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29 juin 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/06320
N° RG 19/06320 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MSTT
Décision du Tribunal de Commerce de ST ETIENNE
du 26 juillet 2019
RG : 2018j01020
Société L’ANNEXE D’ANORA
C/
S.A.S. LOCAM
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 29 juin 2023
APPELANTE :
La société L’ANNEXE D’ENORA
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-Baptiste BADO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES – LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 421, postulant et par Me Emilie CASTELLANI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE :
S.A.S. LOCAM agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 11 Septembre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Mars 2023
Date de mise à disposition : 29 juin 2023
Audience présidée par Marianne LA-MESTA, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Marianne LA-MESTA, conseillère
– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 27 février 2017, la SASU L’Annexe d’Enora (ci-après la société L’Annexe d’Enora), qui exploite un salon de beauté à [Localité 4], a souscrit auprès de la SAS Location Automobiles Matériels (ci-après la société Locam ) un contrat de location portant sur une caisse enregistreuse Olivetti Explora 460 fournie par la SARL IME (ci-après la société IME), moyennant le règlement de 63 loyers mensuels de 289 euros HT (346.80 euros TTC).
La société L’Annexe d’Enora a signé le procès-verbal de livraison et de conformité du matériel loué le 8 mars 2017.
La société IME a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 4 septembre 2017, cette procédure ayant ensuite été convertie en liquidation judiciaire par décision de la même juridiction en date du 24 novembre 2017
Par courrier du 13 février 2018, la société L’Annexe d’Enora a informé la société Locam qu’elle résiliait le contrat de location financière en raison de l’impossibilité de se servir de la caisse enregistreuse depuis le mois de décembre 2017 suite à une panne qui ne peut être résolue par la société IME compte tenu de sa fermeture.
Par courrier recommandé du 26 février 2018, la société Locam a mis la société L’Annexe d’Enora en demeure de lui régler l’échéance impayée du mois de janvier 2018 dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme et de l’exigibilité de toutes les sommes dues au titre du contrat.
Par acte d’huissier en date du 20 juin 2018, la société Locam a assigné la société L’Annexe d’Enora devant le tribunal de commerce de Lyon afin d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme principale de 20.218,44 euros au titre des loyers échus impayés, de ceux à échoir et de la clause pénale.
Par jugement contradictoire du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
– invité la société L’Annexe d’Enora à mieux se pourvoir concernant les moyens et demandes fondées sur les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, irrecevables devant le tribunal de commerce de céans,
– constaté l’indivisibilité des contrats souscrits d’une part entre la société L’Annexe d’Enora et la société IME et d’autre part entre la société L’Annexe d’Enora et la société Locam,
– rejeté la demande de constat de la résiliation du contrat de fourniture d’une caisse enregistreuse conclu entre la société L’Annexe d’Enora et la société IME pour manquement à ses obligations contractuelles,
– rejeté la demande de résiliation au 13 février 2018 du contrat de location financière conclu entre la société L’Annexe d’Enora et la société Locam,
– condamné la société L’Annexe d’Enora à verser à la société Locam la somme de 18.380,40 euros correspondant aux loyers échus et impayés et à échoir, outre intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 26 février 2018 et la somme de 100 euros au titre de la clause pénale,
– autorisé la société L’Annexe d’Enora à se libérer de sa dette par le versement de 24 mensualités égales successives à compter de la signification du présent jugement,
– dit qu’en cas de non-paiement d’une échéance la totalité de la dette deviendra immédiatement exigible,
– débouté la société L’Annexe d’Enora du surplus de ses demandes,
– condamné la société L’Annexe d’Enora à verser à la société Locam la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidé à 74,32 euros, sont à la charge de la société L’Annexe d’Enora,
– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement,
– débouté la société Locam du surplus de ses demandes.
