Déséquilibre significatif : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01456
Déséquilibre significatif : 25 juillet 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/01456
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25 juillet 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/01456

25/07/2023

ARRÊT N°301

N° RG 21/01456

N° Portalis DBVI-V-B7F-OCHN

PB/ND

Décision déférée du 13 Janvier 2021 – Tribunal de Commerce de MONTAUBAN ( 2019/145)

M. PICCIN

[P] [G]

C/

S.A. BANQUE COURTOIS

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [P] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Cécile CHAPEAU, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A. BANQUE COURTOIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Barry ZOUANIA de la SCP CAMBRIEL DE MALAFOSSE STREMOOUHOFF GERBAUD COUTURE ZOUANIA, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

P. BALISTA, conseiller

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 4 octobre 2016, la Banque Courtois a consenti à la société Keys Bkery Ac, représentée par Madame [P] [G], un prêt professionnel d’un montant de 240 000 € comportant une franchise de 6 mois, remboursable en 78 mensualités d’un montant de 3 447,97 € chacune, au taux annuel de 1,7%.

Madame [P] [G] s’est portée caution solidaire de ce prêt dans la limite de 93 600 € et de 30% de l’encours du prêt, en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires.

 

Par jugement en date du 28 novembre 2017, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé l’ouverture d’une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société Keys Bkery Ac.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 21 décembre 2017, la Banque Courtois a déclaré sa créance entre les mains de Maître [K], en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 29 mars 2018, la liquidation judiciaire de la société Keys Bkery Ac a été prononcée.

Par acte du 10 octobre 2019, la Banque Courtois a fait assigner Madame [P] [G] devant le tribunal de commerce de Montauban en paiement de la somme de 68 275,34 € augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter du 28 août 2019 au titre de son engagement de caution, outre la somme de 1 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Madame [P] [G] a sollicité, in limine litis, un sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal de commerce de Paris dans une procédure concernant la société Keys Bkery C.

Par jugement du 13 janvier 2021, le tribunal de commerce de Montauban a :

-rejeté la demande de sursis à statuer demandée par Madame [P] [G] ;

-condamné Madame [P] [G], en qualité de caution de la Sas Keys Bkery Ac, à payer à la Banque Courtois la somme de 68 275,34 € augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter du 18 août 2019 et ce jusqu’au parfait paiement ;

-débouté Madame [G] de l’intégralité de ses demandes ;

-dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-ordonné l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

-condamné Madame [P] [G] aux entiers frais et dépens de l’instance.

Par déclaration en date du 29 mars 2021, Madame [P] [G] a relevé appel du jugement.

Par arrêt en date du 7 décembre 2022, la cour a :

-confirmé le jugement du tribunal de commerce du 13 janvier 2021 en ce qu’il a débouté Mme [P] [G] de sa demande formée en application de l’article 650-1 du Code de commerce et a débouté Mme [P] [G] de sa demande au titre d’un manquement au devoir de mise en garde ;

-avant dire droit sur la demande en déchéance du droit aux intérêts et sur les autres demandes,

-ordonné le renvoi à l’audience du 17 mai 2023 à 14h pour que les parties concluent sur le caractère abusif de la clause selon laquelle «la production du listage informatique récapitulant les destinataires de l’information, édité simultanément avec les lettres d’information, constitue la preuve de l’envoi de la lettre adressée par courrier simple» ;

-enjoint à la banque de produire un décompte de créance expurgé des intérêts, avec imputation des versements de la société en liquidation sur le principal de sa dette ;

-réservé les dépens.

Vu les conclusions notifiées le 11 mai 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé de l’argumentation, de Madame [P] [G] demandant à la cour de :

-réformer la décision de première instance en ce qu’elle a condamné Mme [G] à payer à la Banque Courtois la somme de 68 275,34 € augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter du 18 août 2019 jusqu’à parfait paiement,

-réformer la décision de première instance en ce qu’elle a débouté Mme [G] de l’intégralité de ses demandes, et, statuant à nouveau,

-prononcer la déchéance des intérêts à l’égard de la Banque,

-condamner la Banque Courtois à payer à Madame [G] la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Cécile Chapeau, avocat, sur son affirmation de droit ;

Vu les conclusions notifiées le 21 avril 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Banque Courtois demandant à la cour de :

-à titre principal,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 13 janvier 2021 rendu par le Tribunal de commerce de Montauban ;

-condamner Madame [P] [G] à payer à la Banque Courtois la somme de 68 275,34 € augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter du 28/08/2019 et ce jusqu’au parfait paiement ;

-à titre subsidiaire,

-condamner Madame [P] [G] à payer à la Banque Courtois la somme de 61 680,86 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28/08/2019 jusqu’à parfait paiement ;

-en tout état de cause,

-condamner Madame [P] [G] à payer à la Banque Courtois la somme de 2 500 € par application de l’article 700, 1° du Code de procédure civile ;

-condamner Madame [P] [G] aux entiers dépens d’appel ;

-débouter Madame [P] [G] de l’intégralité de ses demandes, fins de non-recevoir, contestations et conclusions contraires.

MOTIFS DE LA DECISION

Suite à l’arrêt rendu le 7 décembre 2022, il doit être statué sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels et sur le caractère abusif de la clause insérée au cautionnement selon laquelle «la production du listage informatique récapitulant les destinataires de l’information, édité simultanément avec les lettres d’information, constitue la preuve de l’envoi de la lettre adressée par courrier simple».

Au visa de l’article L 313-22 du Code monétaire et financier, les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement.

Le défaut d’accomplissement de la formalité prévue à l’alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l’établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l’établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Le tribunal a omis de statuer sur la demande en déchéance du droit aux intérêts.

En l’espèce la banque produit, pour seul justificatif, la copie d’une lettre d’information annuelle datée du 6 mars 2017 sans justifier par aucune pièce de son envoi et sans produire des copies de lettres pour les autres années.

Elle fait valoir qu’en vertu des stipulations contractuelles, les parties ont convenu «que la production du listage informatique récapitulant les destinataires de l’information, édité simultanément avec les lettres d’information, constitue la preuve de l’envoi de la lettre adressée par courrier simple» (p.3 du cautionnement).

Aux termes de l’article L 212-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable à la date du cautionnement, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il incombe à la cour d’appel de rechercher d’office le caractère abusif de la clause invoquée par la Banque Courtois, en ce qu’elle lui permet de rapporter irréfragablement la preuve de l’exécution de son obligation d’information annuelle à l’égard de la caution par des documents qu’elle a élaborés unilatéralement (Com., 19 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.719).

En l’espèce, la clause précitée, dont la banque sollicite le bénéfice, est abusive dès lors qu’elle érige en preuve irréfragable de l’exécution de son obligation d’information annuelle à l’égard de la caution, la production d’un listing informatique établie unilatéralement, sans réserver la possibilité à la caution de rapporter la preuve contraire.

Elle sera en conséquence réputée non écrite, au visa de l’article L 241-1 du Code de la consommation.

En l’absence d’autres éléments, la banque ne rapporte pas la preuve de l’exécution de son obligation d’information pour la durée du cautionnement et la déchéance du droit aux intérêts contractuels sera prononcée.

La Banque Courtois produit un décompte expurgé des intérêts qui n’est pas contesté par Mme [G], la créance à l’égard de la caution s’établissant à la somme de 61 680,86 €, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28/08/2019, la banque ayant droit aux intérêts au taux légal depuis la mise en demeure, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

La cour n’est tenue d’examiner que les prétentions qui sont énoncées au dispositif des conclusions de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de délais de paiement qui n’est mentionnée que dans les motifs des conclusions du 11 mai 2023 et n’est pas reprise dans le dispositif.

L’équité ne commande pas application de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.

Partie partiellement perdante en appel, la banque supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Montauban du 13 janvier 2021 sauf en ce qu’il a : condamné Madame [P] [G], en qualité de caution de la Sas Keys Bkery Ac à payer à la Banque Courtois la somme de 68275,34 € augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter du 18 août 2019 et ce jusqu’au parfait paiement ; débouté Madame [G] de sa demande en déchéance du droit aux intérêts.

Statuant de ces chefs,

Dit non écrite la clause selon laquelle « la production du listage informatique récapitulant les destinataires de l’information, édité simultanément avec les lettres d’information, constitue la preuve de l’envoi de la lettre adressée par courrier simple ».

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels.

Condamne Madame [P] [G], en qualité de caution, à payer à la Sa Banque Courtois la somme de 61680,86 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 août 2019.

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d’appel.

Condamne la Sa Banque Courtois aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Cécile Chapeau, avocat, sur son affirmation de droit.

Le Greffier La Présidente

.

 


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