25 septembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/19854
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 10
ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2023
(n° 404 ,13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/19854 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVKF
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Novembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS (19ème Chambre) – RG n° 2020015008
APPELANTE
S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS
RCS 352 862 346
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant son siége social
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111,
Représenté par Maître Thibaud PETITGIRARD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC396
INTIMEES
S.A.R.L. MIRANNE ET FILS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
RCS 500 373 915
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Anne MALHOMME, avocat au barreau de PARIS,
Représentée par Me Allison DA LUZ DE BARROS Avocat au barreau de LYON, avocat plaidant
S.A.R.L. AU COMPTOIR DE LA CAISSE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
RCS 523 209 609
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Denis LATREMOUILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0178
Représenté par Maître Jean- Laurent REBOTIER, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposéS, devant Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Jacques LE VAILLANT Conseiller
Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signée par Monsieur Jacques LE VAILLANT Conseiller, le président empêché, par Monsieur Maxime MARTINEZ, Greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Miranne et fils (ci-après Miranne) exploitait trois boulangeries-pâtisseries à [Localité 5] (Savoie).
La société Au comptoir de la caisse (ci-après ACDC) est spécialisée en moyens de paiement, notamment dans le secteur des boulangeries.
Le 7 novembre 2017, la société Miranne passait commande à ACDC d’un ensemble complet de matériel et logiciel de caisse.
Le matériel vendu par ACDC à la société Miranne était financé par la Sas CM-CIC Leasing Holding (ci-après CM-CIC LS) et donnait lieu à la signature de deux contrats de location financière :
– Un premier contrat n° BV9811600 pour une durée ferme de 62 mois à compter du 1er décembre 2017 et un loyer mensuel après période initiale de 871,50 euros TTC. Ce contrat concerne un terminal point de vente Partner i5 et un monnayeur automatique Cashdro. Le matériel a été réceptionné selon procès-verbal de livraison signé en date du 29 août 2017 . .
– Un second contrat n° CK4855600 pour une durée ferme de 63 mois à compter du 1er juillet 2018 et un loyer mensuel après période initiale de 407,33 euros TTC. Ce contrat concerne un terminal point de vente de marque Aures. Le matériel a été réceptionné selon procès-verbal signé le 17 juin 2018.
A la suite des impayés de loyers, CM-CIC LS mettait en demeure la société Miranne, par lettres RAR en date du 11 mars 2020, de s’acquitter des sommes dues sous huit jours, sauf à encourir la résiliation des contrats de location financière.
En retour, la société Miranne se plaignait de graves dysfonctionnements des systèmes livrés par ACDC et l’inexécution de ses obligations contractuelles.
Par acte d’huissier de justice en date du 28 février 2020, la société Miranne a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris, les sociétés ACDC et CM-CIC LS pour faire constater les manquements contractuels allégués d’ACDC et prononcer la caducité des contrats de location financière.
Par jugement rendu le 10 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a statué comme suit :
– Déboute la société Miranne de ses demandes de condamnation de la société ACDC pour vices cachés, défaut de conformité des équipements et inexécutions contractuelles.
– Déboute la société Miranne de sa demande deprononcer la résolution des contrats liant la société ACDC à la société Miranne.
– Déboute la société Miranne de ses demandes de caducité des contrats de location financière.
– Déboute la société Miranne de ses demandes au titre du déséquilibre significatif.
– Constate la résiliation au 27 mars 2020 des contrats de location financière n° BV9811600 et n° CK4855600 conclus entre la société CM-CIC et la société Miranne.
– Ordonne à la société Miranne de restituer à la société CM-CIC à l’adresse de son siège social les équipements objet des contrats de location n° BV9811600 (à savoir un terminal point de vente Partner 15 et un monnayeur automatique Cashdro) et n° CK4855600 (à savoir un terminal point de vente de marque Aures), et ce dans un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, avec astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard pendant une durée de 30 jours, à l’issue de laquelle il sera à nouveau statué
– Condamne la société Miranne à payer à la société CM-CIC la somme de 1293,75 € TTC au titre des factures impayées des contrats n° BV9811600 et n° CK4855600.
– Déboute la société CM-CIC de sa demande de pénalités de retard.
– Condamne la société Miranne à payer à la société CM-CIC LEASING SOLUTIONS la somme de 19 000 € au titre d’indemnité de résiliation anticipée des contrats n° BV9811600 et n° CK4855600 déboute la société Miranne de sa demande de dommages et intérêts.
– Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
– Condamne la société Miranne à verser la somme de 500 euros à la société ACDC et 500 euros à la société CM-CIC au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamne la société Miranne aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 euros dont 15,64 euros de TVA.
Par déclaration du 15 novembre 2021, la Sas CM-CIC Leasing Holding a interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 20 juillet 2022, la Sas CM-CIC demande à la cour de
Vu les dispositions de l’article 1103 du Code civil, Vu les pie’ces verse’es aux de’bats,
Vu les conditions ge’ne’rales de location,
Dire la Sas CM-CIC recevable et bien fonde’e dans ses conclusions d’appelante,
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 10 novembre 2021 en ce qu’il a débouté’ la socie’te’ Miranne de l’ensemble de ses demandes tendant a’ obtenir la caducite’ du contrat de location,
L’infirmer uniquement sur le chef du montant alloue’ au titre des condamnations pe’cuniaires (loyers impaye’s et indemnite’ de re’siliation),
En conse’quence et statuant a’ nouveau,
Rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions parfaitement infondées’ dirige’es a’ l’encontre de la Sas CM-CIC,
Constater que cette dernie’re a parfaitement respecté’ les termes des contrats de location conclus avec la socie’te’ Miranne,
De’bouter en conse’quence la socie’te’ Miranne de sa demande de caducite’ des contrats de location,
A titre reconventionnel,
Voir constater la re’siliation des contrats de location financie’res aux torts et griefs de la socie’te’ Miranne,
S’entendre la socie’te’ Miranne condamne’e a’ restituer les mate’riels objet des conventions résiliées’, et ce dans la huitaine de la signification de l’arrêt a’ intervenir sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
Condamner la socie’te’ Miranne a’ payer a’ la Sas CM-CIC, la somme de 29 016,92 euros, au titre des 2 contrats, avec inte’rêts de droit a’ compter de la mise en demeure.
A titre subsidiaire,
En cas de caducité des contrats de location,
Si la Cour conside’re que la socie’te’ Miranne est à’ l’origine de l’ane’antissement fautif de l’ensemble contractuel :
Condamner la socie’te’ Miranne a’ re’gler a’ la Sas CM-CIC la somme de 45 950, 96 euros ( 29 016, 92 euros + 16 934, 04 euros ) correspondant aux sommes dues au titre de la re’siliation des contrats de location.
Si la Cour conside’re que la société’ Au comptoir de la caisse est a’ l’origine de l’ane’antissement fautif de l’ensemble contractuel :
Condamner la société Au comptoir de la caisse a’ re’gler a’ la Sas CM-CIC la somme de 45 950, 96 euros ( 29 016, 92 euros + 16 934, 04 euros ) correspondant aux sommes dues au titre de la re’siliation des contrats de location.
A titre infiniment subsidiaire,
Condamner la socie’te’ Au comptoir de la caisse a’ relever et garantir la Sas CM-CIC de toute condamnation qui pourrait intervenir a’ son encontre ;
En tout e’tat de cause,
Débouter toute demande de condamnation solidaire,
Condamner tout succombant a’ payer à la Sas CM-CIC une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de proce’dure civile,
Les Condamner aux entiers de’pens dont distraction au profit de la SCP Grapotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 23 juin 2022, la société Au Comptoir de la Caisse (ACDC), demande à la Cour de :
– A titre principal,
Confirmer le jugement rendu le 10 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris,
– A titre subsidiaire,
Débouter la société CM CIC de toutes ses demandes formées à l’encontre de la société ACDC.
– En tout état de cause,
Condamner solidairement la société Miranne et la société CM CIC, ou qui mieux le devra, à payer à la société ACDC la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner solidairement la société Miranne et la société CM CIC, ou qui mieux le devra, aux entiers dépens.
Par conclusions du 5 mai 2022 la société Miranne demande de :
Reformer l’intégralité du jugement en date 10 novembre 2021 rendu par le tribunal de commerce de Paris mais seulement en ce qu’il a statué comme suit :
« – Deboute la société Miranne et fils de ses demandes de condamnation de la société au comptoir de la caisse pour vices cachés, défaut de conformité des équipements et inexécutions contractuelles
– Deboute la société Miranne et fils de sa demande de prononcer la résolution des contrats liant à la société au comptoir de la caisse à la société Miranne et fils ;
– Deboute la société Miranne et fils de ses demandes de caducité des contrats de location financière
– Deboute la société Miranne et fils de ses demandes au titre du déséquilibre significatif ;
– Constate la résiliation du 27 mars 2022 des contrats de location financière n°bv9811600 et n°ck4855600 conclus entre la société CM-CIC Leasing Solutions et la société Miranne et fils ;
– Ordonne à la société Miranne et fils de restituer à la société CM-CIC Leasing Solutions à l’adresse de son siège social les équipements objet des contrats de location n°bv9811600 (à savoir un terminal point de vente partner i5 et un monnayeur automatique cashdro) et n°ck4855600 (à savoir le terminal point de vente de marque Aures) et ce, dans un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, avec astreinte provisoire de 20 € par jour de retard pendant une durée de 30 jours, à l’issue de laquelle il sera à nouveau statué ;
– condamne la société Miranne et fils à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions la somme de 1 293,75 € ttc au titre des factures impayées des contrats n°bv9811600 et n°ck4855600 ;
– condamne la société Miranne et fils à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions la somme de 19 000 euros au titre de l’indemnité de résiliation anticipée des contrats n° bv9811600 et n°ck4855600 ;
– deboute la société Miranne et fils de sa demande de dommages et intérêts ;
– deboute les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;
Condamne la société Miranne et fils à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions la somme de 500 euros et à la société au comptoir de la caisse la somme de 500 € au titre de l’article 700 cpc.
– condamne la société Miranne et fils aux dépens d’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 €, dont 15,64 € de tva.
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
– Debouter les sociétés Au Comptoir De la Caisse et CM-CIC de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
-prononcer l’existence des manquements contractuels suffisamment graves commis par la société Au Comptoir De la Caisse ;
En conséquence,
A titre principal
-Prononcer l’existence de vices cachés affectant le matériel livré à la sarl Miranne et fils par la sa Au Comptoir De la Caisse ;
A titre subsidiaire
-Prononcer l’existence d’un défaut de conformité affectant le matériel livré à la sarl Miranne et fils par la sa Au Comptoir De la Caisse;
A titre infiniment subsidiaire
-Prononcer l’existence d’un manquement contractuel sur le fondement de l’article 1103 et suivants du Code civil ;
En tout etat de cause
-Prononcer l’interdépendance des contrats liant les sociétés Miranne et fils, Au Comptoir De la Caisse et CM-CIC ;
-Prononcer l’existence de manquements contractuels suffisamment graves imputables à la société Au Comptoir De la Caisse ;
-prononcer la résolution de l’ensemble des contrats liant la société Miranne et fils à la société Au Comptoir De la Caisse, dont le contrat de maintenance, conclus en vertu des bons de commande établis et produits ;
-prononcer la caducité des contrats de location liant la société Miranne et fils à la société CM-CIC ;
Declarer réputées non écrites les clauses 2-4, 6-1, 10-3 et 10.5 des contrats de location financière
– Ordonner n’y avoir lieu au paiement d’une quelconque somme de la part de la société Miranne et fils ;
– Condamner solidairement les sociétés CM-CIC et Au Comptoir De la Caisse à rembourser l’ensemble des sommes versées par la société Miranne et fils au titre des contrats litigieux, outre intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2019 ;
– Condamner solidairement la société CM-CIC et la société Au Comptoir De la Caisse au paiement de 25.000 € au titre de dommages et intérêts à la SARL Miranne et fils;
-Condamner solidairement la société CM-CIC et la société Au Comptoir De la Caisse à payer 2.500 euros à la SARL Miranne et fils au titre de l’article 700 du CPC outre les entiers dépens, première instance et appel compris.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société CM-CIC Leasing Solutions de sa demande de pénalités de retard.
SUR CE, LA COUR
Sur l’interdépendance des contrats
La société Miranne et fils soutient l’application de l’interdépendance des contrats ; elle fait valoir que l’inexécution du contrat de fourniture de matériels entraîne la caducité du contrat de location financière et que sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance.
La société CM-CIC Leasing Solutions fait valoir qu’elle a cédé tous ses droits et actions à l’encontre du fournisseur à son locataire, conformément à l’article 2.4 des conditions générales des contrats. Ainsi, la société CM-CIC Leasing Solutions n’a pas à participer au litige entre la société Miranne et son fournisseur, et ses griefs allégués à l’encontre du fournisseur ne sont pas opposables au bailleur.
Ceci étant exposé,
C’est à bon droit que le tribunal a retenu que les contrats litigieux conclus successivement étaient interdépendants, dès lors que l’acquisition de matériels et leur financement, s’inscrivaient dans une opération de vente incluant une location financière et que le contractant, contre lequel l’interdépendance est invoquée, connaissait l’existence de l’opération lorsqu’il a donné son consentement.
Sur le déséquilibre significatif
La société Miranne et fils revendique l’application de l’article 1171 du code civil. Elle soutient que les contrats de location financière seraient des contrats d’adhésion et induiraient un déséquilibre significatif entre les droits et obligation des parties. Le contrat de location financière conclu ne lui ayant pas laissé la possibilité de négocier les clauses, elle conteste les articles 2-4 6-1 10-3 et 10-5 des conditions générales, qui seraient abusifs et devraient être réputés non écrits.
La société CM-CIC Leasing Solutions conteste tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties aux contrats. Elle fait valoir que le locataire dispose de recours contre le fournisseur et qu’il a souscrit, dans le cadre du contrat de location financière, l’obligation de régler les loyers au bailleur sous peine de résiliation en cas de non-paiement d’un seul loyer.
Ceci étant exposé
L’article 1171 du code civil vise à prohiber les clauses abusives dans les contrats d’adhésion. Il est admis désormais que le contrat de location financière relève de ces dispositions, lesquelles sanctionnent toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Ces clauses sont réputées non écrites.
Il appartient au juge de contrôler si les clauses du contrat sont frappées d’un déséquilibre significatif entre les droits respectifs des parties.
En vertu de l’article 1189 du code civil, les clauses du contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres dans le respect de la cohérence de l’acte tout entier.
Le déséquilibre significatif implique une absence d’égalité et de réciprocité entre les droits et doit s’apprécier à l’aune de l’économie générale du contrat.
En l’espèce, s’agissant de la clause relative à la résiliation du contrat, il convient de prendre en considération le fait que le contrat de location querellé a fait l’objet d’un financement intégral et instantané au profit du locataire, pour l’exercice de son activité. Le contrat de financement prévoit en contrepartie l’engagement du locataire de régler les loyers jusqu’au terme fixé. Il est stipulé qu’en cas d’inexécution de ses engagements et après une mise en demeure infructueuse d’exécuter ses engagements, le locataire s’expose à la résolution du contrat.
Dans ces conditions, le défaut de réciprocité de la clause de résiliation se justifie par la nature des obligations auxquelles les parties se sont soumises. Il s’en déduit que l’article 1171 du code civil n’a pas vocation à s’appliquer pour cette clause.
S’agissant des autres clauses prévoyant l’exénonération de toute obligation du bailleur pour inexécution de l’obligation de livraison, non conformité du matériel et vice caché.
Dans le cadre de l’interdépendance des contrats, l’article 1186 du code civil dispose que la disparition d’un engagement à exécution successive entraîne sa caducité. Ces dispositions permettent ainsi un rééquilibrage des clauses non négociées en offrant au locataire, qui fait face à des dysfonctionnements graves du matériel ou du contrat de maintenance, le droit de se libérer du prix de la location et d’obtenir la caducité du contrat de location financière sous la condition d’en apporter la preuve.
Il découle de ce principe que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance, telles les clauses d’exonération de responsabilité du bailleur.
Il en résulte que la société CM-CIC Leasing Solutions n’est pas fondée à se prévaloir de l’article 2.4 des conditions générales de ses contrats, prévoyant que le locataire renonce à tout recours contre le bailleur pour quel que motif que ce soit. De même l’article 6-1 des conditions générales, qui stipule une exonération de toute responsabilité du bailleur, doit être écartée.
En revanche, l’article 10-5 qui prévoit la faculté d’une pénalité s’ajoutant à l’indemnité de résiliation, est soumise au contrôle du juge, de sorte qu’il n’ y a pas lieu de faire droit à cette dernière demande.
Sur les vices cachés et défaut de conformité
La société Miranne et fils invoque à titre principal le vice caché affectant le matériel commandé. Elle prétend que le matériel n’était pas neuf, qu’il était défaillant, que le monnayeur était affecté d’un vice antérieur à la vente rendant l’installation totalement impropre à l’usage. Elle ajoute que le vice était indécelable, que ce n’est qu’après utilisation que les dysfonctionnements sont apparus. Elle soutient qu’il s’agit d’un défaut de conception qui a affecté toute l’installation dont elle justifie avec le procès verbal d’huisier du 26 novembre 2019.
Elle conteste la prescription.
Elle invoque subsidiairement, le défaut de conformité de l’installation qui serait totalement défectueuse, le défaut étant apparu dès les premières utilisations des appareils.
La société CM-CIC Leasing Solutions conteste le vice caché, en soutenant que la locataire n’a pas précisé exactement de quel matériel il s’agit, alors qu’il existe deux contrats de location avec plusieurs matériaux. Elle oppose de plus la prescription biennale.
S’agissant du défaut de conformité du matériel, elle soutient que le moyen ne peut prospérer dès lors que la société locataire a réceptionné les matériels sans réserve.
La société ACDC conteste les griefs. Elle fait valoir qu’elle a rempli ses obligations contractuelles en livrant et installant le matériel qui fonctionnait parfaitement ; que la société Miranne n’ apporte pas de preuve à l’appui de ses allégations, que la pièce 6 est toujours aussi illisible et dépourvue de force probante, dès lors qu’il s’agit d’une capture d’écran, non datée.Elle ajoute que la demande est prescrite.
Ceci étant exposé,
La société Miranne et fils invoque la commande d’un seul monnayeur, mais cette allégation n’est pas corroborée par les pièces versées aux débats. La société CM CIC Leasing Solutions établit que la société Miranne et fils a signé deux procès verbaux de réception en dates des 29 août 2017 et 17 juin 2018. (pièces 3 et 9 )
Les matériels désignés sont respectivement :
– 1 monnayeur Cash D205 , terminal point de vente Aures, logiciel Orchestra et accessoires.
– 1 monnayeur Cashdro 5, 1TPV Partner i5 , 1 tiroir Partner, 1 imprimante Partner, 1 afficheur 1 logiciel Cspro , 2 postes svpp , 1 CS back office.
La société Miranne et fils produit une pièce n°6 afin de démontrer que le matériel livré n’était pas neuf, mais la pièce s’avère inexploitable. Les premiers juges l’ont justement écartée en constatant que la capture d’écran n’était pas lisible. Au surplus, elle n’est pas datée.
Elle invoque des dysfonctionnements dès l’origine. Dans ces conditions la société bailleresse est fondée à soulever la prescription biennale pour le premier appareil, dans la mesure où le matériel litigieux a été livré et réceptionné en août 2017 et l’assignation visant le vice caché, est en date du 28 février 2020. Il s’est donc écoulé un délai supérieur à deux ans pour le premier appareil.
La société Miranne et fils invoque ensuite le procès verbal d’huissier du 26 novembre 2019 constatant que l’écran du monnayeur affiche la mention ‘hors service’ après avoir procédé au branchement de l’alimentation du monnayeur, mais ce constat n’apporte pas la démonstration d’une défectuosité intrinsèque du monnayeur compromettant l’usage normal de la chose ou son bon fonctionnement.
Elle se plaint d’une installation totalement défectueuse. Cependant, le fait de relater de nombreuses anomalies informatiques, telles que le blocage de caisses, l’impossibilité de modifier les prix, d’établir des bons de livraison, de dresser la comptabilité de l’entreprise ne démontre pas le vice caché, d’autant que la société ACDC conteste à cet égard les défectuosités prêtées au monnayeur. Si elle admet les problèmes rencontrés par la société Miranne et fils, elle les explique par son refus d’effectuer les travaux électriques nécessaires qu’elle avait préconisés au cours de ses interventions, afin d’éviter les déconnexions répétées des câbles électriques, causées par les employées de la société Miranne et fils.
La société ACDC justifie être intervenue sur site en 2018 et 2019 et avoir recommandé à la société Miranne et fils de mettre en place une goulotte. Il n’est pas contesté que cette recommandation n’a pas été suivie d’effet.
La société Miranne et fils n’ayant pas accompli les travaux afférents à l’installation électrique du local, il apparaît dans ces conditions, que c’est à bon droit que le tribunal a retenu que la défectuosité de l’installation relevait de la responsabilité de la société Miranne et fils en sa qualité d’exploitant du fonds.
Le moyen tiré du défaut de conformité du matériel pris en location ne peut davantage prospérer dans la mesure où la locataire a signé les deux procès verbaux de livraison et reconnu la conformité des matériels qu’elle a pris en location. Elle n’a jamais dénoncé une absence de conformité auprès du bailleur.
Il sera observé en outre qu’aucune plainte pour faux et usage n’est versée au débats concernant le deuxième contrat et qu’elle ne justifie d’aucune plainte à l’encontre du fournisseur à ce sujet. Au surplus, les engagements commerciaux conclus entre le fourniseur et le locataire endehors de l’opération d’achat et de financement , ne sont pas opposables à la société CM-CIC en sa qualité de tiers à cette relation.
Il y a lieu de confirmer le rejet des demandes de la société Miranne pour vices cachés et défaut de conformité des équipements.
Sur la résolution des contrats
La société Miranne et fils invoque l’existence des manquements contractuels suffisamment graves commis par la société Au comptoir de la caisse en particulier les pannes du monnayeur. Elle fait valoir également les dysfonctionnements des autres appareils. Elle ajoute que la société ACDC n’a pas respecté ses obligations de maintenance, a manqué à son obligation de formation du personnel, elle lui reproche le vol de ses salariés du fait du non fonctionnement des caisses.
La société ACDC conteste les fautes qui lui sont reprochées, en particulier en ce qui concerne le monnayeur. Elle fait valoir que la société Miranne n’a pas respecté ses propres obligations d’entretien et de manipulation correcte du matériel. La société ACDC conteste également les autres dysfonctionnements allégués, affirmant qu’ils ne sont ni prouvés ni documentés.
La société CM-CIC Leasing Solutions conteste les dysfonctionnements mentionnés dans le constat d’huissier en faisant valoir que les prétendus dysfonctionnements du matériel ne sont pas pas démontrés. Elle soutient que le matériel mentionné n’est pas celui financé par elle. Elle souligne également qu’il n’est pas prouvé que les dysfonctionnements affectent les deux monnayeurs financés.
Ceci étant exposé,
En application de l’article 1219 du code civil, la société Miranne et fils doit apporter la preuve de défaillances graves du matériel installé par le fournisseur et les manquements à ses obligations contractuelles.
L’article 1186 du code civil, dispose qu’un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments disparaît.
Il sera observé que c’est à la suite de la mise en demeure adressée le 11 mars 2020, par la société CM-CIC Leasing Solutions que la société Miranne évoquait une inexécution grave à l’encontre de son fournisseur et l’assignait. Elle produit un courrier en date du 8 avril 2019 mais ne justifie pas de l’envoi d’une mise en demeure avec accusé de réception à l’encontre de la société ACDC à cette date.
S’agissant des pannes du monnayeur, le constat d’huissier désigne le monnayeur automatique de marque Cashdro 5 – Modèle : CD5-150101. Il résulte des développements précédents que la société ACDC reconnaît les pannes survenues, mais réfute une défaillance technique du monnayeur. Elle justife des interventions d’un technicien en juillet 2018 et février 2019 et de ses préconisations afin d’y mettre un terme.
Il ressort des messages adressés par la société Miranne et fils que bien qu’ informée de l’origine du problème, elle a poursuivi ses doléances au sujet des incidents qui se répètaient, sans pour autant démontrer une défaillance technique du matériel.
Elle fait également grief d’un défaut d’assistance technique, d’un défaut de formation du personnel, du vol des employées.
S’agissant de la maintenance, la société ACDC expose que les deux contrats de location financière étaient stipulés sans maintenance.
Il ressort des documents que le premier contrat mentionnait un forfait : ‘installation -programmation matériel- mise en route et formation’ et le deuxième contrat signé le 17 juin 2018 précisait : ‘ maintenance non intégrée’.
Il s’en déduit que le contrat de maintenance conclu entre la société Miranne et la société ACDC, n’est pas opposable à la société CM-CIC Leasing Solutions.
Au surplus, les messages versés au débats par la société Miranne et fils témoignent d’une assistance téléphonique de la société ACDC. Le fait que le fournisseur n’ait pas répondu à toutes les demandes de la société Miranne, ne suffit pas à démontrer une inexécution grave du contrat de maintenance.
S’agissant des vols commis par ses employés, du fait de l’ouverture des tiroirs lors des déconnexions, ils ne peuvent être imputés à la société ACDC. Enfin, la société Miranne ne conteste pas avoir bénéficié du forfait incluant la formation, mais reproche un défaut de formation de son personnel sans établir que le contrat prévoyait cette obligation, hormis la formation prévue dans le cadre du forfait.
Les autres griefs relatifs aux pièces comptables, aux pannes d’impression, à l’impossibilité de modifier les prix, de l’édition de tickets sont contestés par la société ACDC, laquelle justifie en pièce 7 avoir remis tous les fichiers comptables.
La société Miranne et fils produit des photographies pour étayer le fait que la touche ‘chèque’ n’avait pas été installée. Mais la société ACDC verse une pièce 10 relative au fonctionnement du logiciel de caisse, qui démontre que la touche paiement permettait les paiements par chèque ou par carte bancaire.
La société ACDC précise à ce sujet que les logiciels de paiement sont conformes à la norme 2018 qui impose les différents modes de paiement (espèce, chèque,carte bancaire ou tickets restaurant).
Ainsi que l’a jugé le tribunal, il résulte de l’ensemble des éléments du dossier que les dysfonctionnements dénoncés par la société Miranne et fils ne proviennent pas d’une installation défectueuse de la société ACDC mais des erreurs de manipulations du personnel de la société locataire.
Il y a lieu de confirmer que sa demande de résolution pour manquements graves du fournisseur n’est pas fondée. Il s’en déduit que la caducité du contrat de location financière conclu avec la société CM-CIC Leasing Solutions ne peut être prononcée.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la résiliation des contrats de location aux torts de la société Miranne et fils à la date du 27 mars 2020.
Sur les demandes en paiement
La société CM-CIC Leasing Solutions demande la restitution des matériels ainsi que le paiement des loyers impayés et des pénalités de retard.
Elle demande la réformation du jugement en ce qu’il a réduit le montant des condamnations pécuniaires. Elle sollicite le versement d’une somme équivalente à la totalité des loyers restant à échoir postérieurement à la résiliation, ainsi qu’une pénalité de 10 % de cette somme.
Ceci étant exposé,
Il convient de confirmer la condamnation de la société Miranne à restituer les matériels qui ont fait l’objet des procès verbaux réceptionnés et signés.
S’agissant de l’indemnisation du bailleur, le crédit bailleur est fondé à obtenir le paiement des loyers échus impayés et à échoir pour chacun des deux contrats. Il convient de confirmer que la clause prévue à l’article 10-5 du contrat revêt le caractère d’une clause pénale, que dès lors la pénalité peut être modérée si elle est manifestement excessive.
En l’espèce, il n’est pas justifié de la restitution des matériels en 2023. La société CM-CIC ne justifiant pas pour autant avoir mis en oeuvre la décision qui lui permettait de récupérer le matériel, la demande de condamnation sous astreinte sera rejetée.
La société CM-CIC Leasing Solutions justifie des factures acquittées auprès du fournisseur d’un montant de 33 840 euros (pièce 6) et de 19 800 euros. (pièce 12 )
Il apparaît au regard des montants perçus que la pénalité de 10 % convenue au titre de l’indemnité de résiliation est manifestement excessive, elle sera réduite au montant de 446 euros pour le premiercontrat et de 260 euros pour le second.
La société Miranne et fils sera condamnéee à payer pour le contrat BV 98111600 au titre des 5 loyers échus impayés la somme de 4 432, 10 euros et une indemnité de résiliation de 22 306, 20 euros ; pour le contrat CK4855600 celle de 2 036, 65 euros et une indemnité de résiliation de 13 008, 54 euros.
Il y a lieu de condamner la société Miranne et fils au paiement de ces sommes. Le jugement déféré sera réformé à ce titre.
Sur les dommages et intérêts
Il résulte de la solution adoptée que la demande de dommages et intérêts de la société Miranne et fils n’étant pas fondée, sera rejetée.
Les autres demandes seront également écartées.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société Miranne et fils, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens d’appel.
Il paraît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qui ont été exposés dans le cadre de l’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne les indemnités de résiliation,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Miranne et fils à payer à la société CM-CIC Leasing Solutions pour le contrat BV 98111600 les sommes de :
4 432, 10 euros au titre des loyers impayés et une indemnité de résiliation de 22 306, 20 euros
446 euros au titre de la clause pénale ;
pour le contrat CK4855600 :
– 2 036, 65 euros au titre des loyer impayés et une indemnité de résiliation de 13 008, 54 euros 260 euros au titre de la clause pénale ;
CONDAMNE la société Miranne et fils aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la scp Grapotte Benetreau en application de l’article 699 code de procédure civile
REJETTE toutes les autres demandes.
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
M. MARTINEZ J. LE VAILLANT