9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 20/00216 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QMOB
CPAM D’ILLE ET VILAINE
C/
[Adresse 5]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Mars 2022
devant Madame Véronique PUJES, magistrat rapporteur, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats ;
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 07 Novembre 2019
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal de Grande Instance de RENNES – Pôle Social
****
APPELANTE :
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILAINE
[Adresse 3]
35024 RENNES CEDEX 9
représentée par Mme [K] [N] en vertu d’un pouvoir spécial
INTIMÉE :
LA Société NUTRI OUEST
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Anne-Laure DENIZE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Mathilde BOURGES, avocat au barreau de PARIS
EXPOSE DU LITIGE
Le 15 septembre 2016, la société Nutri Ouest (la société) a complété une déclaration d’accident du travail concernant l’un de ses salariés chauffeur-livreur, [J] [H], décédé le 14 septembre 2016 alors qu’il conduisait l’un des camions de son employeur.
La déclaration d’accident du travail mentionne les circonstances suivantes : ‘après avoir effectué une livraison et un rechargement, Monsieur [J] [H] regagnait le site de [Adresse 5] à [Localité 4]. M. [H] a eu un accident de la circulation à [Localité 1] au niveau de Kerlann. Il roulait dans le sens Rennes-Redon. Il est décédé malgré l’intervention des secours. Il semble avoir été éjecté de la cabine et écrasé par le camion. Le samu et les pompiers ont tenté de lui porter secours en vain’.
Le 3 janvier 2017, après enquête, la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine (la caisse) a notifié à la société la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, du décès de [J] [H].
Contestant cette décision de prise en charge, la société a saisi la commission de recours amiable le 28 février 2017.
Le 3 mai 2017, la société, contestant la décision de refus implicite de la commission en l’absence de réponse dans le délai réglementaire, a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d’Ille-et-Vilaine.
Lors de sa séance du 21 décembre 2017, la commission a déclaré la décision de prise en charge opposable à la société.
Par jugement du 7 novembre 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes a :
– déclaré la société recevable en son recours,
– déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident mortel survenu le 14 septembre 2016,
– infirmé la décision de la commission de recours amiable du 21 décembre 2017,
– condamné la caisse aux dépens.
Le 25 novembre 2019, la caisse a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 19 novembre 2019.
Par ses conclusions transmises le 25 février 2021, auxquelles s’est référée et qu’a soutenues sa représentante à l’audience, elle demande à la cour de :
– la recevoir en ses écritures, fins et conclusions,
– dire et juger qu’elle a respecté ses obligations et notamment son obligation d’information à l’égard de la société dans le cadre de son instruction,
– dire et juger qu’elle a permis à la société un accès au dossier de [J] [H],
– dire et juger qu’elle a respecté le principe du contradictoire dans le cadre de cette instruction,
– dire et juger que la présomption d’imputabilité du décès au travail doit s’appliquer,
– constater que la société ne rapporte pas la preuve d’une cause totalement étrangère au travail,
– déclarer la décision de prise en charge de l’accident mortel opposable à la société,
– infirmer le jugement entrepris,
– condamner la société aux dépens.
Par ses conclusions transmises le 24 juin 2021, auxquelles s’est référé et qu’a soutenues son conseil à l’audience, la société demande à la cour, au visa des articles L. 441-3, L. 441-66, L. 442-4, R. 441-10, R. 441-11 à R.441-14, L.411-1 du code de la sécurité sociale et 1353 du code civil, de constater que :
– dans le cadre de l’instruction, la caisse n’a pas recueilli les éléments nécessaires et notamment médicaux, pour permettre de déterminer l’origine, la cause de l’accident et l’imputabilité du décès à ce dernier,
– la carence de la caisse porte atteinte au principe du contradictoire,
– la caisse n’a pas recueilli les éléments nécessaires pour justifier du bien fondé de sa décision de prise en charge,
– la caisse ne l’a pas informée de la clôture de l’instruction relative au caractère professionnel de l’accident ni de sa décision de prise en charge de l’accident,
– la caisse n’a pas assuré une information claire et loyale sur la procédure d’instruction,
– le dossier remis par la caisse était incomplet,
– la caisse s’est abstenue de recueillir ses observations dans le cadre de l’enquête,
en conséquence,
– confirmer le jugement entrepris,
– déclarer la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle inopposable à son égard.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur le respect des obligations de la caisse
1- Sur les diligences de la caisse et les pièces constituant le dossier
Pour considérer que la prise en charge de l’accident mortel survenu le 14 septembre 2016 était inopposable à la société, les premiers juges ont retenu que l’absence totale de tout document médical, notamment le certificat médical de décès, dans le dossier constitué par la caisse privait l’employeur de la possibilité de solliciter le recours à une mesure d’instruction et constituait ainsi une violation de l’article R. 441-13 du code de la sécurité sociale faisant grief à l’employeur.
La société, qui reprend à titre principal cette motivation à son compte, rappelle qu’en application de l’article L. 441-3 du code de la sécurité sociale, la caisse est tenue de faire procéder aux constatations nécessaires dès qu’elle a connaissance d’un accident du travail ; que dans le cadre d’un accident mortel, elle est tenue de recueillir un certificat médical constatant le décès en application de l’article L. 441-6 dudit code ainsi que tout élément permettant de déterminer la cause, l’origine et l’imputabilité du décès à l’accident ; que ce certificat de décès doit faire partie du dossier constitué par la caisse en application de l’article R. 441-13 ; qu’enfin, la caisse peut solliciter une autopsie au visa de l’article L. 442-4.
Or, selon elle :
– le dossier consulté en décembre 2016 par son représentant ne contenait aucun certificat médical ;
– l’acte de décès, qui est un acte administratif, ne peut suppléer le certificat médical de décès ;
– la caisse n’a pas non plus sollicité le rapport d’autopsie qui lui aurait permis de déterminer les causes du décès ;
– en l’absence d’éléments médicaux, l’avis du médecin conseil sur l’imputabilité du décès à l’accident n’est pas étayé.
La caisse fait quant à elle valoir qu’elle a pris sa décision sur le caractère professionnel du décès de [J] [H] sur la base de l’acte de décès, de la déclaration d’accident du travail et des autres documents mis à disposition de l’employeur qui a pu consulter l’entier dossier le 26 décembre 2016 ; qu’aucun texte ne lui impose d’avoir en sa possession un certificat médical exposant les causes du décès en cas d’accident mortel.
Sur ce :
Aux termes de l’article R. 441-11, III du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009 applicable au litige, une enquête est obligatoire en cas d’accident mortel.
A réception de la déclaration d’ accident du travail puis de l’acte de décès de [J] [H] établi le 16 septembre 2016, la caisse a procédé à une enquête administrative (pièce n°7 de la caisse) ayant donné lieu à un rapport daté du 24 novembre 2016 dont il ressort que le salarié a été victime d’un accident à [Localité 1] le 14 septembre 2016 vers 11h20-11h30 alors qu’il terminait sa tournée commencée à 7h et regagnait le site de la société Nutri Ouest à [Localité 4] ; qu’il semble avoir été éjecté de sa cabine (il n’était pas attaché) et écrasé par son camion ; qu’il est décédé sur place ; que les analyses biologiques effectuées n’ont révélé la présence d’aucune substance toxique ou chimique ; qu’aux dires de son épouse, il ne présentait aucun antécédent de maladie cardio-vasculaire, avait réalisé un test d’effort en novembre 2015 n’ayant révélé aucun problème apparent, et se portait bien les jours précédant l’accident ainsi que le matin-même ; que ses collègues ayant échangé avec lui au départ de sa tournée puis lors d’une pause vers 10h n’ont eux-mêmes noté aucun signe anormal visible.
Le médecin conseil de la caisse a considéré le 6 décembre 2016 que le décès était imputable à l’accident (pièce n° 4 de la caisse).
La caisse a notifié à l’employeur le recours au délai complémentaire d’instruction le 9 décembre 2016 dans l’attente de l’avis du médecin conseil (pièce n° 5 de la caisse), puis, par lettre du 14 décembre 2016, l’a informé de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier avant la décision de prise en charge devant intervenir le 3 janvier 2017 (pièce n° 6 de la caisse).
Le 26 décembre 2016, M. [P], directeur de la société, a certifié avoir ce jour-là consulté ‘l’entier dossier administratif’ et s’être vu remettre des copies des pièces dudit dossier consulté (pièce n° 7 de la caisse). Il ressort de cette fiche de « consultation du dossier » ainsi souscrite que le dossier comprenait :
– la déclaration d’accident du travail,
– l’acte de décès,
– l’enquête réalisée par la caisse,
– l’avis du médecin conseil.
L’employeur a ainsi obtenu communication et copie de chacune de ces pièces.
Aucun texte n’impose à la caisse d’avoir en sa possession un certificat médical de décès exposant les causes de celui-ci, étant rappelé que l’acte de décès était en l’espèce versé au dossier consulté par la société.
Par ailleurs, la caisse n’est pas tenue à l’égard de l’employeur de procéder à une autopsie ainsi qu’il résulte des dispositions de l’article L. 442-4 du code de la sécurité sociale.
C’est encore en vain que la société reproche en l’espèce à la caisse de ne pas s’être fait communiquer le rapport d’autopsie réalisée dans le cadre de l’enquête pénale consécutive à l’accident mortel afin de connaître la cause du décès de [J] [H]. La cour observe en effet que l’employeur n’a fait aucune observation lors de la consultation du dossier le 26 décembre 2016, n’a jamais enjoint à la caisse de lui communiquer le rapport d’autopsie (dont il évoque pourtant l’existence dans sa lettre de recours devant la commission) et n’a lui-même jamais entrepris la moindre démarche auprès des services de gendarmerie ou du procureur de la république pour en connaître la teneur, étant rappelé en tout état de cause que l’accident étant survenu aux temps et lieu du travail, la présomption d’imputabilité visée à l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale s’appliquait.
La caisse a donc pu, au vu des documents susvisés constituant le dossier, rendre sa décision de prise en charge.
Quoiqu’il en soit, l’obligation incombant à la caisse, en application de l’article L. 441-3 du code de la sécurité sociale, de faire procéder aux constatations nécessaires (que ce texte ne précise pas) dès qu’elle a eu connaissance d’un accident du travail, ne saurait faire obstacle, motif tiré de l’insuffisance de l’enquête menée, à l’application de la présomption d’imputabilité de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que l’employeur ne saurait utilement se prévaloir d’un manque de diligence de l’organisme social dans l’instruction menée au soutien de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge.
2- Sur la mise en oeuvre d’une seule procédure d’instruction
La société reproche à titre subsidiaire à la caisse de n’avoir pas mis en oeuvre deux instructions, l’une concernant l’accident, l’autre le décès et de ne pas l’avoir informée de chacune de ces instructions ; plus précisément, elle lui fait grief d’avoir manqué à son obligation d’information en diligentant une instruction sur le caractère professionnel de l’accident du 14 septembre 2016 sans la tenir informée des suites qui y ont été apportées, les lettres qui lui ont été adressées en décembre 2016 et janvier 2017 ne portant en effet que sur l’imputabilité du décès à l’accident et sur la prise en charge dudit décès au titre de la législation professionnelle ; elle considère ainsi que préalablement à sa décision de prise en charge du décès, la caisse aurait dû l’informer de la clôture de l’instruction concernant le caractère professionnel de l’accident et de la prise en charge de ce dernier au titre de la législation professionnelle.
La caisse réplique qu’elle n’a instruit qu’un seul dossier dès lors que la déclaration d’accident du travail se rapportait à un accident ayant entraîné le décès du salarié ; que seul le médecin conseil peut se prononcer sur l’imputabilité du décès à l’accident et qu’elle n’a pas à notifier à l’employeur l’avis du médecin conseil sur cette question.
Sur ce :
C’est à juste titre que les premiers juges ont considéré qu’aucun texte n’imposait en l’espèce à la caisse de rendre deux décisions distinctes, l’une sur le caractère professionnel de l’accident et l’autre sur l’imputabilité du décès au fait accidentel ; il sera en effet rappelé qu’il s’agit d’un accident mortel comme indiqué dans la déclaration d’accident du travail complétée par la société et que le médecin conseil, dans le cadre de l’instruction de ce dossier d’accident mortel, a retenu l’imputabilité du décès à l’accident.
L’argument soulevé par la société est par conséquent mal fondé.
3- Sur l’obligation d’information de la caisse lors de la clôture de l’instruction
A titre subsidiaire, la société reproche également à la caisse de lui avoir remis un dossier incomplet dès lors qu’aucun certificat médical de décès n’y figurait, pas plus que les éléments relatifs à un précédent accident du travail du 21 juillet 2010 et à une rechute du 18 janvier 2011, ni même encore la facture des Pompes Funèbres.
La caisse réplique que sa décision de prise en charge a été faite au vu de l’acte de décès, de la déclaration d’accident du travail et des autres documents mis à la disposition de la société lorsque celle-ci est venue consulter le dossier, notamment le rapport d’enquête administrative ; qu’il n’a jamais été question d’annexer à cette enquête les documents relatifs à l’accident du travail dont l’assuré avait été victime le 21 juillet 2010, qui n’ont pas servi de fondement à sa décision ; qu’il suffit de constater qu’elle a bien mis à disposition de l’employeur tous les documents constitutifs du dossier, entendus comme étant ceux ayant servi de base à sa décision.
Sur ce :
Selon l’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l’employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d’en déterminer la date de réception, l’information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l’article R. 441-13 du même code, à savoir :
– la déclaration d’accident et l’attestation de salaire ;
– les divers certificats médicaux ;
– les constats faits par la caisse primaire ;
– les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;
– les éléments communiqués par la caisse régionale ;
– éventuellement, le rapport de l’expert technique.
Comme indiqué ci-dessus, la société a été informée par la caisse par courrier recommandé du 14 décembre 2016 de la possibilité de venir consulter le dossier, ce qu’a fait son directeur le 26 décembre 2016, la fiche de ‘consultation du dossier’ mentionnant que le dossier comprenait :
– la déclaration d’accident du travail,
– l’acte de décès,
– l’enquête réalisée par la caisse,
– l’avis du médecin conseil.
L’employeur a ainsi obtenu communication et copie de chacune de ces pièces, étant en outre observé que, s’agissant d’un accident mortel, l’acte de décès ou le certificat de décès se substitue au certificat médical initial.
La caisse, qui n’était pas tenue d’avoir en sa possession le certificat médical de décès ayant conduit à l’établissement de l’acte de décès versé au dossier consulté par la société, ne pouvait pas communiquer à l’employeur une pièce qu’elle ne détenait pas.
C’est également en vain que la société lui reproche de ne pas lui avoir communiqué les éléments concernant un précédent accident du travail remontant à 2010 (réaction allergique suite à une piqûre d’insecte dans sa cabine) et à une rechute de 2011 quand bien même celle-ci n’aurait été déclarée guérie qu’en juin 2016, dès lors que ces éléments, tout comme la facture des frais funéraires, n’ont pas été pris en compte par la caisse, étant rappelé encore une fois que l’accident s’est produit aux temps et lieu du travail entraînant l’application de la présomption d’imputabilité.
Ainsi, aucun manquement à ses obligations ne saurait être reproché de ce fait à la caisse.
4- Sur les conditions de réalisation de l’enquête
A titre subsidiaire, la société reproche enfin à la caisse d’avoir manqué au principe du contradictoire en faisant valoir que l’enquêteur ne l’a jamais interrogée et a pris seulement attache auprès du responsable qualité santé environnement de la société mère Le Gouessant qui n’est pas l’employeur de [J] [H].
La caisse réplique que c’est l’assistante RH/paie du groupe Le Gouessant qui a complété la déclaration d’accident du travail concernant [J] [H] et que c’est encore avec cette même société qu’elle a échangé s’agissant des éléments de salaire de l’assuré ; que la société n’est donc pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas interrogé l’employeur lors de l’enquête.
Sur ce :
L’article R. 411-11 III du code de la sécurité sociale dispose :
‘En cas de réserves motivées de la part de l’employeur ou si elle l’estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l’employeur et à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.’
Il en résulte que la caisse doit respecter le principe du contradictoire dans le cadre de son instruction.
Il ressort du rapport d’enquête établi le 24 novembre 2016 que l’agent enquêteur s’est entretenu avec la veuve de l’assuré et a contacté par téléphone M. [U], responsable qualité santé environnement de la société Le Gouessant, dont il n’est pas contesté qu’elle est la société mère du groupe auquel appartient la société Nutri Ouest, sa filiale. C’est bien à ce titre que la déclaration d’accident du travail a été faite par le service RH du groupe. L’enquêteur indique par ailleurs avoir réceptionné, via la [2], des éléments transmis par la société Nutri Ouest se rapportant à l’accident.
Il est indiqué dans ce rapport que M. [U] a :
– confirmé à l’enquêteur le déroulement des faits ainsi que la rencontre le 20 octobre 2016 avec Mme [F] de la [2] en présence de M. [S]’h directeur de la société Nutri Ouest pour répertorier les faits ;
– indiqué qu’une enquête de gendarmerie était en cours et qu’il ressortait des quelques éléments obtenus oralement que la victime n’était pas consciente au moment de l’accident, qu’elle n’était pas attachée et que les analyses médicales n’avaient rien pu démontrer ;
– indiqué que rien ne permettait d’affirmer que [J] [H] avait été victime d’un malaise, la question restant en suspens,
– conclu qu’il ferait part de l’appel de l’enquêteur à M. [S]’h.
Figurent en annexe de ce rapport les feuilles de route de [J] [H] pour le jour des faits et la ‘fiche d’analyse d’accident’ établie le 20 octobre 2016 par M. [U] à la suite d’une réunion au cours de laquelle étaient présents le rédacteur mais aussi M.[P] et Mme [F] de la [2]. Cette fiche d’accident retrace précisément les éléments d’information concernant la chronologie des faits précédant l’accident depuis la prise de poste de [J] [H] à 6h49 jusqu’à l’heure estimée de l’accident vers 11h20, avec le détail des livraisons prévues et effectuées ce jour-là, la pause de 10h et les échanges qu’a pu avoir le salarié avec ses collègues ; y sont également mentionnés la qualification du salarié, le résultat de la visite médicale d’aptitude du 30 avril 2014, les caractéristiques du camion et les quelques éléments de l’enquête pénale obtenus ci-dessus repris.
Il s’ensuit que si l’enquêteur n’a pas directement échangé avec M. [S]’h directeur de la société Nutri Ouest, il n’en demeure pas moins qu’il a échangé avec le responsable santé du groupe auquel appartient la société Nutri Ouest ayant manifestement piloté l’enquête interne dont il a rédigé les éléments au terme d’une note établie sur la base d’une discussion avec M. [S]’h notamment et des documents communiqués par la société Nutri Ouest.
A aucun moment M. [U] n’a indiqué être dépourvu de titre ou de qualité et la caisse a valablement pu en déduire qu’il était titulaire à tout le moins d’un mandat apparent.
Il y a lieu dans ces conditions de considérer que la caisse a respecté le principe du contradictoire au cours de son enquête.
En conclusion, dès lors que la caisse a rempli ses obligations à l’égard de la société, aucune inopposabilité de la décision de prise en charge ne saurait être encourue au titre de l’instruction diligentée.
II- Sur le caractère professionnel de l’accident
Il résulte de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale que : ‘Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise’.
Constitue un accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle ci. (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852)
Toute lésion survenue au temps et lieu de travail doit être considérée comme trouvant sa cause dans le travail, sauf s’il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail (2e Civ., 16 décembre 2003, n° 02-30.959).
Il appartient à la caisse, substituée dans les droits de la victime dans ses rapports avec l’employeur, de rapporter la preuve de la survenance d’une lésion en conséquence d’un événement survenu au temps et au lieu du travail. S’agissant de la preuve d’un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes.
Il incombe à l’employeur, une fois acquise la présomption d’imputabilité, de la renverser en établissant qu’une cause totalement étrangère au travail est à l’origine de la lésion.
Il n’est pas contesté que l’accident mortel est en l’espèce survenu aux temps et lieu de travail, ce dont il résulte, comme indiqué ci-dessus, que la présomption d’imputabilité s’applique.
La société n’établissant pas l’existence d’une cause totalement étrangère au travail, que ne révèle pas non plus le rapport d’enquête dont il a déjà été traité supra, c’est à bon droit que la caisse a reconnu le caractère professionnel de cet accident mortel.
Il y a lieu, dans ces conditions, de déclarer la décision de prise en charge opposable à l’employeur.
III- Sur les dépens
S’agissant des dépens, l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
Il s’ensuit que l’article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu’à la date du 31 décembre 2018 et qu’à partir du 1er janvier 2019 s’appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l’instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la décision de prise en charge de l’accident mortel survenu le 14 septembre 2016 est opposable à la société Nutri Ouest ;
Condamne la société Nutri Ouest aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRESIDENT