SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 septembre 2021
Cassation
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 937 F-D
Pourvoi n° M 20-17.409
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 SEPTEMBRE 2021
M. [Q] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-17.409 contre l’arrêt rendu le 13 mai 2020 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l’opposant à la société Laboratoire Deplante Jacquemain, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [T], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Laboratoire Deplante Jacquemain, après débats en l’audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 13 mai 2020), M. [T] a été engagé le 10 février 2014 par la société Laboratoire Deplante Jacquemain, en qualité de prothésiste dentaire qualifié, selon une durée de 39 heures de travail par semaine.
2. Après avoir signé une convention de rupture le 10 novembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 14 février 2017 de demandes au titre de l’exécution de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires, de contreparties en repos et d’une indemnité pour travail dissimulé, alors « qu’en tout état de cause, en cas de litige sur l’existence ou le nombre d’heures de travail effectuées, le juge se prononce au vu des éléments fournis par le salarié à l’appui de sa demande et de ceux fournis par l’employeur de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; que des tableaux récapitulatifs des heures réalisées même sur plusieurs années et indiquant pour chaque jour une heure de début et de fin de journée identique suffisent notamment à étayer la demande du salarié tandis que l’employeur ne justifie pas des horaires effectivement réalisés par le salarié en produisant le témoignage de salariés exerçant des fonctions identiques à celles du requérant et précisant avoir pu exercer leurs missions dans le cadre de l’horaire de travail sans se trouver dans l’obligation d’effectuer des heures supplémentaires ; qu’en jugeant cependant que M. [T] ne rapportait pas la preuve de ce qu’il aurait réalisé des heures supplémentaires sans être rémunéré parce qu’il revendiquait des horaires de travail toujours identiques, de manière régulière, sur une période de presque trois ans tandis que l’employeur produisait des attestations démontrant que le volume de travail confié au salarié pouvait être réalisé pendant la durée de travail de 39 heures, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision en violation de l’article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 3171-4 du code du travail :
4. Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
5. Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
6. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
7. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires, de contreparties en repos et d’une indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt retient que les relevés d’heures établis par l’intéressé et l’une des attestations qu’il produit constituent des éléments suffisamment précis pour étayer la demande. Il relève ensuite, à l’examen des pièces produites par l’employeur, des discordances dans les éléments fournis par le salarié et la circonstance que la réalisation d’une des tâches confiées à ce dernier, la coulée des empreintes, n’avait nécessité aucune heure supplémentaire pour son remplaçant. Il ajoute que ce ne sont pas seulement quelques heures supplémentaires qui sont revendiquées par le salarié, mais, de manière régulière, sur une période de presque trois ans, des horaires de travail toujours identiques impliquant un nombre d’heures supérieur de six heures puis de quatre heures par semaine à la durée du travail contractuellement fixée, alors que l’employeur produit des attestations démontrant que le volume de travail confié au salarié pouvait être réalisé pendant la durée de travail de 39 heures, et que les horaires de travail repris par le salarié dans son tableau comportent manifestement des erreurs et ne sont corroborés que partiellement par une attestation. Il déduit de l’ensemble des éléments produits de part et d’autre que la preuve d’heures supplémentaires non rémunérées n’est pas rapportée.
8. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses propres constatations, d’une part, que le salarié avait présenté à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétendait avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre et, d’autre part, que celui-ci n’avait fourni aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches réunies
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait le même grief à l’arrêt, alors :
« 3°/ que la cour d’appel a rejeté la demande subséquente de celle relative au paiement des heures supplémentaires formulée par M. [T] au titre de l’indemnisation compensatrice de repos compensateur obligatoire ; que la cassation prononcée du chef des dispositions de l’arrêt relatives au paiement des heures supplémentaires doit cependant également entraîner, par voie de dépendance nécessaire, celle des dispositions relatives à l’indemnisation compensatrice de repos compensateur obligatoire, en application de l’article 624 du code de procédure civile ;
4°/ que la cour d’appel a rejeté la demande subséquente de celle relative au paiement des heures supplémentaires formulée par M. [T] au titre de l’indemnisation pour travail dissimulé ; que la cassation prononcée du chef des dispositions de l’arrêt relatives au paiement des heures supplémentaires doit cependant entraîner, par voie de dépendance nécessaire, celle des dispositions relatives à l’indemnisation pour travail dissimulé, en application de l’article 624 du code de procédure civile. »