalué par le premier juge, sur la base d’un salaire mensuel moyen brut de 2222,31 euros.
Le jugement sera confirmé.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
L’employeur fait valoir qu’aucune disposition conventionnelle ne prévoyait une indemnité pour les frais d’entretien de la tenue et que le salarié ne justifie pas d’un préjudice lié au défaut de prise en charge de ces frais.
Outre les manquements allégués au soutien des demandes salariales, le salarié reproche à l’employeur divers manquements afférents à la durée maximale du travail, au non-respect du délai de prévenance pour les plannings, à l’absence de prise en charge des frais d’entretien des tenues.
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En vertu de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
L’employeur doit assurer l’entretien des tenues de travail dont il impose le port au salarié; il lui appartient de définir dans l’exercice de son pouvoir de direction, les modalités de prise en charge de cet entretien.
L’employeur ne justifie pas avoir fait bénéficier le salarié de temps de pause et le premier juge a exactement relevé que les plannings étaient remis au salarié sans respecter le délai de prévenance de 7 jours.
Le premier juge a fait une exacte appréciation du préjudice subi par M. [J] du fait de ces manquements.
Pour le surplus, M. [J] ne justifie pas de préjudice indépendant de celui résultant du retard dans le paiement des salaires, ni des préjudices qui seraient consécutifs aux autres manquements allégués.
Le jugement sera confirmé.
Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront confirmées.
La société SECURITE PROTECTION, dont le recours est rejeté sera condamnée aux dépens d’appel.
Il est équitable de condamner la société SECURITE PROTECTION à payer à M. [J], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 1 800 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition, contradictoirement
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement ;
Y ajoutant
Condamne la société SECURITE PROTECTION aux dépens d’appel ;
Condamne la société SECURITE PROTECTION à payer à M. [J], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 1 800 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE