CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10382 F
Pourvoi n° D 21-11.472
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MAI 2022
M. [H] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-11.472 contre l’arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d’appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l’opposant à M. [J] [D], domicilié [Adresse 2], pris tant en son nom personnel qu’en qualité d’ayant droit d'[Y] [C],
défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [S], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [D], tant en son nom personnel qu’en qualité d’ayant droit, après débats en l’audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les
demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [S].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [S] fait grief à l’arrêt attaqué, partiellement confirmatif, D’AVOIR prononcé sa condamnation à payer à M. [J] [D] la contre-valeur en euros de la somme de 95 821,82 CHF au taux de conversion applicable au jour du présent arrêt, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour,
1°/ ALORS QUE le juge ne peut modifier les termes du litige ; qu’en l’espèce, il était admis par les conclusions concordantes des parties que les sommes visées par la reconnaissance de dette signée par les parties (118 785 CHF) correspondaient, d’une part, aux sommes remises par les prêteurs à M. [P] (80 000 CHF), d’autre part, aux sommes remises par les prêteurs à la société H&O Design (25 000 €, soit 38 785 CHF) ; qu’en refusant de reconnaître l’existence d’une corrélation entre les sommes visées par la reconnaissance de dette et les sommes ainsi remises par les prêteurs, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.
2°/ ALORS QUE le prêt qui n’est pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel dont la formation est subordonnée à la remise des fonds à l’emprunteur ; qu’en l’espèce, même si M. [S] avait signé une reconnaissance de dette, les juges du fond ont expressément relevé que les 80 000 CHF avaient été remis par les prêteurs à M. [P] et que les 25 000 € (38 785 CHF) avaient été remis par les prêteurs à la société H&O Design ; qu’il ressortait donc des propres constatations des juges du fond que la preuve était rapportée de ce que les fonds n’avaient pas été remis à M. [S] ; qu’en retenant pourtant l’existence d’un contrat de prêt liant les prêteurs et M. [S], après avoir constaté que les fonds n’avaient pas été remis à ce dernier, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1892 du code civil.
3°/ ALORS QUE, le mandat apparent suppose l’existence d’une erreur légitime ; qu’en l’espèce, il était constant que la somme de 80 000 CHF avait été remise, non à M. [S] mais à M. [P], en sorte que la remise des fonds au premier n’était pas établie ; qu’en se bornant à relever, par motifs éventuellement adoptés, que M. [P] avait travaillé avec M. [S] dans la même société, pour en conclure que la somme de 80 000 CHF avait été remise par Mme [C] au premier en qualité de « mandataire apparent » de M. [S], sans caractériser les conditions de l’apparence et, partant, l’existence d’une erreur légitime commise par le prétendu prêteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1984 du code civil.
4°/ ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que l’acte signé par M. [P] et les deux courriers de M. [P] non signés, produits par M. [S], n’énonçaient nullement que les sommes avaient été remises à titre de prêt à ce dernier, mais faisaient au contraire état de sommes remises aux fins d’entrée au capital de la société Coco- Mat ; qu’en jugeant que ces courriers confirmaient que M. [P] agissait comme mandataire de M. [S], ce dernier ayant la qualité d’emprunteur, la cour d’appel a dénaturé les trois écrits susvisés (prod. 6 à 8), en violation du principe précité.
5°/ ALORS QUE le contrat de prêt est conclu entre l’emprunteur et le prêteur, le premier étant seul tenu de restituer au second les fonds qui lui ont été remis ; qu’en l’espèce, s’agissant cette fois des 25 000 € (38 785 CHF) remis à la société H&O Design, les juges du fond ont constaté que c’était cette même société qui avait procédé au remboursement, ce qui confortait sa qualité d’emprunteur ; qu’en jugeant toutefois que le remboursement, par la société H&O Design, de la somme de 25 000 € établissait l’existence d’une confusion de patrimoine entre M. [S] et la société H&O Design, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser la qualité d’emprunteur de M. [S], auxquels les fonds n’avaient pas été remis, au lieu et place de la société H&O Design, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1892 du code civil.
6°/ ALORS QUE, subsidiairement, il est loisible aux parties de remplacer un premier accord de volontés par nouveau contrat qui vient s’y substituer ; qu’en l’espèce, M. [S] faisait encore valoir que les remboursements avaient été assumés par la société H&O Design puisque, en vertu d’un contrat de prêt régularisé entre les consorts [D] et [C] et la société H&O et le 12 décembre 2009 (prod. 5), cette dernière s’était substituée à lui en qualité d’emprunteur ; qu’en retenant néanmoins la qualité d’emprunteur de M. [S] en raison de l’existence d’une prétendue confusion des patrimoines entre ce dernier et les sociétés H&O Design et Stages Suisse, au demeurant non caractérisée, la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure la substitution d’emprunteur invoquée, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l’article 1892 du code civil.
6°/ ALORS QUE le remboursement d’un prêt est insuffisant à établir la qualité d’emprunteur ; qu’en l’espèce, même si les remboursements avaient été effectués par M. [S] (le tribunal ayant toutefois constaté, par motifs expressément adoptés, que les remboursements émanaient de sociétés tierces), une telle circonstance était impropre à caractériser l’existence d’un prêt consenti à M. [S] ; qu’en se fondant sur le fait que M. [S] avait effectué des paiements pour un montant global de 51 425,40 CHF et avait ainsi « commencé à exécuter les obligations mises à sa charge » pour retenir sa qualité d’emprunteur, circonstance impropre à elle seule à caractériser l’existence d’un prêt consenti à M. [S], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1892 du code civil.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
M. [S] fait grief à l’arrêt attaqué, partiellement confirmatif, D’AVOIR prononcé sa condamnation à payer à M. [J] [D] la contre-valeur en euros de la somme de 95 821,82 CHF au taux de conversion applicable au jour du présent arrêt, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour,
ALORS QUE le juge ne peut dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; qu’en l’espèce, l’acte portant reconnaissance de dette stipulait que « les emprunteurs ayant contracté des assurances décès invalidité IC, le décès de l’un ou de l’autre des emprunteurs dégage, de fait, M. [S] de la dette », de telle sorte que, en application de cette clause claire et précise, le décès de Mme [C], survenu en cours d’instance, avait eu pour effet de le libérer de la dette contractée ; qu’en condamnant néanmoins M. [S] au titre du prêt, aux motifs que cette clause ne s’entendait « évidemment qu’à la condition que le décès et la prise en charge par l’assurance survienne alors que les prêts concernés n’ont pas encore été totalement remboursés », la cour d’appel, qui a ajouté à l’acte une condition qu’il ne contenait pas, l’a dénaturé, en méconnaissance du principe précité.
Le greffier de chambre