La société L’Annexe d’Enora a interjeté appel par acte du 11 septembre 2019.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 27 février 2020, fondées sur les articles 1231-1 et suivants, 1240 et 1343-5 du code civil, la société L’Annexe d’Enora demande à la cour :
à titre principal,
– de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
en conséquence,
– de débouter la société Locam de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnation,
reconventionnellement,
– de condamner la société Locam à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
– d’ordonner la compensation des sommes dues,
à titre infiniment subsidiaire,
– de débouter la société Locam de sa demande au titre de la clause pénale,
– de lui octroyer les plus larges délais pour le règlement des sommes dues,
en tout état de cause,
– de condamner la société Locam à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– de condamner la société Locam aux entiers dépens avec droit de recouvrement.
La société L’Annexe d’Enora fait valoir pour l’essentiel :
– qu’à compter du 22 décembre 2017, la caisse enregistreuse a présenté un dysfonctionnement la rendant totalement inutilisable, ce dont elle a alerté immédiatement la société IME téléphoniquement, puis par courriel le 27 décembre 2017 et enfin par courrier recommandé le 1er janvier 2018,
– que la société IME n’a jamais réagi en raison de son placement en redressement judiciaire le 4 septembre 2017, puis en liquidation le 24 novembre 2017,
– que la mise à disposition d’une caisse enregistreuse défectueuse et inutilisable constitue incontestablement un manquement aux obligations contractuelles découlant du contrat de fourniture, installation et maintenance conclu avec la société IME,
– que du fait de sa cessation d’activité par l’effet de la procédure de liquidation judiciaire, la société IME n’était plus en mesure de remplir son obligation contractuelle de fourniture d’un matériel en bon état de fonctionnement et sa prestation de maintenance, de sorte que le contrat se trouve dépourvu de cause,
– que la société Locam, informée de cette situation, aurait dû proposer un nouveau prestataire de service, ce qu’elle n’a pas fait,
– que compte tenu de l’interdépendance des contrats de fourniture et de location financier, le contrat de location s’est donc également trouvé dépourvu de cause,
– qu’elle était par conséquent bien fondée à en solliciter la résiliation, celle-ci étant intervenue le 13 février 2018, soit antérieurement à la mise en demeure de la société Locam restée infructueuse,
– qu’à titre subsidiaire, la cour ne pourra que constater le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat sur le fondement de l’article L.442-6-I-2° du code de commerce,
– qu’ainsi, la société Locam constitue un partenaire commercial puissant avec un effectif compris entre 200 et 299 salariés et un chiffre d’affaires de 532.478.300 euros sur l’année 2017, tandis qu’elle-même est une entreprise au capital social de 500 euros, sans salariés, immatriculée depuis le 23 novembre 2016 et dont le chiffre d’affaires était de 41.297 euros en 2017,
– que la société Locam impose en outre des conditions tarifaires manifestement excessives dans ses contrats-type sans négocation préalable possible, la caisse enregistreuse lui ayant été facturée plus de 20.000 euros,
– qu’enfin, le contrat régularisé comporte des clauses exonératoires de responsabilité qui empêchent toute action contre la société Locam,
– qu’eu égard à la liquidation judiciaire de la société IME, elle ne peut plus exercer l’action directe qui lui a été conférée par le bailleur contre le fournisseur en contrepartie des clauses exonératoires, lesquelles doivent donc être réputées non écrites,
– que plus généralement ces clauses portent atteinte à l’économie générale du contrat et à l’obligation de loyauté contractuelle,
– que la société Locam a également manqué à son obligation pré-contractuelle d’information et commis une faute en acceptant de financer le matériel fourni par la société IME dont elle ne pouvait ignorer les difficultés financières ayant conduit à l’ouverture d’une procédure collective en septembre 2017, ce qui justifie l’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur des sommes réclamées dans le cadre de la présente instance, soit 20.000 euros,
– qu’à titre infiniment subsidiaire, la clause pénale apparaît manifestement excessive compte tenu de l’absence de préjudice démontré par la société Locam, à laquelle elle a réglé les 11 premiers loyers,
– qu’afin de préserver sa viabilité financière, les plus larges délais de paiement devront lui êre accordés, étant rappelé que le chiffre d’affaires réalisé en 2017 était de 41.297,80 euros avec un résultat net négatif de 7.396, 74 euros.
*
* *
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 mars 2020, fondées sur les articles 1103 et suivants, 1231-2 du code civil, l’article 14 du code de procédure civile, ainsi que sur les articles L. 641-11-1 et L. 442-6 du code de commerce, la société Locam demande à la cour de :
– rejeter l’appel de la société L’Annexe d’Enora comme non fondé,
– la débouter de toutes ses demandes,
– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a réduit à 100 euros la clause pénale de 10%,
– lui allouer à ce titre la somme de 1.838,04 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 février 2018 et accorder des délais de paiement à la société L’Annexe d’Enora,
– condamner la société L’Annexe d’Enora à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société L’Annexe d’Enora en tous les dépens d’instance comme d’appel.
La société Locam expose en substance :
– qu’après paiement des 10 premiers loyers, la société L’Annexe d’Enora a cessé de payer les échéances dues et n’a pas régularisé sa situation suite à la mise en demeure délivrée le 26 février 2018,
– qu’en vertu de l’article 12 des conditions générales du contrat de location, le contrat s’est trouvé résilié de plein droit et l’ensemble des sommes dues au titre du contrat est devenu exigible, à savoir les loyers échus impayés et ceux à échoir, outre la clause pénale de 10%,
– que faute d’avoir appelé en cause le fournisseur, les griefs formulés par la société L’Annexe d’Enora à son encontre de son fournisseur sont irrecevables,
– que la société L’Annexe d’Enora ne produisant pas le moindre titre prononçant la résolution du contrat de prestations dans le cadre d’une autre procédure, le débat relatif à l’interdépendance des contrats est sans objet,
– qu’en application de l’article L.641-11-1 alinéa 1er du code de commerce, il est fait interdiction à la société l’Annexe d’Enora de stopper l’exécution de ses obligations sous prétexte de la liquidation judiciaire de son cocontractant,
– que les prétentions de la société L’Annexe d’Enora fondées sur l’article L.442-6 du code de commerce sont elles-aussi irrecevables, tant le tribunal de commerce de Saint-Etienne que la cour d’appel de Lyon n’ayant pas le pouvoir de statuer,
– qu’au demeurant, faute d’instaurer un partenariat commercial proprement dit, le contrat de location financière échappe au champ d’application de l’article L.442-6 précité,
– qu’il sera encore observé que le montant du capital mobilisé pour acquérir le matériel ôte à lui-seul tout caractère excessif aux indemnités de résiliation, censées indemniser le créancier de la perte éprouvée, mais également de son manque à gagner,
– que la clause de renonciation à recours du locataire correspond à la nature purement financière de son intervention et n’est pas dénuée de contrepartie, dès lors qu’aux termes de l’article 7 des conditions générales, la société L’Annexe d’Enora a reçu mandat d’agir contre la société IME au titre des droits et garanties dont elle bénéficie en tant qu’acquéreur du matériel,
– que la société L’Annexe d’Enora a déjà bénéficié des plus larges délais de paiement, puisque le dernier règlement opéré remonte au 30 janvier 2018
– qu’elle ne justifie par ailleurs pas de la précarité de sa situation financière.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 février 2021, les débats étant fixés au 9 mars 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu’il n’y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n’en étant pas saisie.
Il est également précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est postérieur au 1er octobre 2016.
Sur la demande principale de résiliation du contrat de fourniture de matériel et de caducité du contrat de financement interdépendant
L’article 1224 du code civil énonce que la résolution d’un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
L’article 1186 du même code dispose quant à lui qu’un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.
L’article 1187 du même code prévoit enfin que la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
En application de ces textes, il est admis que des contrats concomitants ou successifs, qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants. Sont réputées non écrites toutes les clauses inconciliables avec cette interdépendance, telles celles relatives à la renonciation à recours, à l’inopposabilité des mentions de la commande ou encore à la privation du mandat d’agir pour le locataire à l’encontre du fournisseur du fait de la résiliation unilatérale du contrat par le loueur en application de la clause résolutoire inscrite au contrat.
L’anéantissement du contrat de prestation de service ou de fourniture est un préalable nécessaire à la constatation, par voie de conséquence, de la caducité du contrat de location. A défaut de résiliation amiable, cet anéantissement doit être judiciairement constaté ou prononcé en présence du prestataire ou du fournisseur en application du principe de la contradiction défini par les articles 14 et 16 du code de procédure civile.
Ainsi, le seul constat de l’inexécution de ses obligations par un prestataire ne peut suffire à entraîner la résiliation du contrat de location interdépendant ; il est nécessaire que soit d’abord constatée ou prononcée la résiliation du contrat de prestation, de sorte que si l’anéantissement d’un contrat interdépendant n’a pas été constatée ou prononcée au préalable judiciairement ou conventionnellement, il n’est pas possible de constater la caducité de l’autre contrat.
En l’espèce, il n’est pas discuté par la société Locam que la prestation de fourniture de la caisse enregistreuse Olivetti Explora 460 par la société IME et le contrat de location financière qui y est adossé s’inscrivent dans une même opération économique et que les contrats sont donc interdépendants.
Il sera toutefois observé que la société L’Annexe d’Enora n’a pas attrait en la présente instance le fournisseur du matériel, à savoir la société IME, aux fins d’obtenir la résiliation ou la résolution du contrat de fourniture les liant en raison des manquements de cette dernière à ses obligations contractuelles.
La société L’Annexe d’Enora ne prétend pas non plus avoir obtenu cet anéantissement de la convention dans le cadre d’une autre procédure, puisqu’elle se borne à alléguer que par l’effet de son placement en liquidation judiciaire, la société IME n’était plus en mesure d’exécuter les prestations convenues et notamment, celle de maintenance.
Or, comme le souligne à juste titre la société Locam, le contrat de fourniture du matériel n’est pas résolu du seul fait de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Il sera à cet égard rappelé que l’article L.641-11-1 I du code de commerce dispose que nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture. Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.
Ce même article L.641-11-1 prévoit certes en son III 1°que le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d’un mois sans réponse. Avant l’expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir au liquidateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer.
Il ne peut cependant qu’être constaté que la société L’Annexe d’Enora ne justifie pas de l’accomplissement de cette diligence auprès du liquidateur de la société IME.
Dans ces conditions, faute d’avoir appelé en la cause la société IME représentée par son liquidateur, la société l’Annexe d’Enora n’a pas la possibilité de solliciter l’anéantissement du contrat de fourniture du matériel, aucun des moyens soulevés à l’appui de cette demande n’étant susceptible d’être examiné hors la présence de la société IME, sauf à méconnaître les dispositions de l’article 14 du code civil. En l’absence de résiliation judiciaire de ce contrat de fourniture, la société L’Annexe d’Enora n’est évidemment pas fondée à se prévaloir de la caducité subséquente, improprement qualifiée de résiliation, du contrat de location financière.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société L’Annexe d’Enora tendant à ce que soit constatée la résiliation du contrat de fourniture de la caisse enregistreuse conclu avec la société IME pour manquement à ses obligations contractuelles et débouté corrélativement celle-ci de sa demande en résiliation du contrat de location financière conclu avec la société Locam.
Il convient en tout état de cause de relever qu’aucun des griefs invoqués par la société L’Annexe d’Enora en vue d’établir les défaillances de la société IME dans l’exécution de ses prestations, et partant obtenir la résiliation judiciaire du contrat, n’aurait pu être favorablement accueilli.
En effet, la société L’Annexe d’Enora, qui signé le procès-verbal de livraison et de conformité du matériel fourni par la société IME et ne conteste au demeurant pas en avoir avoir disposé, ne rapporte pas la preuve de ses affirmations selon lesquelles la société IME était en outre contractuellement tenue d’assurer la maintenance de la caisse enregistreuse. Elle ne communique ainsi aucune convention stipulant que de telles obligations étaient à la charge de la société IME, ni même d’échanges avec cette dernière qui révèleraient que celle-ci serait intervenue dans ses locaux pour effectuer ce type de prestations entre la date de délivrance du matériel et celle de sa cessation d’activité. Le seul autre contrat régularisé entre elle-même et la société IME que la société L’Annexe d’Enora verse aux débats (pièce n°11 de l’appelante) ne concerne pas la maintenance du matériel, mais porte sur les modalités de son rachat et de son renouvellement éventuel par la société IME.
Il est par ailleurs à noter que le courrier du 1er janvier 2018 par lequel la société L’Annexe d’Enora fait part à la société IME d’un dysfonctionnement de la caisse enregistreuse depuis le 22 décembre 2017 (pièce n°7 de l’appelante) ne saurait à lui-seul suffire à établir la réalité de la difficulté évoquée, en l’absence de production d’autres éléments objectifs n’émanant pas d’elle-même de nature à étayer ses dires sur ce point, tels une réponse de la société IME, un constat d’huissier ou l’avis d’un technicien.
Il s’ensuit que la société L’Annexe d’Enora échoue à démontrer l’existence d’une défaillance la part de la société IME dans l’exécution du contrat de fourniture qui les liait, cette dernière ayant satisfait à la seule obligation contractuelle qui lui incombait au titre de cette convention, à savoir la délivrance du matériel.
Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l’article L.442-6 du code de commerce
Aux termes de l’article L.442-6 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu et de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
L’article D 442-3 du code de commerce, dans sa version applicable en la cause, dispose par ailleurs que pour l’application de l’article L.442-6 précité, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d’outre-mer sont fixés conformément au tableau de l’annexe 4-2-1 du présent livre et que la seule cour d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.
Or, il ressort de cette annexe 4-2-1 que le tribunal de commerce de Saint-Étienne ne fait pas partie des juridictions de première instance spécifiquement désignées pour statuer en la matière, de sorte qu’il n’avait pas le pouvoir d’examiner les moyens soulevés par la société L’Annexe d’Enora sur le fondement de l’article L.442-6 précité.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré, en ce qu’il a invité la société L’Annexe d’Enora à mieux se pourvoir devant la juridiction appropriée pour qu’il soit statué sur sa demande d’indemnisation fondée sur les dispositions de l’article L.442-6 du code de commerce,
Sur la créance la société Locam
Les articles 1103 et 1104 du code civil énoncent que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu’ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Par ailleurs, aux termes de l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
En l’espèce, l’article 12 des conditions générales du contrat de location financière stipule que la convention peut être résiliée de plein droit par le loueur, sans aucune formalité judiciaire, 8 jours après une mise en demeure restée sans effet, notamment en cas de non paiement d’un loyer ou d’une prime d’assurance à son échéance.
La clause prévoit que dans cette hypothèse, outre la restitution du matériel au lieu fixé par le loueur et à ses frais, le locataire devra verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d’une clause pénale de 10%, ainsi qu’une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat majorée d’une clause pénale de 10%, sans préjudice de tous dommages et intérêts qu’il pourrait devoir.
Outre les majorations de 10% déjà contractuellement désignées comme telles, l’indemnité contractuelle de résiliation, égale aux montant des loyers à échoir jusqu’au terme du contrat, doit elle-aussi être qualifiée de clause pénale susceptible de modération en cas d’excès manifeste au sens de l’article 1231-5 précité. En effet, cette indemnité ne vise pas seulement à compenser les risques financiers pour le bailleur. Elle a également pour objectif, d’une part de contraindre le débiteur à exécuter ses obligations, d’autre part d’évaluer forfaitairement et par avance le préjudice subi par le bailleur à raison de la résiliation anticipée du contrat par effet de la clause résolutoire.
Dans le cas présent, la société Locam a, par courrier recommandé du 26 février 2018 visant la clause résolutoire, mis la société L’Annexe d’Enora, en demeure de lui régler un loyer échu impayé au 30 janvier 2018, et indiqué à cette dernière qu’à défaut de paiement dans le délai de huit jours, la déchéance du terme serait prononcée et le solde de la dette deviendrait immédiatement exigible, à savoir :
– les 2 loyers impayés de janvier et février 2018, soit 693,60 euros (346,80 x2), majorés d’une clause pénale de 10% (34,68 euros),
– les 51 loyers à échoir jusqu’au 30 mai 2022 d’un montant total de 17.686,80 euros (51×346,80 euros), également majorés d’une clause pénale de 10% (1.768,68 euros).
Si le préjudice financier de la société Locam est indéniable, eu égard à la facture acquittée auprès de la société IME (17.488,66 euros), à la rupture anticipée du contrat de 63 mois et à l’arrêt des paiements par la société L’Annexe d’Enora au bout de 10 mois, la somme globale revendiquée au titre de la clause pénale, à savoir le cumul de l’indemnité de résiliation et des pénalités de 10% représentant la somme totale de 17.686,80 + 1.768,68 + 34,68 = 19.490, 16 euros, doit quand même être jugée manifestement excessive.
Il y a ainsi lieu de tenir compte des 10 loyers déjà perçus par la société Locam pour la somme de 3.468 euros (346,80 x10) et des deux loyers impayés avant la prise d’effet de la résiliation (693, 60 euros) dus par la société L’Annexe d’Enora, mais également du choix fait par la société Locam de ne pas réclamer la restitution du bien financé.
En conséquence, par infirmation du jugement querellé, la clause pénale constituée des majorations de 10 % et de l’indemnité de résiliation, est justement arrêtée à la somme de 10.000 euros , de sorte que la créance globale de la société Locam est chiffrée à 10.693, 60 euros (10.000 + 693,60), étant précisé que conformément aux dispositions de l’article 1344-1 du code civil, cette condamnation produira intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 20 juin 2018 et non pas à compter du 26 février 2018, date mise en demeure, dont la date de réception est ignorée (pas d’accusé de réception au dossier de l’intimée).
Sur les délais de paiement
Selon l’article 1343-5 du code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
En l’espèce, la société L’Annexe d’Enora ne communique aucune pièce de nature à étayer ses affirmations selon lesquelles elle est actuellement confrontée à des difficultés financière de sorte qu’il ne sera pas fait droit à sa demande de délais de paiement, le jugement étant infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Partie succombante, la société L’Annexe d’Enora doit supporter les dépens d’appel comme ceux de première instance, ce qui conduit à la confirmation du jugement déféré sur le sort des dépens.
Il l’est également s’agissant de la condamnation de la société L’Annexe d’Enora à verser à la société Locam une somme de 250 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance. L’équité commande en revanche de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Lyonnaise de Banque en cause d’appel. Compte tenu de la solution donnée au litige, la demande formée sur ce fondement par la société L’Annexe d’Enora sera évidemment rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la créance de la SAS Locam et aux délais de paiement,
Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés et ajoutant,
Condamne la SASU L’Annexe d’Enora à verser à la SAS Locam la somme de 10.693, 60 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2018,
Déboute la SASU L’Annexe d’Enora de sa demande de délais de paiement,
Condamne la SASU L’Annexe d’Enora aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties en cause d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE