Déséquilibre significatif : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02084
Déséquilibre significatif : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 21/02084

14 septembre 2023
Cour d’appel de Metz
RG
21/02084

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 21/02084 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FSEO

Minute n° 23/00145

[Y], [R]

C/

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS – CE GC

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 05 Juillet 2021, enregistrée sous le n° 19/01484

COUR D’APPEL DE METZ

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023

APPELANTS :

Monsieur [X] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

Madame [B] [R]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS – CE GC Venant aux droits de la Société d’Assurance de Crédits des Caisses d’Epargne de FRANCE (SACCEF), représentée par son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Yves ROULLEAUX, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et Me Christofer CLAUDE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 02 Mai 2023 tenue par Mme Catherine DEVIGNOT, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 14 Septembre 2023.

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère

Mme DUSSAUD, Conseillère

ARRÊT :Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Saida LACHGUER, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 6 avril 2008, la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne Ardenne (ci-après désignée la Caisse d’Epargne) a accordé à M. [X] [Y] et Mme [B] [R] un prêt «Primolis 2 Phases n°7085115» d’un montant de 181.700 euros avec un TEG de 6,56% l’an et un taux d’intérêt conventionnel de 5,40% l’an, remboursable en 299 mensualités après une période de préfinancement de 36 mois. Ce prêt était destiné à financer l’acquisition de leur résidence principale.

La SA Société d’Assurances et des Crédits des Caisses d’Epargne de France, aux droits de laquelle vient désormais la SA Compagnie Européenne de Garanties et des Cautions (ci-après la SA CEGC), s’est portée caution solidaire des emprunteurs à titre de garantie du remboursement de ce prêt.

Par acte sous seing privé du 11 juillet 2011, les parties ont conclu un avenant modifiant les modalités de remboursement du prêt. La banque a en effet accordé un moratoire de trois mois aux emprunteurs et modifié le taux du TEG à 6,485% l’an.

Par acte d’huissier des 18 et 15 octobre 2019 la SA CEGC a fait assigner M. [Y] et Mme [R] devant le tribunal de grande instance de Thionville. Elle a demandé, aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives et au visa des articles 1103, 2305 et 2306 du code civil de :

– condamner les défendeurs à lui payer la somme de 163.577,37 euros, au titre du solde débiteur du prêt «P.H. Primolis 2 Phases n° 7085115» d’un montant de 181.700 euros qui leur a été accordé le 6 avril 2008, et ce avec intérêts au taux conventionnel de 5,40% à compter du 1er juin 2019,

– débouter les défendeurs de leurs prétentions

– condamner les défendeurs à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les frais et dépens,

– déclarer le jugement à intervenir exécutoire par provision.

En réponse, M. [Y] et Mme [R] ont demandé au tribunal, aux visas des dispositions de l’annexe II de la recommandation n°05-02 §8 de la DGCCRF publiée dans son BO du 20 septembre 2005, des articles 1144 du code civil, R 313-1 et suivants, L313-1 et suivants, L312-1 et suivants du code de la consommation dont l’article L312-10, dans leurs versions applicables, 1134 dans sa version applicable et 1907, 1152 devenus 1231-5, 1144 et 1343-5 du code civil, et sous réserve expresse de l’application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, de:

– rejeter l’intégralité des demandes de la SA CEGC,

– rejeter la demande de la SA CEGC tendant à voir déclarer prescrites leurs demandes et contestations,

– déclarer recevables et opposables à la SA CEGC, toutes les exceptions et contestations dont ils auraient pu se prévaloir à l’égard de l’établissement prêteur, faute pour la SA CEGC de les avoir préalablement informés et interrogés avant de régler celui-ci,

– juger que la SA CEGC ne justi’e pas de ce que le délai de ré’exion de 10 jours prévu par l’article L312-10 du code de la consommation, dans sa version de l’époque, a été respecté,

– en conséquence prononcer l’annulation du contrat de prêt,

– juger le TEG mentionné dans l’offre de prêt erroné et non conforme à la loi,

– en conséquence prononcer la nullité de tout intérêt au taux contractuel stipulé dans le contrat de prêt,

– à titre subsidiaire, prononcer la déchéance de l’intégralité de tout droit à intérêts pour la SA CEGC,

– constater la nature usuraire du taux mentionné dans l’avenant de 2011 et en conséquence annuler tout droit à intérêt à ce titre, ou subsidiairement, le ramener à de plus justes proportions,

– enjoindre en conséquence la SA CEGC à produire un décompte conforme à la sanction prononcée, un décompte avec imputation de tous les versements depuis l’origine sur le seul capital emprunté, et un tableau d’amortissement rectifié pour le solde éventuellement encore dû,

– vérifier si la déchéance du terme restait justi’ée au regard des décomptes ainsi modi’és, et à défaut prononcer l’inopposabilité et l’irrégularité de ladite déchéance,

– juger l’indemnité intitulée «frais accessoires» de 10.673,28 euros et les intérêts de retard échus et à échoir constitutifs de clauses pénales,

– déclarer ces indemnités et intérêts manifestement excessifs, et les réduire à néant pour ceux échus, et réduire les intérêts de retard au taux de 0,87% l’an pour l’avenir,

– condamner la SA CEGC à leur payer la somme de 218.815,75 euros à titre de dommages-intérêts,

– ordonner la compensation de la condamnation de la SA CEGC avec toute somme qui resterait due par eux,

– ordonner la mainlevée, aux frais exclusifs de la SA CEGC de l’inscription d’hypothèque judiciaire prise par elle sur le bien situé sis [Adresse 2], cadastré S[Cadastre 4] n°0150,

– condamner la SA CEGC à procéder à cette mainlevée sous astreinte de 100 euros par jour dans les 15 jours de la décision à intervenir,

– écarter l’application de la majoration d’intérêt prévue par l’article L313-3 du code monétaire et financier,

– leur allouer les plus larges délais de paiement,

– ordonner l’imputation de tout versement à compter de ce jour sur le capital en priorité et la réduction de tout intérêt au seul taux légal en vigueur à ce jour, sans variation à savoir 0,87% l’an,

– ordonner l’exécution provisoire de décision à intervenir sur les condamnations qui seront prononcées à l’encontre de la SA CEGC et sanctions prononcées à son encontre exclusivement, et ce nonobstant appel opposition et sans caution,

– écarter l’exécution provisoire de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre,

– condamner la SA CEGC à leur payer chacun la somme de 2.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SA CEGC aux entiers dépens.

Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Thionville a:

– débouté M. [Y] et Mme [R] de l’ensemble de leurs prétentions,

– condamné M. [Y] et Mme [R] à payer à la SA CEGC la somme de 163.577,37 euros au titre du solde débiteur du prêt «P.H. Primolis 2 Phases» n° 7085115 qui leur a été accordé le 6 avril 2008 par la Caisse d’Epargne, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– rejeté la demande de M. [Y] et Mme [R] aux ‘ns de condamnation de la SA CEGC à titre de dommages-intérêts et la demande aux ‘ns de voir ordonner la compensation avec la condamnation prononcée à leur encontre,

– rejeté la demande de M. [Y] et Mme [R] aux ‘ns de délais de paiement,

– rejeté la demande de M. [Y] et Mme [R] aux ‘ns de mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire prise par la SA Compagnie européenne de garanties et cautions sur le bien situé [Adresse 2], cadastré S[Cadastre 4] n°0150,

– condamné M. [Y] et Mme [R] à payer à la SA Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

– condamné M. [Y] et Mme [R] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz du 18 août 2021, M. [Y] et Mme [R] ont interjeté appel aux fins d’annulation, subsidiairement d’infirmation du jugement en reprenant expressément dans la déclaration chacune de ses dispositions.

Par ordonnance d’incident du 26 janvier 2023, le conseiller de la mise en état s’est déclaré incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Par conclusions déposées le 1er février 2023, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, M. [Y] et Mme [R] demandent à la cour de:

Statuant notamment sur le fondement des dispositions de l’annexe II de la recommandation n°05-02 §8 de la DGCCRF publiée dans son BO du 20 septembre 2005, des articles 1144 du code civil, R313-1 et suivants, L313-1 et suivants, L312-1 et suivants du code de la consommation dont l’article L312-10, dans leurs versions applicables, 1134 dans sa version applicable, et 1907, 1152 devenus 1231-5, 1144 et 1343-5 du code civil, et sous réserve expresse de l’application des dispositions de l’article 12 du code de procédure civile,

– réformer et infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’ensemble de leurs demandes

– et en toute condamnation prononcée à leur encontre,

– le confirmer uniquement en ce qu’il a rejeté la demande de calculs d’intérêts au taux contractuel sur sa créance par la SA CEGC,

Et statuant de nouveau,

– rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions de la SA CEGC,

– juger recevables et fondées leurs demandes fins et contestations,

– rejeter toute demande de la SA CEGC, en ce qu’elle ne justifie pas de sa subrogation, et de la simultanéité entre son règlement et la quittance dont elle se prévaut,

A titre subsidiaire,

– retenir la date de subrogation alléguée par la SA CEGC, comme point de départ de la prescription de toute contestation de la créance,

– à défaut fixer le point de départ de la prescription au jour de la consultation d’un professionnel par les emprunteurs,

En conséquence, et en tout état de cause,

– déclarer recevables et non prescrites leurs contestations et prétentions,

– et en conséquence rejeter l’exception de prescription soulevée par la SA CEGC,

– déclarer recevables et opposables à la SA CEGC, toutes les exceptions et contestations dont ils auraient pu se prévaloir à l’égard de l’établissement prêteur,

– sur le fondement du recours subrogatoire de la SA CEGC,

– et subsidiairement sur le fondement de son recours personnel faute pour la SA CEGC de les avoir préalablement informés et interrogés avant de régler celui-ci,

– juger que la SA CEGC ne justifie pas de ce que le délai de réflexion de 10 jours prévu par l’article L312-10 (dans sa version de l’époque) a été respecté,

– en conséquence prononcer l’annulation du contrat de prêt,

– juger le TEG mentionné dans l’offre de prêt erroné et non conforme à la loi,

– en conséquence prononcer la nullité de tout intérêt au taux contractuel stipulé dans le contrat de prêt,

A titre subsidiaire sur ce point,

– prononcer la déchéance de l’intégralité de tout droit à intérêts pour la SA CEGC,

– constater la nature usuraire du taux mentionné dans l’avenant de 2011 et en conséquence annuler tout droit à intérêt à ce titre, ou subsidiairement, le ramener à de plus justes proportions,

– enjoindre en conséquence la SA CEGC à produire un décompte conforme à la sanction prononcée, un décompte avec imputation de tous les versements depuis l’origine sur le seul capital emprunté, et un tableau d’amortissement rectifié pour le solde éventuellement encore dû,

A titre infiniment subsidiaire sur le TEG,

– ordonner une expertise judiciaire sur le calcul du TEG aux frais de la SA CEGC selon la mission visée dans ses conclusions

– vérifier si la déchéance du terme restait justifiée au regard des décomptes ainsi modifiés, et à défaut prononcer l’inopposabilité et l’irrégularité de ladite déchéance,

A titre infiniment subsidiaire, si les exceptions et contestations sur la dette étaient déclarées inopposables à la SA CEGC,

– qualifier d’abus de droit, ou à minima de fautif, la demande en paiement de la Caisse

d’épargne et le règlement de la SA CEGC,

– juger que cet abus de droit, ou cette faute, leur a causé un préjudice,

– en conséquence condamner la SA CEGC, à leur payer la somme de 202.020,96 euros à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

– rejeter comme non-fondées en droit les demandes de la SA CEGC au paiement de 10.673,28 euros d’intérêts de retard échus et à échoir,

– à défaut, qualifier l’indemnité intitulée «frais accessoire» de 10.673,28 euros et les intérêts de retard échus et à échoir de clauses pénales,

– déclarer ces indemnités et intérêts manifestement excessifs, et les réduire à néant pour ceux échus, et à échoir, y compris pour l’avenir,

– condamner la SA CEGC à leur payer la somme de 218.615,75 euros à titre de dommages et intérêts,

– ordonner la compensation de la condamnation de la SA CEGC avec toute somme qui resterait due par eux,

– ordonner la mainlevée, aux frais exclusifs de la SA CEGC, de l’inscription d’hypothèque judiciaire prise par elle sur le bien situé sis [Adresse 2], cadastré S[Cadastre 4] n° 0150,

– condamner la SA CEGC, à procéder à cette mainlevée sous astreinte de 100 euros par jours dans les 15 jours de la décision à intervenir,

– écarter l’application de la majoration d’intérêt prévue par l’article L313-3 du code monétaire et financier,

– leur allouer les plus larges délais de paiement,

– ordonner l’imputation de tout versement à compter de ce jour sur le capital en priorité, et la réduction de tout intérêt (en cas de non-suppression) au seul taux légal en vigueur au jour de leurs premières conclusions d’appel, sans variation, à savoir 0,87% l’an,

– condamner la SA CEGC à leur payer chacun la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel,

– leur donner acte de ce qu’ils joignent aux présentes conclusions le bordereau de communication des pièces qu’ils verseront aux débats.

Sur la date de paiement, les emprunteurs soutiennent que la SA CEGC n’est pas régulièrement subrogée dans les droits de la banque, en ce qu’elle ne démontre pas que la subrogation alléguée s’est réalisée de manière expresse et concomitamment au paiement qu’elle a effectué.

Sur la recevabilité et l’opposabilité des exceptions à l’égard de la caution, les emprunteurs soutiennent à titre principal que leurs exceptions sont opposables à la caution s’agissant de son recours subrogatoire sur les accessoires de la créance.

A titre subsidiaire, ils exposent que leurs exceptions sont opposables à la caution s’agissant de son recours personnel, l’article 2308 du code civil n’étant pas applicable en l’espèce à défaut d’avoir été préalablement avertis de l’exécution de l’engagement de la caution auprès de leur banque. Ils affirment que si la caution avait exécuté cette obligation, alors elle n’aurait jamais payé leur dette, puisqu’elle aurait été informée de leurs contestations antérieures concernant les irrégularités du contrat de prêt. Ils précisent que l’article 2313 du code civil est sans emport sur le présent litige, en ce qu’il concerne uniquement les relations entre caution et créancier et porte uniquement sur les exceptions personnelles au débiteur, éléments non discutés en l’espèce. Ils en concluent que la caution ne dispose d’aucun recours à leur encontre, de sorte qu’il lui appartient désormais de demander à la banque le remboursement des sommes qu’elle lui a versées.

Sur la première exception, les emprunteurs affirment que la caution ne démontre pas que le délai de réflexion de 10 jours, préalable obligatoire à la conclusion du contrat de prêt selon l’article L312-10 du code de la consommation applicable au présent litige, a bien été respecté par la banque. Ils en concluent que l’offre de prêt est nulle et que la caution ne peut leur demander le remboursement des frais et accessoires afférents au prêt.

Sur la seconde exception, les emprunteurs affirment que le TEG mentionné dans le contrat de prêt n’est pas conforme aux dispositions de l’article L313-2 du code de la consommation applicable au présent litige. En ce sens, les emprunteurs soutiennent d’une part que leur demande n’est pas prescrite.

A titre principal, ils affirment que leur demande n’est pas prescrite à l’encontre de la caution, car le délai de prescription n’a commencé à courir qu’au moment où la caution a réglé leur dette et reçu une quittance subrogative, c’est-à-dire le 25 juillet 2019, aucun argument ne pouvant lui être opposé antérieurement à cette date. Ils soutiennent également que leur demande n’est pas prescrite à l’encontre de la banque, la présente exception constituant un moyen de défense au fond non-soumis à la prescription.

A titre subsidiaire, ils soutiennent que le mode de calcul du présent TEG sur 360 jours est constitutif d’une clause abusive devant être réputée non écrite. Ils ajoutent que la demande tendant à voir déclarer cette même clause non-écrite est imprescriptible. Ils affirment également que le délai de prescription de leur demande de nullité ou déchéance des intérêts fondée sur l’irrégularité du TEG ne commence à courir qu’au jour où ils ont réellement découvert l’existence de celle-ci soit postérieurement à l’assignation de la caution en 2019. Ils affirment avoir alors consulté un professionnel et ainsi découvert l’irrégularité du prêt. A titre infiniment subsidiaire, ils soulignent que leur demande demeure recevable, car ils ne pouvaient pas s’apercevoir de l’irrégularité précitée au moment de la conclusion du contrat de prêt, n’ayant pas les connaissances et compétences pour la déceler à ce moment-là.

Les emprunteurs soutiennent d’autre part que les calculs du TEG ne respectent pas les dispositions de l’article L313-1 du code de la consommation applicable au présent litige.

Ils reprochent d’abord à la banque de ne pas avoir pas tenu compte dans le cadre de son calcul des intérêts et primes d’assurance versés durant la phase de préfinancement de 36 mois, dont le montant était pourtant déterminé, ainsi que d’avoir stipulé dans le contrat de prêt un TEG supérieur à celui mentionné dans l’offre, étant précisé que cette incohérence concerne également le TEG stipulé dans l’avenant.

Ils lui reprochent ensuite d’avoir calculé le TEG du prêt sur 360 jours alors que cela est prohibé pour les prêts immobiliers soumis aux dispositions d’ordre public des articles L312-1 et suivants et R313-1 du code de la consommation, cette clause devant dès lors être considérée comme non-écrite. Plus subsidiairement, ils demandent qu’une expertise soit ordonnée aux frais de la caution afin de vérifier le calcul du TEG.

Ils lui reprochent enfin d’avoir stipulé un TEG usuraire dans l’avenant du contrat de prêt. Ils demandent ainsi la production par la caution d’un tableau d’amortissement actualisé en application des dispositions de l’article L313-4 du code de la consommation.

Ils soutiennent en conséquence que la violation de l’ensemble de ces règles relatives au calcul du TEG est sanctionnée par la nullité des intérêts conventionnels. Subsidiairement, ils exposent que la sanction de cette violation est la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

Sur le prononcé de la déchéance du terme du prêt, les emprunteurs tirent conséquence de leurs précédents moyens en soutenant que si les irrégularités invoquées étaient retenues par la cour, alors il appartiendrait à la caution de démontrer qu’au jour du prononcé de la déchéance du terme du prêt, la banque disposait bien d’une créance d’impayés exigible à leur encontre au regard du recalcul de ses droits.

A titre subsidiaire, si les exceptions étaient inopposables à la caution, les emprunteurs rappellent que la caution a exécuté son engagement sans les avoir préalablement avertis, ce nonobstant leur contestation de la mise en demeure de la banque par lettre du 31 mai 2019, de sorte qu’elle les a privés de la possibilité de contester les sommes réclamées et commis ainsi un abus de droit leur causant un préjudice dont ils demandent la réparation à hauteur de 202.020,96 euros.

Sur les demandes d’indemnité et d’intérêts de retard, les emprunteurs soutiennent d’abord que la demande de la caution n’est pas fondée. En effet, ils expliquent que l’indemnité de résiliation et les intérêts contractuels de retard n’ont été stipulés que dans le contrat de prêt, lequel n’est pas opposable à la caution. Ils rappellent à cet égard que la caution fonde sa

créance sur sa quittance subrogative en application de son contrat de cautionnement, et que ces actes n’incluent pas le paiement de ces sommes. Ils ajoutent que la banque ne leur a jamais facturé les sommes litigieuses, de sorte que la caution ne les a jamais réglées et ne peut donc pas en demander le remboursement.

Ils exposent ensuite que l’indemnité de résiliation est calculée sur le seul capital restant dû, de sorte que ne sont pas pris en compte dans ce cadre les échéances impayées, les intérêts ainsi que les intérêts de retard. Ils contestent aussi le montant demandé par la caution au titre des intérêts de retard au motif qu’elle n’en justifie pas le calcul. Ils rappellent que ce calcul ne peut se baser sur le taux d’intérêt conventionnel mais uniquement sur le taux légal, car la somme demandée ne correspond pas à une somme réglée à la banque au titre du cautionnement.

Ils affirment enfin que les clauses d’indemnité de résiliation et d’intérêts de retard constituent des clauses pénales soumises à l’appréciation du juge selon l’article 1152 du code civil applicable au présent litige. Ils précisent que ces clauses sont manifestement excessives, tant au regard du montant cumulé des intérêts que de l’état du marché financier. Ils demandent dès lors le rejet des demandes de la caution et à défaut leur réduction.

Sur la responsabilité de l’établissement prêteur, les emprunteurs invoquent un manquement de la banque à son obligation de bonne foi prévue à l’article 1134 du code civil. Ils expliquent en effet que les irrégularités du prêt précédemment exposées caractérisent le manquement de la banque au devoir de conseil et de mise en garde auquel elle est tenue à leur égard, n’ayant pas les connaissances et compétences pour être considérés comme des emprunteurs avertis. Ils reprochent également à la banque de ne pas les avoir mis en garde sur les risques du prêt au regard de leurs capacités financières, notamment s’agissant de l’importance du taux d’endettement, et d’avoir réalisé un montage financier aggravant leur endettement. Ils demandent ainsi à la caution de réparer leur préjudice sur le fondement de l’article 1147 du même code applicable au présent litige, qu’ils évaluent à la somme de 218.615,75 euros.

A titre subsidiaire, les emprunteurs demandent l’octroi des plus larges délais de paiement sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil, leurs revenus ne leur permettant pas de faire face à leur dette. Ils demandent à ce que leurs précédents règlements soient imputés sur le capital en priorité ainsi que la réduction des intérêts au taux légal en vigueur au jour de leurs premières conclusions.

Par conclusions déposées le 24 juin 2022, auxquelles il sera référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, la SA CEGC demande à la cour, au visa des articles 548 du code de procédure civile ainsi que 2305 et 2306 du code civil, de:

– rejeter l’appel de M. [Y] et Mme [R] et le dire mal fondé,

– la recevoir au contraire en son appel incident et le dire bien fondé,

Et, ce fait,

– confirmer le jugement rendu le 5 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Thionville en ce qu’il a:

* déclaré recevable son action,

* rejeté la demande de M. [Y] et Mme [R] aux fins de condamnation de sa part à titre de dommages-intérêts et la demande aux fins de voir ordonner la compensation avec la condamnation prononcée à leur encontre,

* rejeté la demande de M. [Y] et Mme [R] aux fins de délais de paiement,

* rejeté la demande de M. [Y] et Mme [R] aux fins de mainlevée de l’inscription d’hypothèque judiciaire qu’elle a prise sur le bien situé [Adresse 2], cadastré S[Cadastre 4] n° 0150,

* condamné M. [Y] et Mme [R] à lui payer la somme de 3  000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– le réformer pour le surplus en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [Y] et Mme [R] au paiement des intérêts conventionnels,

Et statuant à nouveau en conséquence,

– condamner solidairement M. [Y] et Mme [R] au paiement des sommes de:

* 152.475,49 euros en principal avec intérêts au taux conventionnel de 5,40% à compter du 25 juillet 2019, date du paiement, jusqu’à parfait paiement et capitalisation des intérêts dus depuis plus d’un an, outre les frais de justice,

* 10.673,28 euros au titre de l’indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2019, date du paiement, jusqu’à parfait paiement,

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement rendu le 5 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Thionville en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

– condamner solidairement M. [Y] et Mme [R] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel.

A titre préliminaire, la SA CEGC affirme que la cour ne peut pas statuer faute pour les emprunteurs d’avoir assigné la banque à la présente instance.

A titre liminaire, la SA CEGC soutient que son recours est bien fondé. Elle explique en effet que les trois conditions cumulatives de l’article 2308 du code civil ne sont pas réunies en l’espèce.

Elle expose d’abord avoir été poursuivie par la banque préalablement à l’exécution de son engagement par lettre du 26 juin 2019.

Elle indique ensuite que la banque a bien informé les emprunteurs de la mise en ‘uvre prochaine du cautionnement à défaut de paiement de leur part, de sorte qu’ils étaient parfaitement informés de cette éventualité. Elle relève à cet égard que les emprunteurs n’ont émis aucune contestation concernant leur prêt lorsqu’ils ont été informés par la caution de l’exécution effective de son engagement par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 août 2019.

Elle souligne enfin que les emprunteurs ne disposent d’aucun moyen permettant de faire déclarer la dette éteinte au jour du paiement au sens notamment de l’ancien article 1234 du code civil.

A titre principal, la SA CEGC soutient que les exceptions soulevées par les emprunteurs lui sont inopposables selon les articles 2305 et 2306 du code civil, car elles se basent sur les conditions contractuelles du prêt liant uniquement ces derniers à la banque et sont en tout état de cause infondées.

Elle précise en ce sens qu’elle exerce en l’espèce un recours personnel, de sorte qu’elle ne vient pas aux droits et obligations de la banque. Elle insiste sur le fait que seule l’effectivité du paiement, et non l’établissement d’une quittance subrogative fonde son présent recours.

Elle rappelle qu’aucun fondement juridique ne permet aux emprunteurs de lui opposer des exceptions inhérentes à la dette ou personnelles, auquel cas le mécanisme du cautionnement perdrait son utilité. Elle précise que le mécanisme d’opposabilité des exceptions de l’article 2313 du code civil est facultatif et ne concerne que les relations entre caution et créancier, de sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas l’avoir utilisé.

A titre subsidiaire, la SA CEGC soutient que la banque a respecté l’ensemble de ses obligations.

D’abord, elle affirme que la banque a bien respecté le délai de réflexion prévu à l’article L313-34 du code de la consommation, un délai de 12 jours s’est écoulé entre l’offre et l’acceptation du prêt.

Ensuite, elle affirme que la banque a régulièrement prononcé la déchéance du terme.

Par ailleurs, elle affirme que la banque n’a commis aucun manquement à ses obligations d’information et à son devoir de conseil à l’égard des emprunteurs. Elle soutient d’abord que le contrat de prêt stipule que la banque a bien mis en garde les emprunteurs. Elle ajoute qu’il appartient aux emprunteurs de démontrer qu’ils ne sont pas avertis et expose en tout état de cause que le prêt est adapté à leur situation financière telle qu’ils l’ont déclarée au moment de sa conclusion.

Enfin, elle affirme qu’il ne peut être reproché à la banque aucune erreur s’agissant du TEG.

Elle soutient que les demandes de nullité de la stipulation d’intérêts et de substitution ainsi que de contestation du TEG sont prescrites selon l’article 1304 ancien du code civil depuis le 6 avril 2015 s’agissant du contrat de prêt et le 24 juillet 2016 s’agissant de son avenant.

Elle explique que l’action tendant à déclarer la clause 30/360 comme abusive est également prescrite. Elle affirme en ce sens que conformément au principe de sécurité juridique, l’action tendant à voir déclarer non écrite une clause éventuellement abusive est soumise au délai de prescription quinquennale, dont le délai commence à courir dès la conclusion du contrat. Elle en conclut donc que les demandes des emprunteurs à ce titre sont prescrites depuis le 6 avril 2015 s’agissant du contrat de prêt et le 24 juillet 2016 s’agissant de son avenant.

Elle relève en tout état de cause que les prétentions liées au calcul des intérêts conventionnels et du TEG sont infondées. Elle soutient que les emprunteurs ne démontrent ni que le TEG n’a pas été calculé conformément aux dispositions légales ni que cette éventuelle irrégularité a modifié le TEG au-delà d’une décimale à leur détriment. Elle argue également que les intérêts conventionnels ont été calculés conformément aux stipulations contractuelles et aux dispositions légales. Elle précise en tout état de cause qu’il existe une équivalence financière dans le coût du crédit que le calcul se fonde sur la base de périodes mensuelles ou de l’année civile, de sorte qu’aucune irrégularité ne saurait être reprochée à la banque sur ce point.

Elle soutient que le TEG est régulier nonobstant l’absence de prise en compte de certains frais dans son assiette. Elle affirme en ce sens que les frais et intérêts issus de la période de préfinancement ne peuvent être pris en compte dans le calcul du TEG faute d’être déterminables au moment de la conclusion du contrat de prêt. Elle précise en tout état de cause que la prise en compte de ces éléments aurait conduit à une minoration artificielle du TEG, de sorte que les emprunteurs n’auraient pas pu se prévaloir de la nullité de celui-ci, cette erreur ne leur causant aucun préjudice.

Elle en déduit par ailleurs que la clause stipulant le TEG n’est pas abusive, car elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de prêt, tel que précédemment exposé. Elle précise à cet égard que la recommandation de la commission des clauses abusives ne s’applique pas en l’espèce, ne concernant pas les prêts immobiliers remboursables en mensualités.

En conséquence, la SA CEGC affirme que la demande de dommages-intérêts des emprunteurs n’est pas fondée, les emprunteurs ne démontrant ni l’existence d’une faute susceptible d’engager sa responsabilité, ni d’un préjudice en résultant.

En outre, la SA CEGC estime que sa demande de paiement est fondée pour la somme totale de 185.241,70 euros actualisée au 28 janvier 2022. Elle demande la capitalisation des intérêts selon l’article 1343-2 du code civil.

Elle ajoute qu’elle est fondée à demander le paiement de l’indemnité de résiliation de 7% ainsi que le bénéfice des intérêts conventionnels, exerçant un recours subrogatoire selon l’article 2306 du code civil. Elle rappelle à cet égard que l’indemnité de résiliation constitue une clause pénale s’appliquant dès que les emprunteurs n’exécutent pas leurs obligations, et ce indépendamment du préjudice subi par la banque. Elle ajoute que les emprunteurs ne démontrent pas son caractère manifestement excessif, ladite clause apparaissant au contraire conforme aux exigences des articles L313-36 et R313-28 du code de la consommation.

Elle note par ailleurs que les clauses de résiliation et d’intérêts conventionnels ont toutes deux été expressément acceptées par les emprunteurs, de sorte qu’elle peut s’en prévaloir au titre de son recours subrogatoire.

Par ailleurs, la SA CEGC conteste la demande d’octroi de délais de paiement formée par les emprunteurs au titre de l’article 1343-5 du code civil, en ce qu’une telle mesure ne garantit pas que ces derniers agiront de bonne foi pour la désintéresser dans ce délai. Elle leur reproche aussi de ne pas prouver que leur situation et l’échéancier proposé leur permettront

de régulariser leurs impayés dans les temps, ce d’autant plus qu’ils n’apportent aucune garantie quant à l’amélioration de leur situation financière. Elle relève aussi qu’ils ont précédemment bénéficié de délais importants, n’ayant pas tenté de régulariser leur situation depuis la mise en demeure de la banque du 19 mars 2019.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la subrogation de la SA CEGC

Il convient de relever que la caution peut choisir d’agir contre le débiteur sur le fondement de son recours personnel, ou sur le fondement de son recours subrogatoire, en fonction de ses intérêts, voire sur ces deux fondements simultanément dès lors qu’elle ne cumule pas le produit des deux actions.

En outre, l’établissement d’une quittance subrogative à seule fin d’établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix de la caution d’exercer son recours personnel.

Il faut ainsi considérer que la production par la SA CEGC d’une quittance subrogative émise par la Caisse d’Epargne justifiant de son paiement n’impose pas à l’intimée d’exercer son recours subrogatoire et non son recours personnel. Elle est donc en droit de cumuler ses deux recours.

Dès lors, les moyens invoqués par M. [Y] et Mme [R] sur l’impossibilité de la SA CEGC d’exercer cumulativement son recours personnel et son recours subrogatoire doivent être rejetés.

Sur les demandes formées sur le fondement du recours personnel de la SA CEGC

* Sur les conditions d’application du recours

L’article 2305 du code civil dans sa version antérieure au 1er janvier 2022 et applicable au litige dispose que «  la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur. »

En l’espèce, il résulte de la quittance subrogative produite par la SA CEGC que cette dernière a bien payé à la Caisse d’Epargne la somme de 152.475,49 euros le 25 juillet 2019 au titre du remboursement du prêt consenti par cette dernière à M. [Y] et Mme [R].

L’ancien article 2308 alinéa 2 du même code précise que «  lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier. »

Ainsi la caution n’est privée de son recours fondé sur l’ancien article 2306 que si ces trois conditions (et non deux seulement selon le nouvel article 2311 du code civil) sont réunies : la caution a réglé le créancier sans être poursuivie, elle n’en a pas averti le débiteur préalablement, le débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.

Si M. [Y] et Mme [R] soutiennent que la SA CEGC ne peut exercer son recours à leur encontre sur le fondement de ces dispositions, il convient de relever que la première condition posée par l’ancien article 2308 n’est toutefois pas établie puisque la SA CEGC a payé la Caisse d’Epargne le 25 juillet 2019 après avoir reçu de cette dernière une mise en demeure par courrier daté du 26 juin 2019 d’avoir à rembourser la dette des appelants. La SA CEGC n’a donc pas payé sans être préalablement poursuivie.

En conséquence, les moyens invoqués par M. [Y] et Mme [R] relatifs à l’application des dispositions de l’ancien article 2308 du code civil doivent être rejetés sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions étaient réunies.

*Sur l’opposabilité des contestations relatives à la dette

Le recours personnel de la caution est un droit propre de cette dernière qui naît du paiement effectué par la caution qui a payé à la place du débiteur.

Dans le cadre du recours personnel, le débiteur ne peut donc opposer les exceptions inhérentes à la dette, ce que reconnaissent d’ailleurs les appelants dans leurs conclusions (p4).

Dès lors, les moyens invoqués par M. [Y] et Mme [R] au titre du non-respect du délai de réflexion, des erreurs relatives au TEG, au prononcé de la déchéance du terme sont inopposables à la SA CEGC, étant précisé que les appelants ne remettent en cause l’existence de la déchéance du terme que dans l’hypothèse où il serait fait droit aux autres moyens soulevés et que les montants restant dus seraient alors différents. Ils n’invoquent aucun moyen tendant à voir établir que toutes les échéances ont été payées et que la déchéance du terme prononcée par la SA CEGC était irrégulière.

*Sur l’abus de droit invoqué à titre subsidiaire par M. [Y] et Mme [R]

Par application des dispositions de l’article 1241 du code civil, l’exercice d’un droit ne constitue une faute que lorsque le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui.

En l’espèce, il appartient à M. [Y] et Mme [R] de rapporter la preuve de la faute ainsi commise par la SA CEGC.

L’ancien article 2313 du code civil dans sa version applicable au litige et antérieure au 1er janvier 2022 dispose que «  la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ; mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.  »

Il résulte de ces dispositions que la caution n’a pas l’obligation d’opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette, ce n’est qu’une faculté.

En conséquence, le fait pour la SA CEGC de ne pas avoir soulevé les exceptions inhérentes à la dette n’est pas constitutif d’une faute et encore moins d’un abus de droit, les appelants ne rapportant pas la preuve que la SA CEGC a eu en s’abstenant de soulever ces exceptions, une intention de leur nuire.

La demande d’indemnisation formée à ce titre par M. [Y] et Mme [R] doit être rejetée. Le jugement donc confirmé à ce titre.

* Sur la demande en paiement de la somme de 152.475,49 euros formée par la SA CEGC

L’article 2305 du code civil dans sa version antérieure au 1er janvier 2022 et applicable au litige dispose que «  la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.

Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.

Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.»

Il résulte de la quittance subrogative délivrée par la Caisse d’Epargne le 25 juillet 2019 que la SA CEGC a payé à cette dernière la somme de 152.475,49 euros en vertu du cautionnement qu’elle lui avait consenti au titre du prêt souscrit par M. [Y] et Mme [R].

Selon les décomptes versés aux débats par l’intimée, cette somme correspond au montant du capital restant dû (145.730,55 euros) ajouté au montant des échéances échues impayées du 1er février 2019 au 1er juin 2019 (6.744,94 euros). Les seuls intérêts réglés par la caution sont donc ceux inclus dans les échéances impayées.

Par application de l’article 2305, M. [Y] et Mme [R], débiteurs solidaires du prêt, seront solidairement condamnés à payer cette somme de 152.475,49 euros.

Les intérêts visés par l’article 2305 susvisé qui sont inclus dans le recours personnel de la caution sont ceux que la caution a payé au créancier et non les intérêts au taux conventionnels prévus par le prêt qu’elle n’a pas réglés à la Caisse d’Epargne.

Seuls les intérêts prévus par l’article 1231-6 du code civil sont applicables à sa propre créance envers les débiteurs.

Dès lors, le jugement sera infirmé à ce titre et M. [Y] et Mme [R] seront condamnés solidairement à payer à la SA CEGC la somme de 152.475,49 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2019, aucun moyen n’étant invoqué tendant à contester cette date.

L’article L313-3 du code monétaire et financier dispose que «  en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé.

Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant  ».

Les appelants ne justifient d’aucunes circonstances particulières ni d’aucun effort de paiement permettant à la cour de les exonérer de cette majoration ou d’en réduire le montant.

Ils seront donc déboutés de cette prétention.

Sur les demandes formées sur le fondement du recours subrogatoire de la SA CEGC

L’ancien article 2306 du code civil dans sa version antérieure au 1er janvier 2022 et applicable au litige du même code dispose que « la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur ».

Si le recours subrogatoire permet à la caution d’exercer tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur ce n’est toutefois que dans la limite des sommes que la caution a effectivement réglée au créancier. Le recours subrogatoire ne permet à la caution de solliciter auprès des débiteurs que le montant des sommes qu’elle a réglées pour eux au créancier.

En l’espèce, il résulte des motifs susvisés que la SA CEGC n’a réglé que la somme de 152.475,49 euros correspondant au montant du capital restant dû et aux échéances échues impayées du 1er février 2019 au 1er juin 2019.

Elle n’a donc pas rien payé au titre de l’indemnité de 7% prévue par le contrat de prêt.

En conséquence, il convient de débouter la SA CEGC de sa demande en paiement de la somme de 10.673,28 euros sollicitée sur ce fondement.

Sur la demande d’indemnisation formée par les appelants au titre des fautes commises par le prêteur

Ainsi qu’il résulte des motifs susvisés, les débiteurs ne peuvent opposer à la caution qui exerce son recours personnel d’éventuelles fautes commises par le créancier lors de la souscription du contrat principal, telles que le manquement à son devoir de conseil et à son obligation de mise en garde invoquée par M. [Y] et Mme [R].

Au regard des motifs ci-dessus, le recours subrogatoire exercé par la SA CEGC contre les appelants à hauteur de la somme de 10.673,28 euros est rejeté. De ce fait, M. [Y] et Mme [R] ne peuvent invoquer dans le cadre de ce recours subrogatoire ni des exceptions inhérentes à la dette ainsi qu’il l’a été dit précédemment, ni des exceptions personnelles.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Y] et Mme [R] de leur demande d’indemnisation ainsi que de leurs demandes subséquentes.

Sur la demande de délais de paiement

L’ancien article 1244-1 du code civil devenu depuis l’article 1343-5 du même code ne permet d’accorder des délais de paiement, en considération des besoins du créancier, que dans la limite de deux années.

Il résulte de ce même texte que ce n’est que par décision spéciale et motivée, que le juge peut ordonner que les paiements s’imputeront par priorité sur le capital.

Or, il ressort des pièces produites que l’appelante perçoit 1.575 euros de revenus mensuels et l’appelant 2.433 euros mensuels. Il n’est ainsi pas justifié qu’ils sont en mesure de respecter des délais de paiement sur 24 mois et de régler à ce titre des mensualités de 6.353 euros.

Ils seront donc déboutés de leurs demandes de délais de paiement. Le jugement sera confirmé sur ce point.

De même, en l’absence de tout paiement, même partiel, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande tendant à voir imputer tout versement par priorité sur le capital. Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté toutes les prétentions formées par M. [Y] et de Mme [R].

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [Y] et Mme [R] succombant principalement, le jugement entrepris sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants, qui succombent en appel seront condamnés in solidum aux dépens.

Par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, M. [Y] et Mme [R] seront condamnés in solidum à payer à la SA CEGC la somme de 1.500 euros et seront déboutés de leurs prétentions formées sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Thionville du 5 juillet 2021 dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a «condamné M. [X] [Y] et Mme [B] [R] à payer à la SA Compagnie Européenne de Garanties et des Cautions la somme de 163.577,37 euros au titre du solde débiteur du prêt «P. H. Primolis 2 Phases» n° 7085115 qui leur a été accordé le 6 avril 2008 par la Caisse d’Epargne, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement  », disposition qui sera infirmée ;

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [X] [Y] et Mme [B] [R] à payer à la SA Compagnie Européenne de Garanties et des Cautions la somme de la somme de 152.475,49 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2019 ;

Déboute la SA Compagnie Européenne de Garanties et des Cautions du surplus de ses prétentions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [X] [Y] et Mme [B] [R] du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum M. [X] [Y] et Mme [B] [R] aux dépens ;

Condamne in solidum M. [X] [Y] et Mme [B] [R] à payer à la SA Compagnie Européenne de Garanties et des Cautions la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les déboute de leur demande formée au même titre.

Le Greffier La Présidente de Chambre

 


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