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1 août 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/01244
SA AXA FRANCE IARD
C/
SARL STF MONTENOT
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 1er AOUT 2023
N° RG 21/01244 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FZD2
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 06 septembre 2021,
rendu par le tribunal de commerce de Chaumont – RG : 2021 000857
APPELANTE :
SA AXA FRANCE IARD, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège :
[Adresse 2]
[Localité 4]
assistée de Me Pascal ORMEN, membre de la SELARL ORMEN PASSEMARD, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentée par Me Fabrice CHARLEMAGNE, membre de la SCP BEZIZ-CLEON – CHARLEMAGNE- CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 17
INTIMÉE :
SARL STF MONTENOT, prise en la personne de son gérant légal en exercice domicilié es qualité au siège :
A [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Christophe BALLORIN, membre de la SELARL BALLORIN- BAUDRY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 9
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Sophie BAILLY, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 27 Juin 2023 pour être prorogée au 1er Août 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SARL STF Montenot exploite sur une aire d’autoroute à [Localité 3] une station service et un restaurant.
Le 1er janvier 2016, elle a souscrit auprès d’AXA un contrat d’assurance ‘Multirisque de l’entreprise’ régi par :
– des conditions particulières ICS apéritée par AXA n°6996025704,
– des conditions générales AXA N°460645 H,
– des conventions spéciales ICS Assurances « Périls dénommés avec volet tous dommages saufs »,
– des conditions spéciales Responsabilité Civile – AXA N°460647 G.
Les conditions particulières ICS apéritée par AXA prévoient :
– en leur article VIII une garantie de pertes d’exploitation,
– en leur annexe 4 une extension de cette garantie aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à l’assuré ; la décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication. Il est stipulé en caractères gras et majuscules que sont notamment exclues les pertes d’exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.
La société STF Montenot expose que suite à l’arrêté pris le 14 mars 2020 par le ministre des solidarités et de la santé et au décret du 29 octobre 2020 pris par le Premier ministre, le restaurant qu’elle exploite a été fermé du 14 mars au 2 juin 2020 puis du 29 octobre 2020 au 19 mai 2021.
Ayant vainement sollicité auprès d’Axa la mise en oeuvre de la garantie pertes d’exploitation, elle l’a fait assigner, par acte du 31 mai 2021, devant le tribunal de commerce de Chaumont, qui, par jugement du 6 septembre 2021, a :
– condamné la société AXA France Iard à payer à la société STF Montenot une indemnité qui sera évaluée par une expertise judiciaire,
– ordonné une mesure d’instruction aux frais avancés de la société STF Montenot, et désigné pour y procéder M. [M] [U] en précisant sa mission,
– débouté la société STF Montenot de ses demandes de dommages-intérêts et de sa demande de provision ad litem à ce stade de la procédure,
– sursis à statuer sur le montant définitif de l’indemnisation pour perte d’exploitation dans l’attente du rapport de l’expert, et sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SA AXA France Iard a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 septembre 2021.
Aux termes du dispositif de ses conclusions n°5, notifiées le 11 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la SA AXA France Iard demande à la cour, au visa des articles 1103, 1108, 1131 ancien, 1169, 1170, 1192 et 1231 du code civil, des articles L. 112-2, L. 112-4, L. 113-1 et L. 121-1 du code des assurances, et des articles 564, 700 et 910-4 du code de procédure civile, de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel,
A titre liminaire,
– juger irrecevable toute demande de la STF Montenot fondée sur l’article L. 112-4 du code des assurances,
– juger irrecevable toute demande de la STF Montenot au titre d’un manquement à son obligation d’information et de conseil,
A titre principal,
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :
. l’a condamnée à payer à la société STF Montenot une indemnité qui sera évaluée par une expertise judiciaire,
. a ordonné une mesure d’instruction aux frais avancés de la société STF Montenot, et désigné pour y procéder M. [M] [U] en précisant sa mission,
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d’exclusion,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société STF Montenot de sa demande de condamnation pour résistance abusive et de sa demande de provision ad litem,
Statuant à nouveau,
– juger que l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie est assortie d’une clause d’exclusion qui est applicable en l’espèce,
– juger que cette clause respecte le caractère formel exigé par l’article L. 113-1 du code des assurances,
– juger que cette clause d’exclusion ne vide pas l’extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l’article L. 113-1 du code des assurances et qu’elle ne prive pas son obligation essentielle de sa substance au sens de l’article 1170 du code civil,
– juger qu’elle n’a commis aucune résistance abusive,
En conséquence,
– débouter la société STF Montenot de l’intégralité de ses demandes,
– annuler la mesure d’expertise judiciaire ordonné par le tribunal de commerce de Chaumont,
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société STF Montenot de sa demande de provision ad litem de 10 000 euros,
– ordonner la fixation de la mission de l’expert comme suit :
. se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par l’assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années,
. entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,
. examiner les pertes d’exploitation garanties contractuellement par le contrat d’assurance, ne portant que sur l’activité de restauration, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable,
. donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées,
. donner son avis sur le montant des aides/subventions d’Etat perçues par l’assurée,
. donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020,
En tout état de cause,
– débouter la société STF Montenot de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au dispositif de ses conclusions,
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions n°4 notifiées le 6 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la SARL STF Montenot demande à la cour, au visa des articles 1131 ancien, 1103, 1170 et 1171, 1188, 1190 et 1231 et 1231-1 du code civil, des articles L. 112-4 et 113-1 du code des assurances et de l’article 565 du code de procédure civile, de :
– déclarer recevables l’ensemble de ses prétentions,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
. condamné la société AXA France Iard à lui payer une indemnité qui sera évaluée par une expertise judiciaire,
. ordonné une mesure d’expertise,
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :
. l’a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts et de sa demande de provision ad litem,
. l’a déboutée de sa demande de provisions au titre de la garantie de pertes d’exploitation,
. a sursis à statuer dans l’attente du rapport de l’expert sur le montant définitif de l’indemnisation pour perte d’exploitation, l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,
En conséquence, statuant à nouveau,
– condamner la société AXA France Iard à lui payer la somme de 294 918 euros à titre de provision sous astreinte provisoire de 1 000 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du ‘jugement’ à intervenir,
– se réserver expressément la faculté de liquider cette astreinte,
– mettre les frais d’expertise à la charge de la société AXA France Iard, ou à défaut la condamner à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de provision ad litem,
– condamner la société AXA France Iard à lui payer la somme de 25 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,
– condamner la société AXA France Iard aux entiers dépens de première instance et d’appel et à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 13 avril 2023.
A l’audience du 9 mai 2023, la cour a relevé que dans le dispositif de ses conclusions, la société STF Montenot ne faisait pas mention d’une demande de condamnation de son assureur à des dommages-intérêts en raison de la violation de son devoir d’information et de conseil.
Par une note en délibéré du 11 mai 2023 qu’elle avait été autorisée à produire, la société STF Montenot a indiqué que sa demande indemnitaire était unique et qu’elle était fondée d’une part sur la mobilisation de la garantie perte d’exploitation et d’autre part sur un manquement de l’assureur à son devoir d’information et de conseil.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’exécution du contrat liant les parties
En l’espèce, il est constant que les périodes au titre desquelles la société STF Montenot demande l’exécution du contrat la liant à Axa, sont des périodes durant lesquelles la fermeture de son fonds de commerce a été imposée par une décision émanant d’une autorité administrative compétente, extérieure à l’assurée, et motivée par la lutte conte la propagation du virus Covid – 19, transmettant une maladie contagieuse à l’origine d’une épidémie.
Les conditions d’application de la garantie ‘pertes d’exploitation’ souscrite sont donc réunies.
‘ Mais la société Axa oppose à la société STF Montenot la clause d’exclusion selon laquelle ne sont pas garanties les pertes d’exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.
Il est constant que les décisions ayant conduit à la fermeture du restaurant de la société STF Montenot ont contraint à la fermeture de très nombreux autres fonds de commerce, notamment de restauration, dans le département de la Haute-Marne, si bien que, contrairement à ce que soutient l’intimée, cette clause d’exclusion a en l’espèce vocation à s’appliquer, sous réserve de sa validité.
‘ La société STF Montenot invoque en premier lieu les dispositions de l’article L. 112-4 du code des assurances selon lesquelles Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents. Elle prétend que la clause d’exclusion litigieuse n’est pas mentionnée en caractères très apparents et n’est donc pas valable.
Ce faisant, l’intimée ne forme aucune prétention nouvelle. Elle ne fait que soulever un moyen, certes non soumis à l’appréciation des premiers juges, tendant à écarter l’application de la clause d’exclusion que lui oppose la société Axa, fin qu’elle poursuit depuis la saisine du tribunal de commerce de Chaumont le 31 mai 2021, et tendant donc à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Axa à payer une indemnité à son assurée.
La société Axa n’est en conséquence fondée à soulever l’irrecevabilité de cette ‘demande’ :
– ni en vertu des dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile,
– ni en vertu des dispositions de l’article 910-4 du même code qui impose seulement la cristallisation des prétentions, et non celle des moyens, dans les premières conclusions des parties.
Il est exact que la clause d’exclusion litigieuse n’apparaît pas dans les conditions particulières du contrat, de la même manière que d’autres clauses d’exclusion de garantie mentionnées dans les conditions générales du contrat.
Toutefois, la loi n’impose aucune typographie ou mise en page particulière et le fait que les clauses d’exclusion ne soient pas écrites de la même manière selon qu’elles apparaissent dans les conditions générales ou dans les conditions particulières du contrat s’explique justement par leur insertion dans les unes ou les autres, étant relevé que les conditions générales ne sont globalement pas écrites de la même manière que les conditions particulières, ce qui permet aisément de les distinguer.
En l’espèce, la clause d’exclusion litigieuse est libellée en majuscules et en gras, sous un titre 3 intitulé ‘exclusions’, lui-même écrit en gras et majuscules et souligné, ce titre étant le dernier de ceux constituant l’annexe 4 relative à l’extension particulière de garantie ‘perte d’exploitation consécutive à fermeture administrative’, les deux précédents titres étant intitulés pour le premier ‘nature et objet de la garantie’ et pour le deuxième ‘durée et limite de la garantie’, le tout étant écrit sur une seule page, la page 13 des conditions particulières ICS apéritée par AXA n°6996025704, et chacun des titres étant clairement détaché des autres.
Il résulte de cette présentation que la clause d’exclusion de garantie est rédigée en caractères très apparents, si bien que sa validité ne peut pas être discutée au regard des prescriptions de l’article L. 112-4 du code des assurances.
‘ La société STF Montenot invoque en deuxième lieu les dispositions des articles L.113-1 du code des assurances et 1169 et 1170 du code civil.
Elle soutient que la clause d’exclusion n’est ni formelle – ce que les premiers juges ont retenu – ni limitée, si bien qu’elle vide de sa substance l’obligation de l’assureur.
La société Axa rappelle que le caractère formel d’une clause d’exclusion s’apprécie seulement par rapport aux termes et critères d’application qu’elle comprend et en aucun cas par rapport aux clauses définissant l’objet et les conditions de la garantie et que, ce qui est garanti est le risque de fermeture administrative et non le risque d’une épidémie, la nature, la localisation et l’étendue de l’épidémie important peu puisque le seul critère d’application de la clause d’exclusion réside dans le périmètre de la fermeture administrative.
Elle fait valoir que les termes employés dans la clause litigieuse sont parfaitement compréhensibles et ne permettent aucune incertitude sur l’absence de couverture d’une fermeture administrative dite ‘collective’ qui n’entre pas dans le périmètre des risques inhérents à l’activité développée par l’assuré.
Elle ajoute qu’il existe une réalité scientifique selon laquelle une épidémie peut n’affecter qu’un unique établissement et que le risque de fermeture ‘individuelle’ d’un établissement pour cause d’épidémie est une réalité juridique et qu’il ne peut donc pas être jugé que la clause d’exclusion priverait son obligation essentielle de substance, cette obligation correspondant à la couverture de risques inhérents à l’activité de l’assuré dans une fréquence et une proportion beaucoup plus larges que ceux d’une crise sanitaire nationale.
Elle précise que la clause d’exclusion ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de l’assuré, dès lors que la fréquence de réalisation du risque assuré, soit la fermeture administrative individuelle d’un restaurant notamment pour cause d’épidémie, est plus probable que celle du risque exclu, soit la fermeture collective d’établissements pour cause d’épidémie.
Pour sa part, la société STF Montenot soutient que la clause d’exclusion ne peut être dissociée de la clause de garantie, dès lors que sa référence à une ’cause identique’ renvoie aux événements à l’origine de la décision de fermeture administrative, soit une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication.
Elle observe que dans le contrat, le terme ‘épidémie’ n’a pas été défini et est donc sujet à interprétation. Elle rappelle qu’au sens commun du terme, une épidémie touche un grand nombre de personnes dans une région donnée, et que si elle doit conduire à une décision de fermeture administrative, cette décision touchera nécessairement plusieurs établissements. Elle en déduit que la clause vide donc de son sens la garantie donnée pour la restreindre à un seul établissement et se montre en outre particulièrement imprécise et de portée illimitée en ce qu’elle concerne ‘tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique et sur un territoire étendu’.
Enfin elle relève que consciente de la difficulté, la société Axa a pris l’initiative d’un avenant contractuel qu’elle a acceptée à effet du 1er janvier 2021, modifiant la définition de la garantie perte d’exploitation pour fermeture administrative.
Il résulte de l’article L. 113-1 du code des assurances que les clauses d’exclusion de garantie qui privent l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.
Il résulte des articles 1169 et 1170 du code civil que dans un contrat à titre onéreux, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage ne doit pas être illusoire ou dérisoire et que toute clause qui prive de substance l’obligation d’un des cocontractants est réputée non écrite.
A titre liminaire, la cour observe que le caractère formel et limité de la clause litigieuse doit s’apprécier au seul regard des stipulations du contrat dans lequel elle figure, sans aucun égard pour les modifications envisagées voire effectivement apportées à ce contrat.
‘ Une clause d’exclusion n’est pas formelle lorsqu’elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.
En l’espèce, il est exact que la clause d’exclusion de garantie renvoie nécessairement par la mention ’cause identique’ à la clause de garantie et à l’événement ayant conduit à la décision de fermeture administrative.
Toutefois, cet événement, en l’espèce une épidémie, est sans influence sur la mise en oeuvre de l’exclusion de garantie, laquelle ne dépend que de la circonstance suivante : un autre établissement que celui de l’assuré est, dans le même département fermé en exécution d’une décision administrative fondée sur le même événement que la décision s’imposant à l’établissement de l’assuré.
Ainsi l’absence de définition contractuelle du mot ‘épidémie’, voire son ambiguïté, est sans incidence sur la compréhension de la clause d’exclusion.
‘ Une clause d’exclusion n’est pas limitée lorsqu’elle vide la garantie de sa substance, en ce qu’après son application elle ne laisse subsister qu’une garantie dérisoire.
En l’espèce, la garantie couvre le risque de pertes d’exploitation consécutives, non pas à une épidémie, mais à une décision de fermeture administrative ordonnée à la suite de l’un des cinq événements suivants : une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie, une intoxication. En conséquence, quand bien même la clause d’exclusion de garantie aurait, ainsi que le soutient la société STF Montenot, pour effet de ne pas garantir les pertes d’exploitation consécutives à une décision de fermeture administrative ordonnée en raison d’une épidémie, au sens commun du terme ou telle celle du Covid-19, elle maintient dans le champ de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une décision de fermeture administrative motivée par l’un des quatre autres événements ou survenue dans d’autres circonstances que celles prévues par la cause d’exclusion : cf Civ 2ème 1er décembre 2022 n°21-15.392, 21-19.341, 21-19.342, 21-19.343 et 19 janvier 2023 n°21-21.516 et 21-23.189.
Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient :
– d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a écarté l’application de la clause d’exclusion de garantie, condamné la société Axa à couvrir le sinistre déclaré par la société STF Montenot et ordonné une expertise aux fins d’apprécier le montant de l’indemnité due à celle-ci,
– et de débouter la société STF Montenot de toutes ses demandes fondées sur l’exécution du contrat.
Sur le manquement de l’assureur à son obligation d’information et de conseil
Compte tenu des explications fournies par l’intimée et des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, la cour considère que la demande en paiement d’une provision de 294 918 euros à parfaire après expertise, dont elle est saisie, est présentée sur deux moyens de droit différents :
– l’exécution du contrat liant les parties, examiné ci-dessus
– le fait que l’assureur aurait engagé sa responsabilité et serait ainsi tenu à réparer le préjudice causé à l’assuré, qu’elle est tenue d’examiner.
Il en résulte que contrairement à ce que soutient l’appelante, l’intimée ne forme aucune prétention nouvelle au sens des articles 564 et 565 du code de procédure civile.
Par ailleurs, les dispositions de l’article 910-4 du même code n’imposant pas une cristallisation des moyens mais seulement une cristallisation des prétentions dès les premières écritures des parties en cause d’appel, la société STF Montenot est recevable à fonder sa demande, pour la première fois en cause d’appel, sur le manquement de l’assureur à son obligation d’information et de conseil.
Dans sa version en vigueur au 1er janvier 2016, l’article L. 112-2 du code des assurances dispose que l’assureur doit obligatoirement fournir une fiche d’information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat et que notamment, avant la conclusion du contrat, l’assureur remet à l’assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d’information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l’assuré.
En l’espèce, la société STF Montenot n’allègue nullement que la société Axa n’aurait pas respecté les dispositions de l’article L. 112-2 du code des assurances.
Elle invoque les dispositions de l’article L. 520-1, II, 2° du code des assurances dans sa version en vigueur au 1er janvier 2016, jour de la conclusion du contrat, selon lesquelles avant la conclusion de tout contrat, l’intermédiaire de l’assureur doit préciser les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un produit d’assurance déterminé, ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d’information communiqués par le souscripteur éventuel, étant adaptées à la complexité du contrat d’assurance proposé.
Sur ce point, la société Axa fait valoir, sans aucune contestation de l’intimée que cette dernière avait souhaité une garantie contre les risques de pertes d’exploitation.
Or, il ressort des conditions particulières du contrat proposé et souscrit que la garantie pertes d’exploitation est acquise lorsqu’elle est consécutive à d’autres événements garantis tels que notamment un incendie, un dégât des eaux, des dommages électriques, et qu’elle a été étendue aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative de l’établissement assuré
Ces éléments démontrent que l’assureur, via son intermédiaire, a parfaitement rempli les obligations mises à sa charge par les dispositions rappelées ci-dessus, tant en ce qui concerne la recherche des exigences et la définition des besoins de l’assurée que les conseils fournis sur les garanties susceptibles d’y répondre.
Il ressort de la page 23 des conclusions de l’intimée qu’elle reproche à la société Axa de ne pas avoir attiré son attention sur l’existence et le contenu de la clause d’exclusion et de ne pas avoir explicité le contenu et la portée de cette clause.
Toutefois, ainsi que cela a été jugé ci-dessus, en ce qu’elle était conforme aux dispositions des articles L. 112-4 et L. 113-1 du code des assurances, l’existence de cette clause ne pouvait pas échapper à l’assurée et son contenu ne nécessitait pas d’interprétation justifiant des explications particulières.
En toute hypothèse, la cour observe que l’intimée n’allègue pas qu’elle n’aurait pas souscrit l’extension de garantie ‘pertes d’exploitation suite à fermeture administrative’ si elle avait compris qu’elle ne serait pas couverte, dans le cas d’une crise sanitaire telle celle du Covid 19, cas constituant un risque tellement hypothétique, voire inconcevable, avant sa survenance, qu’elle ne peut pas raisonnablement soutenir l’avoir envisagé et faire grief à l’assureur de ne pas l’avoir envisagé.
En conséquence, il convient de débouter la société STF Montenot de sa demande d’indemnité provisionnelle et d’expertise, en ce qu’elle est fondée sur le manquement de la société Axa à son devoir d’information et de conseil.
Sur les demandes indemnitaires de la société STF Montenot
Au regard de ce qui précède, les demandes de l’intimée tendant à la condamnation de la société Axa au paiement d’une part de dommages-intérêts pour résistance abusive et d’autre part d’une provision ad litem ne peuvent pas prospérer.
Sur ces deux points, il convient de confirmer le jugement déféré.
Sur les frais de procès
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d’appel doivent être supportés par la société STF Montenot.
Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu’en faveur de la société Axa. Toutefois, dans les circonstances particulières de l’espèce, l’équité conduit la cour à laisser à la charge de la société Axa l’intégralité des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés, tant en première instance qu’en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la SARL STF Montenot de sa demande indemnitaire pour résistance abusive et de sa demande de provision ad litem,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute la SARL STF Montenot de toutes ses autres demandes,
Condamne la SARL STF Montenot aux dépens de première instance et d’appel,
Dit n’y avoir lieu à aucune application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,