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6 septembre 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
22/00319
ARRÊT N°23/
SP
R.G : N° RG 22/00319 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FVLB
S.A.R.L. SOCIETE BOURBONNAISE DE TRANSPORT GENERAL
C/
S.A.S. SOCIETE DE TRANSPORT DES MASCAREIGNES – SOTRAM
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2023
Chambre commerciale
Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT PIERRE en date du 07 MARS 2022 suivant déclaration d’appel en date du 21 MARS 2022 RG n° 2021001124
APPELANTE :
S.A.R.L. SOCIETE BOURBONNAISE DE TRANSPORT GENERAL
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Normane OMARJEE de la SELARL KER AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
S.A.S. SOCIETE DE TRANSPORT DES MASCAREIGNES – SOTRAM
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Eric LEBIHAN de la SAS G & P LEGAL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DATE DE CLÔTURE : 21/11/2022
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Mai 2023 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 12 juillet 2023 prorogé par avis au 06 septembre 2023.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 septembre 2023.
* * *
LA COUR
La SARL Bourbonnaise de Transport Général (la SBTG), constituée le 22 juillet 2013, exerce une activité de transport routier interurbains.
Le groupe Pôle Logistique Réunion regroupe la Société de Transport des Mascareignes (SOTRAM), la Compagnie de Transports des Mascareignes (COTRANS) et la société Rolltainer Logistique Services (RLS).
La SAS SOTRAM est spécialisée dans le transport routier des produits secs et dans la distribution de ces produits à de grands groupes industriels situés à la Réunion.
En janvier 2018, un contrat verbal a été conclu entre les sociétés RLS et SBTG avec pour objet la sous-traitance de transport routier de marchandises.
Le 16 juin 2018 a été conclu un contrat écrit de sous-traitance de transport routier de marchandises entre les sociétés SOTRAM et RLS, d’une part, et la SBTG d’autre part, pour une durée déterminée d’un an.
Par acte d’huissier en date du 26 mars 2021, la SBTG a fait assigner la SOTRAM devant le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion aux fins de condamnation à payer les sommes de 361.920 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture de relations commerciales, 48.750 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des engagements contractuels et 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
La SOTRAM a conclu au débouté des prétentions de la SBTG et sollicité une indemnité de procédure de 3.500 euros.
C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 7 mars 2022, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a statué en ces termes :
DEBOUTE la SARL SOCIETE BOURBONNAISE DE TRANSPORT GENERAL de l’ensemble de ses demandes
CONDAMNE la SARL SOCIETE BOURBONNAISE DE TRANSPORT GENERAL à payer à la SAS SOCIETE DE TRANSPORT DES MASCAREIGNES une somme de 900€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SARL SOCIETE BOURBONNAISE DE TRANSPORT GENERAL aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 62,92€
RAPPELLE que la présente décision est de droit revêtue de l’exécution provisoire en toutes ses dispositions.
Par déclaration au greffe en date du 21 mars 2022, la SBTG a interjeté appel de cette décision.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2022 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience rapporteur du 3 mai 2023.
* * *
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 15 mai 2022, la SBTG demande à la cour de :
-Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
. Débouté la SBTG de ses demandes tendant à condamner la SOTRAM à lui verser les sommes suivantes : 361.920 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale, 48.750 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non-respect des engagements contractuels durant la relation contractuelle et 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre sa condamnation entiers dépens.
. Condamné la SBTG à payer à la SOTRAM une somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
Statuant à nouveau :
-Condamner la SOTRAM à verser à la SBTG la somme de 361.920 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale ;
-Condamner la SOTRAM à verser à la SBTG la somme de 48.750 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non-respect des engagements contractuels durant la relation contractuelle ;
En tout état de cause :
-Débouter la SOTRAM de l’ensemble de ses demandes ;
Condamner la SOTRAM à verser à la SBTG la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et la somme de 3.000 euros au titre de l’instance d’appel et la condamner aux dépens.
* * *
Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 18 mai 2022, la SOTRAM demande à la cour, au visa de l’article L442-1 du code du commerce, de :
-Dire l’intimée recevable et bien fondée.
-Débouter la SBTG de l’intégralité de ses demandes ;
-Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
-Condamner la SBTG au paiement de la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles.
* * *
Suivant avis RPVA du 11 août 2023, la cour a, au visa des articles L. 442-1 et D. 442-3 visant l’annexe 4.2.2, a invité les parties à présenter leurs observations sur les demandes formulées en cause d’appel par la SBGT concernant les agissements fautifs dont se serait rendue coupable la SOTRAM, à savoir la rupture brutale de la relation commerciale et plus particulièrement sur les points suivants :
-La recevabilité de l’action et/ou des demandes de la SBTG
-L’excès de pouvoir du tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion et ses conséquences
-La juridiction de première instance compétente dans la mesure ou l’annexe 4.2.2. ne vise pas ni le tribunal judiciaire ou de commerce de Saint Denis de la Réunion ni la cour d’appel de Saint Denis de la Réunion.
Par message sur le RPVA du 29 août 2023, la SBTG a fait des observations.
La SOTRAM n’a présenté aucune observation par message RPVA, un courrier étant arrivé le 04 septembre 2023 avant veille de la mise à disposition.
* * *
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire
La cour relève que la SBTG a répondu à la demande d’observations par des conclusions qui n’étaient pas sollicitées par la cour, plaidant pour la réouverture des débats et la révocation de l’ordonnance de clôture.
Toutefois, s’agissant d’une simple demande d’observations dans le respect du principe de la contradiction, la cour s’estime suffisamment éclairée pour statuer sans retarder l’instance par une révocation de l’ordonnance de clôture inopportune. »
La cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentées au soutien de ces prétentions.
Sur la recevabilité du moyen et des demandes formulées en cause d’appel sur les dispositions de l’article L. 442-6 devenu L. 442-1 du code de commerce au regard des dispositions de l’article D. 442-3 du même code :
La SBTG soutient en substance que si la demandes tendant à la condamnation de SOTRAM à lui verser la somme de 361.920 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale est irrecevable, la cour doit, en revanche, statuer sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle car non fondée sur l’article L. 442-6 du Code de commerce.
La SOTRAM ne fait valoir aucune observation.
Sur ce,
Aux termes de l’article L. 442-6 du code de commerce dans rédaction applicable au litige :
Une marge commerciale.
I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
1° D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation ou de promotion commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins, du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat ou de la rémunération de services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d’affaires, en une demande d’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d’exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
3° D’obtenir ou de tenter d’obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l’assortir d’un engagement écrit sur un volume d’achat proportionné et, le cas échéant, d’un service demandé par le fournisseur et ayant fait l’objet d’un accord écrit ;
4° D’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d’achat et de vente ;
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas ;
6° De participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ;
7° D’imposer une clause de révision du prix, en application du cinquième alinéa du I de l’article L. 441-7 ou de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 441-7-1, ou une clause de renégociation du prix, en application de l’article L. 441-8, par référence à un ou plusieurs indices publics sans rapport direct avec les produits ou les prestations de services qui sont l’objet de la convention ;
8° De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n’ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ;
9° De ne pas communiquer ses conditions générales de vente, dans les conditions prévues à l’article L. 441-6, à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour l’exercice d’une activité professionnelle ;
10° De refuser de mentionner sur l’étiquetage d’un produit vendu sous marque de distributeur le nom et l’adresse du fabricant si celui-ci en a fait la demande conformément à l’article L. 112-6 du code de la consommation ;
11° D’annoncer des prix hors des lieux de vente, pour un fruit ou légume frais, sans respecter les règles définies aux II et III de l’article L. 441-2 du présent code ;
12° De passer, de régler ou de facturer une commande de produits ou de prestations de services à un prix différent du prix convenu résultant de l’application du barème des prix unitaires mentionné dans les conditions générales de vente, lorsque celles-ci ont été acceptées sans négociation par l’acheteur, ou du prix convenu à l’issue de la négociation commerciale faisant l’objet de la convention prévue à l’article L. 441-7, modifiée le cas échéant par avenant, ou de la renégociation prévue à l’article L. 441-8.
13° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure.
II. – Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers, la possibilité :
a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d’accords de coopération commerciale ;
b) D’obtenir le paiement d’un droit d’accès au référencement préalablement à la passation de toute commande ;
c) D’interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu’il détient sur lui ;
d) De bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ;
e) D’obtenir d’un revendeur exploitant une surface de vente au détail inférieure à 300 mètres carrés qu’il approvisionne mais qui n’est pas lié à lui, directement ou indirectement, par un contrat de licence de marque ou de savoir-faire, un droit de préférence sur la cession ou le transfert de son activité ou une obligation de non-concurrence post-contractuelle, ou de subordonner l’approvisionnement de ce revendeur à une clause d’exclusivité ou de quasi-exclusivité d’achat de ses produits ou services d’une durée supérieure à deux ans.
L’annulation des clauses relatives au règlement entraîne l’application du délai indiqué au huitième alinéa du I de l’article L. 441-6, sauf si la juridiction saisie peut constater un accord sur des conditions différentes qui soient équitables.
III. – L’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.
Lors de cette action, le ministre chargé de l’économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la répétition de l’indu. Ils peuvent également demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à cinq millions d’euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en ‘uvre. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. Dans tous les cas, il appartient au prestataire de services, au producteur, au commerçant, à l’industriel ou à la personne immatriculée au répertoire des métiers qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l’extinction de son obligation.
La juridiction ordonne systématiquement la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise. Elle peut également ordonner l’insertion de la décision ou de l’extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l’exercice par les gérants, le conseil d’administration ou le directoire de l’entreprise. Les frais sont supportés par la personne condamnée.
La juridiction peut ordonner l’exécution de sa décision sous astreinte.
Les litiges relatifs à l’application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.
IV. – Le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire. »
L’article D. 442-3 du même code dans sa rédaction applicable au litige précisant :
« Pour l’application de l’article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d’outre-mer sont fixés conformément au tableau de l’annexe 4-2-1 du présent livre.
La cour d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. »
Étant précisé que la juridiction primitivement saisie demeure compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date d’entrée en vigueur du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009.
L’annexe 4-2-1 fixe les juridictions de première instance compétentes pour connaître de l’article L. 442-6 du Code de commerce. Il s’agit des tribunaux de commerce de Marseille, Bordeaux, Tourcoing, Lyon, Nancy, Paris et Rennes et du tribunal mixte de commerce de Fort de France.
Ainsi, selon l’article D. 442-3 du code de commerce, la cour d’appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formées contre les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du même code.
L’inobservation de cette règle est sanctionnée par une fin de de non-recevoir qui revêt un caractère d’ordre public et doit donc être relevée d’office, étant précisé que la cour d’appel de Paris dispose exclusivement du pouvoir juridictionnel de statuer sur les décisions rendues par les juridictions spécialement désignées pour statuer sur l’article L. 442-6 du code de commerce, ce texte fût-il invoqué devant elle à titre subsidiaire.
La simple invocation par une partie du caractère brutal d’une rupture suffit à entraîner l’application de l’article L. 442-6 et les règles de compétence qui en découlent, peu important que cette partie conteste fonder ses demandes sur cet article dès lors que l’application de l’article D. 442-3 n’est pas subordonnée à l’examen du bien-fondé des demandes.
S’agissant de l’hypothèse où le recours est formé contre une décision rendue par une juridiction de premier degré non spécialement désignée, ce qui est le cas en l’espèce, il appartient à la cour d’appel de déclarer l’appel recevable et de relever d’office l’excès de pouvoir commis par la juridiction en statuant sur ces demandes, qui, en ce qu’elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables.
Il s’en suit, et comme l’admet l’appelante elle-même, que sa demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales est irrecevable.
Dans ces conditions, la cour, étant saisie d’un recours contre une décision de première instance non spécialement désignée, doit annuler ladite décision pour excès de pouvoir s’agissant d’une demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales et déclarer irrecevable ladite demande formée par la SBTG, comme portée devant une juridiction dépourvue du pouvoir d’en connaître.
Pour autant, la demande formée par la SBTG tendant à voir condamner la SOTRAM à lui verser 48.750 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non-respect des engagements contractuels durant la relation contractuelle est parfaitement recevable comme non fondée sur l’article L. 442-6 du code de commerce.
Sur la responsabilité contractuelle
La SBTG soutient en substance que la SOTRAM a manqué à ses obligations contractuelles en décidant soudainement et sans prendre le soin de la prévenir de réduire drastiquement le volume de ses commandes entre août et décembre 2019 alors qu’à cette période, elle n’était pas impactée par une diminution de son activité.
La SOTRAM fait valoir pour l’essentiel qu’elle n’a commis aucune faute, au contraire de la SBTG à qui elle reproche d’avoir réduit le nombre de rotation par jour contrairement à ses engagements et avoir été à l’origine de nombreux dysfonctionnements concernant les retours de livraisons avec ses chauffeurs.
Sur ce,
Il ressort des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d’ordre public.
Pour rappel, aux termes de l’article 1217 du même code :
« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »
Conformément aux dispositions des articles 1231 et suivants du même code consacrés à la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé.
Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.
Dans le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution.
Les conditions de fond de la responsabilité contractuelle sont donc : une défaillance contractuelle, un dommage prévisible et un lien de causalité entre les deux.
Les causes exonératoires de responsabilité, outre l’absence de faute et/ou de dommage et/ou de lien de causalité entre la faute et le dommage, sont la force majeure, la faute de la victime ou le fait d’un tiers.
Aux termes du « Contrat commercial de sous-traitance de transport routier de marchandises » conclu le 16 juin 2018 entre la SOTRAM ‘ COTRAM ‘ RLS (l’opérateur de transport) et la SBTG (le sous-traitant) dont l’objet est (article 1er) « de définir les termes fixes du contrat et la nature des prestations de transports que l’opérateur de transport confie de façon permanence au sous-traitant et de fixer les conditions dans lesquelles ces opérations sont exécutées. Le sous-traitant est libre de refuser la prestation. » :
« Article 2 ‘ Nature des prestations demandées
L’opérateur de transport informe le sous-traitant des changements dans la nature des marchandises transportées quand celles-ci dont l’objet d’une réglementation particulière.
Secteur géographique d’intervention du sous-traitant :
1- Pour Cotram : prise de poste à 5h à l’Etang salé pour livraison Carrefour St Pierre (fin entre 7h30-8h) du lundi au samedi
Nature des marchandises : Transport de marchandise en température dirigée
2- Pour Sotram : pris de poste à 8h à Cilam St Pierre pour livraison Carrefour St Pierre (fin entre 10h30) du lundi au samedi
Nature des marchandises : Transport de marchandise en température ambiante
3- Pour RLS : pris de poste à 11h à Étang Salé pour un maximum de 3 rotations (Étang Salé vers le port) du lundi au samedi
Nature des marchandises : Transport de marchandise en température conventionnelles
Prestations annexes : Néant »
« Article 7 ‘ Prix
Le prix du transport est un forfait HT/jour, fixé à 750€ à facturer de la façon suivante :
-A Cotram : 200 euros ht par jour du lundi au samedi
-A Sotram : 200 euros ht par jour du lundi au samedi
-A Sotram : 350 euros ht par jour du lundi au vendredi »
« Article 9 ‘ Durée du contrat
Contrat à durée déterminée
Le présent contrat est conclu pour une durée déterminée d’1 an sous accord des deux parties dont l’exécution commence le 16 juin 2018.
Les parties peuvent mettre fin au contrat avant son terme sans préavis en cas de manquement graves ou répétés de l’une ou de l’autre à ses obligations.
Il peut être résilié par l’une ou l’autre des parties par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis.
Ce préavis est de deux mois quand cette durée est supérieure à un an.
Pendant ce préavis l’économie du contrat est maintenue. »
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception daté du 25 octobre 2019, le PLR-SOTRAM a informé la SBTG de sa volonté de résilier le contrat commercial de sous-traitance indiquant : « Comme défini dans les termes du contrat, pour toute résiliation un préavis de 2 mois maximum sera respecté. Par conséquence, notre collaboration prendra fin au 01/01/2020.
Il résulte de ce qui précède qu’il appartient donc à la SBTG de rapporter la preuve d’un manquement contractuel de la SOTRAM lui ayant causé un préjudice.
Elle verse aux débats, notamment, un tableau récapitulatif de son chiffre d’affaires avec la SOTRAM ainsi que les factures y afférentes, qu’elle compare avec un chiffre d’affaires moyen HT de 30.108 euros, à savoir :
-août 2019 : 30.108 ‘ 25.220 = 4.888 €
-septembre 2019 : 30.108 ‘ 23.430 = 6.678 €
-octobre 2019 : 30.108 ‘ 17.180 = 12.928 €
-novembre 2019 : 30.108 ‘ 17.130 = 12.978 €
Elle produit également une « SYNTHESE DONNEES FINANCIERES SARL SBTG » établie le 15 février 2021 par son expert-comptable, la SARL AT RUN CONSEILS EXPERTISE COMPTABLE qui calcul le chiffre d’affaires mensuel moyen de septembre 2018 à mars 2019.
La cour relève que, d’une part, ledit tableau produit par la SBTG elle-même, n’est pas visé par l’expert-comptable, et n’est accompagné par aucune pièce comptable (grand livre, bilans), que, d’autre part, dans la synthèse, le mois d’août 2018 n’est pas pris en compte et, qu’enfin, on observe des variations importantes entre les mois de septembre à mars à novembre 2018 : on passe de 37.637,5 en octobre 2018 à 23.745 en novembre 2018.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la SBTG échoue à rapporter la preuve qui lui incombe, à savoir une faute contractuelle de la SOTRAM, étant remarqué, qu’en outre, la SOTRAM, qui ne sollicite aucune indemnisation d’aucune sorte, verse aux débats de nombreux échanges de courriels mettant en lumière des dysfonctionnements de la part de la SBTG (bordereau de livraison et de bons de retour non remplis, échanges perdus, retard, absences, non communication de documents légaux obligatoires, comportement inadaptés avec les clients).
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté la SBTG de ses demandes de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SBTG succombant, il convient de :
-la condamner aux dépens d’appel ;
-la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel ;
-confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance ;
-confirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.
L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la SOTRAM, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 3.000 euros pour la procédure d’appel et de confirmer le jugement en ce qu’il lui a alloué à ce titre la somme de 900 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
ANNULE PARTIELLEMENT le jugement rendu le 7 mars 20022 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion en ce qu’il statué sur la demande formée par la SARL Bourbonnaise de Transport Général fondée sur les articles L. 442-6 devenu L. 442-1 et D. 442-3 du code de commerce ;
Evoquant,
DECLARE la SARL Bourbonnaise de Transport Général irrecevable en sa demande fondée sur les articles L. 442-6 devenu L. 442-1 et D. 442-3 du code de commerce ;
CONFIRME le jugement rendu le 7 mars 20022 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion pour le surplus ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SARL Bourbonnaise de Transport Général à payer à la SAS SOTRAM la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT