N° RG 21/07630 -N��Portalis DBVX-V-B7F-N4RA
Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon
en Référé du 27 août 2021
S.A.R.L. LABORATOIRE [H] ET [M]
C/
S.E.L.A.R.L. CABINET [D] [Y]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 06 Juillet 2022
APPELANTE :
La société LABORATOIRE [H] ET [M], société à responsabilité limitée au capital de 169 153 euros, dont le siège social est [Adresse 2], immatriculée au registre du Commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 401750 542, représentée par son dirigeant en exercice domicilié ès-qualités audit siège
Représentée par Me Sylvain CAYRE de la SELARL ANTELIS CAYRE – CHAUVIRE & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 866
INTIMÉE :
La SELARL CABINET [D] [Y], SELARL au capital de 150 000 euros immatriculéeau RCS de LYON sous le n°500 491 071, dont le siège social est [Adresse 1], représentée par son dirigeant en exercice
Représentée par Me Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : 713
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Date de clôture de l’instruction : 11 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Mai 2022
Date de mise à disposition : 06 Juillet 2022
Audience tenue par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et Karen STELLA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, Karen STELLA a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Christine SAUNIER-RUELLAN, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Christine SAUNIER-RUELLAN, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Le Cabinet [D] [Y] et le laboratoire [H] ET [M] sont en affaires depuis 25 ans.
Le laboratoire prothésiste dentaire s’estime créancière d’une somme de 7048,69 euros issue d’un reliquat de factures. La mise en demeure de payer du 22 juillet 2020 est restée vaine.
Par assignation du 1er décembre 2020, le laboratoire [H] ET [M] a saisi en référé le président du tribunal judiciaire de Lyon pour qu’il condamne le Cabinet [D] [Y] à lui verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure outre 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
La requérante a ensuite porté à 2500 euros sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Son débiteur n’a jamais contesté la somme due. Il payait régulièrement tardivement. Il se borne à contester la qualité des travaux globalement et n’évoque que le cas de Madame [B] pour une prestation d’un montant minime.
Le cabinet [D] [Y] a excipé d’une contestation sérieuse sur l’existence de la créance en l’absence d’élément probatoire sérieux. Il a conclu au débouté des demandes et à la condamnation du demandeur à lui payer 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Selon lui, de très nombreuses prothèses livrées ne sont pas susceptibles d’être posées. Le matériel n’est pas conforme. Il a été retourné pour modification.
Suivant ordonnance du 27 août 2021, le juge des référés, a’:
au principal renvoyé les parties à se pourvoir ;
rejeté la demande en paiement d’une provision ;
condamné le laboratoire [H] ET [M] à payer 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Le juge a retenu en substance que’:
Le défendeur a produit des bons de livraison correspondant à des prothèses ne donnant pas satisfaction avec des attestations de patients évoquant des renvois de prothèses dysfonctionnelles au fabricant.
Appel a été interjeté, par le conseil de la SARL laboratoire [H] ET [M] par déclaration électronique le 15 octobre 2021 à l’encontre des entières dispositions de l’ordonnance du 27 août 2021.
Les plaidoiries ont été fixées au 11 mai 2022 à 9 heures suivant la procédure à bref délai des articles 905 à 905-2 du code de procédure civile.
Suivant ses dernières conclusions n°2 notifiées par RPVA le 3 mai 2022, la SARL LABORATOIRE [H] ET [M] demande à la Cour, de’:
Vu l’article 834 al 2 du code de procédure civile et 1103 et 1104 du code civil
infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
constater que la SELARL Cabinet [D] [Y] est débitrice de la somme de 7 048,69 euros en principal.
En conséquence,
la condamner à lui verser la somme en principal de 7048,68 euros outre tous intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2020 date de la mise en demeure ;
la condamner à lui verser 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
L’appelante soutient notamment en substance que’:
-ses relations sont anciennes avec le Cabinet [D] [Y] qui a régulièrement pris trop de liberté quant au délai pour régler.
le 9 janvier 2020, il lui devait une somme de 34 553,69 euros. Malgré une relance, le solde n’était pas payé le 28 janvier 2020. Au 9 mars 2020, le solde a été porté à 56 948,69 euros. Malgré une relance, au 15 mai 2020 le montant s’est élevé à 57 048,69 euros. Elle estime avoir fait preuve de patience. Il a fini par faire un virement significatif fin mai 2020 ramenant son encours à 7 048,69 euros correspondant à sept factures. Toutefois, depuis fin mai 2020, aucun autre paiement n’a été fait ce qui explique la mise en demeure du 22 juillet 2020 ;
le docteur [Y] n’a pas retiré son courrier. Il n’a pas été apporté de réponse, ce qui l’a contrainte à saisir la justice qui l’a déboutée alors que le débiteur n’a jamais contesté le principe ni le montant dû. Il n’y a jamais eu d’échanges entre eux avant l’audience ;
son expert comptable confirme les retards de paiement. Or, le chiffre d’affaires réalisé via le docteur [Y] réprésente plus de 10 % du chiffre d’affaires total du laboratoire alors que l’encours moyen du poste client représente plus de 20 % de l’encours total ;
les prétendues contestations soulevées sont imprécises quant aux prestations, aux clients concernés, et aux montants. Sa demande doit être a minima accueillie. Ce sont des affirmations péremptoires, globales. Madame [B] est une cliente dont la prestation s’élève à 75 euros suivant facture du 29 février 2020. Pour le reste, des bons de livraison ont été produits outre deux attestations de patientes mais sans aucun mail du Cabinet [Y] pour des retours de prothèse ou réclamations.Le laboratoire est bien rénommé et connu comme un prestataire de qualité contrairement à ce qui est soutenu. En outre, les prothèses sont fonction de la prise d’empreinte par le dentiste et il est normal qu’il soit procédé à des ajustements. Il n’y a aucun retour ni réclamation pour Madame [P]. Les contestations ne sont pas pertinentes. Sont produites en appel deux nouvelles pièces’:
le chèque de plus de 44 000 euros date de février 2017 du laboratoire [H] [K] sans lien avec l’affaire ;
Le procès-verbal d’huissier qui n’est pas un constat mais un document attestant de la mise sous séquestre de prothèses qui seraient défectueuses selon son mandant outre une liste de prothèses disparues. Or, l’empreinte peut avoir été mal faite par le dentiste lui-même et des adaptations sont généralement faites. La prothèse fait alors l’objet d’un retour ce qui n’est aucunement démontré dans le présent litige. Les listes ne concernent pas les mêmes clients ni les mêmes prestations que celles faisant l’objet de factures (Madame [L] 45 euros, M. [W] pour 430 euros, et Madame [P] pour 2 880 euros).
Suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 27 janvier 2022, la SELARL Cabinet [D] [Y] demande à la Cour de’:
déclarer recevable mais non fondé l’appel ;
confirmer intégralement l’ordonnance entreprise ;
débouter la SARL LABORATOIRE [H] ET [M] de l’intégralité de ses demandes, y ajoutant la condamner à lui payer 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outr les entiers dépens de première instance et d’appel.
L’intimé fait notamment valoir que’:
le docteur [Y] a toujours honoré ses factures ;
si les travaux du prothésiste ne sont pas conformes, il doit modifier les prothèses ou les refaire. Cela a été le cas de plusieurs prothèses livrées qui n’ont pas pu être posées. Une patiente Madame [B] en témoigne en février 2020. Sa prothèse n’a pas été modifiée et il a dû être fait appel à un autre prothésiste. La somme réclamée fait l’objet d’une contestation sérieuse ;
le tableau excel qui est une preuve faite à soi-même et une lettre recommandée avec accusé de réception non retirée ne sont pas des preuves ;
des attestations de moralité versées en appel sont sans effet et l’attestation imprimée de l’expert comptable selon laquelle le docteur [Y] aurait réglé tardivement ses factures est irrecevable ;
il est versé un chèque de plus de 44 000 euros en raison de sommes indues payées par Monsieur [Y]. Cela démontre le caractère contestable des facturations ;
enfin, il a été remis à un huissier de justice l’intégralité du matériel insusceptible d’être posé.
Pour l’exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence conformément à l’article 455 du code de procédure civile à leurs écritures déposées et débattues à l’audience du 11 mai 2022 à 9 heures.
A l’audience, les conseils des parties ont pu faire leurs observations et/ou déposer ou adresser leurs dossiers respectifs. Puis, l’affaire a été mise en délibéré au 6 juillet 2022.
MOTIFS
A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour «’constater’» ou «’dire et juger’» ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Sur la demande de provision
Le laboratoire [H] ET [M] vise par erreur l’article 834 alinéa 2 du code de procédure civile en lieu et place de l’article 835 alinéa 2 relatif aux demandes de provision. En outre, l’article 834 du code précité exige la démonstration d’un cas d’urgence qui fait défaut en l’espèce.
En application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit trancher les litiges selon les règles de droit qui lui sont applicables. En conséquence, il y a lieu de vérifier le bien-fondé de la demande de provision au regard de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.
En application de article 835 alinéa 2 du code précité, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier si et seulement si l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
Le laboratoire [H] ET [M] sollicite une provision à hauteur de la somme de 7048,69 euros correspondant à sept factures, soit le reliquat de la facture du 29 février 2020 pour 327,69 euros, le montant de la facture de mars 2020 pour un montant de 6 621 euros, ainsi que le montant de la facture de mai 2020 pour 100 euros.
Le cabinet [D] [Y] n’a jamais contesté, avant la présente procédure, les factures ni dans leur principe ni dans leur montant, le cabinet [Y] se bornant à exciper d’une mauvaise exécution par le laboratoire prothésiste de ses prestations. Le laboratoire [H] ET [M] a justifié de l’envoi de sa mise en demeure, très précise, par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juillet 2020.
Il n’est pas suffisant pour le cabinet [D] [Y] de soulever des contestations pour faire échec à la procédure de référé. Il faut encore démontrer leur caractère sérieux.
En première instance, a été évoqué le cas de Madame [B] (pièce 3) qui apparaît dans la facture du 29 février 2020, objet du litige, pour une prestation de 75 euros et celui de Madame [P] (pièce 4) qui apparaît dans la facture du 31 mars 2020, objet du litige, pour des prestations d’un montant de 2 280 euros.
Or, fournir des bons de livraison qui correspondraient à des prothèses dites défectueuses justifiant de ne pas les payer et deux attestations de deux patients insatisfaits ne sauraient donner à cette contestation un caractère sérieux en l’absence d’échanges par écrit entre le dentiste et le prothésiste préalablement à la présente demande en paiement faisant état de réclamations sur la qualité des travaux, sur le retour des produits, sur des refus de paiement voire des demandes de remises.
En dehors des deux patientes ci-dessus désignées, il n’a été donné aucune précision quant aux clients, aux prestations et aux montants précis concernés. Le constat d’huissier, produit en appel, date du 24 janvier 2022. Il ne fait qu’attester avoir séquestré des prothèses dont seul le cabinet [Y] allègue qu’elles sont défectueuses outre une liste de prothèses déclarées disparues sans explication ni démonstration. Cela ne permet pas de donner un caractère suffisamment sérieux à la contestation car cela n’a pas donné lieu à retour de la prothèse au laboratoire, qu’il n’y a aucune réclamation de produite et qu’il n’est pas démontré que cela concerne des prothèses concernées par les factures en cause à l’exception de trois patients.
Les attestations de l’assistante dentaire de Monsieur [Y], [G] [A], et de [T] [K] sont bien insuffisantes à pallier l’absence de contestations écrites et de retours de prothèses avec justification du motif du retour, avant la demande en justice.
Enfin, le fait que le laboratoire ait dû en 2017 faire un chèque de 44 000 euros environ au profit de [D] [Y] est sans lien, et partant sans effet, dans le présent litige.
C’est à tort que le premier juge a donné force à deux attestations de patientes et tiré des conséquences à partir des seuls bons de livraison produits en considérant que le cabinet [D] [Y] avait soulevé des contestations sérieuses pour s’opposer à la demande de provision correspondant à des factures qui n’ont pas été contestées, officiellement, ni dans leur principe ni dans leur montant avant la demande en justice.
En conséquence, la créance de 7 048,69 euros ne fait l’objet d’aucune contestation sérieuse.
La Cour infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, la Cour condamne la SELARL Cabinet [D] [Y] à verser à la SARL Laboratoire [H] ET [M] la somme en principal de 7048,68 euros, outre tous intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2020 date de la mise en demeure.
Sur les demandes accessoires
Le Cabinet [D] [Y], partie perdante, doit supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.
En équité, la Cour condamne la SELARL Cabinet [D] [Y] à verser à la SARL Laboratoire [H] ET [M] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Corrélativement, la Cour déboute la SELARL Cabinet [D] [Y] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Condamne la SELARL Cabinet [D] [Y] à verser à la SARL Laboratoire [H] ET [M] la somme en principal de 7048,68 euros outre tous intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2020, date de la mise en demeure,
Condamne le Cabinet [D] [Y] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Condamne la SELARL Cabinet [D] [Y] à verser à la SARL Laboratoire [H] ET [M] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SELARL Cabinet [D] [Y] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT