Déséquilibre significatif : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05221
Déséquilibre significatif : 27 juillet 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/05221
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27 juillet 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
20/05221

N° RG 20/05221

N° Portalis DBVX – V – B7E – NFAY

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond du 07 septembre 2020

4ème chambre

RG : 19/00952

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 27 Juillet 2023

APPELANTE :

S.C.I. LA VIEILLE CASTILLE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 475

et pour avocat plaidant Maître Jean-pierre MAISONNAS, avocat au barreau de LYON, toque : 415

INTIMEE :

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE DE RHONE ALPES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SCP GRAFMEYER BAUDRIER ALLEAUME JOUSSEMET, avocat au barreau de LYON, toque : 673

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 07 Décembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Mars 2023

Date de mise à disposition : 1er juin 2023 prorogée au 29 juin 2023, au 6 juillet 2023, puis au 27 juillet 2023, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Anne WYON, président

– Julien SEITZ, conseiller

– Raphaële FAIVRE, vice président placée

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Julien SEITZ, conseiller, pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

La société civile immobilière La vieille Castille est propriétaire d’un ensemble immobilier sis à [Localité 4] (Loire) qu’elle a souhaité aménager en plusieurs logements distincts, voués pour la plupart à la location.

Par acte sous seing privé du 11 juin 2012, la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes (la banque) lui a accordé :

– un prêt amortissable n°9042957 d’un montant de 440.078,69 euros, remboursable en 36 mensualités de 170,02 euros, suivies de 300 échéances mensuelles de 2.451,81 euros, à un taux annuel révisable initialement fixé à 3,83 % l’an, correspondant à un taux effectif global de 4,39%,

– un prêt in fine n°9042958 d’un montant de 100.000 euros, remboursable après une période de préfinancement maximale de 36 mois, en 179 échéances de 425 euros, suivies d’une échéance finale de 100.425 euros, au taux annuel fixe de 4,70 % l’an, correspondant à un taux effectif global de 5,24%.

Ces prêts ont été réitérés en la forme authentique le 10 janvier 2013.

Par assignation signifiée le 04 mars 2015, la société La Vieille Castille a fait citer la société Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes devant le tribunal de grande instance de Lyon, en se prévalant de l’inexactitude des taux effectifs globaux des prêts.

Par courriers recommandés des 12 octobre 2016 et 19 janvier 2017, la banque a mis la société La vieille Castille en demeure de lui régler les échéances impayées de ses prêts.

Par assignation en date du 13 décembre 2016, la société La vieille Castille a fait citer la société Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes devant le tribunal de grande instance de Lyon, afin que soit déclarée nulle la mise en demeure du 12 octobre 2016.

Les deux instances ont été jointes.

Par courrier recommandé du 16 février 2017, la banque a prononcé la déchéance du terme des emprunts.

Par jugement en date du 07 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a débouté la société La vieille Castille de ses demandes et l’a condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer la somme de 2.000 euros à la Caisse d’épargne et de prévoyance Rhône-Alpes, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée le 29 septembre 2020, la société La vieille Castille a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 02 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté une demande de production de pièces formée par la société La vieille Castille.

***

Aux termes de ses conclusions déposées le 28 décembre 2020, la société La vieille Castille demande à la cour de :

– déclarer nul et de nul effet le jugement entrepris en ce qu’il a soulevé un moyen de droit d’office sans débat contradictoire,

évoquant pour le surplus ou, subsidiairement, réformant la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

– dire et juger, que le code de la consommation s’applique en l’espèce aux prêts concernés, ou qu’en tous les cas, la société La vieille Castille est réputée non professionnelle, avec toutes conséquences de droit,

– dire et juger que la société Caisse d’épargne est déchue de tout droit aux intérêts conventionnels et que l’intérêt légal leur est substitué à compter de la conclusion du contrat,

– à défaut déclarer nul et de nul effet les contrats de prêt, avec toutes conséquences de droit,

– dire et juger que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts n’est pas disproportionnée,

– dire et juger que les taux effectifs globaux ne remplissent pas les conditions légales,

– dire et juger que la société Caisse d’épargne est déchue de tout droit aux intérêts conventionnels et que l’intérêt légal leur est substitué à compter de la conclusion du contrat,

– dire et juger que la clause de déchéance du terme procède d’un déséquilibre significatif,

– réputer en conséquence l’article 15 des conditions générales des prêts non écrit,

– déclarer nulles et de nul effet les déchéances du terme prononcées par la Caisse d’épargne, avec toutes conséquences de droit,

– dire et juger que la société civile immobilière La vieille Castille n’est pas un professionnel averti,

– dire et juger que la société Caisse d’épargne a failli à ses obligations de mise en garde et à ses devoirs de conseil et d’information, et causé ainsi un préjudice à la société La vieille Castille,

– condamner en conséquence la société Caisse d’épargne à lui payer la somme de 650.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– ordonner la compensation entre les créances respectives,

– condamner la société Caisse d’épargne à lui régler la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens en exécution de l’article 699 du même code.

La société La vieille Castille reproche au tribunal d’avoir retenu que la méconnaissance des dispositions de l’article L. 312-10 du code de la consommation se trouvait sanctionnée par la nullité des contrats de prêts plutôt que par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen de pur droit que les parties n’avaient pas placé dans le débat. Elle conclut partant à l’annulation du jugement entrepris.

Demandant à la cour d’évoquer, elle conteste avoir agi à titre professionnel et considère que le délai de réflexion de l’article L. 312-10 ancien du code de la consommation aurait dû s’appliquer aux prêts litigieux. Elle estime en conséquence qu’il convient de déchoir la banque de son droit aux intérêts conventionnels, ou d’annuler le contrat de prêt.

La société La vieille Castille conclut en second lieu au caractère erroné des taux effectifs globaux portés au contrat, ainsi qu’à la déchéance corrélative de la banque de son droit aux intérêts conventionnels.

Elle soutient en troisième lieu que la banque ne peut se prévaloir de la déchéance du terme, les contrats encourant l’annulation. Elle ajoute que la clause de déchéance du terme figurant au contrat sous seing privé doit être réputée non écrite, comme créant un déséquilibre significatif à son détriment.

Elle fait valoir en quatrième lieu qu’elle ne saurait être considérée comme un emprunteur averti et explique que la banque a manqué à ses devoirs de mise en garde et de conseil.

***

Par conclusions récapitulatives déposées le 08 février 2021, la société Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 7 septembre 2020,

y ajoutant :

– condamner la société La vieille Castille à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de la société Grafmeyer Baudrier Alléaume Joussement, avocat, sur son affirmation de droit,

à titre subsidiaire :

– débouter comme infondée la société La vieille Castille de ses prétentions formées à titre principal en déchéance du droit aux intérêts et subsidiairement en nullité des prêts pour défaut de respect du délai de réflexion,

– débouter comme infondée la société La vieille Castille de ses prétentions formées en déchéance du droit aux intérêts au motif que le taux effectif global de ses prêts serait erroné à un niveau supérieur à la décimale en sa défaveur,

– débouter comme infondée la société La vieille Castille de ses prétentions formées en nullité et inopposabilité de la clause de déchéance du terme au motif de son caractère abusif,

– débouter comme infondée la société La vieille Castille de ses prétentions au titre d’un manquement de la banque à une obligation de mise en garde,

– débouter, en conséquence, la société La vieille Castille de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de la Caisse d’Epargne et de prévoyance de Rhône-Alpes,

– condamner la société La vieille Castille à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de la société Grafmeyer Baudrier Alléaume Joussemet, avocat, sur son affirmation de droit.

La banque fait valoir que les dispositions de l’article L. 312-10 ne sont pas applicables aux prêts conclus par une société civile immobilière pour la réalisation de son objet social.

Elle conteste les irrégularité alléguées des taux effectifs globaux des prêts et que ces taux soient soient erronés d’au moins une décimale, ainsi partant que la demande corrélative de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Elle soutient que l’appelante ne peut se prévaloir de l’article L. 132-1 du code de la consommation à l’appui de sa demande visant à ce que les clauses de déchéances du terme assortissant les prêts soient réputées non écrites. Elle conteste par ailleurs que ces clauses aient pour effet de créer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Elle explique pour finir ne pas être débitrice d’une obligation de conseil à l’égard de la société civile immobilière La vieille Castille et que les circonstances de l’espèce ne justifiaient pas que l’appelante soit mise en garde sur un quelconque risque d’endettement excessif.

***

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 07 décembre 2021 et l’affaire a été appelée à l’audience du 23 mars 2023, à laquelle elle a été mise en délibéré au premier juin 2023. Le délibéré a été prorogé au 27 juillet 2023.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation du jugement :

Vu l’article 16 du code de procédure civile ;

En retenant que la méconnaissance des dispositions de l’article L. 312-10 du code de la consommation se trouvait sanctionnée par l’annulation des contrats de prêts et ne pouvait fonder la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels élevée par la société La vieille Castille, le tribunal s’est contenté de vérifier les conditions d’application et les effets légaux du texte invoqué, sans relever de moyen d’office.

Il ne lui incombait donc pas de recueillir au préalable les observations des parties et l’annulation du jugement entrepris n’est pas encourue.

Sur le moyen tiré de l’absence de délai de réflexion laissé au prêteur :

Vu les articles L. 312-3 et L. 312-10 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016 ;

Conformément à l’article L. 312-10 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l’espèce, l’envoi de l’offre de crédit immobilier oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi.

En vertu de l’article L. 312-3 2° ancien du même code, sont exclus du champ d’application du chapitre II du Titre 1er du Livre III du code de la consommation, en ce inclus l’article L. 312-10 invoqué par la société La vieille Castille, les prêts destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiquesou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.

M. [Z] a constitué la société civile immobilière La vieille Castille en vue de la rénovation puis de l’exploitation de l’ensemble immobilier de [Localité 4], découpé en plusieurs logements destinés, pour l’essentiel, à la location.

Les statuts de cette société lui confèrent en conséquence pour objet ‘la gestion et, plus généralement, l’exploitation par bail, location ou autrement, de tousbiens immobiliers ou droits immobiliers à quelque endroit qu’ils se trouvent situés’.

Les prêts litigieux ont été souscrits afin de financer les travaux permettant l’exploitation locative de l’ensemble immobilier, ce dont il suit qu’ils ont été contractés pour la réalisation de l’objet social de l’appelante, consistant à procurer des fractions d’immeuble.

Ils revêtent en conséquence un caractère professionnel au sens de l’article L. 312-3 ancien du code de la consommation.

Pour conclure néanmoins à l’application des dispositions de l’article L. 312-10 du même code, la société La vieille Castille soutient que la banque aurait commis une fraude à la loi, en suggérant la constitution d’une société civile immobilière dans l’intention de faire échec aux dispositions du code monétaire et financier et du code de la consommation afférentes aux prêts immobiliers consentis aux particuliers souhaitant bâtir un patrimoine immobilier.

Elle procède ce faisant par simple affirmation, sans établir l’existence d’un montage suggéré par la banque, non plus que l’intention de celle-ci de contourner les dispositions légales applicables aux prêts immobiliers consentis aux particuliers.

La société La vieille Castille ajoute que la banque aurait entretenu une ambiguïté contractuelle en laissant croire que les emprunts litigieux étaient analogues à ceux contractés par de simples particuliers personnes physiques.

A supposer l’allégation exacte, le comportement prêté à la banque ne permet point d’écarter les dispositions de l’article L 312-3 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à l’espèce, excluant du champ d’application du chapitre II du Titre 1er du Livre III du code de la consommation, les prêts conclus conclus, comme en l’espèce, par une société pour le financement d’une activité de nature professionnelle consistant à mettre des immeubles à disposition et participant directement de son objet social.

L’appelante se prévaut en dernier lieu de sa qualité d’emprunteur non averti et de la situation personnelle de ses associés, pour conclure à l’absence de caractère professionnel des prêts consentis, ainsi qu’à l’application des dispositions de l’article L 312-10 du code de la consommation aux emprunts litigieux.

Or, le fait que les dirigeants d’une société civile immobilière n’aient aucune connaissance particulière du fonctionnement des prêts immobiliers et que cette société puisse être regardée comme un emprunteur non averti n’a d’incidence qu’au regard du devoir de mise en garde de la banque, mais ne permet pas d’écarter les dispositions de l’article L. 312-10 du code de la consommation, excluant du champ d’application des dispositions relatives aux prêts immobiliers les emprunts conclus, comme en l’espèce, par une société pour le financement d’une activité de nature professionnelle consistant à mettre des immeubles à disposition et participant directement de son objet social.

Les moyens élevés par l’appelante pour conclure à l’application des dispositions de l’article L. 312-10 du code de la consommation ainsi écartés, la cour adopte les motifs par lesquels le tribunal judiciaire de Lyon a exactement retenu que les prêts litigieux avaient été notamment contractés pour le financement d’immeubles destinés à la location, conformément à l’objet social de l’appelante, et qu’ils se trouvaient exclus partant du champ d’application du chapitre II du Titre 1er du Livre III du code de la consommation.

Il en résulte que la société La vieille Castille n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L. 312-10 du code de la consommation à l’appui de ses demandes principale de déchéance du droit aux intérêts et subsidiaire de nullité du contrat de prêt.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Y ajoutant, la cour rejette la demande d’annulation du contrat de prêt présentée sur le même fondement.

Sur le moyen tiré de l’irrégularité des taux effectifs globaux stipulés au contrat de prêt:

Vu l’article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 14 mars 2016 ;

Vu l’article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-135 du premier février 2011 ;

L’article L. 313-1 du code de la consommation, applicable aux crédits professionnels prévus à l’article L. 312-3 du même code, dispose que pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

C’est par de justes motifs, que la cour adopte et qui rendent inutile le plus ample examen des irrégularités des taux effectifs globaux des prêts alléguées par l’appelante, que le premier juge a retenu, au visa de l’article L. 313-1 du code de la consommation et du point d) de l’annexe à l’article R 313-1 du même code, qu’il appartenait à l’emprunteur invoquant la déchéance du droit aux intérêts au regard de l’erreur de calcul affectant les taux effectifs globaux exprimés dans les offres de prêts, d’établir que cette erreur de calcul affectait ces taux sur au moins une décimale au détriment de l’emprunteur, puis constaté que la société La vieille Castille ne rapportait pas la preuve recherchée, dès lors qu’elle s’abstenait d’indiquer les taux effectifs globaux rectifiés susceptibles de résulter des irrégularités dont elle se prévalait.

L’appelante persévère dans cette carence à hauteur de cour et ne peut valablement se prévaloir de l’irrégularité alléguée des taux effectifs à l’appui de sa demande visant à ce que la banque soit déchue de son droit aux intérêts conventionnels.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur le moyen tiré de l’irrégularité de la clause de déchéance du terme :

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du premier juillet 2010 ;

Vu l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 2010;

Vu les articles 1110 et 1171 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Vu la directive 93/13/CEE du conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

La banque a prononcé la déchéance du terme des emprunts litigieux en application de l’article XI des conditions générales des contrats, aux termes duquel ‘l’emprunteur sera déchu du terme et la somme prêtée en principal et intérêts ainsi que toutes sommes dues au prêteur à quelque titre que ce soit deviendront immédiatement exigibles sans sommation, mise en demeure ou formalité judiciaire préalable, si bon semble au prêteur, quinze jours après envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, dans les cas suivants :

– défaut de paiement exact à bonne date d’une seule échéance ou d’une somme quelconque due par l’emprunteur…

Le prêteur pourra à tout momment se prévaloir des motifs précités de résiliation ‘.

La société La vieille Castille soutient en premier lieu que cette clause ne saurait jouer, compte tenu de l’annulation du contrat de prêt.

Or, la cour a précédemment jugé qu’il n’y avait pas lieu d’annuler le contrat litigieux, ce dont il suit que le moyen est inopérant.

La société La vieille Castille soutient en second lieu que la clause de déchéance du terme doit être réputée non écrite, comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, s’opérant à son détriment.

Elle se prévaut à cet égard des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat de prêt, aux termes duquel, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Pour l’application de ces dispositions, une société civile immobilière doit être regardée comme non-professionnelle lorsqu’elle conclut un contrat n’ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle, laquelle s’apprécie au regard de son objet social et non point de la profession de son représentant légal.

Il a été précédemment retenu que les prêts litigieux ont été contractés par une société civile immobilière dont l’objet social était ‘la gestion et, plus généralement, l’exploitation par bail, location ou autrement, de tousbiens immobiliers ou droits immobiliers à quelque endroit qu’ils se trouvent situés’, afin de financer la rénovation de l’ensemble immobilier de [Localité 4], de manière à pouvoir louer six des sept logements ainsi obtenus.

Ces prêts ont donc été contractés pour la réalisation de l’activité commerciale de la société La vieille Castille et l’intéressée ne peut en conséquence être regardée comme non-professionnelle au sens de l’article L 132-1 du code de la consommation.

L’appelante se prévaut subsidiairement des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 2010. Or, ces dispositions n’ont pas pour objet, ni pour effet de réputer non écrites les clauses soumettant un partenaire commercial à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, mais prévoient simplement l’engagement de la responsabilité du co-contractant stipulant de telles obligations au détriment de son partenaire commercial.

La société La vieille Castille se prévaut à titre très subsidiaire des articles 1110 et 1171 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, alors que ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats conclus, comme en l’espèce, avant son entrée en vigueur le premier octobre 2016.

Enfin, la directive du 5 avril 1993 ne concerne que les contrats passés entre professionnels et consommateurs, définis comme des personnes physiques agissant en dehors de leur activité professionnelle. Elle ne peut donc être valablement invoquée par société La vieille Castille, qui constitue une personne morale ayant agi à titre professionnel.

Aucun des textes invoqués par l’appelante ne peut conduire en conséquence à réputer non écrite la clause de déchéance du terme contestée.

Il convient en conséquence de rejeter la demande correspondante.

Sur le manquement allégué de la banque à son devoir de mise en garde :

Vu les articles 1135 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Conformément à l’article 1135 ancien du code civil, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.

Il appartient notamment au prêteur de deniers professionnel d’appeler l’attention de l’emprunteur non averti sur le risque d’endettement excessif susceptible de résulter de la souscription d’un engagement dépassant ses capacités financières.

La société La vieille Castille a été constituée entre M. [Z], responsable commercial salarié dans l’industrie textile et sa mère retraitée, âgée de 74 ans, afin de contracter l’emprunt destiné à financer la rénovation et la transformation de l’ensemble immobilier [Localité 4], puis d’exploiter l’immeuble ainsi restauré, par la vente ou la location des différents logements aménagés en son sein.

Aucun élément ne permet de retenir que M. [Z] ou sa mère auraient disposé de connaissances ou d’une expérience particulières en matière d’investissement immobilier, de gestion immobilière et de prêts contractés en vue de la réalisation d’opérations immobilières.

La société La vieille Castille doit par conséquent être regardée comme un emprunteur non averti.

Le principe de cette obligation étant acquis, c’est par de justes motifs, qui répondent aux conclusions des parties et que la cour adopte, que le tribunal judiciaire de Lyon a retenu :

– que l’appelante a contracté des prêts en capital d’un montant de 540.078,69 euros, inférieur à son capital social de 550.000 euros, apporté par les associés en numéraire,

– que les prêts étaient assortis d’une période de préfinancement maximale de 36 mois, repoussant leur amortissement le temps nécessaire à l’aménagement de 5 logements voués à la location, de manière à permettre la perception d’un revenu locatif venant couvrir les échéances mensuelles,

– que le revenu annuel cumulé des associés s’établissait à plus de 54.000 euros, soit 4.500 euros par mois, pour des échéances mensuelles en période d’amortissement de 2.876 euros,

– que la société La vieille Castille disposait, au regard de ses liquidités, de ses ressources espérées et des revenus de ses associés, de facultés de remboursement adaptées aux montants empruntés et aux modalités conventionnelles de leur amortissement.

La cour relève au surplus que M. [Z] a conservé la pleine propriété d’une partie non négligeable de l’ensemble immobilier, susceptible d’être cédée en tant que de besoin.

Il n’incombait donc pas à l’intimée d’appeler l’attention de son gérant sur un quelconque risque d’endettement excessif au regard du montant emprunté et des modalités d’amortissement convenues.

L’appelante soutient qu’il aurait également appartenu à la banque de la mettre en garde sur les risques inhérents à l’opération immobilière envisagée, tels le risque de retard dans la réalisation des travaux ou le risque de non paiement des loyers censés permettre le remboursement des échéances des prêts.

Or, le devoir de mise en garde du prêteur de deniers ne s’étend pas à l’ensemble des risques inhérents à l’opération économique envisagée par l’emprunteur, mais au seul risque d’endettement excessif généré par le montant des prêts et les modalités de leur remboursement.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société La vieille Castille en tant que fondée sur le devoir de mise en garde de la banque.

Sur le manquement allégué de la banque à son devoir de conseil :

La société La vieille Castille soutient que la banque aurait participé au montage financier complexe mis en oeuvre ou l’aurait ‘ à tous le moins laissé se dérouler sans intervenir ‘. Elle lui reproche de ne pas avoir averti ses associés des risques inhérents à la souscription des emprunts par une société civile immobilière plutôt que par de simples particuliers, au regard notamment de la perte du bénéfice de certaines dispositions protectrices du code de la consommation.

Or, la banque dispensatrice de crédit, qui n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l’opportunité des opérations auxquelles il procède, n’est tenue, en cette seule qualité, non d’une obligation de conseil envers les emprunteurs, sauf si elle en a pris l’engagement, mais seulement d’une obligation d’information sur les caractéristiques du prêt qu’elle leur propose de souscrire afin de leur permettre de s’engager en toute connaissance de cause et, sous certaines conditions, du devoir de mise en garde sur lequel il a été précédemment statué (Cass. Com. 18 mai 2016 pourvoi n° 14-15.988).

La société La vieille Castille n’établit pas en l’espèce que la banque aurait été l’auteur du montage juridique retenu ou qu’elle se serait engagée à prodiguer son conseil sur les meilleurs moyens de réaliser l’opération envisagée.

Il n’appartenait donc pas à la banque de discuter le montage juridique retenu, ou d’avertir les associés de l’appelante des avantages et désavantages comparés de la souscription d’un prêt par des particuliers ou une société civile immobilière.

La société La vieille Castille reproche également à la banque de ne pas avoir fait établir un ‘business plan’ et de ne pas avoir conseillé des investigations financières ou une étude de rentabilité.

Il n’incombe cependant pas à une banque, qui n’a pas à s’immiscer dans les affaires de ses clients, de recommander à ses clients une approche plus précise de l’examen de la rentabilité de leur projet, au titre d’un quelconque devoir de conseil.

Il n’y a donc lieu de réformer le jugement sur la foi du moyen soutenu.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

La société La vieille Castille succombe à l’instance d’appel. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il la condamne aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Il y a lieu de la condamner en sus à supporter les dépens de l’instance d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Grafmeyer-Baudrier-Alléaume-Joussemet, avocat, sur son affirmation de droit.

L’équité commande de la condamner à payer à la banque la somme de 4.000 euros en indemnisation des frais non répétibles générés par le procès d’appel.

Elle commande également de rejeter sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,

– Déboute la société La vieille Castille de sa demande d’annulation du le jugement prononcé le 07 septembre 2020 entre les parties par le tribunal judiciaire de Lyon, sous le numéro RG 19/00952 ;

– Confirme le jugement prononcé le 07 septembre 2020 entre les parties par le tribunal judiciaire de Lyon, sous le numéro RG 19/00952 ;

Y ajoutant :

– Déboute la société La vieille Castille de sa demande visant l’annulation des contrats de prêts;

– Déboute la société La vieille Castille de sa demande visant à ce que les déchéances du terme des emprunts prononcées par la Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes soient déclarées nulles et de nul effet ;

– Condamne la société La vieille Castille aux dépens de l’instance d’appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Grafmeyer-Baudrier-Alléaume-Joussemet, avocat, sur son affirmation de droit.

– Condamne la société La vieille Castille à payer à la société Caisse d’épargne et de prévoyance de Rhône-Alpes la somme de 4.000 euros en indemnisation des frais non répétibles générés par l’instance d’appel ;

– Déboute la société La vieille Castille de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER Pour LE PRÉSIDENT empêché

 


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