Déséquilibre significatif : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02113
Déséquilibre significatif : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02113

14 septembre 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG
21/02113

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02113 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IB7W

VH

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON

27 avril 2021 RG :11-20-681

[D]

C/

S.A.R.L. DB ARCHITECTURE (DBAE)

Grosse délivrée

le

à Me Pomiès Richaud

SCP Rey Galtier

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’AVIGNON en date du 27 Avril 2021, N°11-20-681

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Virginie HUET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

Madame Virginie HUET, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 22 Mai 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Septembre 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [T], [X] [D]

né le 29 Décembre 1955 à [Localité 6] (ALLEMAGNE)

[Adresse 5]

[Localité 3] (ALLEMAGNE)

Représenté par Me Sarah GIGANTE de la SELARL RS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau D’AVIGNON

Représenté par Me Georges POMIES RICHAUD, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.A.R.L. DB ARCHITECTURE EXPERTISE (DBAE) société à responsabilité limitée unipersonnelle au capital de 1000 euros, inscrite au RCS de Tarascon sous le numéro 823 929 450 prise en la personne de son gérant domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe REY de la SCP REY GALTIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Valérie DAILLY, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 24 Novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour et signé par Mme Anne DAMPFHOFFER, Présidente de chambre, le 14 Septembre 2023,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 20 septembre 2018, M. [T] [D] et la SARL DB Architecture (DBAE) ont signé un contrat d’architecte aux fins de construction d’un hangar à foin, stockage matériel et tracteur, d’un abri de chevaux et de paddocks, sur la commune de [Localité 4] (Vaucluse), comportant 12 missions de base, et une mission complémentaire.

Le 20 septembre 2018, et le 16 octobre 2018 la SARL DBAE a adressé à M. [D] les factures correspondant aux 5 premières missions de base, qu’il a réglées pour une somme globale de 4 608 euros.

M. [D] expose que le 24 octobre 2018, la SARL DBAE lui aurait indiqué que compte tenu de la défiance qu’il manifestait à son égard, elle préférait cesser leur collaboration, établir un solde de tout compte et lui aurait précisé qu’elle lui rembourserait ce qui devrait l’être.

Par mail en date du 24 janvier 2019, puis par deux mises en demeure du 14 février 2019 et du 24 janvier 2020, M. [D] a renouvelé sa demande le remboursement de la somme de 4 176 euros à la SARL DBAE.

Par acte d’huissier en date du 6 juillet 2020, M. [D] a fait citer la SARL DBAE devant le tribunal judiciaire d’Avignon pour qu’elle soit condamnée à lui rembourser la somme de 4 176 euros, à l’indemniser de son préjudice financier et moral et à lui payer une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal judiciaire d’Avignon, par jugement contradictoire du 27 avril 2021, a :

– Déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [D],

– Rejeté la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Monsieur [D] aux dépens.

Par acte du 31 mai 2021, M. [T] [D] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Un changement de chambre pour connaître de l’affaire est intervenu le 7 juin 2021.

Par ordonnance du 15 septembre 2022, la clôture de la procédure a été fixée au 24 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 décembre 2022, date à laquelle elle a été renvoyée à l’audience du 22 mai 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 14 septembre 2023.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juin 2022, M. [T] [D], appelant, demande à la cour de :

Vu le contrat d’architecte,

Vu l’article 1103 du code civil,

Vu l’article 1119 du code civil,

Vu les articles L 212-1 et R 212-1 et R 212-2 et R 632-1 du code de la consommation, notamment L. 612-1 et L 612-4 du même code,

Vu les articles 1217 et suivants du code civil,

Vu l’obligation de conseil de l’architecte,

Vu l’article 1343-2 du code civil,

Vu les jurisprudences citées,

Vu les pièces visées au bordereau annexé aux présentes et régulièrement communiquées,

Statuant sur l’appel interjeté par Monsieur [T] [D] à l’encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Avignon le 27 avril 2021 RG 11-20-000681,

– Le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit :

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* Déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [D],

* Rejeté la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* Condamné Monsieur [D] aux dépens,

Statuant à nouveau :

– Juger les demandes de Monsieur [D] recevables et bien fondées,

En conséquence,

– Condamner la SARL DB Architecture Expertise à régler à Monsieur [D] la somme de 4 176 euros TTC, en réparation des conséquences de son inexécution contractuelle, avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2019 [date de réception de la mise en demeure de Monsieur [D]], ou a minima, à compter du 28 janvier 2020 [date de réception de la mise en demeure du Conseil de Monsieur [D]],

– Condamner la SARL DB Architecture Expertise à régler à Monsieur [D] la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice financier d’immobilisation de la somme précitée querellée, avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

– Condamner la SARL DB Architecture Expertise à régler à Monsieur [D] la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral d’anxiété résultant du retard dans la réalisation de son projet de vie, le tout avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

– Ordonner la capitalisation des intérêts précités dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– Condamner la SARL DB Architecture Expertise à régler à Monsieur [D] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

– Condamner la SARL DB Architecture Expertise aux entiers dépens de la première instance,

En tout état de cause :

– Débouter la SARL DB Architecture Expertise de toute fin, demande et prétention contraire au dispositif des présentes,

– Condamner la SARL DB Architecture Expertise à verser à Monsieur [D] la somme de 3.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

– Condamner la SARL DB Architecture Expertise aux entiers dépens d’appel.

Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait essentiellement valoir que :

– La clause de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes contenue dans les conditions générales ne peut lui être opposée :

* dans la mesure où le simple renvoi aux conditions générales dans les clauses particulières ne permet pas d’opposer ladite clause puisqu’il n’est pas répondu aux conditions légales d’opposabilité et dès lors qu’en l’espèce les parties n’ont pas signé les conditions générales ; que la partie intimée ne démontre aucunement les références et le contenu exact et certain des conditions générales invoquées ; qu’aucune clause contractuelle signée par lui-même ne fait état de son acceptation sans réserve, par simple signature des conditions particulières ; que le fait que la société intimée mentionne elle-même que seules les conditions particulières et l’annexe financière étaient signées démontre qu’il a voulu de façon certaine ne pas accepter les conditions générales ; qu’il est un consommateur et que les jurisprudences citées par la société intimée concernent des clients professionnels ou non consommateurs,

* même si les conditions générales lui sont jugées opposables, tout professionnel doit permettre à tout consommateur l’accès à un dispositif de médiation de la consommation en vue de la résolution amiable de tout éventuel litige ; que les clauses de médiation ou alternative amiable imposées au consommateur avant le litige sont interdites, conformément aux dispositions de l’article L.612-4 du code de la consommation ; que la société d’architecte oppose une clause illégale, la direction juridique de l’ordre des architectes mentionnant qu’en sa qualité de consommateur, il est soumis aux règles de la médiation et que la saisine et l’intervention de l’ordre des architectes sur une prétendue clause de conciliation préalable ne sont pas pas possibles ; que le litige ne renvoie pas à une stipulation des conditions générales, ces dernières ne comprenant pas la partie financière des relations contractuelles ; que ladite clause ne prévoit pas la sanction et le risque encourus par les parties du fait de l’irrespect de la clause,

– la SARL DBAE n’a pas exécuté la totalité de ses obligations contractuelles, alors qu’il s’est acquitté de ses obligations pécuniaires, ayant réglé les honoraires de la société relatifs aux études préliminaires du projet (PRE), à l’établissement d’un avant-projet sommaire (APS) et d’un avant-projet définitif (APD) ainsi qu’à la réalisation du dossier de permis de construire (DPC) ; que l’architecte ne lui a jamais transmis aucun document relatif aux études préliminaires et aux projets sommaires et définitifs ; que la société DBAE ne produit pas de documentation démontrant l’effectivité des activités litigieuses et facturées ; qu’elle mentionne que le PLU de 2019 était inopérant pour un projet non déposé en mairie en novembre 2018, qu’aucune étude de mesurage n’est produite, que les services de l’urbanisme de la commune de [Localité 4] étaient dans l’ignorance de son projet et déclaraient n’avoir reçu aucune consultation à cet égard ; qu’aucun projet de permis de construire n’a été versé et qu’aucune diligence n’a été effectuée quant à l’adéquation du projet avec les règles juridiques ; que la SARL DBAE ne saurait lui opposer d’avoir approuvé des diligences par acceptation tacite sous 10 jours des documents transmis par l’architecte, alors qu’elle ne peut rapporter la preuve de la date et de l’effectivité d’une communication de documents qui sont inexistants, et que cette clause est abusive par son caractère déséquilibré, que le règlement des frais d’ouverture de dossier couvre le recueil d’un devis et l’établissement de quelques dessins,

– il a perdu du temps dans la réalisation de son projet et a dû recourir à un autre architecte à ses frais ; que le paiement de la somme de 4 176 concernant des prestations non réalisées lui a causé un préjudice financier d’immobilisation de cette somme et qu’il a subi un préjudice moral d’anxiété résultant du retard dans la réalisation de son projet de vie.

En l’état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2021, la SARL DB Architecte (DBAE), intimée, demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1231-1 et suivants du code civil,

Vu le contrat d’architecte signé le 20 septembre 2018,

Vu les annexes et notamment le Cahier des Clauses Générales s’y rapportant,

Vu le jugement rendu le 27 avril 2021 par le tribunal judiciaire d’Avignon, Pôle de Proximité,

Vu les pièces visées au bordereau annexé aux présentes et régulièrement communiquées,

Statuant sur l’appel formé par Monsieur [D] à l’encontre du jugement rendu le 27 avril 2021 par le tribunal judiciaire d’Avignon, pôle de proximité,

– Débouter Monsieur [D] de ses demandes aux fins de réformer la décision entreprise en ce qu’elle a :

« fait droit à la fin de non-recevoir de la SARL DBAE tirée de l’absence de saisine préalable du Conseil de l’Ordre des architectes et, en conséquence, déclaré irrecevables les demandes de M. [D] tendant à voir condamner avec capitalisation des intérêts la SARL DBAE à lui rembourser la somme de 4 176 euros en réparation de son inexécution contractuelle avec intérêts légaux à compter de 18 février 2019, date de réception de la mise en demeure ou a minima à compter du 28 janvier 2018, date de mise en demeure de son conseil sur le fondement des articles 1103 et 1207 du code civil, la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice financier d’immobilisation de la somme de 4 176 euros, la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ainsi que celle de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamné M. [D] aux dépens »,

ainsi que de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires, outre appel incident.

Et par conséquent,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a :

* Déclaré irrecevables les demandes de Monsieur [D],

* Rejeté la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* Condamné Monsieur [D] aux dépens.

Et par conséquent :

A titre principal,

– Juger que Monsieur [D] n’a pas saisi le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes préalablement à toute action en justice conformément au contrat de maîtrise d »uvre signé entre les parties.

En conséquence,

– Déclarer irrecevable l’action dirigée à l’encontre de la société DB Architecture.

– Débouter Monsieur [D] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire,

– Juger que la société DB Architecture a mené sa mission jusqu’à la phase DPC et que les honoraires facturés et réglés à ce titre sont tout à fait justifiés.

Par conséquent,

– Débouter Monsieur [D] de l’intégralité de ses demandes comme étant mal fondées.

Sur les demandes complémentaires de Monsieur [D] :

– Juger que Monsieur [D] ne démontre pas avoir subi un quelconque préjudice d’immobilisation et un prétendu préjudice moral d’anxiété.

– Débouter Monsieur [D] de l’intégralité de ses demandes comme étant mal fondées.

En tout état de cause,

– Condamner Monsieur [D] à payer à la société DB Architecture la somme de 10000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– Le condamner aux entiers dépens de l’instance distraits au profit de la SCP Rey Galtier, avocats qui a pourvu aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

– M. [D] ne peut prétendre que les clauses générales, comprenant notamment l’article G10, ne lui seraient pas opposables dans la mesure où il ne les aurait pas ratifiées alors qu’en préambule, le contrat qu’il a signé énonce, dans ses conditions particulières, que les trois documents (cahier des clauses particulières (CCP), cahier des clauses générales (CCG) et l’annexe financière) sont complémentaires et indissociables, d’autant que M. [D] a lui-même communiqué les CCG en première instance,

– l’appelant ne peut davantage estimer que la clause de saisine préalable du conseil de l’ordre des architectes est inapplicable lorsqu’il s’agit de coût des prestations dès lors que son action ne porte pas sur le recouvrement des honoraires qui ont déjà été réglés, celui-ci ne se contentant pas de critiquer les honoraires qu’elle a facturés mais faisant valoir que le travail n’a pas du tout été réalisé, ce qui ressort de la compétence de l’ordre des architectes aux termes de la clause G10 des CCG,

– la sanction de l’absence de saisine préalable de l’ordre des architecte est l’irrecevabilité des demandes et cette sanction est posée par la Cour de cassation,

– M. [D] sollicite en réparation de l’exécution contractuelle le remboursement de la quasi-totalité des sommes versées, soit la somme de 4176 euros TTC, alors qu’il n’est pas démontré qu’elle n’a accompli aucune diligence puisque, dès le 16 octobre 2018, il lui a été transmis les descriptifs du projet et un premier devis de maçonnerie,

– par son mail du 24 octobre 2018, estimant avoir perdu sa confiance, elle a indiqué à M. [D] qu’elle préférait mettre fin à leur collaboration mais elle ne s’est pas engagée à rembourser les honoraires perçus,

– sur le montant prévisionnel des travaux, le projet réalisé n’a pas pu être en dehors du budget dès lors qu’aucun budget de l’opération n’a été mentionné dans l’article P4 du contrat ; qu’il est prévu que l’enveloppe financière d’un montant de 112 000 euros HT soit ajustée au fur et à mesure de l’avancement de la mission de l’architecte et que les devis de la société ERP qui ont été transmis sont en deça du budget de 112 000 euros HT,

– son projet était parfaitement conforme aux règles d’urbanisme et que la commune était informée du projet ; qu’elle avait établi l’intégralité du dossier de permis de construire qui n’a pas encore été déposé auprès de la mairie ; que c’est au maître de l’ouvrage de procéder au dépôt de ce dossier auprès des services d’urbanisme et non pas directement à l’architecte,

– M. [D], avant la demande de remboursement n’a jamais émis d’objection et que passé le délai de 10 jours, l’approbation est réputée acquise, de même que les honoraires correspondants, comme cela est expressément mentionné dans l’article G 6.1.4 du cahier des clauses générales ; qu’elle démontre donc qu’elle a parfaitement mené sa mission jusqu’à la phase DPC,

– M. [D] ne démontre pas la prétendue perte de temps et son lien de causalité avec le litige ; que sa demande d’indemnisation au titre de la prétendue immobilisation financière fait double emploi avec la demande au titre des intérêts,

– M. [D] ne rapporte pas davantage la preuve de son prétendu préjudice moral d’anxiété, d’autant que l’ouvrage litigieux situé à [Localité 4] constitue une résidence secondaire et que la construction litigieuse est destinée à des équidés.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION 

I – Sur la fin de non recevoir soulevée :

Le cahier des clauses générales annexé au contrat d’architecte signé par les parties, comporte en page 16 une clause « G 10 LITIGES » qui indique : « En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire (…) ».

M. [D] invoque l’article L. 612-4 du code de la consommation qui dispose : Est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge.

La société DB Architecture Expertise DBAE lui oppose un grand nombre de jurisprudence de la Cour de cassation sur les clauses abusives.

Réponse de la cour :

Afin d’apprécier la validité d’une clause de conciliation préalable insérée dans les contrats conclus entre consommateurs et professionnels, il convient de distinguer selon que le contrat a été conclu avant ou après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 transposant les dispositions de la directive européenne n°2013/11 du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) n°2006/2004 et la directive 2009/22/CE.

En application de l’article L. 612-4 du code de la consommation, issu de l’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015 transposant les dispositions de la directive européenne n° 2013/11 du 21 mai 2013 : « est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge » (ancien art. L. 152-4).

Les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur soumis au droit antérieur relèvent quant à eux de la réglementation des clauses abusives, c’est-à-dire que, pour que la clause instituant un préalable obligatoire de conciliation entre un professionnel et un consommateur soit valable, il faut qu’elle soit exempte d’un déséquilibre significatif au détriment de ce dernier.

L’article 612-1 du code de la consommation prévoit que : « Tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel. A cet effet, le professionnel garantit au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation.

Le professionnel peut mettre en place son propre dispositif de médiation de la consommation ou proposer au consommateur le recours à tout autre médiateur de la consommation répondant aux exigences du présent titre.

Lorsqu’il existe un médiateur de la consommation dont la compétence s’étend à l’ensemble des entreprises d’un domaine d’activité économique dont il relève, le professionnel permet toujours au consommateur d’y recourir.

Les modalités selon lesquelles le processus de médiation est mis en ‘uvre sont précisées par décret en Conseil d’Etat. »

Ainsi, dans les contrats de consommation, depuis l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 transposant la directive 2013/11/UE relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, la clause de médiation préalable obligatoire est interdite ; pour les contrats antérieurs, la Cour de cassation a jugé que la clause « est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu’il appartient au juge d’examiner d’office la régularité d’une telle clause », Civ. 3e, 19 janv. 2022, n° 21-11.095.

En l’espèce, le contrat ayant été signé le 20 septembre 2018, et en application de l’article 612-4 du code de la consommation, la clause est réputée non écrite.

La fin de non recevoir soulevée est donc rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

II ‘ au fond sur les demandes de M. [D] :

M. [D] sollicite le paiement des sommes suivantes :

– 4 176 euros TTC au titre de la réparation des conséquences de son inexécution contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 2019 date de réception de la mise en demeure ou du 28 janvier 2020 date de réception de la mise en demeure du conseil de Monsieur [D],

– 2 500 euros au titre du préjudice financier d’immobilisation de la somme de 4176 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

– 1 000 euros au titre du préjudice moral d’anxiété résultant du retard dans la réalisation de son projet de vie, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

Réponse de la cour :

L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

L’architecte oppose à M. [D] la clause contenue dans l’article G 6.1.4.

– sur l’opposabilité de l’article G 6.1.4 du Cahier des Clauses Générales qui dispose qu’en cas de refus par le maître de l’ouvrage des documents transmis par l’architecte, les motifs de ce refus doivent être précisés par écrit dans les 10 jours. Passé ce délai, l’approbation est réputée acquise, de même, que les honoraires correspondants :

Cette clause crée un déséquilibre significatif dans les relations entre le consommateur, M. [D] et l’architecte, par son caractère non négociable, s’apparentant à un contrat d’adhésion et le délai restreint à 10 jours ne permettant pas nécessairement à un profane de contester utilement les documents.

Cependant, si cette clause doit être écartée, s’appliquent néanmoins les règles de la charge de la preuve.

Il incombe ainsi à celui qui a payé des factures d’apporter la preuve que le paiement n’était pas dû ou dans une moindre mesure.

En l’espèce, M. [D] sollicite notamment en réparation de l’inexecution contractuelle de la société DB ARCHITECTURE le remboursement des sommes versées, à savoir :

– PRE : études préliminaires : 600 euros HT ;

– APS : avant-projet sommaire d’un montant de 960 euros HT ;

– APD : avant-projet définitif d’un montant de 1680 euros HT ;

– DPC : avant dossier de demande de PC ou DT d’un montant de 240 euros HT.

Soit une somme de 4176 euros TTC.

Il affirme que :

– le travail n’a pas été effectué

– le travail a été mal effectué, notamment au regard du zonage du terrain ou d’un budget non respecté

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le 16 octobre 2018, il était transmis à M. [D] par mail, les descriptifs du projet et un premier devis de maçonnerie.

Il résulte de la lecture des mails des 24, 25 et 27 octobre 2018 que M. [D] a réitéré sa confiance à l’architecte et que la collaboration s’est poursuivie.

Dans un mail du 30 octobre 2018, M. [D] indique : « d’un autre côté, nous avons tous les deux déjà investi beaucoup de temps et d’argent dans le projet et cela me coûterait cher et prendrait beaucoup de temps pour recommencer tout ça avec un autre architecte ».

Les mails en date des 12 novembre contiennent les devis et les plans et descriptifs de matériel équestre.

M. [D] échoue donc à établir le fait que le travail n’aurait pas été effectué ou qu’aucun document ne lui aurait été transmis.

– Sur le montant prévisionnel des travaux :

Il résulte de l’article P 4.2, que le contrat prévoit une enveloppe financière d’un montant de 112 000 euros HT ajustée au fur et à mesure de l’avancement de la mission de l’architecte.

Le devis N°51, fourni au débat, s’élève à hauteur de 78 702 euros HT et n’est donc pas hors budget.

Aucun autre élément ne permet d’établir que le budget n’est pas respecté.

– Sur la mauvaise qualité du travail fourni :

M. [D] considère que la production du PLU est insuffisante, qu’il aurait été nécessaire d’éatblir une carte de zonage et un plan cadastral et indique qu’il n’a pas été versé de projet de permis de construire. Il est indiqué que le plan annexé avec une surface au sol limité à 40 m2 est nécessairement inefficace.

Il résulte des pièces versées aux débats que le projet de M. [D] de création d’un « Paddock Paradis », avec des constructions nouvelles minimales de 100 m2 ce qui est mentionné dans les conditions particulières du contrat, avec une perspective de 250 m2, ne peut coïncider avec le seul plan versé aux débats d’une surface au sol de 40 m2. En revanche l’affirmation selon laquelle les dernières modifications du PLU rendraient le terrain en zone agricole non constructible ne résulte que d’une affirmation mais d’aucun élément probant du dossier. De la même manière, M. [D] affirme que le projet n’était pas viable au regard des règles de l’urbanisme mais n’apporte aucun élément probant en ce sens. En revanche, il est excat que le permis de construire n’a pas été déposé et que s’il appartenait à M. [D] de le déposer, il appartenait à l’architecte de préparer le dit dossier.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments une mauvaise execution partielle du contrat d’architecte, les considérations ci-dessus développées permettant d’arbitrer le préjudice de ce chef subi par M. [D]à la somme de 1000 euros.

Le préjudice financier sera réparé par l’allocation d’intérêt moratoire à compter de l’assignation, aucun préjudice plus ample n’étant établi.

Le préjudice moral d’anxiété, s’il existe, n’est pas démontré. Il n’y sera pas fait droit.

La décision de première instance sera donc infirmée.

Sur les frais du procès :

Succombant partiellement à l’instance, la SRLU DB Architecture Expertise DBAE sera condamnée à en régler les entiers dépens, de première instance et d’appel en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande par ailleurs de condamner la SRLU DB Architecture Expertise DBAE à payer à M. [D] la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celui-ci sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et 800 euros en appel, soit la somme globale de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

– Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau de ces chefs :

– Condamne la SRLU DB Architecture Expertise DBAE à payer à M. [D] la somme de 1 000 euros en réparation de la mauvaise exécution contractuelle, avec intérêt au taux légal à compter du 6 juillet 2020,

– Ordonne la capitalisation des intérêts précités dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Déboute M. [D] de son préjudice moral d’anxiété,

Déboute M. [D] de sa demande au titre du préjudice financier d’immobilisation,

Condamne la SRLU DB Architecture Expertise DBAE aux dépens de première instance,

Condamne la SRLU DB Architecture Expertise DBAE à payer la somme de 700 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance,

Y ajoutant,

– Condamne la SRLU DB Architecture Expertise DBAE aux dépens d’appel,

– Condamne la SRLU DB Architecture Expertise DBAE à payer la somme de 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de l’appel,

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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