Déséquilibre significatif : 29 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01862
Déséquilibre significatif : 29 juin 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 22/01862
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29 juin 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
22/01862

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT N° /23 DU 29 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/01862 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FA2P

Décision déférée à la Cour :

jugement du Juge des contentieux de la protection d’EPINAL, R.G. n° 1121000195, en date du 19 mai 2022,

APPELANTE :

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL CENTRE VOSGES,

Société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée dont le siège est situé [Adresse 2], immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’EPINAL sous le numéro 306 450 511 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉ :

Monsieur [H] [J]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4] (Marne), médecin, domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Laurent BENTZ de la SELARL EPITOGES, avocat au barreau d’EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Juin 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;

A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 29 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 29 Juin 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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EXPOSE DU LITIGE

Le 8 janvier 2015, la Caisse de Crédit Mutuel Centre Vosges (ci-après la CCM) et M. [H] [J] ont signé une convention d’ouverture de compte courant.

Par acte sous seing privé en date du 9 juillet 2015, la CCM a consenti à M. [H] [J] un prêt personnel n°00020130910 d’un montant de 40 000 euros remboursable sur une durée de 60 mois au taux de 5,889% l’an.

Par acte sous seing privé en date du 14 septembre 2017, la CCM a consenti à M. [H] [J] un prêt personnel n°00020130915 d’un montant de 34 000 euros remboursable sur une durée de 60 mois au taux de 4,50% l’an.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 14 juillet 2020, la CCM a mis M. [H] [J] en demeure de s’acquitter des sommes dues à hauteur de 9 954,64 euros au titre des prêts consentis.

Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception des 6 et 14 août 2020, la CCM a mis M. [H] [J] en demeure de s’acquitter des sommes dues respectivement à hauteur de 10 984,29 euros et 11 029,86 euros sous huitaine.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception en date du 12 septembre 2020, la CCM a mis M. [H] [J] en demeure de régulariser le solde débiteur de son compte courant à hauteur de 2 306,47 euros, ainsi que les mensualités impayées au titre des prêts n°00020130910 et n°00020130915, évaluées repectivement à hauteur de 4 376,77 euros et 4 289,82 euros, pour le 15 octobre 2020 au plus tard, sous peine de résiliation des contrats.

Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 27 novembre 2020, la CCM a notifié à M. [H] [J] la déchéance du terme des prêts ainsi que la résiliation de la convention de compte, et l’a mis en demeure de lui payer les sommes exigibles pour le 21 décembre 2020 au plus tard.

-o0o-

Par acte d’huissier du 16 mars 2021, la CCM a fait assigner M. [H] [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal afin de le voir condamné à lui payer au principal la somme de 2 633,08 euros au titre du découvert en compte, ainsi que 4 453,06 euros et 20 563,68 euros au titre des contrats de prêt.

M. [H] [J] a conclu à la déchéance du droit aux intérêts et au débouté des demandes relatives à l’indemnité contractuelle. Il a sollicité l’octroi de délais de paiement.

Le juge a soulevé d’office les moyens tirés de la forclusion de l’action, de l’absence de la FIPEN, de la fiche de dialogue, de la notice d’assurance, et de vérification de la solvabilité par la consultation du FICP.

Par jugement en date du 19 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Epinal a :

– déclaré recevable et non forclose l’action formée par la CCM,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts s’agissant du contrat de prêt n°00020130910 et du contrat de prêt n°00020130915,

– débouté la CCM de sa demande concernant le prêt n°00020130910,

– condamné M. [H] [J] à payer à la CCM la somme de 15 660,86 euros au titre du prêt n°00020130915,

– condamné M. [H] [J] à payer à la CCM la somme de 2 321,38 euros au titre du découvert en compte bancaire,

– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

– rejeté toutes autres demandes,

– condamné M. [H] [J] aux entiers dépens,

– constaté que la présente est de droit revêtue de l’exécution provisoire.

Le juge a constaté que si l’action n’était pas forclose et que le prêteur avait vérifié la solvabilité de M. [H] [J] par la consultation du FICP, en revanche, il ne justifiait pas de la remise des notices d’assurance à M. [H] [J]. Il a constaté que le dépassement du découvert en compte s’était prolongé plus de trois mois sans que le prêteur ne propose un autre type d’opération de crédit et l’a déchu des intérêts et frais perçus applicables au titre du dépassement. Il a rejeté la demande de délais de paiement en l’absence de justification de la situation financière actualisée de M. [H] [J].

-o0o-

Le 5 août 2022, la CCM a formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués, hormis ceux ayant déclaré son action recevable et non forclose et ayant condamné M. [H] [J] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises le 2 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CCM, appelante, demande à la cour sur le fondement des articles 1905 et suivants du code civil, 1103 et suivants du code civil, 1353 et 1128 du code civil et des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

* prononcé la déchéance du droit aux intérêts s’agissant du contrat de prêt n°00020130910, du contrat de prêt n° 00020130915,

* débouté la CCM de sa demande concernant le prêt n° 00020130910,

* condamné M. [H] [J] à payer à la CCM la somme de 15 660,86 euros au titre du prêt n° 00020130915,

– de le confirmer pour le surplus,

Dès lors, de statuer à nouveau,

Au titre du prêt n°1027806101 00020130910 :

– de condamner M. [H] [J] à lui payer la somme de 4 453,06 euros outre les intérêts au taux contractuel de 5,889 % sur la somme de 4 453,06 euros à compter du 8 janvier 2021, date du décompte,

Au titre du prêt n° 10277806101 00020130915 :

– de condamner M. [H] [J] à lui payer la somme de 20 563,28 euros outre les intérêts au taux contractuel de 4,50 % sur la somme de 20 563,28 euros à compter du 8 janvier 2021, date du décompte,

Au titre du compte débiteur n° 06101 000201309 07 :

– de condamner M. [H] [J] à lui payer la somme de 2 321,38 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2021, date du décompte,

– de condamner M. [H] [J] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner M. [H] [J] aux entiers dépens de première instance et d’appel, couvrant notamment le coût des mesures conservatoires autorisées.

Au soutien de ses demandes, la CCM fait valoir en substance :

– qu’elle produit à hauteur de cour la notice d’assurance des prêts litigieux et justifie avoir respecté les dispositions de l’article L. 312-29 du code de la consommation, de sorte qu’aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue à ce titre ;

– qu’elle est fondée à solliciter le paiement de l’indemnité contractuelle ; qu’il ne résulte pas des pièces du dossier que la clause prévoyant le paiement de l’indemnité contractuelle aurait des conséquences excessives et devrait être réduite ou même mise à néant ; qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause le montant de cette indemnité dont le principe a été convenu par les parties dans le contrat et dont le montant est plafonné par décret ; que la recommandation de la Commission des clauses abusives n°21-01 du 10 mai 2021 indique qu’une telle clause est licite tant qu’elle ne dépasse pas 8% ;

– qu’elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné M. [H] [J] à la somme de 2 321,38 euros avec intérêts au taux légal au titre du découvert en compte ;

– que M. [H] [J] ne produit pas plus d’éléments sur sa situation devant la cour qu’en première instance afin de justifier sa demande de délais de paiement ; qu’il a déjà bénéficié de larges délais de paiement et n’a procédé à aucun règlement malgré l’exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions transmises le 3 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [H] [J], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles L. 218-2, L. 312-12, L. 312-16 et L. 341-1 du code de la consommation, ainsi que de l’article 1343-5 du code civil :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance de la CCM de son droit aux intérêts pour les prêts personnels n°102780610100020130910 et n°10277806101 00020130915,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la CCM de sa demande relative au prêt n°102780610100020130910,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la CCM de sa demande au titre de l’indemnité conventionnelle pour les prêts personnels n°102780610100020130910 et n°10277806101 00020130915,

– de déclarer recevable et bien fondé son appel incident,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande en délais de paiement,

– d’infirmer le jugement pour le surplus,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens,

Dès lors, statuant à nouveau,

– de lui accorder les plus larges délais de paiement,

– de condamner la CCM à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

– de condamner la CCM à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,

– de condamner la CCM aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ses demandes, M. [H] [J] fait valoir en substance :

– que s’agissant de l’appréciation de sa solvabilité, l’acte de naissance produit par la CCM à titre de justificatif d’identité (selon l’article D. 312-8 du code de la consommation énumérant les pièces justificatives mentionnées à l’article L. 312-17) date du 19 juillet 2021, étant postérieur de six et quatre ans à la date de souscription des prêts ; que les pièces justificatives ne sont donc pas complètes ni à jour au moment de la souscription des prêts, quand bien même la CCM verse à hauteur de cour les notices d’assurance des prêts ; que selon l’article L. 341-3 du code de la consommation, la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée en sa totalité compte tenu de l’importance des sommes empruntées ;

– que la clause pénale qui impose au consommateur le paiement d’une indemnité manifestement disproportionnée en cas d’inexécution de ses obligations est présumée abusive en application de l’article R. 212-2 3° du code de la consommation, en ce qu’elle créé au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que selon la recommandation de la Commission des clause abusives n°21-01 du 10 mai 2021, l’indemnité est manifestement excessive et devra être supprimée en ce que les courriers de la banque de juillet et août 2020 sont peu clairs sur les sommes dues et à quel titre, que le montant précisément réclamé est porté à sa connaissance selon mise en demeure du 12 septembre 2020, soit six mois après le premier incident de paiement, qu’il ne reflète pas les versements effectués jusqu’en mars et avril 2020 et fait également apparaître des intérêts de retard en sus de ladite indemnité contractuelle, s’agissant d’indemniser deux fois le prétendu préjudice non étayé ; qu’il a exécuté ses obligations en quasi-totalité dans la mesure où la dernière échéance des prêts était prévue respectivement en juillet 2020 et septembre 2020.

-o0o-

La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Au préalable, il y a lieu de constater que les parties concluent à la confirmation du jugelment déféré en ce qu’il a condamné M. [H] [J] au paiement du solde débiteur du compte courant.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L’article L. 312-17 du code de la consommation, dans sa version issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 applicable au prêt consenti le 9 juillet 2015, correspondant à l’ancien article L. 311-10 dans sa version antérieure applicable au prêt consenti le 14 septembre 2017, dispose que ‘ lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, une fiche d’informations distincte de la fiche mentionnée à l’article L. 312-12 [L. 311-6] est remise par le prêteur ou par l’intermédiaire de crédit à l’emprunteur. (…) Si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil défini par décret, la fiche est corroborée par des pièces justificatives dont la liste est définie par décret. ‘

L’article D. 312-8 dudit code, ancien article D. 311-10-3, précise que ‘ les pièces justificatives mentionnées à l’article L. 312-17 [L. 311-10] sont les suivantes :

1° Tout justificatif du domicile de l’emprunteur ; et

2° Tout justificatif du revenu de l’emprunteur ; et

3° Tout justificatif de l’identité de l’emprunteur.

Les pièces justificatives doivent être à jour au moment de l’établissement de la fiche d’information mentionnée à l’article L. 312-17 [L. 311-10]. ‘

M. [H] [J] soutient à hauteur de cour que le justificatif d’identité produit par la CCM (copie de l’acte de naissance) a été certifié conforme le 19 juillet 2021, soit postérieurement à la signature des contrats de prêt en 2015 et 2017.

La CCM précise qu’il s’agit d’une erreur et communique la copie de la carte d’identité de M. [H] [J] sollicitée lors de l’octroi des prêts.

En l’espèce, il y a lieu de constater que la CCM produit la copie de la carte d’identité de M. [H] [J] délivrée le 22 octobre 2014 afin de justifier de la vérification de l’identité déclarée lors de la souscription des prêts.

Aussi, il en résulte qu’aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue à ce titre.

En outre, l’article L. 312-29 du code de la consommation, dans sa version issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, correspondant à l’ancien article L. 311-19 dans sa version antérieure, dispose que ‘ lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.’

Or, il y a lieu de constater que la CCM produit à hauteur de cour les notices d’assurance des prêts litigieux, signées et paraphées par M. [H] [J] qui a reconnu en avoir pris connaissance et en avoir conservé un exemplaire, étant ajouté qu’il n’a pas soutenu l’absence de remise desdites notices.

Aussi, aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue à ce titre.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur l’indemnité de 8%

L’article L. 312-39 du code de la consommation dans sa version applicable au contrat signé le 14 septembre 2017, correspondant à l’article L. 311-24, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable au contrat signé le 9 juillet 2015, énonce in fine que le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil [1152 et 1231 du code civil], est fixée suivant un barème déterminé par décret.

En outre, l’article D. 312-16 dudit code, anciennement D. 311-6, prévoit que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39 [L. 311-24], il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

M. [H] [J] soutient que la clause pénale qui impose au consommateur le paiement d’une indemnité manifestement disproportionnée en cas d’inexécution de ses obligations est présumée abusive en application de l’article R. 212-2 3° du code de la consommation et au regard de la recommandation de la Commission des clause abusives n°21-01 du 10 mai 2021.

La CCM précise que la recommandation de la Commission des clauses abusives n°21-01 du 10 mai 2021 indique qu’une telle clause est licite tant qu’elle ne dépasse pas 8%.

En l’espèce, les contrats prévoient qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, ‘le prêteur pourra demander à l’emprunteur une indemnité égale à 8% du capital dû. (…) Les indemnités ci-dessus peuvent être soumises, le cas échéant, au pouvoir d’appréciation du tribunal.’

Or, la recommandation n°21-01 de la Commission des clauses abusives concernant les contrats de crédit à la consommation prévoit que ‘ ces clauses, en ce qu’elles sont contenues en ce montant maximal [de 8%], sont licites. Cependant, l’article D.312-16 précité n’édicte pas un droit légal à pénalité de 8%. Il laisse à la discrétion des parties la stipulation d’une pénalité contractuelle dont seul le taux maximal est fixé. Les parties demeurent libres de déterminer un montant exprimé en pourcentage moindre que ce maximum. Aussi, bien que l’indemnité de 8% soit autorisée par la loi, il ne s’agit pas pour autant d’une clause qui refléterait une disposition législative ou réglementaire et qui serait impérative. (…) La clause fixant l’indemnité de 8 % constitue donc une clause pénale soumise à l’application de la législation sur les clauses abusives. ‘

Cette recommandation ajoute en son point 18, que ‘ les clauses mettant à la charge de l’emprunteur défaillant une pénalité contractuelle sous l’intitulé d’une « indemnité légale» alors qu’il s’agit d’une clause pénale, c’est-à-dire d’une stipulation contractuelle facultative, ont pour objet ou effet de laisser croire au consommateur qu’il ne peut demander en justice la réduction de son indemnité dans l’hypothèse où elle serait manifestement excessive et créent ainsi un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Il est donc démontré qu’elles sont abusives. La Commission des clauses abusives recommande par conséquent que soient éliminées les clauses ayant pour effet ou objet de mettre à la charge de l’emprunteur défaillant une pénalité contractuelle sous l’intitulé d’une « indemnité légale». ‘

Aussi, les contrats de prêt litigieux qui prévoient le paiement d’une indemnité contractuelle qui peut être soumise à l’appréciation du tribunal, s’agissant d’une clause pénale, ne créent pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, de sorte qu’il n’est pas démontré par M. [H] [J] qu’elles sont abusives.

Dans ces conditions, les clauses prévoyant une indemnité contractuelle de 8% ne sauraient être réputées non écrites.

Sur les sommes dues par M. [H] [J]

– au titre du prêt n°1027806101 00020130910 consenti le 9 juillet 2015

En application de l’article L. 311-24 du code de la consommation dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 en vigueur au jour du contrat, et au regard du contrat de prêt, du tableau d’amortissement, de l’historique de compte et du décompte de créance au 8 janvier 2021, ainsi que de la mise en demeure du 12 septembre 2020 valant déchéance du terme au 23 octobre 2020, M. [H] [J] reste redevable de la somme de 4 141,12 euros décomposée comme suit :

– échéances impayées : 3 977,35 euros,

– intérêts de retard sur échéances impayées arrêtés au 23 octobre 2020 : 109,37 euros,

– cotisations d’assurance impayées : 5,96 euros,

– intérêts de retard courant à compter de la déchéance du terme et arrêtés au 8 janvier 2021: 48,44 euros.

La CCM sollicite également au titre de l’indemnité conventionnelle le paiement d’une somme de 311,94 euros, résultant de l’application du taux maximum de 8% sur le capital restant dû.

Toutefois, cette indemnité apparaît manifestement excessive eu égard notamment au taux d’intérêt élevé (5,889%) qui court sur le montant des impayés, et dont le produit réduit fortement le préjudice causé au prêteur par la défaillance de l’emprunteur. En outre, il convient de tenir compte de l’exécution de ses obligations par l’emprunteur, étant précisé que le terme du prêt (5 juillet 2020) devait intervenir cinq mois après le premier impayé non régularisé (5 mars 2020).

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de réduire à 100 euros le montant de l’indemnité conventionnelle.

Dès lors, M. [H] [J] sera condamné à payer à la CCM la somme de 4 241,12 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,889% sur la somme de 4 086,72 euros à compter du 8 janvier 2021, et au taux légal pour le surplus.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

– au titre du prêt n° 10277806101 00020130915 consenti le 14 septembre 2017

En application des dispositions de l’article L. 312-39 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat, et au regard du contrat de prêt, du tableau d’amortissement, de l’historique de compte et du décompte de créance au 8 janvier 2021, ainsi que de la mise en demeure du 12 septembre 2020 valant déchéance du terme au 23 octobre 2020, M. [H] [J] reste redevable de la somme de 19 104,26 euros décomposée comme suit :

– capital restant dû : 14 217,10 euros,

– échéances impayées : 4 591,13 euros,

– intérêts de retard arrêtés au 23 octobre 2020 : 93,49 euros,

– cotisations d’assurance impayées : 29,41 euros,

– intérêts de retard courant à compter du 23 octobre 2020 et arrêtés au 8 janvier 2021: 173,13 euros.

La CCM sollicite également au titre de l’indemnité conventionnelle le paiement d’une somme de 1 459,02 euros, résultant de l’application du taux maximum de 8% sur le capital restant dû.

Toutefois, cette indemnité apparaît manifestement excessive eu égard notamment au taux d’intérêt élevé (4,50%) qui court sur le montant des impayés, et dont le produit réduit fortement le préjudice causé au prêteur par la défaillance de l’emprunteur. En outre, il convient de tenir compte de l’exécution de ses obligations par l’emprunteur, étant précisé que le prêt consenti sur 60 mois (jusqu’en septembre 2022) a été remboursé pendant 30 mois (jusqu’en mars 2020).

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de réduire à 500 euros le montant de l’indemnité conventionnelle.

Dès lors, M. [H] [J] sera condamné à payer à la CCM la somme de 19 604,26 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,50 % sur la somme de 18 901,72 euros à compter du 8 janvier 2021, et au taux légal pour le surplus.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur l’octroi de délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil prévoit que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, il y a lieu de constater à l’instar du premier juge que M. [H] [J] ne produit aucune pièce justifiant de sa situation financière actualisée.

Dans ces conditions, M. [H] [J] ne peut prétendre à l’octroi de délais de paiement.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [H] [J] qui succombe à hauteur de cour supportera la charge des dépens d’appel et sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

DIT n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel Centre Vosges,

CONDAMNE M. [H] [J] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Centre Vosges la somme de 4 241,12 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,889% sur la somme de 4 086,72 euros à compter du 8 janvier 2021, et au taux légal pour le surplus, au titre du prêt n°1027806101 00020130910,

CONDAMNE M. [H] [J] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Centre Vosges la somme de 19 604,26 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,50 % sur la somme de 18 901,72 euros à compter du 8 janvier 2021, et au taux légal pour le surplus, au titre du prêt n° 10277806101 00020130915,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [H] [J] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [H] [J] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en douze pages.

 


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