COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 08 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/268
Rôle N° RG 21/07737 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHQI7
[G] [O] [V]
C/
S.A. BNP PARIBAS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me James TURNER
Me Marco FRISCIA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 09 Mars 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/01973.
APPELANT
Monsieur [G] [O] [V]
né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 5]),
demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté de Me James TURNER, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
S.A. BNP PARIBAS, agissant poursuites et diligences de ses mandataires sociaux,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
mais encore au siège des ASR-SCIR de [Localité 6], [Adresse 4],
mais également en son agence sise [Adresse 7]
représentée et assistée de Me Marco FRISCIA, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie GERARD, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR
La SAS Kosmeteeth (la SAS), au capital de 37 000 €, a été constituée en avril 2005 par M. [G] [V], prothésiste dentaire, pour exercer une activité de fabrication de matériel médical et dentaire.
Le 11 avril 2005, la BNP Paribas a consenti à la SAS un prêt de 890 000 € sur 10 ans, au taux de 3,65 %, destiné à financer l’acquisition du fonds de commerce et des marchandises.
Un avenant du 6 octobre 2009 a reporté le terme du prêt de deux ans, ce qui a eu pour effet de diminuer le montant des mensualités. Le même jour, M. [V], marié sous le régime de la communauté de biens, s’est porté caution solidaire, dans la limite de 115 000 €, avec le consentement express de son épouse.
La SAS a été mise sous le régime de la sauvegarde, le 25 octobre 2012. Le plan de sauvegarde, arrêté le 9 juillet 2014, a été résolu par un jugement du 9 juin 2017 qui a ouvert le redressement judiciaire. Un plan de continuation, arrêté le 26 septembre 2018, a été résolu par un jugement du 9 avril 2020 qui a prononcé la liquidation judiciaire.
Après avoir mis en demeure M. [V], le 4 juillet 2018, la BNP Paribas l’a fait assigner en exécution de son obligation de caution, le 2 mai 2019.
M. [V] s’est prévalu de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, à raison d’un manquement à l’obligation d’information annuelle de la caution, pour en déduire que la créance de cautionnement est éteinte par l’effet de l’imputation des paiements d’intérêts sur le principal de la dette.
Par jugement contradictoire du 9 mars 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Nice a :
– débouté M. [V] de ses demandes ;
– condamné M. [V] à payer la somme de 115 000 €, avec intérêts au taux de 3,65 % à compter du 4 juillet 2018 ;
– condamné M. [V] aux dépens et au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [V] est appelant de ce jugement.
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Vu les conclusions remises le 25 avril 2022, auxquelles la cour se réfère en application de l’article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles M. [V] demande à la cour de :
– juger que le cautionnement est manifestement disproportionné ;
– juger que la BNP Paribas ne peut s’en prévaloir et la débouter de ses demandes ;
Subsidiairement
– juger que la créance cautionnée est éteinte ;
– juger que la BNP Paribas ne justifie pas du quantum de la créance qu’elle allègue, faute de preuve de l’envoi de la lettre d’information annuelle légalement requise ;
– débouter la BNP Paribas de ses demandes ;
En toutes hypothèses,
– condamner la BNP Paribas aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Vu les conclusions remises le 28 avril 2022, auxquelles la cour se réfère en application de l’article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la BNP Paribas demande à la cour de :
– débouter M. [V] de ses demandes ;
– confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
– le condamner aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 18 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre principal, M. [V] oppose le grief de disproportion manifeste de son engagement. Subsidiairement, il se prévaut d’un manquement à l’obligation d’information annuelle de la caution pour prétendre, d’un côté, que son obligation de caution est éteinte par l’effet de l’imputation des paiements effectués par le débiteur sur le principal de la dette et, d’un autre côté, que la créance n’est pas certaine, faute par la banque de produire un décompte prenant en compte la déchéance du droit aux intérêts.
Sur le grief de disproportion manifeste de l’engagement de caution
Marié sous le régime de la communauté légale, M. [V] a souscrit le cautionnement litigieux le 6 octobre 2009, dans la limite de 115 000 € ; l’épouse de M. [V] a consenti expressément à l’engagement.
Aux termes de l’article L 341-4, devenu L 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Dans le cas où la caution est mariée sous le régime de la communauté de biens, l’appréciation de la disproportion prend en compte, outre les biens et revenus propres à la caution, les biens et les revenus communs des époux.
M. [V] fait valoir qu’en 2009, ses revenus s’élevaient à 40 267 € et qu’il était tenu de crédits d’un montant cumulé de 154 141 €.
La BNP Paribas produit aux débats une notice intitulée « renseignements sur l’emprunteur ou la caution», établie le 25 février 2009. Ce document, sur lequel M. [V] a apposé sa signature, fait mention :
– de revenus « nets » annuels de 52 200 € pour M. [V] et de 41 400 € pour son épouse ;
– de reliquats de crédits d’un montant cumulé de 163 591 € ;
– de la propriété d’une maison d’habitation d’une valeur estimée à 400 000 €, grevée d’une charge résiduelle d’emprunt de 15 000 €.
M. [V] ne se prévaut ni d’une évolution dans sa situation entre les mois de février et octobre 2009, ni d’une anomalie de caractère apparent à la lecture de la notice. Dès lors, il ne peut remettre en cause les éléments d’information dont il a fait mention, desquels il résulte un patrimoine de 385 000 € qui excède le montant cumulé de l’endettement et du cautionnement litigieux.
Le grief de disproportion manifeste est écarté.
Sur le manquement à l’obligation d’information annuelle de la caution
M. [V] soutient que la banque n’a pas satisfait à l’obligation d’information annuelle de la caution prescrite par l’article L 313-22 du code monétaire et financier.
La BNP Paribas, à qui incombe la charge de la preuve de l’envoi des lettres d’information annuelle, n’en justifie qu’au titre des années 2012 (courrier du 20 mars 2013), 2013 (courrier du 28 février 2014) et 2017 (courrier du 18 janvier 2018) par la copie de lettres adressées sous forme recommandée. Les autres courriers produits par la banque, notamment la lettre du 16 février 2012, ne sont que des copies de lettres simples qui ne font pas preuve de leur envoi.
En application du texte précité, la BNP Paribas se trouve, dans ses rapports avec M. [V], déchue du droit aux intérêts conventionnels depuis la date de la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. La sanction, qui prend effet le 31 mars 2010, date à laquelle l’information devait être donnée pour la première fois, s’applique :
– entre le 31 mars 2010 et le 20 mars 2013 :
– entre le 31 mars 2015 et le 18 janvier 2018 ;
– à compter du 31 mars 2019.
En outre, pendant les périodes de déchéance, les paiements effectués par la SAS sont réputés affectés prioritairement au principal de la dette.
Il n’est pas établi que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, qui laisse subsister l’obligation aux intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 4 juillet 2018 adressée à M. [V], a pour effet d’éteindre la créance de cautionnement.
Dès lors, il convient de fixer les modalités de calcul de la créance et de condamner M. [V] à payer le solde en résultant, s’il est positif.
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En considération des succombances respectives, chaque partie conserve la charge de ses frais et dépens, en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette le grief de disproportion manifeste de l’engagement de caution,
Infirme le jugement attaqué,
Statuant à nouveau
Dit que, dans ses rapports avec M. [G] [V], la BNP Paribas est déchue du droit aux intérêts conventionnels :
– entre le 31 mars 2010 et le 20 mars 2013
– entre le 31 mars 2015 et le 18 janvier 2018
– à compter du 31 mars 2019,
Dit que les paiements effectués par la SAS Kosmeteeth, au cours des périodes de déchéance, sont réputés affectés prioritairement au principal de la dette,
Fixe la créance de la BNP Paribas sur M. [G] [V] à la somme de 296 167,99 €, solde du décompte de créance au 23 avril 2019, sous déduction de tous les intérêts dont la banque est déchue dans les conditions précitées et sous déduction des sommes payées par la société Kosmeteeth après le 23 avril 2019,
Dans le cas d’un solde positif de créance,
Condamne M. [G] [V] à payer, dans la limite de la somme de 115 000 €, le solde positif de créance après déchéance du droit aux intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2018,
Dit que chaque partie conserve la charge de ses frais et dépens, en première instance et en appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT